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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

SUR LE

MIROUER DES FEMMES VERTUEUSES.

La première édition connue de cet opuscule est datée de Lyon, 1546, in-16. En voici le titre exact dans toute son étendue. « Le Mirouer des femmes vertueuses, ensemble la patience de Griselidis, par laquelle est démontrée l'obédience des femmes vertueuses; l'histoire admirable de Jehanne pucelle natifve de Vaucouleur, laquelle, par révélation divine et par grant miracle, fut cause de expulser les Angloys tant de France, Normandie, que aultres lieux circonvoysins, ainsi que vous verrez par ladicte histoire, extraicte de plusieurs croniques de ce faisant mencion. Imprimé nouvellement à Lyon M.D.XLVI. » L'année suivante, 1547, ce livret fut copié ou réimprimé à Paris, même format. La Bibliothèque impériale possède un exemplaire (L 1300) de cette seconde édition. M. Brunet indique plusieurs réimpressions subséquentes. De nos jours, cet opuscule a été réimprimé gothique en 1840 dans la collection de Silvestre. Il fait également partie de la Nouvelle Bibliothèque bleue de MM. Ch. Nodier et Le Roux de Lincy, 1842, in-12 (pages 249 et suivantes).

I

Cette petite composition a toujours passé jusqu'ici, mais à tort, pour originale et anonyme. Aucun nom d'auteur, il est vrai, ne se trouve dans les diverses éditions qu'elle a reçues : mais on peut facilement le reconnaître. Le Mirouer des femmes vertueuses, en ce qui concerne la Pucelle, consiste purement et simplement dans un extrait textuel des Grandes Chroniques de Bretagne, etc. Or on sait que ce dernier ouvrage a pour auteur Alain Bouchard. Les Grandes Chroniques de Bretagne parurent pour la première fois en 1514. Elles furent ensuite réimpri

1. Manuel, 1843, t. III, p. 406.

mées jusqu'à cinq fois de 1514 à 1541, date de la 6o édition'. Celle de 1518, la plus ancienne que j'aie pu consulter, est anonyme. L'auteur se désigne, sans toutefois se nommer, dans le préambule de son ouvrage; mais il est nommé en toutes lettres au frontispice de l'édition de 1531, Paris, Galiot Dupré, in-folio. Le chapitre où Bouchard traite de la Pucelle s'étend, dans cette édition, du feuillet clxxij recto au feuillet clxxv, verso. Chacun peut se convaincre de l'identité du texte en collationnant les deux livres ou passages ci-dessus indiqués. Le compilateur qui, en 1546, donna au public le Mirouer des femmes vertueuses, a commencé par extraire en bloc tout le chapitre des Grandes Chroniques où il était question de la Pucelle. Il y a joint une phrase ou deux d'introduction et d'épilogue, au commencement et à la fin de cet extrait. Il y a mis aussi diverses rubriques ou titres de paragraphes qui ne sont point dans les chroniques, tels que, par exemple: Comment Jehanne fut interroguée, etc. L'histoire de Griselidis a été traitée par un procédé analogue; puis l'éditeur a déguisé le tout sous un titre nouveau, qui a été, il n'y a qu'un instant, reproduit sous les yeux du lecteur 2

Pour mieux apprécier cette chronique abrégée de la Pucelle, il convient donc, maintenant que nous le pouvons, de se reporter à l'auteur. C'est ce que je vais faire en ajoutant quelques nouveaux détails aux notions que fournissent déjà sur ce personnage nos dictionnaires historiques 3. Avocat au parlement de Rennes et conseiller du duc François II, Alain Bouchard prit part à la révision des coutumes de Bretagne, imprimées en 1485

1. Voy. Brunet.

2. J'ajouterai, par manière de développement, que dans le Mirouer, l'extrait se trahit à divers signes. Le titre déjà l'annonçait, vaguement, il est vrai, par ces derniers mots: extraits de plusieurs croniques. Dans le texte proprement dit, le biographe de la Pucelle s'interrompt de temps à autre, pour raconter, par exemple, le mariage de Pierre II, duc de Bretagne, l'érection de la baronnie de Laval en comté, le couronnement du pape Eugène IV, etc. Tous ces fails sont complétement déplacés dans un Mirouer des femmes vertueuses ils ont une place très-légitime dans les Grandes Chroniques. Enfin l'histoire de la Pucelle se termine explicitement dans le Mirouer par cette note des éditeurs, à laquelle les bibliographes n'ont point fait assez d'attention: « Qui plus au long vouldra voir la dicte histoire, ensemble les gestes et guerres de iceluy temps, que eurent les François, Normands, Anglois, Bretons et Bourguignons, lise la cronique de Guaguin et de Bretagne. » (Exemplaire cité, L, 1300, feuillet signé B, 8 recto.)

3. Voy. la Biographie générale de MM. Didot, au mot Bouchard.

à Brehan-Loudéac. Ses Grandes Chroniques sont remplies de faits instructifs et intéressants, surtout pour ce qui regarde les temps les plus rapprochés de son époque. Cet ouvrage fut composé sous les auspices de la reine duchesse Anne, qui avait ouvert à Bouchard l'accès des archives ducales. En ce qui touche la Pucelle, notre chroniqueur naquit trop tard (étant mort après 1514) pour être le contemporain éclairé de cette héroïne. Son témoignage en effet est celui d'un homme qui n'a pu être informé qu'à distance des événements qu'il retrace. On y trouve de nombreuses inexactitudes de détails: Jeanne, dans son récit, ressemble au type romanesque que s'était fait l'opinion, et qui déjà, même chez ses partisans, occupait les esprits vers la fin du quinzième siècle. On peut dire cependant que si Bouchard a été induit sous ce rapport en erreur, il n'a pas du moins méconnu le caractère moral et essentiel de son personnage, et qu'il montre sous un jour vrai les sentiments de justice et de sublime dévouement qui guidaient la Pucelle. Dans ce chapitre mème, l'auteur des Grandes Chroniques témoigne de son zèle à puiser aux meilleures sources possibles de renseignements. A l'appui de cette assertion, j'invoquerai d'abord un exemple que d'autres ont avant moi signalé. Bouchard a le premier raconté, d'après le témoignage de deux nonagénaires par lui consultés à Compiègne en 1498, l'épisode de l'église Saint-Jacques de cette ville. Là, en présence d'une multitude d'enfants accourus autour d'elle, Jeanne, le matin même du jour où elle fut prise, aurait manifesté publiquement son appréhension d'être trahie, et prophétisé le dénoûment qui allait terminer sa carrière'. Un texte récemment découvert 2, et qui provient d'une source analogue à celle de Bouchard, concorde sur un point avec l'allégation de ce chroniqueur, c'est-àdire quant aux appréhensions de l'héroïne. Jean Le Féron, héraldiste et historiographe du seizième siècle, était natif et originaire de Compiègne. Sur un exemplaire imprimé des Annales d'Aquitaine, par Jean Bouchet, livre dont il était possesseur, Le Féron écrivit de sa propre main en marge du chapitre intitulé la Pucelle trahie et vendue (fo xxxvij), la note que nous allons reproduire. « Ladite pucelle, dit-il, estoit logée au logis

2

1. Grandes Chroniques, éd. de 1531, f. CLXXV; Mirouer, éd. Le Roux de Lincy p. 269. Voy. Quicherat, Procès, t. IV, p. 267 et suivantes, et Aperçus nouveaux chap. VIII, IX et x.

2. Voy. Moniteur universel du 1er avril 1855, page 364.

I. (Quatrième série.)

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du procureur du roy dudit Compiègne, à l'enseigne du Bœuf, et couchoit avec la femme dudit procureur, mère grand' de maistre Jehan Le Féron, appelée Marie Le Boucher et faisoit souvent relever de son lict ladicte Marie, pour aller advertir ledit procureur que se donnast de garde de plusieurs trahisons des Bourguignons', l'espace de sept mois, sept jours, et fut la dicte pucelle prinse sur le pont de Marigny par ledit de Luxembourg 2.»

D'autres indices semblent montrer qu'Alain Bouchard avait été en relations avec des serviteurs de la maison d'Orléans, qui appartenaient à une génération antérieure. Ces derniers se trouvaient en parfaite position pour l'instruire des événements relatifs à la carrière de l'héroïne. Malheureusement les communications spéciales qu'il reçut par cette voie, et qu'il a reproduites dans sa chronique, paraissent se réduire à peu de chose, ainsi que nous le montrerons bientôt. On remarque dans la chronique de la Pucelle par Alain Bouchard huit vers astrologiques, ou chronogrammes latins que nous devons premièrement transcrire :

Applicat ad Carolum sub Piscibus ausa Puella.
Ecce Puella valens Geminis juvat Aurelianos.
Victrix in Cancro fuit à Patay Marle Puella.
Grata Puella, scio, Caroli sexti bone nate,
Remis ad sacra te sistit et in Julio.
Nunc cadit in Geminis Burgundo vincta Puella.
Ignibus occubuit Geminis generosa Puella 3."

Ces huit vers forment sept phrases détachées, qui correspondent aux principaux événements de la vie de la Pucelle. Le distique Grata, etc., indique en la personne de l'auteur un contemporain de Charles VII. Cet auteur en effet est Eudes de Fouillac, et mieux certainement Oudart du Fouilloy, précepteur de Jean

1. Certainement il faut entendre ici, non pas les soldats du duc de Bourgogne qui assiégèrent la ville, mais les affiliés ou partisans que le duc avait conservés dans ses murs et qui menaçaient de la lui rendre. Compiègne était de la part de Philippe le Bon un sujet de convoitise, et Renaud de Chartres lui-même (chancelier de Charles VII) proposait de la lui céder.

2. Biblioth. impériale de Paris, réserve in-fol., L. 359.

3. Les lettres numérales indiquent la date des faits. Voy. Quicherat, Procès, t. IV, p. 273 et 313.

4. Le nom d'Eudes de Fouillac nous est fourni par Jean Duport, qui l'avait traduit ainsi d'après la forme latine du quinzième siècle : Odo de Fouilliaco? Il existe à la bibliothèque du Louvre, sous la cote F, 145, 3, une quittance originale par laquelle « Oudart du Fouilloy, maistre d'école de Mgr le comte d'Angolesme, » confesse avoir

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d'Orléans, comte d'Angoulême. Or ce prince, comme on sait, naquit en 1404 et mourut en 1467; il était frère de Charles, duc d'Orléans au temps de la Pucelle. « Eudes de Fouillac,» selon le témoignage de Jean Duport, l'un des biographes de Jean comte d'Angoulême, dédia à son élève un manuscrit intitulé Flos florum compilatus ex sacris dictis doctorum Ecclesiæ et moralium philosophorum;... ainsi que j'ai appris, continue Jean Duport, par ce manuscrit qui a esté trouvé par rencontre au chasteau de Loches... Il y a dans ce livre grand nombre de vers, mesme de [c'est-à-dire sur] la pucelle Jehanne... Le comte, poursuit le même biographe, aimoit les lettres et faisoit société des docteurs... Il aimoit spécialement un abbé de La Couronne nommé Pierre Bouchard ', lequel estoit très-docte homme etc. 2. » De son côté Jean Masson, chanoine d'Angoulême, dans son Histoire mémorable de Jeanne d'Arc, termine par cette citation l'un des morceaux liminaires placés en tête de cet opuscule :

3

Vers que je trouvay à Loches en l'an 1588, dans un manuscrit de Jean comte d'Angoulesme fils du duc d'Orléans....

Suivent les huit vers que nous avons transcrits ci-dessus d'après le texte même de Jean Masson.

J'ignore quels liens de parenté ou autres existaient entre Alain Bouchard et Pierre Bouchard; mais il semble très-probable que ces deux homonymes étaient parents, et que Pierre Bouchard dut servir d'intermédiaire entre Oudard du Fouilloy, auteur des vers chronogrammatiques et Alain Bouchard qui les a reproduits.

A la suite et à l'occasion de ces notes bibliographiques, nous placerons sous les yeux du lecteur le texte complet d'un document que nous avons allégué ci-dessus, page 554, note 4. Ce

reçu la somme de 22 liv. 10 s. t. pour un quartier de sa pension. On trouvera quelques nouvelles mentions de ce personnage dans un document que nous publions à la fin de cet article. Voir aussi Aimé Champollion-Figeac, Louis et Charles d'Orléans, page 312, et Laborde, Ducs de Bourgogne, preuves, t. III, p. 263 et 270.

1. Pierre Bouchard, vingt-cinquième abbé de la Couronne, de 1434 à 1462. (Gallia christiana nova, t. 11, col. 1046.)

2. Vie de Jean, comte d'Angoulesme, etc., 1588, in-4°; réimprimée en 1852, p. 63 à 65 (in-8°).

3. Paris, 1612, in-8°, à la fin de l'avertissement.

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