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sidérés comme les premières causes de l'accroissement successif des dépenses. - Mais ce ne sont pas les seules; le concours et l'influence d'un grand nombre d'agens sur ces dépenses font que chacun d'eux se livre plus facilement aux considérations de faveur, de protection et d'amitié qui peuvent le déterminer, tandis qu'aucun ne prend jamais sur son compte la force négative de tous.

On remarquera toujours dans l'administration les traits caractéristiques des passions qui tiennent à ses vices: ainsi, de même qu'un homme désordonné dans ses affaires est tout à-la-fois avare et dissipateur, difficultueux et inconsidéré s'embarrassant sans cesse de petits détails, et perdant de vue ses intérêts majeurs ; de même le département de la marine est depuis long-temps un abîme de papiers, de bordereaux et d'états où l'on trouveroit les plus grands détails pour les plus petites dépenses, sans principes et sans moyens pour en régler l'ensemble et pour en apprécier les résultats; parce qu'on a toujours dépensé à crédit et presque toujours acheté au moment du besoin; parce que les dépenses d'une année se mêlent à celles d'une autre ; parce que la surabondance des formes produit une sé

curité funeste sur les mouvemens d'argent et de consommations, parce que des subalternes experts dans toutes les formes d'écriture et de langue financiere en ont formé un code mystérieux, que les ministres et les administrateurs ont toujours respecté comme le palladium de l'économie.

Exposer les causes de l'accroissement des dépenses, c'est indiquer les moyens d'une juste appréciation; mais avant de m'y arrê ter, je dois faire connoître en quel état se trouve la comptabilité de la marine, pourquoi elle est arriérée, et comment on parviendra à la mieux ordonner.

La comptabilité, qu'on a si mal-à-propos compliquée, n'est autre chose que les pieces justificatives d'une dépense.

Il faut que ces pieces soient authentiques; voilà ce que prescrit la raison : mais leur nombre, leurs formes, la multiplicité des états et des signatures au-delà du nécessaire, voilà ce qui n'importe point au maintien de l'ordre, et ce qui y nuit le plus sûrement; car l'absence d'une signature très-souvent inutile, le vice textuel d'un état qui n'ajoute rien à la preuve d'une dépense, retarde la reddition d'un compte; la trop grande pluralité des signatures qui

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se garantissent l'une et l'autre atténue la surveillance et la responsabilité de chacun.

Ensuite la diversité des pieces nécessaires à la décharge du trésorier nuit,à la prompte expédition des comptes. Il faut, pour tel genre de dépense, rapporter une décision du ministre, pour tel autre un ordre du roi trois, quatre, cinq officiers différens doivent signer un état; et cependant on paie provisoirement sur l'ordre de l'ordonnateur; de sorte que ce n'est qu'après la dépense faite qu'on y applique les formes et qu'on y supplée par d'autres formes, par des ordres du roi, par des lettres ministérielles, quand il y a impossibilité de remplir les premieres: ainsi, toute cette science se réduit à mettre une grande importance aux formes, mais à les violer quand on le juge à propos, et à multiplier les simulacres de preuves, lorsqu'il seroit si raisonnable et si utile de s'en tenir à celles qui suffisent.

La chambre des comptes a adopté et consacré toutes ces formules: cette cour, qui devroit avoir, pour être utile, l'inspection effective des dépenses, et jurisdiction sur les administrateurs qui les ordonnent, déploie toute son autorité, non pas sur la

conduite des comptables, mais sur la forme nominale arithmétique des pieces qu'ils produisent; et tel compte de la marine qui coûte cent mille francs d'épices pour la chambre, et qui l'occupe pendant un an, ne produit pas quelquefois pour cent écus de remarque et de radiation; car la chambre ne peut ni vérifier ni connoître un marché onéreux, une dépense exagérée, lorsque les pieces qui les justifient matériellement sont revêtues des formes exigées.

Ainsi, l'institution de la chambre des comptes, sagement motivée dans son origine pour surveiller les négligences et les déprédations, a été tellement altérée, et se réduit aujourd'hui à des fonctions si dérisoires, qu'on auroit lieu de s'étonner qu'elles puissent convenir à des magistrats, si l'on n'avoit compensé leur nullité par des distinctions, des prérogatives et des émolumens correspondans à la finance de ces charges.

On conçoit parfaitement que l'administration supérieure, attirant tout à elle, et ne voulant être responsable qu'au monarque, avoit autant de prétextes que de facilités pour annuller la surveillance de la

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chambre des comptes; mais, quels que soient aujourd'hui les formes et les principes adoptés pour le régime économique des départemens et pour les tribunaux de justice, je crois cette jurisdiction très-importante à rétablir dans toute son étendue.

Il n'est pas moins essentiel de fixer la comptabilité et de la rappeller à ses principes primitifs, qui doivent être l'authenticité; et, autant qu'il se peut, l'évidence des recettes et des dépenses.

Les paiemens arriérés y nuisent infiniment; car c'est alors que les doubles emplois, les confusions de noms, les erreurs des dates, nécessitent les délais et les explications.

Les paiemens par à comptes ont aussi l'inconvénient de multiplier les écritures et de favoriser les erreurs ; ainsi tout est lié, tout se tient, dans un bon systême d'économie. L'exactitude suit la simplicité; l'une et l'autre sont les compagnes de l'ordre qui produit seul l'économie. Dans l'état actuel, il n'y a rien de tout cela; comptes sont arriérés de dix années. Ceux de la derniere guerre sont inextricables; on a dû pendant cinq ou six ans la solde des matelots, et les comptes d'armement

les

ceux

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