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toutes ces choses furent remises avec autant de joie que de fidélité. Volnis et sa famille s'établirent dans la maison du fermier, si heureux de les recevoir et de leur céder ses deux plus belles chambres. Volnis, dans cet humble asile, auroit bien voulu se retrouver en liberté avec Elmire et ses enfans; mais Girard, sa femme et Jeanneton, leur fille unique, ne les laissèrent pas seuls un instant dans toute la journée. Ces bonnes gens revenoient à chaque minute pour leur apporter quelque chose de nouveau, quelque vieux meuque l'on venoit de découvrir dans la maison, une table, un fauteuil, des oreillers, des flambeaux d'un beau cuivre luisant, brillant comme de l'or, soigneusement nettoyés depuis vingt ans, pour ne s'en servir jamais; du linge fin, t ménagé aussi depuis le même temps, et tiré

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des armoires de madame Girard; des carafes remplies de fleurs offertes par Jeanneton. Sur la fin du jour les deux chambres se trouvèrent tellement encombrées et remplies, qu'on ne pouvoit plus s'y retourner. Comment repousser des soins rendus de si bon cœur? On en étoit à la fois et vivement touché et bien importuné, mais on les recevoit avec grâce et sensibilité. Enfin la nuit vint, et le fermier, sa femme et sa fille, excédés de fatigue, après avoir passé neuf ou dix heures à monter, descendre des escaliers,

déménager, porter des meubles, se décidèrent à s'aller coucher, et Volnis respira. Après un moment de repos et de silence, s'adressant à Charles et à Julie: Mes enfans, leur dit-il, vous ne trouvez point ici la pompe dont je vous ai parlé; mais vous y voyez ce qui vaut mieux que du faste, des serviteurs fidèles, des cœurs reconnoissans. Nous avons perdu tout ce qui peut fournir au luxe; la Providence nous a conservé tout ce qui donne l'aisance. Il est vrai que nous n'en pourrons jouir que par le travail, car il faut tout refaire, et cette obligation que le ciel nous impose, est un bienfait de plus; ces travaux de tout genre vous donneront une instruction solide et nécessaire; vous allez avec moi fonder votre héritage; vous allez apprendre à n'estimer que les richesses véritables, celles que nous offre l'ingénieuse agriculture. Vous, mon fils, vous me seconderez dans les soins relatifs à la culture de ces champs dévastés; et dans l'ordonnance des bâtimens qu'il faut reconstruire, vous m'aiderez à conduire les ouvriers. Nous n'élèverons point de somptueux édifices, et nous n'en serons logés que plus commodément; néanmoins nous tâcherons de mettre du goût dans nos distributions, et l'industrieuse économie nous fournira les moyens d'allier souvent l'agréable à l'utile, et l'élégance à la simplicité. Vous, ma chère

Julie, vous serez chargée de travailler dans l'intérieur de la maison, que les femmes sont faites pour embellir; et vous recevrez de votre mère les leçons et tous les exemples qui pourront vous former à cet égard; nous resterons dans cette humble demeure jusqu'à ce que nos travaux soient terminés, et que nous puissions, sans danger, loger dans des bâtimens neufs.

CHAPITRE II.

Les souvenirs.

LE lendemain matin Volnis se réveilla à la pointe du jour; son fils, couché dans sa chambre, dormoit profondément; Volnis se leva sans bruit pour ne point le réveiller; et comme il alloit sortir de la maison, il rencontra Elmire et Girard; ce dernier lui dit qu'il se disposoit à conduire Elmire sur l'emplacement du château, dans le lieu même où jadis étoit la chapelle. Et comment, dit Volnis, en reconnoîtrez-vous la place? Oh! répondit Girard, c'est dans cette chapelle que nous avons vu célébrer vos noces; j'ai su la marquer de manière à ne jamais la méconnoître! quand elle fut démolie, j'y semai à travers les décombres une quantité de graines de violettes, de muguet et de réséda, qui vinrent par grosses touffes l'année d'ensuite; aussitôt qu'on eut enlevé toutes les pierres, je plantai un ébénier à l'endroit même où jadis étoit l'autel, dont j'avois soigneusement marqué la place; l'arbre a prospéré, vous le trouverez tout couvert de fleurs. Durant l'absence de nos bons seigneurs, poursuivit Girard, nous n'avons pas, ma femme, ma

fille et moi, passé un seul jour sans aller prier là; nous nous y rendions chaque matin avant le lever du soleil : ce petit coin de terre nous tenoit lieu d'église, nous l'appelions toujours la chapelle du château; l'autel de marbre, les belles dorures, les belles peintures ne s'y trouvoient plus, mais le bon Dieu y étoit toujours; il recevoit nos prières, et il vient de les exaucer, puisque vous voilà de retour. Enfin, aussitôt que la religion et la tranquillité nous ont été rendues, j'ai façonné de mes mains une croix de bois, que j'ai placée sur un tertré de gazon au pied de l'ébénier.

Après ce récit naïf, Volnis attendri dit au bon Girard que ces renseignemens lui suffisoient pour découvrir et pour reconnoître ce lieu consacré par la religion et par de fidèles souvenirs. Girard entra dans la ferme, Volnis et Elmire prirent le chemin qui conduisoit à l'emplacement de l'ancien château. Ils étoient profondément émus l'un et l'autre; ils marchoient en silence. Au bout d'un demi-quart d'heure Elmire tressaille, elle aperçoit l'ébénier, dont les guirlandes de fleurs, d'un jaune éclatant et doré, retombent avec élégance sur la croix de bois qu'elles ombragent... Elmire serre doucement la main de Volnis.... Les deux époux s'avancent et se mettent à genoux au pied de la croix, à la même place où, dix-sept

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