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ordre de choses. Il ne suffisoit pas de con

noître nos devoirs et nos intérêts; il falloit les concilier avec la prudence; il falloit découvrir les moyens les plus convenables d'éviter sans foiblesse le fléau de la guerre; il falloit, sur-tout, l'écarter du berceau de cette constitution, autour duquel, avant que de déterminer les secours que nous devons à des alliés, toute la force publique de l'état, ou plutôt tous les citoyens de l'empire doivent former une barriere impénétrable.

Si nous n'avions à considérer que l'objet de la contestation qui s'est élevée entre les cours de Londres et de Madrid, nous ne devrions pas même supposer que la paix pût être troublée. Le territoire que se disputent ces deux puissances n'appartient ni à l'une ni à l'autre; il est incontestablement aux peuples indépendans que la nature y a fait naître. Cette ligne de démarcation vaut bien celle que le pape s'est permis de tracer; et ces peuples, s'ils sont opprimés, sont aussi nos alliés; nous ne ferons donc pas cette injure à deux nations éclairées, de penser qu'elles veuillem prodiguer leurs trésors et leur sang pour une acquisition aussi éloignée, pour des richesses aussi incertaines ces

vérités simples, notre impartialité ne cessera de les rappeller, s'il en est besoin; mais ce premier point de vue ne décide pas la question!

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Si, d'un autre côté, nons devions uniquement nous déterminer par la nécessité que les circonstances nous, imposent, nonseulement d'éloigner la guerre, mais d'en éviter les formidables apprêts, pourrionsnous vous dissimuler l'état de nos finances non encore régénérées, et celui de notre armée et de notre marine non encore on ganisées pourrions - nous vous cacher que dans les innombrables malheurs d'une guerre, même injuste, le plus grand pour nous seroit de détourner de la constitution les regards des citoyens, de les distraire du seul objet qui doive concentrer leurs veux et leurs espérances; de diviser le cours de cette opinion publique dont toutes les forces suffisent à peine pour détruire les obstacles qui nous restent à surmonter? Mais les malheurs de la guerre, mais les inconvéniens tirés de notre position actuelle, ne suffisent pas encore pour décider la question des alliances. Enfin si nous devions nous conduire aujourd'hui d'après ce que nous serons un jour; si, franchis

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sant l'intervalle qui sépare l'Europe de lá destinée qui l'attend, nous pouvions don

ner dès ce moment le signal de cette bien veillance universelle qui prépare la recon noissance des droits des nations, nous n'aurions pas même à délibérer ni sur les alliances ni sur la guerre. L'Europe aura-telle besoin de politique, lorsqu'il n'y aura plus ni despotes ni esclaves? la France aurat-elle besoin d'alliés, lorsqu'elle n'aura plus d'ennemis? Il n'est pas loin de nous, peut être, ce moment où la liberté, régnant sans rivale sur les deux mondes, réalisera le vœu de la philosophie, absoudra l'especè humaine du crime de la guerre, et pro clamera la paix universelle alors le bon heur des peuples sera le seul but des légist lateurs, la seule force des loix, la seule gloire des nations; alors les passions particulieres transformées en vertus publi ques, ne déchireront plus par des querelles sanglantes les nœuds de la fraternité qui doivent unir tous les gouvernemens et tous les hommes; alors se consomméra le pacte de la fédération du genre humain mais, avouons-le à regret, ces considérations toutes puissantes qu'elles sont,' he peuvent pas seules dans ce moment déter miner notre conduite.

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La nation françoise, 'en changeant ses loix et ses mœurs, doit sans doute changer sa politique; mais elle est encore condamnable, par les erreurs qui regnent en Europe, à suivre partiellement un ancien systême qu'elle ne pourroit détruire soudainement sans péril. La sagesse exige de ne renverser aucune base de sa sûreté publique avant de l'avoir remplacée. Eh! qui ne sait qu'en politique extérieure, comme en politique intérieure, tout intervalle est un dan ger; que l'interregne des princes est l'épo que des troubles; que l'interregne des loix est le regne de l'anarchie; et, si j'ose m'exprimer ainsi, que l'interregne des traités pourroit devenir une crise périlleuse pour la prospérité nationale ? L'influence têt ou tard irrésistible d'une nation forte de vingt quatre millions d'hommes parlant la même langue, ramenant l'art social aux notions simples de liberté et d'équité, qui, douées d'un charme irrésistible pour le cœur hu main, trouveront dans toutes les contrées du monde des missionnaires et des prosélytes; l'influence d'une telle nation 'conquerra, sans doute, l'Europe entiere à la vérité, à la modération, à la justice; mais non pas tout-à-la fois, non pas en un seul

jour, non pas même en un instant. Trop de préjugés garottent encore les mortels trop de passions les égarent, trop de tyrans les asservent. Et cependant notre position géométrique nous permet-elle de nous isoler? Nos possessions lointaines, parsemées dans les deux mondes, ne nous exposentelles pas à des attaques que nous ne pou vons pas repousser seuls sur tous les points du globe, puisque, faute d'instructions, tous les peuples ne croient pas avoir le même intérêt politique, celui de la paix et des services mutuels, des bienfaits réciproques? Ne faut-il pas opposer l'affection des uns à l'inquiétude des autres, et du moins retenir par une contenance imposante ceux qui seroient tentés d'abuser de nos agitations et de leurs prospérités ?

Tant que nous aurons des rivaux, la prudence nous commandera de mettre hors de toute atteinte les propriétés particulieres de la fortune nationale, de surveiller l'ambition étrangere, puisqu'il faut encore parler d'ambition, et de régler notre force publique d'après celle qui pourroit menacer, nos domaines. Tant que nos voisins n'adopteront pas entiérement nos principes, nous serons contraints, même en suivant une politique

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