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bitants de Saint-Domingue n'ayant pas la possibilité de recourir à leur légitime souverain pour les délivrer du joug qui les opprimait, ils invoquaient la protection de sa Majesté Britannique et lui prêtaient serment de fidélité.

Sachant combien la mesure de l'affranchissement des noirs avait rallié l'opinion créole à la cause anglaise, le gouverneur Williamson s'était d'abord contenté d'envoyer un faible corps de troupes qui débarqua à Jérémie, au mois de septembre 1793. Les portes du Môle Saint-Nicolas furent ouvertes au commodore Ford, et les Anglais devinrent ainsi maîtres de la plus forte place de l'île. Le pavillon de la Grande-Bretagne y remplaça celui de la France. Les Anglais trouvèrent dans le dernier port 200 canons et 200 milliers de poudre qui formaient la totalité de l'approvisionnement de la colonie. A la fin de l'année, les paroisses de Jean Rabel, de Saint-Marc, d'Arcahaye, de Boncassin et la province de Léogane reconnurent également la domination anglaise. Le 2 février 1794, les Anglais s'emparèrent du poste du cap Tiburon.

L'état critique de Saint-Domingue n'avait fait que s'accroître lorsque, appelés par le Directoire à combattre les ennemis de la France, les noirs purent compter et apprécier leurs forces. Désigné par le gouvernement pour commander en chef l'armée de Saint-Domingue, nommé ensuite gouverneur général à vie, Toussaint Louverture dont l'influence conservait seule cette riche colonie à la métropole, Toussaint sentait son ambition grandir avec sa puissance et, à la fin de 1801, il était en quelque sorte maître absolu dans l'île. Conformément à la convention passée entre lui et le commandant en chef des forces anglaises, le 9 mai 1798, celles-ci avaient complétement évacué les points qu'elles occupaient. Mais pendant cette courte occupation de quatre ans et huit mois, le gouverneur anglais qui avait bientôt vu l'impossibilité d'annexer cette belle colonie aux autres possessions de la Grande-Bretagne, avait travaillé à accélérer sa destruction. Pour arriver à ce

résultat, il avait dépensé 8,270,000 livres sterling-près de 207,000,000 de francs- (4).

Bonaparte voulut profiter de la paix pour rendre à la France son ascendant, et faire rentrer cette colonie révol tée dans le devoir. De nombreux préparatifs furent ordonnés dans tous les ports. Le vice-amiral Villaret Joyeuse, qui commandait toujours l'escadre de Brest, partit le 14 décembre 1801, avec 15 vaisseaux et 6 frégates portant 8,263 hommes de troupes et le général Leclerc nommé commandant en chef de l'expédition. L'armée navale était composée des vaisseaux l'Océan, le Mont Blanc, le Patriote, le Wattigny, le J.-J. Rousseau, le Jemmapes, le Gaulois, la Révolution, le Duquesne et le Cisalpin. Les quatre derniers n'avaient de canons que sur les gaillards, et que le nombre d'hommes indispensable pour manœuvrer. Les frégates étaient : la Fraternité, la Fidèle, la Furieuse, la Sirène, la Précieuse; la goëlette la Découverte faisait aussi partie de l'armée. Les vaisseaux espagnols Neptuno, sur lequel le lieutenant général Gravina avait son pavillon; San Francisco de Paula, San Francisco de Asis, San Pablo, Guerrero; la frégate Soledad et le brig Vigilante complétaient l'armée navale. Quelques jours après le départ, le Duquesne et le Neptuno furent obligés de relâcher, le premier à Cadix, l'autre au Ferrol. Cette armée navale se dirigea d'abord sur Belle-Ile où les divisions de Lorient et de Rochefort, commandées par les contreamiraux Delmotte et Latouche Tréville devaient se réunir à elle. Le premier rallia seul avec le vaisseau le Scipion, la frégate la Cornélie, la corvette la Mignonne et le brig la Pélagie. La division de Rochefort, composée des vaisseaux le Héros, le Foudroyant, le Duguay-Trouin, l'Argonaute, l'Aigle; des frégates la Guerrière, l'Uranie, la Clorinde, l'Embuscade, la Franchise et de la corvette la Bayonnaise, rejoignit l'armée devant Saint-Domingue. Le 9 janvier 1802,

(1) Rapport du comité des finances, 1802 à 1806.

le contre-amiral Ganteaume partit de Toulon avec les vaisseaux l'Indivisible, le Dix-Août, le Jean Bart, la Constitution et la frégate la Créole; le vaisseau le Banel et la corvette la Mohawk, tous deux armés en flûte. Quelques jours après, le Banel, commandé par le lieutenant de vaisseau Callamand, se perdit auprès d'Oran, sur la côte Nord d'Afrique. Les contre-amiraux Durand Linois, Bedout, Dumanoir Lepelley et Emeriau partirent successivement de Cadix, de Brest, de Flessingue et de Toulon. Trois vaisseaux hollandais et une corvette se rendirent aussi à SaintDomingue; la frégate la Poursuivante, capitaine Lhermite (Pierre), avait été adjointe à cette division. Tous ces bâtiments portaient des troupes. Le temps que ces diverses divisions perdirent à se chercher et à s'attendre, fit que le ralliement général sur la côte de Saint-Domingue dura plusieurs semaines, et l'effet moral que pouvait produire l'apparition subite de forces aussi considérables fut manqué; par suite, la crise qu'on redoutait eut le temps de fomenter. Toussaint Louverture refusa aux vaisseaux l'entrée de la rade du Cap Français, et il répondit au général en chef que le sort des armes ne ferait entrer l'armée française que dans une ville en cendres. On sait qu'il ne tint que trop bien sa parole. Au moment où l'armée navale donna dans les passes, la ville du Cap Français fut livrée aux flammes. Quelques jours après, la division du contre-amiral Linois mouilla sur cette rade; le vaisseau le Desaix se perdit en entrant; le San Genaro s'échoua: on l'envoya se réparer à la Havane, où les vaisseaux espagnols se rendirent aussi dès qu'ils eurent débarqué leurs troupes.

Les habitants de la Guadeloupe avaient imité ceux de Saint-Domingue; ils s'étaient insurgés contre l'autorité de la métropole. L'amiral Villaret Joyeuse avait mission de faire rentrer cette colonie dans le devoir. Mais les événements ne marchèrent pas à Saint-Domingue aussi vite que le gouvernement l'avait supposé; il fallut faire la conquête

de cette île, et le commandant des forces navales ne put remplir la deuxième partie de ses instructions. La restauration de Saint-Domingue était, en effet, le grand objet d'intérêt public pour lequel devaient être dirigés tous les mouvements de l'armée navale. La marine ne négligea rien pour remplir cette mission importante; tous les ports de la colonie furent soumis, les côtes gardées, les communications rendues faciles sur tous les points du littoral. Le contre-amiral Magon, auquel incomba plus particulièrement ce service, préserva de la destruction les quartiers de Mariboroux, de Vallière, d'Onaninthe et contribua à la prise du fort Liberté. L'armée française occupa bientôt tout le pays depuis Léogane jusqu'aux Gonaïves, et poursuivit le général noir Dessalines dans les montagnes de l'Artibonite. Mais pendant qu'on se battait dans l'intérieur de l'île, les généraux Toussaint Louverture et Christophe, réunissant quelques troupes et des milliers de cultivateurs noirs, tombèrent sur les environs de la ville du Cap Français et incendièrent toutes les habitations. Dépourvu de forces suffisantes pour défendre la ville, le général qui commandait dans cette partie de l'île demanda à l'escadre tous ses artilleurs et 1200 matelots qui lui furent d'un grand secours. L'espèce d'abandon dans lequel cette ville avait été laissée provenait de ce que le général en chef avait compté sur l'arrivée prochaine de la division hollandaise. Mais le vice-amiral Hartsinck ayant relâché à Tênériffe, ne mouilla que le 3 avril sur la rade du Cap Français, et ce retard priva la ville des renforts qu'on lui réservait et dont elle avait un besoin pressant. La division hollandaise partit de suite pour les États-Unis. Cependant les combats se multipliaient et les ravages de la fièvre jaune devenaient effrayants; les équipages des bâtiments n'étaient pas exempts de cette terrible maladie. Afin de ne pas afficher les pertes que l'on faisait, il fallut renoncer à rendre les derniers honneurs aux victimes de ce terrible fléau. Des renforts devenaient indispensables, et au lieu de

songer à détacher quelques milliers d'hommes pour faire rentrer la Guadeloupe dans le devoir, ainsi que cela avait été prescrit, il fallut au contraire en demander à la France. Mais les ressources de la marine étaient épuisées, et si l'on voulait des secours, il fallait aller les chercher. Le 20 avril, le vice-amiral Villaret quitta Saint-Domingue, laissant le` commandement des forces navales au contre-amiral Latouche Tréville qui conserva seulement 4 vaisseaux, 9 frégates, 5 corvettes et quelques bâtiments légers.

Quoique la soumission de Toussaint Louverture eût mis le général Leclerc en possession de la colonie, on ne tarda pas à éprouver une pénurie de subsistances inquiétante dans un pays ravagé par le fer et par la flamme. Bientôt aussi, des soupçons sur la fidélité de Toussaint Louverture nécessitèrent son arrestation, et il fut envoyé en France sur le vaisseau le Héros. L'enlèvement de ce général ne produisit pas dans la colonie la secousse à laquelle on avait lieu de s'attendre; mais des symptômes d'insurrection se manifestèrent, lorsque l'anéantissement dont l'armée semblait menacée par l'épidémie fit ordonner le désarmement des noirs. Des bandes d'insurgés parcoururent l'île et, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, ils virent augmenter avec la résistance le nombre de leurs partisans. Le 1er novembre, le général Leclerc succomba à l'épidémie; le général Rochambeau le remplaça dans le commandement de l'armée. Des renforts arrivèrent de France dans le courant de l'année. Quant au nombre des bâtiments affectés à cette station, il alla sans cesse en diminuant, le commandant en chef ayant reçu l'ordre formel de ne garder que ceux dont il aurait le plus strict besoin. Je n'ai pas à raconter ici cette guerre désastreuse de Saint-Domingue. Je n'entrerai pas davantage dans le détail des services que la marine rendit pendant cette triste expédition. On conçoit combien ils durent être nombreux et variés dans un pays où il n'existait pas une route, dans une guerre où il fallait attaquer des villes placées sur le

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