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langue qu'une étude approfondie peut seule faire bien connaître.

Capables pour lors de rapprocher cette langue de celles d'où elle est dérivée, et de déterminer exactement la valeur de ses mots, les jeunes gens la saisiraient sous une face en quelque sorte nouvelle, et tout autrement intéressante que celle sous laquelle elle s'était présentée à leur esprit jusques alors, je veux dire sous la forme d'un vrai système de mots correspondant aux idées ou aux choses même, qui seraient autant de peintures de celles-ci, et dont l'existence et la valeur auraient toujours leur raison dans tout l'ensemble de la langue.

Alors les jeunes gens, en état de bien saisir le génie de leur langue maternelle et celui de plusieurs autres langues, d'en sentir et apprécier les beautés particulières, s'occupant sans cesse à faire des parallèles entre les bons auteurs qui ont écrit dans chacune d'elles, entre les beaux morceaux en chaque genre composés sur les mêmes sujets, s'attachant particulièrement à observer les points sur lesquels les auteurs se sont accordés et ceux où ils ont varié, les jeunes gens, d'un esprit mûr et déjà formé par de bonnes études, pourraient presque d'euxmêmes s'élever aux principes qui doivent régler leurs jugements sur les objets du goût, et se former de justes idées de la rhétorique, de l'éloquence, de la poésie et de tous les arts relatifs à

celui de bien parler, qui suppose celui de bien penser, et dès là même un jugement perfectionné. Alors ces arts intéressants, art de parler, art d'écrire, art de penser, pourraient tous être réduits à des principes communs, et un petit nombre de règles, qui sans cesse répétées sous différents points de vue, deviendraient pour les jeunes gens très familières et d'un usage si habituel qu'ils les suivraient comme sans s'en apercevoir et sans s'en écarter jamais. Les instituteurs, en cherchant par là à diminuer le nombre des règles, auraient soin, d'un autre côté, de multiplier les exemples, mais des exemples bien choisis et tirés des meilleurs auteurs.

Alors, et seulement alors, il serait à propos d'exercer les jeunes gens à des traductions, ou ce qu'on appelle des thèmes; encore pour rendre ces exercices utiles, faudrait-il quelques précautions.

On pourrait choisir quelque morceau de traduction de quelque auteur de la bonne latinité, et après que les jeunes gens se seraient appliqués à le traduire en latin correct et élégant, assorti au génie de la langue, on en ferait ensuite la comparaison avec l'auteur original, pour qu'ils pussent eux-mêmes saisir leurs propres défauts, et ce qu'il y aurait à réformer dans leur style pour atteindre à un plus haut degré de perfection.

Par ces exercices ils se familiariseraient avec les grands modèles, et se formeraient bien mieux le goût que par les règles de la gram

maire et même de la rhétorique. Par là encore, ils se mettraient en état de s'exercer à des compositions originales, ou dans leur langue, ou dans quelque autre où ils se seraient perfectionnés; mais ce ne devrait jamais être que sur des sujets dont ils auraient acquis une connaissance suffisante pour en parler aux gens instruits. On bannirait dès lors pour jamais ces harangues ou cries moulées sur les règles de la rhétorique, et qui n'offrent le plus souvent rien de sensé, rien de solide, rien même qui annonce le bon goût, parce que ces exercices roulent ordinairement. sur des choses que les jeunes gens n'ont jamais ni étudiées ni méditées, et dont ils n'ont que des idées fausses ou superficielles. Par les instructions qu'ils auraient reçues, ils se convaincraient aussi d'eux-mêmes qu'il est fort inutile de composer avant que d'avoir appris à penser et de s'être bien instruit du sujet qu'on veut traiter; enfin, que la première règle d'un discours est d'écarter tout ce qui n'est pas du sujet, et que quand on a dit l'essentiel, tout le reste est superflu.

Toutes les études dont on vient de parler conduiraient encore les jeunes gens à cette fleur de littérature, indispensable pour tous ceux qui se vouent aux sciences, et même aux affaires, et qui manque à nombre de personnes en place, faute d'avoir été bien dirigées dans l'institution; ce qu'on reconnaît aisément à leur façon de s'exprimer de vive voix ou par écrit.

En suivant le plan d'études que je viens de tracer, comme le mieux assorti à la nature et la marche ordinaire de l'esprit humain, les jeunes gens, à l'âge de dix-neuf ou vingt ans, auraient acquis toute la réflexion, le jugement et le goût que cet âge peut permettre; non seulement ils auraient considérablement étendu le cercle de leurs connaissances, mais ce qui vaut encore mieux, ils auraient acquis l'art et l'habitude de l'étendre par eux-mêmes; ils auraient appris à lire avec discernement, à méditer avec ordre et profondeur sur leurs lectures et sur les objets qui se présentent, à voir le monde avec fruit, et en général à s'occuper utilement pendant le reste de leur vie. Par là aussi ils se seraient mis en état de connaître et de bien juger par euxmêmes de la vocation qui pourrait convenir à leurs talents et à leur goût, ce qui est de la dernière importance.

Cette première éducation les aurait tellement disposés et préparés à recevoir la seconde nécessaire pour la vocation particulière à laquelle ils pourraient se vouer, que ce dernier noviciat ne leur coûterait que très peu de peine et de temps.

Politique, économie publique, jurisprudence, barreau, philosophie, mathématiques, médecine, philologie, critique, théologie, tous ces divers objets se trouveraient déjà tellement aplanis pour eux, qu'ils pourraient même sans maîtres, et sans autre guide que quelque plan de lectures et d'études, s'instruire suffisamment des objets

dont la connaissance serait nécessaire à leur vocation pour y devenir habiles.

Ainsi préparés de bonne heure par une suite d'études bien digérées, ceux qui seraient appelés à quelque emploi qui suppose la culture de l'esprit, se distingueraient par leur savoir, leur habileté, et j'ose l'assurer, par leur sagesse, leur prudence et leurs bonnes mœurs.

Les hommes, j'en conviens, ne suivent pas tous invariablement leurs principes; mais ceux qui pensent mal, agissant naturellement toujours mal, on ne peut rien en attendre de bon. Ceux, au contraire, qui sont solidement éclairés, feront le plus souvent et à l'ordinaire ce que demande la nature des choses, l'ordre et le plus grand bien; que si une passion les entraine dans quelque écart, ils ne tarderont pas à en avoir du regret et à revenir au droit chemin. L'homme qui pense ne peut pas souffrir longtemps le désagrément qu'il y a à se voir en contradiction avec soi-même; la lumière avec le bon sens conduisent ordinairement à la vertu ; l'ignorance et l'esprit faux précipitent dans le vice; ils produisent du moins toujours la présomption qui décide, approuve, condamne avec une égale témérité, et dès là même conduit dans toutes sortes d'égarements et de travers très funestes à la société.

Quant à l'éducation des jeunes gens dans les principes du christianisme, il est évident qu'elle doit être précédée 1o de leur instruction dans

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