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état originaire, et sans société réglée avec ses semblables, il paroît qu'il ne peut avoir de droit exclusif sur aucun objet de la nature; car ce qui appartient également à tous n'appartient réellement à personne.

Il n'est aucune partie du sol, aucune production spontanée de la terre, qu'un homme ait pu s'approprier à l'exclusion d'un autre homme ce n'est que sur son propre individu, ce n'est que sur le travail de ses mains, sur la cabane qu'il a construite, sur l'animal qu'il a abattu, sur le terrein qu'il a cultivé, ou plutôt sur la culture même: et sur son produit, que l'homme de la nature peut avoir un vrai privilege.

Dès le moment qu'il a recueilli le fruit de son travail, le fonds sur lequel il a dé-: ployé son industrie retourne au domaine général, et redevient commun à tous les hommes voilà ce que nous enseignent les premiers principes des choses.

C'est le partage des terres, fait et consenti par les hommes rapprochés entr'eux, qui peut être regardé comme l'origine der la vraie propriété ; et ce partage suppose,' comme on voit, une société naissante, une convention premiere, une loi réelle. Aussi les anciens ont ils adoré Cérès, comme

la premiere législatrice du genre humain. Et c'est par-là, messieurs, que la matiere que nous traitons est liée aux loix politiques, puisqu'elle tient au partage des biens territoriaux, à la transmission de ces biens, et par-là même à la grande question des propriétés dont ils sont la source.

Nous pouvons donc regarder le droit de propriété, tel que nous l'exerçons, comme une création sociale. Les loix ne protegent pas, ne maintiennent pas seulement la propriété; elles la font naître, en quelque sorte ; elles la déterminent; elles lui donnent le rang et l'étendue qu'elle occupe dans les droits du citoyen.

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Mais de ce que les loix reconnoissent les droits de propriété et les garantissent, de ce qu'elles assurent en général aux propriétaires la disposition de ce qu'ils possedent, sensuit-il que les propriétaires puissent de plein droit disposer arbitrairement de leurs biens pour le temps où ils ne seront plus?

Il me semble, messieurs, qu'il n'y a pas moins de différence entre le droit qu'a tout homme, de disposer de sa fortune pendant sa vie et celui d'en disposer après sa mort, qu'il n'y en a entre la vie et la mort même. Cet abîme ouvert par la nature sous les pas

de l'homme engloutit également ses droits avec lui, de maniere qu'à cet égard, être mort ou n'avoir jamais vécu, c'est la même chose.

Quand la mort vient à nous frapper de destruction, comment les rapports attachés à notre existence pourroient-ils encore nous survivre? Le supposer, c'est une illusion véritable, c'est transmettre au néant les qualités de l'être réel.

Je sais que les hommes ont professé de tout temps un saint respect pour la volonté des morts.

La politique, la morale et la religion ont concouru pour consacrer ces sentimens. Il est des cas, sans doute, où le vœu des mourans doit faire loi pour ceux qui survivent: mais ce vou lui-même a ses loix aussi ; il a ses limites naturelles; et je pense que, dans la question dont il s'agit, les droits de l'homme, en fait de propriété, ne peuvent s'étendre au - delà du terme de son existence.

La propriété ayant pour fondement l'état social, elle est assujétie, comme les autres avantages dont la société est l'arbitre, à des loix, à des conditions. Aussi voyons-nous par-tout le droit de propriété soumis à cer

taines

taines regles, et renfermé, selon le cas, dans des limites plus ou moins étroites. C'est ainsi que, chez les Hébreux, les acquisitions, les aliénations des terres n'étoient que pour un temps, et que le jubilé voyoit rentrer, au bout de cinquante années, tous les héritages dans les familles de leurs premiers maîtres. C'est ainsi que, malgré la liberté laissée en général aux citoyens de disposer de leurs fortunes, la loi réprime la prodigalité par l'interdiction: on pourroit citer vingt autres exemples.

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La société est donc en droit de refuser à ses membres, dans tel ou tel cas, la faculté de disposer arbitrairement de leur fortune. Le même pouvoir qui fixe les regles testamentaires, et annulle les testamens quand ces regles ont été violées, peut interdire en certaines circonstances les testamens mêmes, ou en limiter étroitement les dispositions: il peut déterminer, par sa volonté souveraine, un ordre constant et régulier dans les successions et les partages.

Il ne s'agit donc plus que de savoir si ce que le législateur peut, il le doit faire; s'il doit refuser au (citoyen qui a des enfans la faculté de choisir entr'eux des héritiers privilégiés.

2o année. Tome XI.

M

Les loix romaines l'accordent, on le sait; et c'est un grand argument pour plusieurs juristes. J'ignore, messieurs, s'il faut rendre graces à ces loix romaines, ou s'il ne faut pas se plaindre de leur empire sur la jurisprudence moderne. Dans les siecles de ténebres, ces loix ont été notre seule lumiere; mais dans un siecle de lumieres les anciens flambeaux pâlissent, ils ne servent qu'à embarrasser la vue, ou même à retarder nos pas dans la route de la vérité.

Peut-être est-il temps qu'après avoir été subjugués par l'autorité des loix romaines, nous les soumettions elles-mêmes à l'autorité de notre raison; et qu'après en avoir été esclaves, nous en soyons juges. Peutêtre est il temps que nous sachions voir dans ces loix le génie d'un peuple qui n'a point connu les vrais principes de la légis lation civile, et qui a été plus occupé de dominer au dehors que de faire régner l'égalité et le bonheur dans ses foyers; peutêtre est-il temps que nous rejétions des loix où la servitude filiale découloit de l'esclavage, autorisé par ces loix mêmes; où un chef de famille pouvoit non - seulement déshériter ses enfans, mais les vendre; où la crainte, repoussant les fils du sein pa

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