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à l'homme puissant qui les échangeroit pour des services, au despote qui les acheteroit avec de l'or. Lorsqu'une influence quelconque s'exerce sur des suffrages les choix populaires paroissent être libres; mais ils ne sont ni purs ni libres; ils ne sont plus le fruit de ce premier mouvement de l'ame qui ne se porte que sur le mérite et la vertu. Cette influence étrangere, qui raviroit ainsi au peuple sa propre souveraineté, seroit bien plus dangereuse pour celui dont les intentions n'ont point encore pu changer le caractère, et dont le caractere, même sous le despotisme, c'est-à-dire, dans un temps où la moitié de nos défauts étoit cachée, a toujours paru très-susceptible de cet esprit de parti qui se nourrit de petites intrigues, de cet esprit de rivalité qui inspire les cabales, de cet esprit de présomption ambitieuse qui porte à rechercher toutes les places sans les mériter. Par- tout où ce germe destructeur infecte et vicie les élections publiques, le peuple, dégoûté de ses propres choix, parce qu'ils ne sont plus son ouvrage, ou se décourage, ou méprise les loix; alors naissent les factions, et les officiers publics ne sont plus que les hommes d'un parti; alors s'introduit la plus dange-'

reuse des aristocraties, celle des hommes ardens contre les citoyens paisibles, et la carriere de l'administration n'est plus qu'une arêne périlleuse; alors le droit d'être flatté, de se laisser acheter et corrompre une fois chaque année est le seul fruit, le fruit perfide que le peuple retire de sa liberté.

Ne vous y trompez pas; déjà la plupart de ces maux menacent d'attaquer notre régénération politique; si presque par-tout les choix populaires nous ont donné de bons administrateurs, ne l'attribuons qu'à la premiere et bouillante verve du patriotisme; car presque par-tout, et chacun de vous peut en juger par sa correspondance, l'esprit de cabale s'est manifesté dans les élections.

D'abord, les électeurs s'accorderont pour ne placer que les hommes tirés de leur sein; et par cela seul le tableau, sinon des éligibles de droit, du moins des éligibles de fait, se trouvera réduit à quarante mille citoyens pour tout le royaume! Si cet inconvénient étoit à craindre même avec des électeurs non permanens, que sera-ce lorsque formant un coprs ils en prendront l'esprit; lorsque ce corps aura des places

distribuer à presque tous ses membres,

et que chacun trouvera ainsi pour son suffrage plus de compensation à recevoir et à offrir?

S'agira-t-il de participer à une élection importante? la tactique de ce genre de succès est déjà connue; il se formera des coalitions de voix ; on échangera une masse insuffisante de suffrages pour d'autres suffrages; des hommes intriguans, sans être véritablement portés par l'opinion publique, obtiendront ainsi frauduleusement une trompeuse majorité, déjoueront leurs rivaux, et prendront la place du véritable citoyen, qui ne connoît pas ce genre d'agiotage, ou qui s'y refuse.

Un seul moyen est propre à prévenir le danger des élections populaires; il est sé vere, mais conforme aux regles ; il est surtout indispensable depuis que vous avez changé les rassemblemens d'électeurs en corps permanens : le citoyen chargé d'une fonction publique ne peut déserter son poste pour en prendre un autre. Appliquez ce principe aux électeurs : si leurs fonctions doivent durer deux années, ils ne peuvent remplir aucune autre place, ni sur-tout se la donner à eux-mêmes; par-là vous allez tarir la source de la plupart des intrigues

qui agiteroient les corps électoraux; par-là le nombre des citoyens éligibles ne sera plus borné aux seuls nominateurs ; par - là l'estimable citoyen qui, par les préventions populaires de son canton, n'aura pu devenir électeur, ne sera point exclus par le fait de toutes les places; par-là sur-tout, et par ce seul moyen, vous parviendrez à parer à l'in convénient des fréquentes assemblées de canton; car si les électeurs s'élisent eux-mêmes, bientôt, à la seconde, à la troisieme élection, le corps électoral ne sera pas complet, à moins que vous ne décidiez que l'administrateur et le magistrat sortis du corps électoral y rentreront par les nouvelles élections, en y portant, en pouvant du moins y porter la plus redoutable influence.

Je n'ignore pas que le moyen que j'indique ne fera pas cesser toutes les brigues; je sais l'on cabalera pour autrui, lorsque qu'on ne pourra plus intriguer pour soimême; et la permanence du corps électoral fournira un moyen de plus aux cabaleurs, en leur permettant de connoître parfaitement le clavier sur lequel ils pourront s'exercer pendant deux années. Parce qu'il n'est pas au pouvoir du législateur de pré

venir

venir entiérement de coupables manœuvres,
s'ensuit-il qu'il ne doive
ne doive pas en diminuer
le nombre? La cabale aura bien moins d'ac-
tivité; elle sera bien moins scandaleuse
lorsqu'elle n'aura plus pour objet un des
membres de l'assemblée électorale, c'est-à-
dire, un citoyen prêt à combattre ou à
composer avec son parti, prêt à se venger
s'il échoue, ou à se donner, lui et les siens,
si l'on veut le seconder à ce prix.

Je trouverois un inconvénient à appliquer l'exclusion que je propose aux électeurs qui sont déjà nommés : il est possible que le peuple, qui croyoit les électeurs susceptibles de toutes les places, ait délégué le droit de choisir en son nom à tout ce qu'il connoissoit de plus pur parmi les citoyens ; et il seroit injuste autant que dangereux de nous priver de pareils auxiliaires; mais pour l'avenir, l'incompatibilité qui résulteroit des fonctions permanentes des électeurs n'aura aucun inconvénient; c'est à la vertu modeste que les fonctions électorales seront confiées. Ce premier choix, n'exigeant qu'une probité incorruptible, rendra par cela même le corps électoral plus inaccessible aux cabales; les factieux, les ambitieux ne chercheront point à s'élan2e année. Tome XI.

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