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trie, et qu'ils préféreront aux pays les plus fertiles; car l'homme endure tout de la part de la providence: il n'endure rien d'injuste de son semblable; et s'il se soumet, ce n'est qu'avec un cœur révolté.

L'homme ne tient pas par des racines à la terre; ainsi il n'appartient pas au sol. L'homme n'est pas un champ, un pré, un bétail; ainsi il ne sauroit être une propriété. L'homme a le sentiment intérieur de ces vérités saintes ; ainsi l'on ne sauroit lui persuader que ses chefs aient le droit de l'enchaîner à la glèbe. Tous les pouvoirs se réuniroient en vain pour lui inculquer cette infame doctrine. Le temps n'est plus où les maîtres de la terre pouvoient parler au nom de Dieu, si même ce temps a jamais existé Le langage de la justice et de la raison est le seul qui puisse avoir un succès durable aujourd'hui, et les princes ne sauroient trop penser que l'Amérique angloise ordonne à tous les gouvernemens d'être justes et sages, s'ils n'ont pas résolu de ne do miner bientôt sur des déserts, ou de voir des révolutions.......

La formation de la loi, ou sa proposition, -ne peut se concilier avec les excès du zele, de quelque espece qu'ils soient; ce n'est

pas l'indignation, c'est la réflexion qui doit faire les loix, c'est sur-tout elle qui doit les porter. L'assemblée nationale n'a point fait au comité de constitution le même honneur que les Athéniens firent à Aristide, qu'ils laisserent juge de la moralité de son projet.

Mais le frémissement qui s'est fait en+ tendre, à la lecture du projet du comité, à montré que vous étiez aussi, bons juges de cette moralité qu'Aristide, et que vous aviez bien fait de vous en réserver la jurisdiction. Je ne ferai pas au comité l'injure de démontrer que sa loi est digne d'être placée dans le code de Dracon, mais qu'elle ne pourra jamais entrer parmi les décrets de l'assemblée nationale de France. Ce que j'entreprendrai de démontrer, c'est que la barbarie de la loi qu'on vous propose est la plus haute preuve de l'impraticabilité d'une loi sur l'émigration.

s'il est

Je demande qu'on m'entende des circonstances où des mesures de police soient indispensablement nécessaires, même contre les principes, même contre les loix reçues, c'est le délit de la nécessité; et comme la societé peut pour sa conservation tout ce qu'elle veut, que c'est la toutepuissance de la nature, cette mesure de

police peut être prise par le corps législatif; et lorsqu'elle a reçu la sanction du contrôleur de la loi, du chef suprême de la police sociale, elle est aussi obligatoire que toute autre. Mais entre une mesure de police et une loi la distance est immense. La loi sur les émigrations est, je vous le répete, une chose hors de votre puissance, parce qu'elle est impraticable, et qu'il est hors de votre sagesse de faire une loi qu'il est impossible de faire exécuter, même en anarchisant toutes les parties de l'empire. Il est prouvé par l'expérience de tous les temps qu'avec l'exécution la plus despotique la plus concentrée dans les mains des Busiris, une pareille loi n'a jamais été exécutée, parce qu'elle est inexécutable. Une mesure de police est sans doute en Votre puissance: reste à savoir s'il est de yotre devoir de la prononcer, prononcer, c'est-à-dire, si elle est utile, si vous voulez retenir les citoyens dans l'empire autrement que par le bénéfice des loix, que par le bienfait de la liberté ; car de ce que vous pouvez prendre cette mesure, il n'est pas dit que vous deviez le faire. Mais je n'entreprendrai pas de le prouver; je m'écarterois alors de la question : elle consiste à savoir

si le projet du comité doit être mis en délibération, et je le nie. Je déclare que je me croirois délié de tout serment de fidélité envers ceux qui auroient l'infamie de nommer une commission dictatoriale. La popularité que j'ai ambitionnée, et dont j'ai eu l'honneur; la popularité dont j'ai eu l'hon neur de jouir comme un autre, n'est pas un foible roseau; c'est dans la terre que je venx enfoncer ses racines sur l'imperturbable base de la raison et de la liberté. Si vous faites une loi contre les émigrans, je jure de n'y obéir jamais.

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Vos comités trouvent une foule d'avantages dans l'adoption du projet de M. de la Farge: il en est un dont ils ne vous parlent point c'est qu'un pareil établissement rappellant sans cesse à la classe indigente de la société, les ressources de l'économie; lui en inspirera le goût, lui en fera connoître les bienfaits, et en quelque sorte les miracles. J'appellerois volontiers l'économie la seconde providence du genre humain. La nature se perpétue par des reproductions; elle se détruit par ses jouissances. Faites que la subsistance même du pauvre ne se con somme pas toute entiere; obtenez de

lui,

lui, non par des loix, mais par la toutepuissance de l'exemple, qu'il dérobe une très-petite portion de son travail, pour la confier à la reproduction du temps; et par cela seul, vous doublerez les ressources de l'espece humaine. Et qui doute que la mendicité, ce redoutable ennemi des nations et des loix, ne fût détruite par de simples regles de police économique? qui doute que le travail de l'homme dans sa vigueur ne pût le nourrir dans sa vieillesse? Puisque la mendicité est presque la même chez les peuples les plus riches, et parini les nations les plus pauvres, ce n'est donc pas dans l'inégalité des fortunes qu'il faut en chercher la véritable cause; elle est toute entiere dans l'imprévoyance de l'avenir, dans la corruption des mœurs, et sur-tout dans cette consommation continuelle sans remplacement, qui changeroit toutes les terres. en déserts, si la nature n'étoit pas plus sage que l'homine.

M. la Farge appelle son projet tontine viagere et d'amortissement. Je voudrois qu'il l'eût appellé caisse des épargnes, caisse des pauvres, ou caisse de bienfaisance; le titre auroit mieux fait connoître au pauvre ses besoins et au riche ses devoirs. Assez de 2o année. Tome XI.

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