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vais ce que le maire avait à lui dire. Je lui ai dit que je l'ignorais, mais que bientôt il le lui apprendrait lui-même. Il se lève et se promène encore pendant quelque temps. Je lisais sur son front l'inquiétude qui l'agitait.

> Il était tellement rêveur, tellement absorbé dans ses réflexions, que je me suis approché de très-près derrière lui sans qu'il me remarquât. A la fin il s'est retourné, et, tout surpris, il m'a dit: Que voulez-vous, monsieur? - Moi, monsieur, je ne veux rien; seulement je vous ai cru incommodé, et je venais voir si vous aviez besoin de quelque chose. - Non, monsieur. Il s'est replacé dans son fauteuil, et le citoyen maire est arrivé un instant après. M. Chambon lui a parlé avec beaucoup de chaleur et de dignité. (Ici le commissaire rapporteur rend compte du discours laconique du maire, de la lecture faite par le secrétaire-greffier du décret qui ordonne que Louis Capet sera traduit à la barre, de la réponse de celui-ci au mot Louis Capet. Seulement Louis XVI a ajouté: Vous m'avez privé une heure trop tôt de mon fils.) Louis XVI est ensuite descendu, sans beaucoup de difficulté, sur l'invitation du maire. Lorsqu'il a été au bas de l'escalier, dans le vestibule, qu'il a vu cette force armée, ces fusils, ces piques et ces cavaliers bleu de ciel, dont il ignorait la formation, son inquiétude a paru redoubler.

› Arrivé dans la cour, il a jeté un coup d'oeil sur la tour qu'il venait de quitter; il pleuvait alors. Je suis monté ensuite avec mon collègue dans l'appartement des dames: elles étaient dans des transes terribles, Nous leur avons appris que Louis venait de recevoir la visite du maire. Le jeune Louis le leur avait déjà annoncé. - Je sais cela, m'a dit Marie-Antoinette; mais où est-il actuellement ? Je lui ai répondu qu'il allait à la barre de la Convention, mais qu'elle ne devait point être inquiète, qu'une force imposante protégerait sa marche. Nous ne sommes point inquiètes, mais affligées, m'a répondu madame Élisabeth; et si vous nous l'eussiez dit plus tôt, vous nous auriez bien soulagées. Lorsqu'il a été de retour, que le maire et tous ceux qui l'accompagnaient m'ont en laissé seul avec lui, il m'a dit: - Monsieur, croyez-vous

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qu'on puisse me refuser un conseil? Le commissaire:-Monsieur, si la Convention vous en accorde un, vous en aurez un ; mais je ne puis rien préjuger. Louis: -Je vais chercher la Constitution. II y va, revient, et après l'avoir parcourue: - Oui, la loi me l'accorde. Mais, monsieur, croyez-vous que je puisse communiquer avec ma famille? Le commissaire :-Monsieur, je l'ignore encore, mais je vais consulter le conseil. Louis XVI:-Faites-moi aussi, je vous prie, apporter à dîner, car j'ai faim ; je suis presque à jeun depuis ce matin. Le commissaire: -Je vais d'abord satisfaire aux vœux de votre cœur, en consultant le conseil, puis je vous ferai apporter à diner. Un instant après je suis rentré. - Monsieur, je vous annonce que vous ne communiquerez point avec votre famille. Louis: - C'est cependant bien dur; mais avec mon fils, mon fils qui n'a que sept ans ! - Le conseil a arrêté que vous ne communiqueriez point avec votre famille; or, votre fils est compté pour quelque chose dans votre famille.

› L'on a ensuite servi le souper. Louis a mangé six côtelettes, un morceau de volaille assez volumineux, des œufs, bu deux verres de vin blanc et un d'Alicante, et sur-le-champ il a été se coucher. Nous sommes remontés chez les dames. Leur première question a été de savoir si Louis communiquerait avec sa famille. Nous leur avons fait la même réponse qu'à Louis. MarieAntoinette :-Au moins, laissez-lui son fils. L'un de mes collègues lui a répondu : -Madame, dans la position où vous vous trouvez, je crois que c'est à celui qui est supposé avoir le plus de courage à supporter les privations; d'ailleurs, l'enfant, à son âge, a plus besoin des soins de sa mère que de ceux de son père. ›

-A la suite de ces rapports, le conseil-général arrêta que Louis Capet ne communiquerait plus avec sa famille; que le valet-dechambre qu'on lui permettait d'avoir auprès de lui n'aurait de relations avec personne ; que les conseils que la Convention pourrait lui donner ne communiqueraient qu'avec lui, et toujours en présence des officiers municipaux, attendu la complicité présumée de toute sa famille; qu'en conséquence, au moment où les

conseils de Louis Capet seraient introduits, le valet-de-chambre se retirerait, et les seuls officiers municipaux resteraient, l'assemblée s'en rapportant à leur discrétion sur l'attention de ne pas gêner la confiance du prisonnier dans les confidences qu'il pourrait avoir à faire, et à leur prudence pour ne pas compromettre la sûreté des prisonniers.

Nous terminerons par une dernière anecdote. Le bruit courut, ou au moins les contemporains rapportent, que plusieurs émigrés, instruits que l'époque du jugement de Louis XVI approchait, se rendirent à Paris, non pour conspirer en faveur de son salut, mais pour jouir du spectacle de l'humiliation d'un prince dont ils se croyaient en droit d'accuser la faiblesse, et auquel ils attribuaient tous leurs maux. Victor de Broglie était, dit-on, du nombre de ces émigrés. La nouvelle de son arrestation sous le déguisement de garde national se répandit rapidement, et donnait lieu à de singulières conjectures. Voici la lettre que nous trouvons dans les journaux :

<< Paris, le 12 décembre, l'an 1er de la République.

› On a imprimé dans plusieurs journaux qu'hier 11 décembre j'avais été arrêté par ordre du comité de surveillance de la Convention nationale; on a même ajouté que j'avais été conduit à l'Abbaye. Il m'importe de détromper mes concitoyens sur ce fait inexactement énoncé.

› Hier j'ai pris les armes avec tous les citoyens de ma section. Je me suis trouvé de garde aux Capucins-Saint-Honoré; à deux heures après midi, j'ai été mandé au comité de surveillance, où je suis resté consigné jusqu'au moment où les députés qui le composent s'y sont rendus après la séance. Une explication détaillée a suffi pour que le comité, rendant justice à mon civisme, et approuvant ma conduite, m'ait, à l'unanimité, donné l'attestation ci-jointe. VICTOR BROGlie. >

Copie de l'attestation du comité.

< Le comité de sûrete générale et de surveillance à la Convention nationale, ayant fait amener ce matin devant lui, sur la cla

meur publique, le citoyen Victor Broglie, dont la présence à Paris dans les circonstances actuelles avait excité quelques inquiétudes, déclare qu'après avoir scrupuleusement examiné la conduite de ce citoyen, et s'être informé des motifs de son retour, il n'a rien trouvé de répréhensible et qui pût fonder à son égard des mesures extraordinaires de surveillance.

> Fait au comité de sûreté générale et de surveillance à la Convention nationale, le 11 décembre, l'an 1er de la république française.

>

Signé, C. BAZIRE, vice-président; KERVELEGAN, Duprat, LOUIS, MARIBONG, MONTAUT.

› Pour copie conforme à l'original :

VICTOR BROglie. ›

SÉANCE DU 12 DÉCEMBRE.

[Thuriot. Je demande que les décrets rendus soient exécutés, que Louis XVI soit jugé vendredi, ou au plus tard samedi. En lui donnant un conseil, vous n'avez sans doute pas voulu ouvrir une nouvelle chicane, et donner à Louis le temps de s'envelopper dans la chicane. Les nations étrangères, pour leur propre liberté, réclament un grand exemple; il faut que le tyran porte sa tête sur l'échafaud... (De violens murmures interrompent l'orateur. Rappelez-vous votre caractère de juge! lui crient plusieurs voix. Le président l'invite à ne pas préjuger le jugement.) Je n'énonce pas mon opinion; je dis seulemeut que si les crimes imputés à Louis sont démontrés, il doit périr sur l'échafaud; et si l'on m'avait laissé achever ma phrase, on aurait vu qu'il n'y avait pas de quoi m'interrompre.

Il paraît qu'on veut éluder ce jugement; il existe à côté de la Convention deux systèmes : celui des malveillans, qui ne veulent pas que la justice prononce; et celui des amis de la liberté, qui veulent que la loi frappe. Votre devoir est de remplir le vœu de la nation or, ce vou est que Louis soit promptement jugé, et je déclare que tout homme qui s'opposera à ce vœu n'est pas digne de la confiance de la nation. (Applaudissemens des citoyens.) Comme après trois jours de justification, le ci-devant roi peut être

jugé, je demande qu'il soit entendu définitivement samedi, et que des commisaires lui soient envoyés pour lui demander d'indiquer les conseils qu'il a choisis.

Treilhard. J'appuie la proposition de Thuriot, et je demande que quatre commissaires de la Convention communiquent les pièces au conseil que Louis aura indiqué.

N...... Je combats cette dernière proposition. Comment voulez-vous que le conseil puisse prendre connaissance des pièces qui Jui seront remises, si vous ne lui accordez que jusqu'à samedi ?

N.... Ce n'est point la seule humanité qui réclame pour Louis un conseil, c'est la justice; car, quelque criminel que soit un homme, on ne peut pas le lui refuser. Ce n'est qu'après une défense qu'une condamnation est juste: autrement la peine prononcée serait un assassinat. Si vous ne voulez pas lui donner un droit illusoire, vous devez lui donner le temps d'examiner les pièces d'où nous tirons des inductions contre lui. (On entend Le président rappelle Duquesnoy à quelques murmures. — l'ordre.)

Un membre appuie les observations de l'ante-opinant. (Mêmes rumeurs. Le président ordonne que le nom de Duquesnoy soit inscrit au procès-verbal. ).

Le membre interrompu continue: Communiquons les originaux à Louis Capet en présence des commissaires que la Convention chargera de cette mission, et délivrons-lui ensuite copie de toutes les pièces. (Quelques murmures.) Nons ne craignons pas la haine des rois, mais l'exécration des nations: nous ne devons pas nous exposer, comme le tribunal d'Angleterre, à la condamnation de la postérité, et nous couvrir d'opprobre par un jugement passionné et atroce. (Les murmures redoublent.)

-

Legendre parle dans le tumulte. Le président s'adresse à la pratie d'où partent les murmures; le silence se rétablit.

L'opinant. Je conclus à ce que, pour l'honneur même de la nation, on donne à Louis Capet tous les moyens de se défendre. Ce n'est qu'après qu'il aura épuisé toutes les ressources de dé

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