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l'être, puisque cette famille est dénoncée comme le foyer, comme la cause de tous les troubles. Il ne faut point ajourner la destruction de cette cause, qui peut porter atteinte aussi essentiellement au salut de la République. (Quelques membres d'une des extrémités: Agitons le jugement du chef.) Décrétez la motion salutaire, la motion inévitable qu'on vous a soumise, et tout ce qui suivra le jugement que vous devez porter n'aura plus rien qui effraie les amis de la liberté, et ceux qui nous épouvantent seront exclus à jamais de la domination. Vous rappellerai-je un fait ? Comment se sont faites les élections populaires de Paris, dont le dernier député se trouve être Égalité? sous la hache populaire, par les ordres de ceux qui devaient partager le protectorat qui lui était destiné. Ce n'est peut-être pas sans dessein qu'on a exercé cette tyrannie sur le peuple. Ce n'est peut-être pas sans dessein qu'on a amené ce nouveau Collatin parmi nous. (Drouet : Je demande que Lanjuinais soit rappelé à l'ordre pour avoir traité de tyrans les électeurs de Paris.) Non, ce n'est pas sans dessein qu'on a amené dans cette enceinte celui qui pouvait avoir des droits à la domination. Lorsque vous vous rappelez cet envoi de commissaires qui devaient effrayer la République par des exécutions non moins sanglantes qu'à Paris... (On murmure dans l'extrémité.) Tout vous annonce que ces hommes-là veulent la royauté, parce qu'ils ont un intérêt réel à l'avoir; parce qu'ils sont placés de manière que les graces de la liste civile se répandraient sur eux. (On applaudit.) Jetez un regard sur les hommes qui se distinguent à la tête de vos armées. Elles se trouvent dans les mains de ceux qui tiennent de plus près, le plus directement à la famille de ceux qu'on voudrait rétablir sur les ruines de la liberté. Personne, dit-on, ne songe à relever la royauté. Ah! personne n'y songe! Eh bien! donnez-nous donc des preuves. Hâtezvous de vous réunir à nous pour détruire les dernières espérances de la tyrannie. Mais lorsqu'on agite les plus grandes questions, si vous venez argumenter des vices de forme, oh! ce sera alors que, malgré moi, je serai obligé de me livrer à mes défiances. J'appuie donc la motion de Buzot. Au surplus, j'atteste qu'arrivé

il y a une demi-heure à la séance, j'ignorais qu'il fût question d'une motion que je porte dans mon cœur depuis trois ans. Chabot est à la tribune.

Les spectateurs applaudissent.

Chabot. Il y a déjà quelque temps que j'ai manifesté moi-même publiquement le vœu que je forme de l'adoption de la motion de Buzot; mais est-ce là le moment... (Plusieurs voix : Oui, oui.) d'agiter cette question? Je ne le crois pas. Et d'abord je dois relever un fait qui a été hasardé par Lanjuinais. Il vous a donné à entendre que c'était Robespierre qui avait fait nommer Égalité. (Lanjuinais: Je n'ai pas dit cela.) Je dois dire en toute vérité que l'élection d'Égalité n'a pas trouvé de plus grands antagonistes que Robespierre et ceux qu'on appelle ses partisans. (On murmure.) Quant à la motion de Louvet, je pourrais lui dire que la proposition de Brutus ne fut faite qu'après le jugement de Tarquin. J'ajoute que si vous commencez par juger la famille des Capet avant d'avoir jugé la tête coupable, vous préjugez le jugement même sur cette tète coupable. Vous avez ajourné à dix ou onze jours la comparution de Louis XVI à cette barre, avec son conseil, pour s'y défendre sur les chefs d'accusation; vous avez donc supposé qu'il pourrait se défendre. Je dis que l'adoption actuelle de la motion de Buzot vous constituerait dès aujourd'hui juges de Louis Capet. Vous ne pouvez ordonner le bannissenent d'Égalité sans préjuger que Louis Capet sera au moins deporté. Si par hasard, ce que je ne crois pas possible, mais enfin si par hasard, au lieu de faire tomber la hache sur la tête du chef de la famille, on portait la peine de la déportation, voudriez-vous infliger à toute la famille une même peine que celle de la tête la plus criminelle? J'en appelle à votre pudeur. Si c'est un crime d'être né du sang des Bourbons, ce n'est pas un crime égal à celui d'avoir pendant quatre ans assassiné des peuples. Vous préjugeriez le jugement de Louis XVI, puisqu'en punissant les innocens, vous prendriez l'engagement de punir bien plus sévèrement le coupable. La mesure qu'on vous propose aujourd'hui est attentatoire à la liberté. Je veux que toute la race soit con

damnée le même jour; mais je ne veux pas que vous commenciez par ceux qui, comme on l'avoue, ont servi la cause de la liberté. D'ailleurs, le peuple souverain a député Philippe Égalité parmi vous; il faut discuter la question de savoir si vous pouvez rejeter de votre sein un représentant du peuple, revêtu des mêmes droits, du même caractère que chacun de vous. Vous avez décrété que tous les articles de la Constitution seraient soumis à l'acceptation du peuple; mais celui-là n'est-il pas un article constitutionnel? Ainsi donc, comme vous préjugeriez le jugement du ci-devant roi, comme cette expulsion tient à nos principes constitutionnels, je demande l'ajournement au jour du jugement, et alors je ne m'opposerai point à l'expulsion totale de la famille. (Quelques applaudissemens.)

Génissieux. En abolissant la royauté, vous auriez dů, Louis XVI eût-il été aussi vertueux que Titus et Trajan, l'exclure par l'ostracisme. Sa famille porte ombrage à la liberté ; il faut l'exclure aussi. Par cet exil vous ne supposez pas de crimes. Vous leur conservez leurs biens, leur honneur; mais vous prenez contre eux une grande mesure de sûreté générale. On dit que cet exil préjugerait le jugement de Louis XVI. Je suis bien étonné que ce soient ceux-là même qui ont demandé que sa tête tombât qui opposent aujourd'hui ce préjugé. Si les Bourbons en faveur desquels on réclame avaient eu autant de civisme qu'on le suppose, ils n'auraient pas attendu le décret, ou plutôt ils seraient venus le proposer eux-mêmes. (On applaudit.) Si vous gardez Louis XVI, c'est comme coupable, c'est pour le punir. Lanjuinais a très-bien qualifié de misérable fin de non-recevoir l'objection du décret qui renvoie cette question après le jugement du cidevant roi. On nous dit sans cesse des deux côtés de la salle que nous sommes menacés, agités par des projets attentatoires à la liberté. Si nous avons quelque chose à craindre, le moment approche. S'il existe, je ne dis pas dans la Convention, loin de moi cette idée! mais dans la République, un projet de royauté, quel sera le moment où il viendra à éclore? Et si vous attendez au jour du jugement du roi, sera-t-il temps alors d'étouffer les

complots? Non; le feu serait au sein de la Convention même. Il faut prendre une mesure qui n'écarte pas le jugement du ci-devant roi, qui tranquillise le peuple. S'il était quelque membre qui ne prononcât pas contre Louis XVI la peine que ses forfaits méritent, ce ne serait que par politique. (On murmure. ) Je demande donc la question préalable sur l'ajournement, et qu'on aille aux voix par appel nominal. ( On applaudit. ) J'oubliais de répondre à une objection. On a dit que ce décret porterait atteinte à la souveraineté du peuple. Il faut observer d'abord que ce n'a pu être que par une fiction qu'il a bien fallu admettre. Mais je suppose que Philippe d'Orléans, au lieu de se montrer bon citoyen, comme il a fait jusqu'à présent, eût été un citoyen dangereux et méchant ; quoi! parce qu'il serait membre de la Convention, vous ne pourriez prononcer contre lui? Je persiste dans ma proposition.

Camille Desmoulins. Permettez que je vous éclaire....

Plusieurs membres. Aux voix ! l'appel nominal!

Thuriot. Je vois que l'intérêt politique appuie la próposition de Buzot; mais je demande qu'on ne précipite point la décision. Saint-Just m'a annoncé qu'il avait des idées nouvelles. Je demande qu'il soit entendu.

Saint-Just. Je demande aussi, moi, l'exil éternel de tous les Bourbons, et la mort de celui d'entre eux qui remettrait le pied en France. Brutus chassa les Tarquins pour assurer la liberté de Rome; mais ici, je ne sais pas si l'on ne chasse point les Bourbons pour faire place à d'autres Tarquins. (Quelques applaudissemens.) Rome avait des lois; Rome avait Brutus, je ne le vois point ici; quand nos Tarquins seront chassés, j'attends Catilina avec son armée. J'abhorre les Bourbons. Je demande qu'on chasse tous les Bourbons, excepte le roi, qui doit rester ici, vous savez pourquoi. (On applaudit.) On affecte en ce moment de lier d'Orléans au jugement du roi, pour sauver peut-être celui-ci, ou pallier son jugement. Je demande que le comité de constitution présente, d'ici au jugement du roi, les droits de l'homme

et l'acte constitutionnel de la République, et que la famille d'Orléans se retire le lendemain.

Moreau, de Châlons. Si je pouvais me permettre quelques soupçons sur mes collègues, j'avoue que la circonstance actuelle en fournirait l'occasion. Il est assez singulier d'entendre proposer l'ajournement de cette question; vous dire que vous chasserez d'Orléans le lendemain du jugement du roi, et vous dire d'un autre côté qu'on n'a pas le droit de le chasser. Je vous avoue que j'ai été tenté de croire qu'en demandant l'ajournement on avait voulu se ménager le temps d'écarter une motion qui blesse apparemment quelques intérêts. (On applaudit.) L'opinion de Saint-Just n'est pas mieux fondée ; car il craint que les Tarquins ne soient chassés que pour faire place à d'autres; je ne vois pas que ce soit une raison pour les garder tous. Lorsqu'en arrivant ici on nous annonça qu'il existait des projets de dictature, aussitôt on opposa le fédéralisme. Aujourd'hui, vous voulez chasser les Bourbons; on vous dit c'est pour placer Roland sur le trône. (On rit et on applaudit.) J'en conclus qu'il faut commencer par chasser les Bourbons qui nous font ombrage, et prendre des précautions pour que Roland ne puisse se mettre à leur place. (Nouveaux applaudissemens d'une partie de l'assemblée, et rumeurs de l'autre.) Quand on combat une opinion, on prouve qu'on n'est point de cet avis; mais quand on injurie, on prouve qu'on a un parti. Je demande que la proposition de Louvet soit mise aux voix. (On applaudit. )

Saint-André. Quand on nous a proposé à cette tribune l'exemple de Brutus pour nous déterminer à une grande mesure, on nous a jugés dignes des vertus républicaines. L'exemple et le discours de ce grand homme doivent être notre leçon. Nous voulons tous être libres.... La proposition de Buzot avait pour motif de bannir les défiances et d'éteindre tous les soupçons. Remplitelle ce but? étouffe-t-elle toutes les haines? anéantit-elle toutes les inquiétudes? Si elle ne remplit pas cet objet, elle n'est donc pas bien placée. Je ne veux point de Bourbon; j'ai juré d'être libre, d'être républica'n; je l'étais avant que vous eussiez décrété

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