Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

sance usurpée, pour donner de la publicité à un rapport confidentiel. Cependant la prévention était si grande que le rapport du procureur du roi Boucly, malgré son absence complète de logique et de preuves, parut une démonstration sans réplique de la culpabilité de M. Libri.

Celui-ci avait dû se retirer à Londres pour échapper à une longue prison préventive et à des rigueurs peut-être plus redoutables encore. Pendant qu'on livrait ses papiers, les débris de sa fortune, son domicile à des commissaires, dont le choix semblait déjà une condamnation, et qui étaient loin de remplir leur mandat avec la régularité et la sévérité convenables, M. Libri, ramassant son courage, répondit victorieusement au procureur de l'ex-roi. Je dis victorieusement, car il n'est personne de compétent en Europe qui n'en ait jugé ainsi. La lettre de M. Libri à M. de Falloux achève de réduire au néant tout l'échafaudage élevé par des ennemis envers lesquels peut-être il n'est pas sans quelque tort. Mais la question n'est pas là.

M. Libri démontre à l'évidence que les faits énoncés avec précision par M. Boucly sont faux ou entièrement dénaturés et que les inculpations vagues, conjecturales, auxquelles ce magistrat se livre complaisamment, n'ont aucune valeur. Il montre en outre qu'il possédait déjà une bibliothèque considérable avant d'habiter la France, en constatant par les déclarations des banquiers les sommes qu'il a consacrées à l'achat de collections entières et les remises importantes que lui faisait sa mère.

Un argument dont on semble se servir contre lui avec avantage, c'est que parmi ses livres un grand nombre portent les estampilles d'établissements publics de France. C'est ici qu'une défense individuelle devient d'un intérêt général, et qu'un simple factum juridique se transforme en document bibliographique du plus vifintérêt.

M. Libri établit d'une manière péremptoire que les archives et les bibliothèques de France sont depuis longtemps mises au pillage de la façon la plus scandaleuse, pillage pratiqué tantôt avec des formes légales, tantôt avec la complicité de la négligence ou de la mauvaise foi. Une quantité énorme de livres à l'estampille de la bibliothèque nationale de Paris est aujourd'hui dans le commerce, sans qu'on puisse suspecter la bonne foi des détenteurs. A la mort de M. Auger, de l'académie française, on trouva chez lui plus de 300 vo

lumes de la bibliothèque royale; il y en avait chez M. Daru, il y en a partout et Londres principalement en regorge. Pour en convaincre, M. Libri renvoie à M. de Falloux 203 volumes à estampilles qu'il a recueillis en deux ou trois jours dans la capitale de l'Angleterre. Le bibliophile Jacob va jusqu'à estimer à50,000 le nombre des volumes détournés de la bibliothèque nationale depuis une soixantaine d'années. Si donc on a trouvé dans le cabinet de M. Libri des livres à estampilles, ce n'est pas un motif solide pour l'accuser de larcin; bien plus, à différentes reprises il restitua aux bibliothèques de France des livres et des manuscrits qui lui semblaient avoir été dérobés; il avait donné des ordres pour qu'on mît à part tous les livres estampillés, pour les restituer quoique légitimement acquis, et enfin il avait même offert de faire don de toute sa bibliothèque à celle du palais Colbert, à condition qu'elle resterait réunie. Ce n'est pas là certes le procédé d'un voleur!

Les renseignements fournis par M. Libri nous apprennent une foule de particularités aussi singulières que déplorables. Ainsi, de 1820 à 1825, cent cinquante-trois manuscrits in-folio et la plupart sur peau vélin ont disparu de la bibliothèque de l'Institut sans que personne s'en soit mis en peine; on a écrit en marge du catalogue, à côté de chaque article, le mot manque, et puis l'on s'est tenu en repos. Conçoit-on néanmoins le vol de 153 volumes in-folio et en parchemin, dans un espace de temps si court et malgré de nombreux surveillants? Les archives de l'Institut n'ont pas été mieux préservées que ses manuscrits; que de pièces sorties de ces archives figuraient parmi les autographes de la respectable marquise de Dolomieu, dame d'honneur de la reine! La bibliothèque royale en avait vendu, et des plus précieuses, pour une misérable bagatelle, à MM. de Monmerqué, Campenon, Fossé d'Arcosse, etc., etc. Nous ne suivrons pas plus longtemps M. Libri dans cette énumération des pertes scientifiques de la France. Cette seconde apologie ne lui suffit pas néanmoins; pour ouvrir les yeux aux plus incrédules, il va publier incessamment le catalogue des manuscrits qu'il a vendus à Lord Ashburnham, avec l'indication exacte de la provenance de chacun d'eux. M. Paul Lacroix lui prête son concours pour la publication de ce nouvel ouvrage, qui sera précédé d'un Mémoire sur les bibliothèques et les archives publiques de France.

Pour nous, qui avions d'abord été entraînés par cette rumeur passionnée qu'on prend trop souvent pour l'opinion publique, nous devions une réparation éclatante à M. Libri. Dans tout état de cause, dès qu'il mettait le bon droit de son côté, nous ne pouvions manquer de protester en sa faveur. La justice et la vérité nous trouveront toujours parmi leurs défenseurs intrépides nous laissons à d'autres l'odieux secret de caresser en même temps le persécuteur et la victime et de ménager toutes les iniquités en crédit.

DE RG.

BIBLIOTHÈQUE DU MARQUIS DU ROURE.

Parmi les ventes qui se sont succédées cet hiver à Paris, ventes qui méritent bien que le Bibliophile Belge s'y arrête un instant, il faut signaler celle de M. L. M. D. R. Nous ne nous rendrons point coupables d'indiscrétion en disant que ces initiales désignent M. le marquis du Roure.

Auteur d'un ouvrage de bibliographie curieux et digne d'être recherché (l'Analectabiblion, Paris, Techener, 1856, 2 vol. in-8°), cet amateur avait réuni une collection bien choisie et assez nombreuse, puisque le catalogue ne renferme pas moins de 2,400 numéros. Les prix d'adjudication n'ont pas en général été bien élevés; la crise politique de 1848 a fait subir aux livres (ainsi qu'à beaucoup d'autres choses) une dépréciation que le retour d'une confiance difficile désormais à obtenir pourrait seule effacer.

Quelques volumes ont toutefois chez M. du Roure obtenu des prix plus élevés que ceux qu'ils avaient atteints dans d'autres ventes bien connues. C'est ainsi qu'un bel exemplaire relié par Duseuil et non cartonné, de l'Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, 1670, a été adjugé à 160 fr., après avoir été payé 150 fr. chez Pixerécourt. Un Horace Elzevir, 1676, vendu 70 fr. chez Caillard, s'est élevé jusqu'à 111 fr. A côté de ces bonnes fortunes, nous pourrions, il est vrai, signaler bien des revers. Nous nous en tiendrons à un seul exemple. Un exemplaire de l'Imitation, traduite par l'abbé de Choisy (Paris, 1692), exemplaire qui avait appartenu à Madame de Maintenon,

ainsi que le prouve la croix de Saint-Cyr qui se trouve sur les plats du volume, et qui avait coûté 100 fr. à la vente Nodier en 1842, a été abandonné pour 53 fr. On sait que cette édition peu commune doit sa célébrité à la figure du livre II où madame de Maintenon est représentée entourée des demoiselles de Saint-Cyr, avec la légende : Audi, filia. La malignité complétait ainsi le verset: Et vide, et inclina aurem tuam, et concupiscet rex decorem tuum.

Un exemplaire des Marguerites de la Marguerite des princesses, Lyon, 1547, orné d'une reliure soignée, mais moderne, est monté à 126 fr.; les Codicilles de Louis XIII, livre plus précieux et plus rare, sont restés à 51 fr., malgré l'habit de maroquin vert doublé de tabis que leur avait donné Derome. Nous renvoyons à l'Analectabiblion, tom. II, p. 213, ceux qui seraient curieux de connaître le contenu de ces étranges Codicilles; ils ne sont nullement l'œuvre du monarque dont ils portent le nom.

Les Dictionnaires caraïbe-français et français-caraïbe du jésuite Raymond Breton n'ont été payés que 33 fr. en dépit d'une belle reliure anglaise, et quoiqu'on y eût joint un Petit catéchisme ou sommaire des trois premières parties de la doctrine chrétienne traduit de la langue des Caraïbes insulaires. Cet opuscule du Père Raymond n'est pas indiqué dans l'article du Manuel du libraire, tome IV, p. 30, dernière édition. Il se compose de 55 feuillets y compris le titre ; imprimé à Auxerre, ainsi que les dictionnaires, mais un an ou deux auparavant, en 1664, il est très-difficile à rencontrer.

Un des volumes les plus rares de la bibliothèque Du Roure, et celui qui proportionnellement a été payé le plus cher, va terminer cet aperçu; il s'agit du Pastissier français sorti en 1665 des presses de Louis et Daniel Elsevier; l'exemplaire relié en vélin doublé de tabis et orné de compartiments a trouvé amateurs jusqu'à 171 francs. M. Dereume, dans sa traduction libre des Recherches sur les Elseviers, de M. Rammelman-Elsevier, 1847, pages 116 et 117, signale seulement cinq exemplaires de ce livre assez mal imprimé, mais nécessaire pour compléter une collection elsévirienne. S'il avait dû le jour à tout autre imprimeur, il ne rencontrerait jamais un prodigue assez dégoûté d'argent pour donner en échange la plus petite fraction de la plus mince monnaie du plus vil métal qui ait été illustré d'une effigie impériale ou nationale.

G. BRUNET.

NOTE SUR UNE ancienne COMÉDIE ITALIENNE PEU COnnue.

La composition dramatique à laquelle nous allons consacrer quelques lignes est une pastorale dont aucun bibliographe, à notre connaissance du moins, n'a parlé avec quelques détails; elle a pour titre :

Pellagrilli, Comedia di M. Ascanio Cacciaconti, Sanese. L'édition que nous possédons, imprimée à Sienne (vers 1550, 24 feuillets in-8°) figure au catalogue Soleinne (consultez les notes des nos 4171 et 4172, et notez que le catalogue Libri mentionne, no 1862, une autre édition de Sienne, 1630).

Les dicitori sont au nombre de six: Pellagrilli et Beccafonghi, Villani, le pasteur Lucio, la nymphe Mamilia, Mercure et Diane.

Ces divers personnages conversent entre eux assez longuement et sans qu'on aperçoive bien le but de leurs entretiens. L'intrigue est nulle; la mise en scène des acteurs paraît destinée à faire passer quelques instants à des spectateurs peu exigeants et qui se contentaient sans peine de ce qui leur était offert. Cette pièce est une de celles que la réunion dei Rozzi jouait devant les habitants de Sienne, et on était à l'avance tout disposé à se montrer indulgent pour des compatriotes. Afin de donner une idée du style de cette composition, style émaillé parfois de singuliers jurons, nous allons transcrire le début de la première scène.

Pellagrilli dice

Lucio? L. Che c'o. P. Gliè presso a dodici hore
E so anco digiuno e mangiarei

Vna micca maggior ch'vn zappatore.

LUC. Deh non dur piu trauaglio a' dolor miei;
Aspetta un po, fin che facci ritorno

Il padre mio dal regno de li Dei.

PEL. Gli stà tanto. L. E' puo far poco soggiorno.
Tace vn po; siede; non m'esser molesto.
PEL. Orsu si trarru mentre il pan del forno.
Misericordia? che diauol' è chesto?

LUC. Vn' huom seluaggio. P. E io du fo salita,

Eh fanmi vn po'l poggiuol ch'io sagli presto;

« ZurückWeiter »