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La Chronique de l'établissement débute (circonstance qui lui est propre) par l'exposé du conseil tenu en Angleterre et qui fut suivi du nouveau débarquement de Salisbury sur la côte de France (juin 1428). Le narrateur accompagne ensuite le chef anglais pas à pas sur notre territoire. Il signale notamment l'acte incivil et hors du droit des gens dont Salisbury se serait rendu coupable en pillant Notre-Dame de Cléry.

Racontant la venue de la Pucelle à Orléans, l'auteur s'exprime ainsi : « Aussitôt qu'elle eut pris son logis, dit-il, le lendemain s'en alla à l'église Sainte-Croix, et là parla à Messire Jean de Mascon, docteur, qui estoit ung très sage homme, lequel luy dist: Ma fille, estes-vous venue pour lever le siége? » A quoy elle respondit : « En nom Dé, dit-elle, ouy. Ma fille, dit le sage homme, ilz sont fors et bien fortiffiés et sera une grand chose à les mectre hors. >> Respondit la Pucelle « Il n'est riens impossible à la puissance de Dieu. » Et en toute la ville ne fist honneur à autre1. »

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L'auteur fait ressortir diverses circonstances miraculeuses qui, selon lui, accompagnèrent la levée du siége d'Orléans par l'héroïne.

En ce qui concerne la mort de W. Glasdale, il dit en propres termes « Glacidas tomba en la rivière, et là fut accompli la prophétie que on avait fait au dit Glacidas,... qu'il mourroit sans seigner » (p. 294).

L'écrivain poursuit le récit de la délivrance jusqu'à la bataille de Patay (18 juin 1429), qui consomma en effet l'affranchissement de la ville d'Orléans et de l'Orléanais. Il nous apprend ensuite que, dès l'année 1429, puis d'année en année, une procession et une fête furent instituées pour célébrer ce mémorable anniversaire. Il fut décidé, dit-il, « que les douze procureurs de la ville auroient chacun un sierge.... et qu'il en demourroit (a-t-il soin de noter) << quatre (cierges) à Sainte-Croix (cathédrale), quatre à Saint-Enverte et quatre à Saint-Aignan (p. 296). » Il décrit enfin le parcours de la procession qui finit par retourner «‹ à Sainte-Croix; et le sermon là et la messe après et aussi comme dessus, les vigiles, etc. » (p. 298).

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A la fin du texte de la chronique se lit un paragraphe, ou une observation qui semble être une sorte de post-scriptum, par rapport à l'opuscule lui-même. « Et pour ce, dit ce paragraphe, soit

1. Procès, 291. Cf. Chron. de Cousinot, p. 52.

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ung chacun averti de louer et de remercier Dieu, car par aventure, il y a pour le présent des jeunes gens qui à grant peine pourroientils croire ceste chose ainsi advenue. »>

L'opuscule, en effet, se termine par la transcription de deux pièces auxquelles il ne sert, à certain point de vue, que d'introduction, savoir les indulgences accordées par le cardinal d'Estouteville pour la célébration de la fête, le 9 juin 1452, et les indulgences accordées en conséquence des précédentes par l'évêque d'Orléans le 4 mai suivant 1453.

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Avant de quitter l'analyse du manuscrit 891, trois points sont à fixer, relativement à cette chronique abrégée : 1o le nom de l'auteur; 2o la date de la composition; 3° le caractère propre de cet opuscule.

1o. Pour ce qui est du nom de l'auteur, nous croyons retrouver ici un procédé littéraire que les écrivains du quinzième siècle (ou leurs prédécesseurs), semblent avoir érigé en système et que nous avons déjà signalé autre part. Ce système consiste en même temps à voiler le nom de l'auteur sous le masque général de l'anonyme, et à le révéler, sous la forme d'une confidence indirecte, faite chemin faisant au lecteur. Un compliment, attaché au nom de la personne que l'on veut désigner, est en quelque sorte la marque à laquelle le critique peut reconnaître l'individualité de l'écrivain, ainsi divulgué. Jean de Mâcon, rencontré à Sainte-Croix par la Pucelle, qui dans Orléans ne fit honneur à autre, nous paraît réunir les conditions que je viens de signaler. Il était sans doute attaché à la cathédrale par quelque fonction ou dignité : c'est ce que donne à présumer ce passage même de l'opuscule.

Une fois en possession de cette donnée, ou de cette hypothèse, nous avons tenté de la vérifier. Je me suis, dans ce but, adressé à M. F. Maupré, ancien élève de l'École des chartes, aujourd'hui archiviste du département du Loiret. Voici ce que me répond M. Maupré :

Le plus ancien registre capitulaire de Sainte-Croix d'Orléans, commençant au 9 août 1445, porte, depuis lors jusqu'au 28 janvier 1449 (1450), le nom de Guillaume de Mascon [Guillelmus de Mascon (sic)], mais non celui de Jean.

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J'ai rencontré dans le même fonds, ajoute cet archiviste, un cahier informe, du dix-huitième siècle, décousu, sans titre et sans ordre chronologique ni pagination, sur les fondations, qui paraît se rapporter à un inventaire ancien, car il porte sous cette rubrique

(D. IIII. verso): « Jean Dematiscone. Fondation : Les matines du jour des Morts et la procession qui se fait au grand cimetière le mème jour et la grand'messe qui se chante à la communité. Somme et fonds donnés : à chacun: un sou. »

« Il est dit dans deux anciens martyrologes qu'il nous a donné la métairie du petit Puiseaux, etc.

« Je n'ai pu, continue M. F. Maupré, découvrir les deux anciens martyrologes de Sainte-Croix. Mais voici ce que je lis, à la p. 114 de la plus ancienne des deux copies de ce recueil conservées à la bibliothèque de la ville d'Orléans, sous la cote ms. 276: Fundationes juxta ordinem proprii sanctorum. November, 2o die, commendatio omnium fidelium deffunctorum. Duplex.

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« Dominus de Matiscone, canonicus et succentor, fundavit processionem in magno cœmeterio et missam magnam in sacello sancti Lezari.....

<< Post primam (après prime), commendationes solennes. Deinde processio ad magnum cœmeterium ex fundatione ..... Joannis de Matiscone, succentoris, etc. »

Ainsi, comme on voit, nous n'avons pas encore trouvé la mention authentique et datée de Jean de Mâcon, comme chanoine de la cathédrale en 1428, et années suivantes. Mais le nom de Guillaume de Mâcon, probablement son parent, figure parmi ceux des chanoines d'Orléans vers la même époque (1445-1450). De plus les indications modernes qui nous sont restées ne peuvent désigner, sous le nom de Jean de Mâcon, chanoine et souschantre, qu'un personnage ancien par rapport au dix-huitième siècle. Ainsi le prouve l'oubli même du personnage, le titre d'ancien donné aux documents qui en rappellent le souvenir, et enfin la distribution de un sou, instituée par le fondateur (représentée dans les textes modernes par une livre). Ce dernier trait à lui seul semble reporter la date de la fondation à une époque antérieure à la découverte de l'Amérique, qui fit baisser sensiblement la puissance de l'argent. Il nous reporterait par conséquent à une époque antérieure à la fin du quinzième siècle, c'est-à-dire à l'époque où fut écrit le mystère d'Orléans ainsi que la chronique abrégée. Si l'on joint à ces remarques la coïncidence parfaite du nom, prénom, qualité de chanoine et de sous-chantre,

1. « On ignore, ajoute notre confrère, le temps où il vivait. »

on ne pourra s'empêcher de reconnaître que cette conjecture s'avance de plus en plus dans la voie de la vraisemblance et de la démonstration '.

2o Quant à la date de l'écrit, il s'agit, en ce cas, moins de résoudre un problème que de prévenir un malentendu. La rédaction du ms. 891 est certainement postérieure à 1439; car Jean, bâtard d'Orléans, y est qualifié Monseigneur de Dunois (p. 296). En second lieu, il est question des priviléges accordés par le roi (Charles VII) à la ville en récompense de sa conduite.

En troisième lieu, il accompagne des documents datés de 1452 et 1453. Enfin, à l'époque où l'auteur terminait sa rédaction, la génération, née depuis 1429, ne pouvait connaître par ellemême ce merveilleux événement auquel se rapporte l'opuscule.

Cette rédaction a donc été libellée après 1439, et avant la mort de Charles VII. Mais la date exacte de l'écriture ou de la version n'a pas une importance radicale. On voit bien en effet que l'auteur de cette notice a été témoin oculaire de la levée du siége, et témoin de l'établissement de la fête, qui l'intéresse particulièrement. Cet écrit n'a donc pour ainsi dire point de date, en ce sens qu'il a pu et dû être rédigé une première fois dès qu'il a trouvé sa raison de se produire; à savoir de recommander aux fidèles cette commémoration. Cet écrit, ensuite, a pu et dû être renouvelé et augmenté toutes les fois que s'en est présentée l'occasion.

3o Le caractère propre de cet opuscule, c'est de raconter les faits dans un cadre spécial, pour y placer l'origine et la recommandation de la fête du 8 mai.

Retournons maintenant au ms. 1022, ou mystère d'Orléans. Ce ms., dans son état actuel, contient, d'après la description des éditeurs, trois parties distinctes. L'une s'étend du folio 1 dù ms., page 1 de l'imprimé, au fol. 138, p. 218. La seconde part du

1. Depuis ces lignes écrites et livrées à l'impression, M. Mantelier d'Orléans, dans un entretien oral, m'a déclaré connaître parfaitement Jean de Mâcon, comme souschantre de Sainte-Croix au temps de la Pucelle.

2. 1429, Charles VII exempte les Orléanais, sa vie durant, de toute taille, pour reconnaître leur dévouement à l'occasion du siége. 1430, Indemnité pour réparer les églises. (Lottin, Recherches, I, 251, 253.) - 1448, avril 3, Don du roi au chapitre de Saint-Aignan pour achever le bâtiment de l'église. (Ms. Gaignières, no 649 ̧ pièce 5.) — 1448, novembre 26, Charles VII exempte des subsides les bedeaux, libraires et parcheminiers de l'Université ès lois d'Orléans. (Lottin, ibid., p. 300.)

fol. 139 recto, p. 219, et se continue jusqu'à la fin. Dans cette seconde partie, il convient toutefois d'en signaler une troisième; c'est un épisode, intercalé visiblement après coup (épisode de Verdille et de Gaquet) au milieu d'un acte ou du cours de ce drame. Cet épisode remplit les feuillets 177 à 199 du ms. (p. 281 à 305 de l'imprimé); et l'on reconnaît clairement par là que la pagination du ms., postérieure à l'interpolation de l'épisode, date probablement de Paul Petau et du seizième siècle.

La première et la seconde partie, comparées l'une à l'autre, offrent cette particularité remarquable : dans la première le mystère s'ouvre exactement sur le plan de la Chronique de l'établissement, c'est-à-dire par le conseil des Anglais en 1428; et l'un des personnages, le fils naturel de Louis, duc d'Orléans, y est constamment dénommé monseigneur de Dunois ou le sire de Dunois. Dans la seconde, l'ouvrage se termine, toujours en suivant le plan de la chronique (à la bataille de Patay), mais Jean y est toujours et sans exception dénommé le bâtard d'Orléans.

De là il résulte, évidemment, pour nous, une conséquence, alléguée et déduite très-judicieusement par les éditeurs; c'est que la première partie a été refaite et ajoutée par rapport à la seconde, et cela postérieurement à 1439; car Jean, bâtard d'Orléans, fut créé comte de Dunois, par lettres du roi, datées du 14 juillet 1439.

Veut-on me permettre d'établir, par un dernier rapprochement, le lien qui rattache, comme programme, le plan fourni par la chronique, et le drame qui a suivi ce plan : ouvrons le mystère, p. 53 et suiv. de l'imprimé. Ici, nous trouvons une scène, très-curieuse à beaucoup d'égards, et très-développée. Salisbury et Glacidas sont à Chartres, avant le siége d'Orléans. Ils consultent Me Jean des Bouillons, astrologue célèbre, sur le sort qui leur est réservé '. Bornons-nous à citer le dialogue ou la scène relativement à la mort future de W. Glasdale :

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