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des reproches à faire. Dépositaire de la confiance publique, on le voit tous les jours gagner un degré de plus; mais dans le nombre des jurés, il y en a que l'on reconnaît pour avoir appartenu à la maison Montmorin; leurs opinions ont pu être influencées. Nous demandons que ce procès soit révisé par un autre jury. > M. Osselin rétablit le calme en se chargeant de conduire lui-même le sieur Montmorin aux prisons de la Conciergerie, et de le faire écrouer de nouveau au nom du peuple; on applaudit. M. le président donne le bras au sieur Montmorin qui, au milieu des huées, parvient auxdites prisons, où il est remis à la responsabilité du concierge.

› Dans la cour du palais, M. Osselin pensa recevoir un coup de sabre que lui portait un garde national qui croyait avoir à venger sur la personne d'un juge la déclaration du jury prononcée en faveur du sieur Montmorin. Le coup fut heureusement arrêté : et le citoyen-soldat, qui avait oublié dans ce moment que la force armée doit donner l'exemple d'un respect solennel pour les autorités constituées, ce citoyen, disons-nous, sera long-temps à se repentir d'avoir menacé les jours d'un magistrat savant et infatigable pour venger une nation outragée.

› A l'ouverture de l'audience du samedi matin, des citoyens en grand nombre, sur le bruit que l'on avait fait évader le sieur Montmorin des prisons de la Conciergerie, ont demandé que MM. du tribunal voulussent bien rassurer les esprits à cet égard, et même autoriser légalement une députation de six membres, choisie parmi le peuple, pour se transporter auxdites prisons et se convaincre de la vérité. Le tribunal, faisant droit sur cette demande, a donné, au nom du peuple, les pouvoirs nécessaires à MM. les commissaires pris dans le sein de l'auditoire; lesquels de suite se sont rendus auxdites prisons, et ont apporté l'assurance que rien n'était plus faux que l'évasion du sieur Montmorin, qu'ils ont vu de leurs yeux. ›

Procès de M. Backmann, major-général des ci-devant gardessuisses.

La seconde section s'est occupée, samedi 1" septembre, de

l'affairé du sieur Backmann, lequel, interrogé de ses nom, surnom, âge, qualité, lieu de naissance et demeure,

› A répondu se nommer Jacques-Joseph-Antoine-Léger Backmann, natif du canton de Glaris; être âgé de cinquante-neuf ans, militaire depuis son jeune âge, demeurant ordinairement à Paris, rue Verte, faubourg Saint-Honoré.

› Après lecture faite de l'acte d'accusation, dans lequel il est dit que, depuis long-temps, lui, Backmann, est connu pour avoir constamment manifesté des principes ennemis de notre révolution; qu'il est un de ceux qui ont contribué à égarer les sousofficiers et soldats suisses, pour les amener à commettre la trahison qui a éclaté le 10 août, en donnant les ordres de faire feu sur les citoyens; qu'il a abusé à cet effet de son ascendant sur les esprits qui lui étaient subordonnés ; que, depuis le dimanche 5 août, les gardes suisses ont laissé apercevoir des mouvemens anticiviques; qu'il résulte des différentes dépositions de plusieurs gardes suisses que, le matin de la journée du 10, il accompagna le roi à la revue que ce dernier fit des gardes nationales et suisses; qu'il s'est même mis, décoré de son cordon rouge, à la tête d'un peloton de Suisses, a présenté les armes lorsque Louis XVI passa devant lui, afin de donner par là aux soldats suisses l'impulsion de l'obéissance aux ordres du roi; que deux officiers municipaux étant venus, lors de ladite revue, faire une espèce de proclamation qui consistait à demander que l'on demeurât fidèle aux ordres du roi, et que l'on opposât la force à la force; que cette proclamation, perfide et insidieuse, fut traduite en allemand par lui, Backmann; que l'on a de violens soupçons que le feu qui a eu lieu dans les escaliers a été exécuté par ses ordres ; qu'Étienne Berger, soldat suisse, dans la déposition qu'il a faite à la section du Roule, a déclaré que c'étaient les officiers supérieurs qui les avaient forcés à tirer sur le peuple, particulièrement sur les citoyens armés de piques, etc.

› M. l'accusateur public annonce que le sieur Backmann et autres Suisses de nation, qui sont en ce moment entre les mains de la justice, ont dressé une protestation, par laquelle ils décli

nent la juridiction du tribunal, prétendant qu'ils ne doivent être jugés que par leur nation. M. le commissaire national observe que, dans les traités et capitulations qui nous lient à la nation helvétique, le cas dont il est question n'a pas été prévu; que le délit dont il s'agit est du ressort de la nation française, attendu qu'il n'est pas dans l'ordre des choses de penser qu'une nation, lorsqu'elle contracte des traités avec une autre nation, ait prétendu se lier les mains, en renvoyant par-devant une nation quelconque la punition des délits qui concernent les attentats commis contre la sûreté du peuple, et s'en rapporte à sa juridiction. Il demande qu'il soit passé outre, et que l'instruction du procès soit commencée sur-le-champ, sauf le recours à l'assemblée nationale, s'il y a lieu.

› M. Jullienne, homme de loi, défenseur officieux du sieur Backmann, observe qu'il est de la loyauté du peuple français d'en référer à l'assemblée nationale, attendu, ajoute-t-il, qu'en ce moment peut-être les Français qui voyagent dans la Suisse sont retenus en otage jusqu'au moment où l'on aura appris le résultat de ce qui se passe en ce moment à Paris.

› Le tribunal ordonne qu'il sera, à l'instant, donné lecture d'une lettre de M. le ministre de la justice. Il y est dit, en substance, qu'il y a lieu de croire que le peuple, dont les droits ont été si long-temps méconnus, ne sera plus dans le cas de se faire justice lui-même, devant l'attendre de ses représentans et de ses juges.

› M. le commissaire national observe que les Suisses, en acceptant les traités et capitulations, ont obtenu le libre exercice de leur religion, et se sont soumis à la justice civile pour les délits privés qui seraient commis envers l'autorité nationale, se réservant de statuer eux-mêmes sur les délits militaires; ce qui leur fat accordé, ainsi qu'il est porté dans les traités et capitulations conclus avec les cantons suisses, savoir, dans le premier, conclu en 1481, dont M. le commissaire national a donné lecture: « Les › deux nations conviennent de se remettre réciproquement les › voleurs et mauvais citoyens qui attaqueront la souveraineté de

› l'état; de sorte qu'en ce moment les cantons suisses, si ledit Backmann s'y était réfugié, seraient obligés de le remettre à la France, attendu qu'il est prévenu de délits qui intéressent la sûreté de l'état.

› Les Suisses ont le préjugé de croire qu'ils ne doivent obéir qu'aux rois; mais en observant que, dans le cours de 1789, ils ont juré d'être fidèles à la nation française, et qu'ils sont coupables d'avoir violé leurs sermens, il requiert que le déclinatoire présenté soit rejeté, et qu'il soit passé outre.

› Le tribunal, attendu qu'il s'agit d'une réclamation de la plus haute importance, se retire en la chambre du conseil pour en délibérer.

>

Après avoir repris son audience, le jugement suivant a été prononcé :

› Le tribunal, après s'être retiré en la chambre du conseil, et y avoir délibéré sur les protestations faites par le sieur Backmann, et consignées dans les déclarations qu'il a faites devant le directeur du jury d'accusation devant lequel il a comparu, protestations tendantes à réclamer contre la compétence du tribunal; sur les observations de M. l'accusateur public, lecture faite d'une lettre de M. le ministre de la justice, écrite à ce sujet à M. l'accusateur public, M. le commissaire national entendu ; considérant que l'assemblée nationale, en déterminant les délits ou les crimes qui sont de la compétence du tribunal criminel établi par la loi du 17 août 1792, n'a fait ni prononcé aucune acception de personnes ; que le privilége réclamé par le sieur Backmann n'est justifié par aucun article positif qui ait un rapport direct aux délits ou crimes de lèze-nation, ou de conspiration et complots contre l'état : ordonne qu'il sera passé outre à l'instruction, et que néanmoins, et à l'instant, le présent jugement sera communiqué, à la diligence de M. le commissaire national, au ministre de la justice, lequel sera invité, sous sa responsabilité, à faire passer au tribunal, dans le plus court délai, le résultat précis de ses conférences avec le ministre des affaires étrangères ou avec l'assemblée nationale, s'il a cru devoir en référer au

corps législatif, pour être ensuite statué par le tribunal ce que de droit.

› Le sieur Backmann, interrogé s'il était au Château le matin de la journée du 10 août dernier :

› A répondu y avoir été le matin, mais qu'il n'y était plus lorsque le feu a commencé.

› A lui demandé où il a passé la nuit du 9 au 10:

› A dit l'avoir passée au Château.

› A lui demandé s'il n'était pas près du roi lors de la revue qui fut faite sur les six heures et demie :

› A répondu avoir été en ce moment près de la chapelle, et, après la revue, avoir accompagné le roi à l'assemblée nationale; que de suite il était sorti avec les Suisses sur la terrasse des Feuillans; qu'ils y restèrent environ une demi-heure ; qu'ils virent venir des citoyens criant vive la nation! que les Suisses répétèrent ce cri; qu'un instant après ils entendirent un coup de canon, lequel semblait partir du Château ; qu'il ne peut dire qui avait donné les ordres de faire feu; qu'immédiatement après ils virent venir à eux un grand nombre d'hommes qui leur crièrent de loin de rendre les armes; que cette sommation a été effectuée en partie et qu'après cette opération les Suisses se sont retirés près du roi dans l'assemblée nationale; que lui personnellement fut aussi désarmé, conduit au comité de section, et de suite à l'Abbaye Saint-Germain.

› A lui demandé de combien d'hommes était composée la garde suisse de service au château des Tuileries dans la nuit du 9 au 10 août :

› A répondu sept cent cinquante.

> Ici M. le commissaire national a remontré à l'accusé qu'il en impose à la justice, en alléguant qu'il n'y avait que sept cent cinquante hommes de gardes suisses au Château dans la nuit du 9 au 10, tandis qu'il appert, par les procès-verbaux qui lui seront exhibés, qu'il y en avait neuf cent cinquante.

› A lui demandé combien il y avait d'individus décorés du cordon rouge dans le régiment des gardes suisses:

T. XXI.

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