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SCIENCES ET ARTS.

L'ART DE FAIRE LE PAIN, ET OBSERVATIONS THÉORIQUES ET PRATIQUES SUR L'ANALYSE ET LA SYNTHÈSE DU FROMENT, ET SUR LA MANIÈRE LA PLUS AVANTAGEUSE DE PRÉPARER

UN PAIN LÉGER; précédées de quelques recherches sur l'origine des maladies du blé, par EDLIN, traduit de l'anglais par M. PESCHIER, docteur-médecin de plusieurs Sociétés savantes. In-8°. - Prix, 2 fr, 50 c., et 3 fr. franc de port. A Paris, chez J. J. Paschoud, libraire, rue des Petits-Augustins, no 5 ; et à Genève, même maison de commerce.

AVANT que le besoin, l'expérience et la réflexion nous eussent appris à transformer en pâte succulente cette graine précieuse dont Triptolème et Cérès nous ont enseigné les vertus, quelle était la nourriture de l'homme? Si j'en crois d'ingénieuses fictions, dans les premiers siècles du monde, le lait et le miel coulaient en ruisseaux sur la terre, et la nature, toujours féconde et généreuse, 'nous offrait sans travail et sans effort le tribut de ses richesses. Si j'en crois des observations plus fidèles et plus sûres, l'homme réduit à errer au sein des forêts et des déserts, borné dans ses moyens, borné dans son industrie, disputait aux animaux une nourriture gros'sière et misérable. C'était à la naissance de l'agriculture, à la découverte d'une plante en apparence vile et méprisable, qu'était attaché le bienfait de la vie sociale et toute la perfection de nos facultés ; mais par quelle réunion de circonstances, par quels signes particuliers l'homme parvint-il à reconnaître dans la foule des végétaux cette plante libérale et bienfaisante? Les recherches les plus exactes nous apprennent que nulle part on ne trouve le blé dans l'état naturel ; c'est un présent que les générations se transmettent et que l'agriculture seule nous

conserve. Les anciens regardaient le blé comme origi→ naire de la Sicile; c'est dans la Sicile que la mythologie place le berceau de Cérès et ses premiers autels. L'historien Diodore assure que de son tems les plantes céréales croissaient spontanément dans les champs de sa patrie; Strabon fait le même honneur au pays des Musicains, province du nord de l'Inde : mais leur autorité paraît démentie par les faits. L'auteur de l'Art de faire le pain observe que ces écrivains n'étaient pas assez habiles botanistes pour qu'on puisse ajouter foi à leur témoignage. Les plus savans naturalistes ont vainement scruté toutes les parties de l'Inde et de la Sicile ils n'ont trouvé nulle part la graîne précieuse indiquée par Cérès. Faudra-t-il s'en rapporter davantage aux récits des modernes ? Heintzelman et Michaux de Satory prétendent, à la vérité, avoir rencontré le blé dans l'état sauvage, l'un en Perse, l'autre en Egypte ; mais qui sait si ces graminées n'étaient pas provenues de leurs analogues cultivés ? Anson a découvert l'avoine dans l'île de Juan Fernandez; n'est-il pas évident qu'elle provenait de graines répandues par les Européens? car assurément on ne croira pas que l'Amérique ait été découverte dans l'origine du monde ; que la connaissance de cette vaste contrée ait été perdue et que nous ayions conservé, malgré toutes les vicissitudes des tems, le présent que nous avait fait l'île de Juan Fernandez. Ainsi l'origine du blé reste encore inconnue. L'auteur de YArt de faire le pain pense même qu'elle remonte audelà de la grande catastrophe du déluge, et que c'est du reste des nations échappées à ce mémorable désastre que nous tenons l'usage des plantes céréales.

Il est constant que dans les tems les plus reculés on voit les hommes occupés à cultiver les grains comme la ressource alimentaire la plus féconde et la plus saine ; mais combien l'art était grossier dans son origine! On se contenta d'abord de faire cuire le blé dans de l'eau, et d'en former un mélange lourd, visqueux, et difficile à digérer. On le broya ensuite dans les mortiers ou sur des pierres; on sépara grossiérement le son de la farine

et l'on obtint des gâteaux sans levain, mais toujours in sipides et pesans. Enfin on inventa les moulins, on se procura une farine plus pure, et l'on apprit que la pâte fermentée donnait un aliment succulent, léger, agréable au goût de là, est venu ce pain qu'on sert aujourd'hui sur nos tables, et qui nourrit une grande partie de l'Eu rope et des contrées fréquentées par les Européens. Mais ce n'est pas assez de laisser fermenter la farine et de mêler le levain avec une pâte vierge pour en obtenir du pain: il n'est pas d'industrie qui ne soit susceptible d'être perfectionnée, et l'art de faire le pain exige aussi da nombreuses connaissances, des observations multipliées et sur-tout une longue expérience.

Ce sont ces connaissances, cette expérience, ces observations que M. Edlin entreprend de nous communiquer. Il commence par décrire les six espèces de blé reconnues par les botanistes, le cultivé, le rameux l'épeautre, le polonais et le monocoque ou locular; il indique leurs variétés et traite de leurs maladies. La connaissance de ces maladies est de la plus haute impor tance. Le pain fait avec des graines infectées de carie ou de charbon, fermente et se cuit mal. Il est visqueux, pesant, excite des nausées et produit souvent des maladies chroniques du bas ventre et de la peau.

Le seigle ergoté occasionne des maux bien plus redoutables. L'histoire n'a pas dédaigné de consigner dans ses fastes les ravages qu'il a causés à diverses époques. En 1596, les peuples de la Hesse furent frappés d'épilepsie et de démence pour en avoir fait usage. Ils mouraient stupides; leurs cadavres se corrompaient avec une extrême rapidité, et par une circonstance jusqu'alors inconnue, ce cruel fléau se propagea par la contagion et frappa également les hommes et les animaux. On let vit se reproduire dans le Voigtland en 1648, 1649', 1675. En 1702, il parcourut tout le territoire de Freyberg. En 1716, il affligea la Saxe et la Lusace. En 1736, la Bohême et la Silésie en furent désolées. Ses principaux symptômes étaient un fourmillement incommode aux pieds, une cardialgie grave, la contraction spase

t

modique des nerfs, la pesanteur de la tête, l'obscurcissement de la vue, les vertiges et l'aliénation mentale. Les enfans et les femmes en étaient plus vivement incommodés que les hommes.

En 1632, l'usage du blé ergoté produisit en France de cruelles épidémies. Les provinces méridionales en furent sur-tout affectées. Les malades éprouvaient un engourdissement considérable dans les jambes; leurs membres se chargeaient de tumeurs livides et gangreneuses, et la partie affectée ne tardait point à tomber. Les animaux domestiques mouraient dans d'affreuses convulsions. Un cochon nourri de ce seigle ergoté avec deux fois autant d'orge périt chargé d'ulcères aux jambes. Son foie, ses instestins se trouvèrent en partie gangrenés. L'auteur de l'Art de faire le Pain indique les moyens de prévenir cette cruelle maladie, décrit toutes celles qui affectent le blé, et nous enseigne les moyens propres à le conserver. Rien n'est plus célèbre que les greniers publics de Dantzick. Ils sont élevés de sept, huit ou neuf étages avec un entonnoir au milieu de chaque salle, pour faire passer le blé de l'une à l'autre. Ils sont construits avec tant de soin que l'humidité ne les attaque jamais, quoiqu'entourés d'eau de tous côtés. En Russie, on garde le blé dans des greniers souterrains, de la forme d'un cône, larges en bas, étroits dans la partie supérieure ; les parties latérales sont mastiquées avec un soin extrême, le sommet du cône est fermé par des pierres. Dans quelques endroits, on passe le grain au four avant de l'entasser dans les greniers: mais si le grain est nouveau, cette précaution l'expose à un danger dont la cause est encore un mystère pour les physiciens. On a remarqué que la foudre altère, dénature matériellement les grains préparés de cette manière, qu'ils deviennent pâteux et gluans et occasionnent des maladies graves. Le remède est de les remuer trois ou quatre fois par jour pendant deux mois ; encore ne parvient-on pas toujours à le rendre propre à l'usage domestique.

On dirait que la nature ait armé tous les fléaux contre l'industrie de l'homme. Les insectes lui font une guerre

perpétuelle, les quadrupèdes et les volatiles lui disputent sa nourriture, le ciel lui-même semble prendre part à cette coalition universelle; et quand la meule a réduit en farine ces grains cultivés avec tant de soins, obtenus ou prix de tant de sueurs, une simple étincelle suffit pour nous ravir en un instant les trésors les plus précieux. On a vu en 1785, à Turin, un magasin de farine sauter avec une horrible explosion. L'auteur expose, à ce sujet, quelques principes qui méritent d'être connus de tous les boulangers. Lorsqu'on entasse une grande quantité de farine dans un espace étroit, la combinaison de la chaleur et de l'humidité donne lieu à un dégagement consi-. dérable de gaz hydrogène, et si dans le moment où l'on agite de la farine, une main imprudente approche une lumière du magasin, il peut s'enflammer avec une violente détonation. C'est par une imprévoyance de ce genre qu'on a vu, il y a quelques années, une frégate russe sauter en l'air dans le port de Cronstadt.

Quoique ces connaissances ne se rapportent qu'indirectement à l'art de faire le pain, elles n'en sont pas moins curieuses et importantes; c'est en étendant le cercle de ces idées que l'on parvient à accroître le raisonnement et l'intelligence. Cent mille boulangers pétrissent tous les jours leur farine, sans avoir jamais songé aux élémens qui la composent; faut-il pour cela que la chimie renonce à en faire l'analyse? Faut-il repousser la science comme inutile et rejeter son intervention? Nest-ce pas la science qui perfectionne nos inventions, rectifie nos erreurs, régularise nos procédés? M. Edlin a décomposé la farine, il en a recherché les parties constituantes, et il a reconnu que les élémens dont se compose le pain, sont le gluten, l'amidon, le sucre et le gaz acide carbonique. C'est le gluten qui donne au froment la propriété de former une pâte adhésive avec l'eau. Cette faculté n'existe point dans l'orge. La pâte qui en résulte est très-solide, mais peu ductile; elle se rompt avec une extrême facilité, et fermente difficilement. M. Edlin s'est assuré aussi que le gluten a toutes les qualités d'une matière animale, et lui ressemble dans

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