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CHARTES

DE

LA CHARITÉ DE N. D.

DE LA COUTURE DE BERNAI.

Il existe encore dans la plus grande partie de la Normandie, sous le nom de Charité, une corporation religieuse à peu près inconnue hors des départements de la Seine-Inférieure, de l'Eure et du Calvados, et qui, avant la Révolution, existait et prospérait dans les diocèses de Rouen, d'Évreux, de Lisieux et de Bayeux. Le but principal de ces associations pieuses était de rendre les derniers devoirs à tout chrétien habitant de la paroisse, qu'il fût membre ou non de la confrérie. Ce service fut toujours religieusement rempli, et, bien que les conciles 2 de la province aient plus d'une fois réprimé sévèrement les abus toujours inséparables d'une longue existence, jamais les évêques n'ont eu besoin de rappeler les confrères à l'accomplissement de leur mission première.

L'origine des Charités est à peu près inconnue. Quelques-unes prétentendent remonter à une très-haute antiquité, et, si nous en croyons la tradition, l'une d'elles, la Charité de Saint-Martin de Laudepeureuse 3,

1. « Caritas, sacrum sodalitium, idem quod confratria, Gall., Confrérie; D. Carpent., Gloss. M. et Inf. Lat., t. 1, p. 826, au mot Caritas. On a publié en 1847 un article curieux sur la Charité de Vernon, qui, si l'on en croit l'auteur, remonterait à l'an 1319, et aurait été fondée par la corporation des tailleurs de drap de cette ville. Voy. l'Illustration, samedi 13 mars 1847, vol. IX, p. 27-28, no 21.

2. « Opera.... laudamus, ut sunt divina officia et ornamenta ecclesiarum quorum« cumque etiam peste mortuorum sepulturas et exsequias, nec non in pauperes elee

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« mosynas; verum quoniam audivimus comessationes et ebrietates et alias, si non omnino malas, ineptas tamen confederationes et actiones, Caritatis nomine velari. >> Stat. Synod. Ebroic., an. 1576; D. Bessin, Concilia Rotomag., part. II, p. 392; et Concilium Rotomag., an. 1581, art. 34; D. Bessin, part. I, p. 223.

3. Arrondissement de Bernai.

aurait été fondée en mars 1080 par les sires de Thevray. Il est fâcheux que l'insoucianee, l'incurie et surtout la méfiance des frères de Charité se soient faites les auxiliaires fidèles des temps pour faire disparaître les quelques documents épars qui pourraient encore nous apprendre le passé de ces associations et fournir bien des renseignements utiles pour l'histoire locale.

Sans la bienveillance de M. Heurteux, curé de Saint-Croix de Bernai, qui s'est empressé de nous communiquer le livre de la confrérie attachée à sa paroisse, et sans la nécessité où se trouvait la Charité de Notre-Dame de la Couture de la même ville de connaitre les titres de sa fondation, jamais nous n'aurions vu ces chartriers campagnards s'ouvrir devant nous.

3

En tête de ce

La Charité de Sainte-Croix de Bernai ne possède plus maintenant qu'un manuscrit in-folio, moitié vélin et moitié papier, qui ne remonte pas au delà de l'année 1518, ainsi que le prouve le commencement de ce registre : « Ensuivent les noms des Freres et des Seurs servants « à la Charité de Sainte-Croix de Bernay, pour l'an mil cinq cenz dixbuit, par lesquels ce présent livre fut alloué a faire. livre, qui contient la nomenclature de tous les membres de la corporation, se trouve une mauvaise copie, fort incorrecte, faite au dix-huitième siècle, de la charte de fondation de cette confrérie, donnée par Guillaume VI d'Estouteville, évêque de Lisieux, le dixième jour de décembre 1400, et vidimée par Charles VI, roi de France. Cette charte, dont le préambule et la fin sont en latin, est écrite en français dans tout le corps de l'acte. Malheureusement la copie de ce diplôme paraît très-inexacte. C'est pourquoi nous avons préféré publier ici les titres de la confrérie de l'autre paroisse de Bernai, titres tout à fait identiques et que nous avons pu transcrire sur les originaux euxmêmes.

Les archives de la Charité de Notre-Dame de la Couture de Bernai sont un peu plus riches. Elles possédaient, en 1845:

1o Trois chartes originales sur parchemin.

2o Un livre manuscrit, in-folio, qui, semblable à celui de SainteCroix, est partie sur velin et partie sur papier.

La première de ces trois chartes remonte à l'année 1398. Donnée par les vicaires généraux du diocèse de Lisieux, en l'absence de l'évêque, Guillaume VI d'Estouteville, elle renferme et la fondation de la Charité de Notre-Dame de la Couture de Bernai et l'approbation des statuts, accordée à la requête des confrères. La deuxième, un peu plus récente, est de 1406. C'est une nouvelle édition, délivrée par Guillaume lui

même, du règlement de 1398, devenu plus étendu et plus complet. II subsiste encore dans la plupart de ses dispositions; c'est le texte que nous publions plus bas. Ces deux chartes sont écrites, comme celle de Sainte-Croix, partie en latin, partie en français. Le troisième document est une permission accordée en 1448, par Thomas Basin, évêque de Lisieux, de conserver dans l'église de la Couture un reliquaire renfermant des cheveux de la Vierge. Cette pièce, écrite en latin, était encore en 1845 scellée du grand sceau de l'évêché, en cire rouge. Le manuscrit remonte jusqu'à l'année 1398. Il renferme la liste, année par année, de tous les frères servants de la Charité. Cette sèche nomenclature présente de temps en temps, ainsi que dans le livre de Sainte-Croix, la mention d'un fait qui peut intéresser soit la corporation, soit la ville elle-même. Ces quelques renseignements sont malheureusement trop rares et trop concis. En tête de ce registre se trouvent la liste genérale des fondateurs de la confrérie, puis la copie du règlement de 1406, et enfin deux grandes miniatures, bien froissées aujourd'hui, dont la première offre la représentation de la Trinité, et qui n'est pas sans quelque sentiment de l'art. Mais plus loin l'on rencontre dans ce livre d'autres enluminures traitées avec le même soin et les mêmes procédés que les merveilleuses estampes de Crédit est mort ou du Juif Errant.

Nous demandons à nos lecteurs la permission de reproduire ici les quelques faits qu'il nous a été possible de relever dans les deux registres de Sainte-Croix et de Notre-Dame de la Couture, et qui peuvent se rattacher, soit à l'histoire de la province, soit à l'histoire de la ville. En procédant à cette véritable exhumation, nous serons peutêtre assez heureux pour attirer l'attention d'autres personnes sur les archives de confréries semblables, et pour aider à sauver de l'oubli et des injures du temps quelque document non encore exploré.

Le premier fait que nous trouvons mentionné, c'est, en 1417, au mois d'août, la retraite de la Charité de Notre-Dame de la Couture dans la ville de Verneuil, retraite causée par l'arrivée des Anglais à Bernai 1.

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L'an de grace mil .CCCC. et .XVII. fust ceste Charité << maintenue et gouvernée en la ville de Vernul, depuis le IIIIe jour du moys d'Aoust jusques a la feste de la Tous Sains prouchain ensuivant pour l'ocation et fortune de la venue a des Englois, en tous les poins, estatus, fourmes et manierez

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1. Livre de la Char. de la Coult., fol. 11 vo.

« contenues en l'Estatu d'icelle, sans diminution, tant en service

α

divin, c'est assavoir en nombre de messes o les luminare, « deux calices, encensies d'argent, livres de recete, messel et « ornemens solempniel a la louienter et agmentacion de la glore « de Dieu et de sa Mere, au proufit et acroissement d'icelle Cha« rité comme des habitans et demourans en ycelle ville, soy de « nouvel rendans en ycelle Charité, pour l'ostension et demonstrance des bienfais par eux congnus et cotidianement aperceulx..... Et fust ycelle Charité depuis le dist jour de la Tous « Sains, maintenue a Bernay, en l'eglise de la Coulture par « Germain Lemeistre poter, et au non de Guille Lemeisre, son « frere, etc. >>

"

Les confrères revinrent donc à la Toussaint, deux mois et demi après leur départ. Il est fâcheux que nous n'ayons rencontré aucun autre renseignement sur la guerre de Cent ans.

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Les registres se taisent moins pendant les guerres de religion. En 1562, «année d'hérésie, » les frères serviteurs de la Charité de SainteCroix «< portèrent des chaperons rouges, au terme du Saint-Sacrement, « année de crainte et de souffrance, à cause des hérésies qui estoient parmi le monde 1. » Arrive l'année 1574, année de discorde et de guerre civile; le comte de Montgommery, fait prisonnier à Domfront, est conduit à Paris. Il passe une nuit à Bernai, et son arrivée dans cette ville est le prétexte de quelques troubles. Aussitôt l'écrivain de Sainte-Croix, un poëte inconnu, s'empresse de noter ce fait lamentable, et ce en vers, s'il vous plaît:

Ne treuve la posterité

Mauvais ce qui est recité

Cy apres. Saichent toutes gens
Que l'an de Grace mil cinq cents
Septante et quatre justement,
Propre jour du Sainct Sacrement,
Le dixiesme de juing pour vray,
Par ceste ville de Bernay,
Passa bien hontex et marry
Le comte de Mont Gommery,

A tout mal tres expert et prompt,

1. Registre de Sainte-Croix, fol. 13 vo.

Qui tenoit fort dedens Domfront
Et chef des Huguenots estoit.
Lequel a Paris l'on menoit,

Pour recepvoir, pour son grand vice,
Quelque sentence de justice,
Telle qu'il avoit méritée.

La ville des lors fut si troublée,
Voire, et receut un tel dommage
A loyer le grant equipage
De gens de pied et de cheval
Qui menoient ce faux desloyal,
Qu'on ne peut faire l'eschevin.
Mais lendemain, jour saint Ursin,
Guillaume Guerni bon bourgeois
Par la pluralité des voix

Fut en cest office posé, etc'.

Quelques années plus tard, en 1589, Bernai, ville catholique et ligueuse, devint le refuge d'une bande de paysans soulevés à la voix de quelques ecclésiastiques et de barons des environs. Ces partisans s'appelèrent Gautiers, du nom du premier lieu de leurs réunions, la ChapelleGautier 2. Le comte de Brissac, un des héros de la Ligue, était leur chef. Le duc de Montpensier, François de Bourbon, alors occupé au siége de Falaise, accourut sur Bernai, battit Brissac et vint mettre le siége devant la ville. Prise une première fois, la cité se corrigea peu de son indocilité envers le roi ; aussi, l'année suivante, reçut-elle de nouveau la visite du duc qui, cette fois, fit donner l'assaut et mit les habitants à rançon. Ceux-ci furent condamnés, suivant les lois de la guerre, à racheter les cloches de leurs églises. Les deux Charités néanmoins ne cessèrent pas de fonctionner pendant tous ces désastres 3. Mais, si j'en crois une note un peu confuse, l'échevin de la Charité de Notre-Dame de la Couture, un boucher nommé Jean Porquet, joua dans tous ces désordres un rôle quelque peu suspect; aussi la main d'un confrère ombrageux a-t-elle eu soin de gratter sur le livre le nom de cet officier, peut-être criminel aux yeux des catholiques de la paroisse.

La rançon des cloches fut une grosse affaire pour les habitants de

1. Charité de Sainte-Croix, fol. 18, col. 1.

2. Voy. Odolant-Desnos, Hist. d'Alençon, t. II, p. 344-345; Masseville, Hist. de Normandie, t. V, passim.

3. Le registre de Sainte-Croix (fol. 23, col. 2 ro) renferme encore sur ces événe

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