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nir. Le capitaine de navire, qui peut être aujourd'hui à cinquante ans un homme dis tingué comme navigateur et comme citoyen, quoiqu'il n'ait aucun grade militaire, parce qu'il ne les a jamais recherchés, sera réputé un homme très-médiocre, si, étant fait enseigne de vaisseau à 20 il n'est pas lieutenant à 40; et cependant combien y en aura-t-il qui ne pourront pas y parvenir ? Comment empêchera-t-on que dans le grand nombre de jeunes gens qui seront reçus aspirans, il n'y en ait qui se vouent obstinément à la carriere militaire, et qu'ils n'obtiennent au concours, par une instruction plus soignée, la préférence sur les navigateurs commerçans? Ce n'est donc pas leur avantage; c'est encore moins celui de l'état qu'on vous propose; c'est une innovation bisarre et dangereuse, provoquée d'une part, par des prétentions inconsidérées, et de l'autre par les écarts de la popularité.

Le plan très-populaire que je viens aussi de vous indiquer, mais qui ne me paroît pas le plus militaire, prévient toutes les objections, toutes les observations faites et à faire à l'appui des prétentions des navigateurs commerçans; celle qui fournit le

plus à l'argumentation est la circonscription de tous les marins, qui les assujétit à un service militaire, et qui leur donne droit conséquemment aux titres et aux honneurs militaires. Je ne conteste point cette proposition, mais je l'explique dans le sens naturel, dans le seul sens raisonnable qu'elle puisse avoir.

Certainement l'homme qui remplit un service militaire doit participer aux avantages comme il participe aux charges, et dans la même proportion. Si son service est continuel, c'est alors son état, sa pro fession, et il convient de lui assurer le complément des avantages de cette profes sion, de maniere que nul autre ne soit mieux traité à mérite égal; si le service est instantané, il faut deux choses pour être juste avec celui qu'on soumet par intervalle à un tel service, lui laisser la liberté et les moyens de quitter ou de poursuivre sa carriere, lui assurer une somme d'avantages équivalente à la 'nature et la durée de son service; si ces conditions peuvent être remplies pour les capitaines et officiers. marchands, et se concilier avec une bonne organisation militaire, ils n'ont pas à se plaindre.

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Il est juste que les capitaines de navires. aient le rang d'officiers dans l'armée navale aussi-tôt qu'ils y sont appellés; il est juste que ceux qui auront servi en cette qualité en obtiennent le brevet, et qu'ils aient les moyens de poursuivre la carriere militaire, en se présentant au concours pour les places de lieutenans entretenus; il est juste que tous les navigateurs du commerce qui se sont distingués à la guerre par des actions éclatantes obtiennent dès ce moment ci tous les grades, toutes les récompenses auxquels ils ont droit; mais aussi il n'y a que cela de juste, le reste est inutile ou dange

reux.

la

Et que l'on ne croie pas qu'en éloignant toute autre prétention je nuise à la considération qu'il convient d'accorder à l'état de capitaine de navire; c'est ce qu'on vous propose qui nuiroit le plus à cette classe en général, en en favorisant quelques-uns. Il est de toute évidence qu'aussi-tốt que profession de marin sera réputée uniquement militaire, ceux qui ne pourront dépasser le grade d'enseigne de vaisseaux auront dans la navigation marchande et dans l'armée navale l'existence la plus subalterne. Il en seroit de même pour les

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gardes nationales, si on leur donnoit des grades communs, si on les admettoit en concurrence pour les emplois soldés avec les troupes de ligne : le grand art du législateur est d'assigner à chaque état la considération qui lui est propre, et de n'en soumettre aucun aux préjugés, aux prétentions d'un autre état; mais le plus grand des dangers pour la liberté, la vue la plus funeste qu'on puisse avoir en politique, est d'attribuer à une seule profession, celle des armes, par exemple, la mesure des honneurs et prérogatives qui peuvent appartenir aux autres; ainsi, en Russie les grades militaires sont l'échelle commune de tous les rangs de l'état civil: un juge, un médecin, un avocat obtiennent le rang de capitaine, le rang de major; et en Turquie, on sait qu'il faut être janissaire pour être quelque chose.

C'est ainsi que vous courez le risque, par cette manie des rangs, des honneurs militaires transportés hors de leur sphere, de dénaturer leur constitution, d'altérer les formes et les principes du gouvernement, et d'arriver à un gouvernement militaire le plus détestable, le plus tyrannique de tous. 3 Voilà où vous conduit le projet de votre

comité, en transportant dans les navires et les atteliers du commerce maritime l'esprit et les prétentions de la marine militaire; voilà les produits de la vanité, revêtue des enseignes de la philosophie.

Sans doute que les navigateurs marchands, les capitaines de navire doivent jouir dans toute leur plénitude des avantages de la nouvelle constitution.

Leur état doit s'ennoblir de toute la dignité qui appartient désormais aux citoyens libres. Un capitaine de navire est, sous plusieurs rapports, un fonctionnaire public; il a la police de son équipage; il doit avoir sur son vaisseau le caractere et l'autorité de juge de paix: voilà sa dignité, son rang comme marin commerçant. La patrie réclame-t-elle ses services, c'est alors un officier de l'état, un officier militaire qui doit prendre rang avec ceux entretenus; veut-il poursuivre cette carriere, elle doit lui être ouverte ; ses talens, ses services doivent entrer en concurrence avec tous les autres ; rentre-t-il dans l'état civil, c'est un citoyen de l'armée auxiliaire qui reprend ses occupations de paix et d'industrie, et qui laisse dans les camps, dans les garnisons ceux qui n'ont pas d'autre état.

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