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de difficultés, de procès ne seroit pas tarie par ce moyen simple et naturel ! Les tribunaux ne retentissent que trop de contestations causées par l'obscurité des loix, le choc des usages, l'incertitude du droit entre les diverses classes de citoyens. C'est bien pis encore, quand la discorde traîne les familles devant les juges! Alors l'acharnement est d'autant plus vif, les difficultés plus interminables et le ressentiment plus profond, que les liens du sang sont plus étroits. La société en est déchirée, et le scandale s'ajoute à la ruine.

Il y a plus, et je pense que toute l'éducation d'une famille tend naturellement à se régler sur le sort qui attend les enfans dans le partage des biens domestiques. L'inégalité de ce partage appelle l'inégalité des soins paternels, celle même des sentimens et de la tendresse ; mais tandis que le fils privilégié, qui fait plus particuliérement l'espoir et l'orgueil de ses parens, reçoit une éducation plus recherchée, lui, de son côté, sentant que son sort est fait dans le monde, et qu'il s'agit bien moins pour lui d'être que de paroître, de se rendre utile que de jouir, profite, comme on peut le croire, des soins qu'on lui donne. Quant

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au reste de la famille, vouée en quelque sorte à l'obscurité, son éducation se ressent de la destinée qu'on lui prépare ; c'est ainsi que tout se corrompt sous l'influence des mauvaises loix.

La société, sans doute, a droit aussi de demander à ses législateurs qu'ils ne la privent plus des membres utiles que les loix testamentaires lui ont enlevés jusqu'à ce jour. Pourquoi, peut-elle leur dire, consacreriez-vous à l'oisivete, au déréglement (ce qui est souvent la même chose) ces privilégiés de famille qui se croient par leur fortune faits uniquement pour leurs plaisirs? Pourquoi, pour favoriser un mariage qui ne flatte souvent qu'un vain orgueil, en empêcheriez-vous plusieurs qui pourroient être fortunés? Pourquoi condamneriez-vous au célibat plusieurs enfans de la même famille, en faisant dévorer par un seul d'entr'eux l'établissement de tous les autres ? Pourquoi, sur-tout, ces filles tendres, sensibles, dont les égards et les services ont contribué plus particuliérement au bonheur de leurs proches, pourquoi seroient elles les premieres victimes de ces prédilections. dictées par l'orgueil et les préjugés ? Pourquoi ne pourroient-elles donner naissance

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à une postérité qui les récompensât de leur tendresse par le même attachement et les mêmes soins?

Oui, messieurs, l'égalité de partage des biens domestiques est liée avec les moyens d'encourager les mariages, d'accroître la population, d'augmenter le nombre des propriétés foncieres, comme elle tient au moyen d'entretenir cette égalité générale, qui est à-la-fois l'un des principes et l'un des points de vue de votre excellente constitution.

Si l'on vous dit que la nature est une puissance protectrice qui combattra suffisamment dans l'ame d'un pere l'injustice, la dureté, la partialité envers ses enfans, je répondrai par le fatal pervertissement dont cette foible nature est trop susceptible; je répondrai par des exemples qui ne sont que trop éclatans et trop nombreux, et j'ajouterai que ce n'est pas aux loix à favoriser les passions dont l'influence a tant d'étendue ; que ce n'est pas aux loix à faire prévaloir les préjugés, les fantaisies, les injustices d'un homme, dans le temps même où il n'est plus, sur les intérêts de la génération présente et ceux de la postérité.

Mais quoi! un fils sage et respectueux

ne pourra-t-il pas être distingué, par le testament de son pere, d'un fils rebelle et sans conduite! quoi! ce qu'un enfant aura dissipé en folles dépenses, son pere ne pourra en indemniser ses autres enfans, et rétablir ainsi l'équilibre !

Messieurs, ne faisons pas ce sophisme trop commun, de supposer dans un renouvellement de choses tous les vices naissant de l'ancien régime, et de croire nécessaires 'dans l'état de force et de santé les mêmes mesures, les mêmes préservatifs que dans l'état de foiblesse et de maladie. En créant des meilleures loix, en instituant une éducation vraiment nationale, en rappellant par-tout l'égalité, en rendant l'estime pu blique nécessaire, que ne faisons-nous pas pour les bonnes mœurs et pour en inspirer le goût au jeune âge?

Tout est lié dans l'état civil. Si l'on voit la jeunesse se corrompre, c'est que les sources de corruption lui sont ouvertes. Le fils privilégié n'est pas toujours séduit le premier par ses espérances de fortune: souvent cette perspective appelle de bonne heure les faux amis; elle provoque les offres des avides séducteurs, des complaisans mercenaires.

mercenaires. Établissez l'égalité dans les familles ; vous écartez le piege; vous attaquez le désordre dans les premiers fermens qui l'excitent. Prévenir le mal, c'est mieux faire qu'y remédier.

Eh! dira-t-on encore, les peres ne pour ront-ils pas échapper également à l'intention de la loi par des dons arbitraires, faits de leur vivant aux objets de leur prédilec

tion ?

Messieurs, quand la loi a tout fait pour le bon ordre, on ne peut pas s'en prendre à elle, si les hommes sont encore plus adroits pour l'éluder qu'elle n'est puissante pour les contenir : mais, dans un gouvernement libre, osons croire à l'amour des loix et à leur empire sur le cœur de l'homme. Osons croire qu'un bon citoyen rougira de transgresser les loix dans le sein même de sa famille, et qu'il ne se permettra pas pendant sa vie des préférences injustes,. qui lui sont interdites après sa mort. Enfin, il y a toujours une grande différence entre l'état des choses où le mal est permis, favorisé par la loi, et celui où il est commis malgré la loi même.

Croyez-le, messieurs l'éducation domestique, pour être bonne, doit être fondée 2° année. Tome XI.

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