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suranné, et c'est ce que fit le bon sens des écrivains vers la fin du quatorzième siècle, amenant ainsi la langue écrite au degré qu'avait atteint depuis longtemps la langue parlée.

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Dès lors, le roman de la Gaule n'a plus qu'une forme pour chaque nombre, comme l'italien et l'espagnol. Toutefois la similitude n'est pas absolue dans ces deux langues, la modification orthographique répond à une modification du son; amico-amici, amigo-amigos se distinguent nettement à l'ouïe, la différence d'ami à amis n'est perceptible que pour les yeux. Ainsi réduite, la déclinaison romane semblait arrivée à sa plus simple expression;. cependant il y avait place pour une dernière diminution: elle a deux formes, une pour le singulier, une pour le pluriel, le dernier degré sera de n'en avoir plus qu'une seule pour les deux nombres. Elle en est là dans certains patois, et notamment en provençal. Dans cet idiome, la distinction du singulier et du pluriel existe pour l'article et les pronoms, et aussi, mais dans un seul cas, pour les adjectifs '. Je puis affirmer que la clarté du langage n'y perd absolument rien.

Nous avons suivi dans toutes les phases de son développement la déclinaison romane, y distinguant soigneusement l'élément naturel de l'élément artificiel, ce qui était fourni par l'étymologie de ce que l'analogie imagina en vue de constituer une règle à peu près uniforme avec les débris de la déclinaison latine. Le travail qui s'opéra dans le sens de l'analogie prouve assurément que les écrivains de langue d'oil comme de langue d'oc eurent conscience de l'état de leur langue; ils virent clairement qu'ils avaient pour beaucoup de mots deux formes à leur disposition;

1. Ce cas unique est celui où l'adjectif précède le substantif auquel il se rapporte. Alors s'il se termine par une voyelle non accentuée (e ou o) on la change en i: paure masc., pauro fém., deviennent pauri, ou pauris lorsque le substantif qui suit commence par une voyelle :

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On voit dans cet exemple que plourouso reste invariable, parce qu'il suit amo, au lieu que pauris le précède. De même paure dans cette phrase: Perque sian paure? (Pourquoi sommes-nous pauvres? Mireio, chant VII). Mais si l'adjectif se termine par une voyelle accentuée, son pluriel se forme par s, et cette s n'est prononcée qu'au cas où le substantif suivant commencerait par une voyelle, comme dans Mi beus ami.

mais la facilité même avec laquelle ils modifièrent celle qui représentait le sujet démontre assez qu'elles n'étaient point l'une et l'autre également enracinées dans la langue. C'est qu'au moment où l'écriture vint non pas fixer l'idiome, mais en conserver et en prolonger l'état ancien, l'une des deux formes était bien près de périr, si près que, pour plusieurs séries de mots, on l'a vu précédemment, elle n'existait déjà plus. Et si l'on considère les exemples nombreux d'infraction à la déclinaison romane que présentent les textes à partir du douzième siècle, on sera trèsporté à croire qu'elle ne fut, dès cette époque, et même pour la partie vraiment étymologique, qu'un archaïsme conservé dans la langue écrite, perdu dans la langue parlée. Si l'on demandait comment cet archaïsme a pu se soutenir jusqu'à la fin du quatorzième siècle, on trouverait la cause de cette persistance, d'abord dans les transformations qu'il a subies et qui en ont rendu l'usage plus facile, et surtout dans la force de la tradition littéraire sans cesse alimentée par de nouveaux ouvrages.

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Dans un passage que j'ai rapporté ci-devant, on a vu M. Littré arguer de la déclinaison à deux cas pour revendiquer, en faveur du roman de la Gaule, un certain droit d'aînesse. Cela, je l'ai dit, peut être admis sans réserve, l'examen de la langue et celui de la littérature amenant l'un et l'autre par des voies différentes à la même conclusion. Suivant le cours de son idée, l'illustre philologue en est arrivé à fixer, dans le développement des langues romanes, trois termes auxquels répondent 1° l'ancien roman de la Gaule ayant une déclinaison; 2o l'italien et l'espagnol apparaissant, dès l'origine, avec une seule forme pour chaque nombre; 3° le français moderne qui arrive au même état que ces deux langues, mais postérieurement. « Le développement des langues romanes prises dans l'ensemble de leurs connexions, dit M. Littré, présente deux phases essentielles : dans la première, la langue est encore une langue à déclinaison; des six cas latins, il en reste deux. Dans la seconde phase, il n'y a plus de déclinaison, plus de cas. De ces deux phases, la plus ancienne est, cela va sans dire, celle qui est intermédiaire, celle qui tient le plus du latin; elle n'existe que dans la langue d'oil

et la langue d'oc. L'italien et l'espagnol y sont étrangers, et la première fois qu'on les rencontre, on les voit avec la forme complétement moderne, c'est-à-dire avec une grammaire qui ne connaît plus de cas '. J'énonce ce fait en disant que l'italien et l'espagnol continuèrent de décomposer le fonds latin, et atteignirent finalement l'état moderne, alors que la langue d'oil et la langne d'oc s'étaient arrêtées dans un état de fixité provisoire. Provisoire en effet était cette fixité; elle se perdit dans le quatorzième siècle, et il fallut que le français, à son tour, accomplit le cours entier de la transformation; il y arriva, mais longtemps après que l'italien et l'espagnol y étaient arrivés. Il y a donc, par la nature des choses, trois termes : le terme du début qui appartient à la langue d'oc et à la langue d'oïl; le terme mitoyen qui appartient à l'italien et à l'espagnol, et enfin un terme final, auquel arrive le français moderne. Corrélativement et dans l'ordre littéraire, on compte aussi trois termes et semblablement disposés le plus ancien, où les troubadours et les trouvères créent les choses et donnent le ton; le moyen, où l'Italie et l'Espagne prennent le sceptre des lettres; et le troisième, où la France, disciple après avoir été maîtresse, regagne l'avance perdue (II, 420-1). » Il n'y a rien à objecter au principe de cette classification; toutefois il est besoin de la restreindre en certaines parties, de l'étendre en d'autres. C'est incontestablement dans les limites de la France actuelle que le roman a fait sa première apparition, et il est également certain qu'il s'y est manifesté avec une déclinaison atrophiée sans doute, mais constituant telle qu'elle était un archaïsme véritable. Enfin, il n'est pas douteux qu'en Espagne et en Italie, les plus anciens textes vulgaires nous montrent le roman privé de cet archaïsme en un temps où nos dialectes le conservaient encore. De ces faits bien établis, on peut tirer les deux propositions suivantes : 1o le plus ancien état du roman est caractérisé par une déclinaison à deux cas, il est représenté par les langues d'oc et d'oil; 2° le deuxième état du roman est caractérisé par l'absence de cette déclinaison; il est représenté d'abord par les idiomes de l'Italie et de l'Espagne, et postérieurement par les langues d'oc et d'oil. Mais quelle pé

1. Il serait plus exact de dire : qui n'a qu'un seul cas pour chaque nombre, et cela est encore une déclinaison, puisque la réduction peut encore aller plus loin, ainsi qu'il est arrivé pour le provençal moderne.

riode implique ce postérieurement? Combien de temps fallut-il aux langues d'oc et d'oil pour se mettre de pair avec l'italien et l'espagnol ? En apparence, il fallut environ deux siècles, car en Italie et en Espagne les premiers monuments de la langue appartiennent à la fin du douzième siècle, et chez nous la déclinaison à deux cas persiste jusqu'aux dernières années du quatorzième; en réalité, il fallut beaucoup moins. N'oublions pas en effet que, dès le commencement du treizième siècle, la distinction du sujet et du régime n'était observée que dans la langue écrite (et encore y manquait-on bien souvent!), tellement qu'à ne considérer chez nous que la langue parlée, on peut dire qu'alors déjà toutes les langues romanes étaient descendues au même niveau.

Maintenant on peut étendre la formule tracée par M. Littré, de façon à lui faire embrasser un troisième et dernier état du roman, celui qui est caractérisé par l'absence complète de déclinaison. Il y a encore déclinaison lorsque le singulier se distingue du pluriel par une modification de la terminaison; il n'y en a absolument plus lorsqu'à la différence des deux nombres ne correspond aucune différence dans la forme; c'est, ainsi que je l'ai dit plus haut, l'état où sont arrivés certains patois et notamment le provençal.

1. Quand je dis l'italien et l'espagnol, il faut entendre les dialectes usités en Italie et en Espagne; l'expression italien et espagnol est très-moderne et ne désigne par le fait que le dialecte qui prévâlut dans ces deux pays, c'est-à-dire le toscan en Italie et le castillan en Espagne.

(La fin prochainement.)

PAUL MEYER.

D'ÉPHÈSE ET DE MILET

AU MOYEN AGE.

(TRAITÉ VÉNITIEN DE 1403 AVEC L'ÉMIR DE PALATCHA.)

Avant les travaux de feu Thomas Graves, qui a dirigé de si exactes reconnaissances hydrographiques dans le bassin oriental de la Méditerranée, la ville de Palatcha ou Palatia était absente ou fort mal placée sur les cartes d'Asie Mineure. Le capitaine Graves, dans une étude détaillée de la partie de l'Anatolie comprise entre le détroit de Samos et le golfe de Mandelyah ou d'Asyn Kalessi 1, a fixé la position de Palatia à deux lieues et demie dans les terres, sur la rive gauche du Méandre, aujourd'hui le Buyuk Mendéré, au-delà de l'ancien cours du Gæsus, au nord-ouest du lac Baffi, restes d'un ancien golfe comblé par les atterrissements du Méandre, et au milieu même des ruines de la ville de Milet, capitale de l'Ionie. Depuis Graves, Palatcha occupe sa vraie place sur toutes les bonnes cartes de l'Asie Mineure, comme celles de Kiepert et de Lapie. La localité n'est plus aujourd'hui qu'un chétif village, végétant au milieu de miasmes, à l'abri des magnifiques restes de la vieille ville, qui la protégent et la couvrent, comme les palmiers dominent les misérables villages de paille et de boue des fellahs égyptiens. Les ruines les plus considérables sont celles d'un grand théâtre et d'un temple.

Palatcha paraît n'avoir eu quelque importance qu'au moyen âge, à l'époque où les Latins, établis dans la Romanie à la suite de la quatrième croisade, entretinrent avec les provinces de l'empire d'Iconium des relations commerciales, qu'ils développèrent sous le règne des

1. Asia Minor, from the strait of Samos to the gulf of Mandelyah. Le voyage de Graves est de 1837; sa carte fut publiée par l'amirauté anglaise en 1844, mais les relevés manuscrits de Graves avaient été connus et utilisés avant cette dernière époque.

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