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plusieurs jours plus tard, les deux amiraux en chef décidérent qu'il fallait définitivement renoncer à diriger une attaque contre Cronstadt. Pendant cette dernière exploration, un pétard éclata encore sous la carène d'un bâtiment anglais sans l'endommager. Des recherches furent ordonnées, et l'on retira de l'eau un assez grand nombre de ces engins, au moyen de dragues dirigées par des embarcations.

L'inspection des commandants en chef se porta alors sur Sweaborg et sur Revel. Malgré l'existence de sept batteries sur les îles Bak Holmen, Kungs Holmen et Sandhamn, et la présence d'un vaisseau à trois ponts et d'une frégate embossés dans la passe de Gustass Vard, l'attaque de la première de ces places leur parut possible. Ils reconnurent toutefois qu'il ne fallait pas s'exagérer les résultats qu'on pourrait obtenir au prix de sacrifices sérieux; mais ils estimèrent qu'il y avait nécessité de ne pas accroître la confiance que les Russes avaient dans leurs fortifications, en différant plus longtemps de les attaquer dans leurs forteresses. Bientôt des bâtiments de flottille expédiés de France vinrent donner au contre-amiral Pénaud le moyen de mettre ses projets à exécution. Il vit arriver successivement les

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Une série de mauvais temps entrava les opérations des marines alliées jusqu'au 9 août. Ce jour-là, à 7 20TM du matin, les cinq bombardes françaises mouillées entre les

iles Röuskar et Cröhara, et flanquées de chaque bord de huit bombardes anglaises, ouvrirent leur feu sur la place, d'abord à 4,000 et plus tard à 3,600 mètres. Les canonnières s'avancèrent ensuite, et se plaçant en arrière, elles firent pleuvoir leurs obus et leurs boulets sur l'arsenal. Les batteries ennemies ripostèrent alors. Pendant que les défenses principales étaient ainsi attaquées de front, deux vaisseaux anglais et une frégate opéraient, à droite, une diversion contre la batterie de l'île Bak Holmen tandis que, sur la gauche, trois autres frégates anglaises canonnaient l'île Drumsiö. D'épaisses colonnes de fumée et de flammes ne tardèrent pas à indiquer que les projectiles de la flottille causaient de grands désastres dans Sweaborg. Une batterie de trois mortiers de 0", 27, improvisée par les soins du contre-amiral Pénaud sur l'îlot d'Abraham, situé à 2,200 mètres de la place, et dirigée par le capitaine d'artillerie de marine Sapia, donna les meilleurs résultats. Des explosions successives apprenaient aux alliés les progrès du bombardement; la destruction marchait d'un pas rapide. A 61 du soir, les canonnières et successivement les bombardes se retirèrent; mais, après avoir renouvelé leurs munitions, celles-ci recommencèrent leur feu, appuyées par des embarcations anglaises qui lançaient des fusées à la Congrève. Trois nouveaux mortiers furent installés pendant la nuit sur l'îlot d'Abraham (1), et le 10, dès que le jour parut, la canonnade reprit, des deux côtés, avec plus d'ardeur encore que la veille. Ce jour-là aussi, les explosions se succédèrent avec une rapidité telle dans Sweaborg, qu'aucun doute ne pouvait exister sur l'efficacité du tir des alliés. La nuit suspendit de nouveau l'attaque des canonnières Le 11, vers 4b du matin, le contre-amiral Dundas ayant proposé au commandant en chef de la division française de ne pas pousser plus loin le bom

(1) Il n'y eut cependant que cinq mortiers en batterie; un des trois placés la veille avait éclaté.

bardement, celui-ci déclara qu'il ordonnerait de cesser le feu dès que le contre-amiral anglais en aurait fait le signal à ses bâtiments. Ce dernier ayant agréé cette combinaison, l'ordre de cesser de combattre fut donné par le Tourville à la flottille française, ainsi que cela avait été

convenu.

Pendant les quarante-cinq heures qu'avait duré le bombardement, les bâtiments français et anglais et la batterie d'Abraham avaient lancé 4,150 projectiles, dont 2,828 bombes sur les fortifiations et dans l'arsenal de Sweaborg. Les désastres des Russes étaient immenses. Du côté des alliés, et malgré la canonnade soutenue des batteries russes dont les boulets n'avaient cessé de tomber tout autour des bombardes et des canonnières, les avaries étaient peu considérables, et ils n'avaient pas perdu un seul homme.

Le bombardement de Sweaborg fut la seule opération militaire qui eut lieu dans la Baltique pendant l'année 1855. La mauvaise saison força encore la division navale à quitter ces parages, dans lesquels les pavillons de la France et de l'Angleterre furent cependant aperçus jusqu'au milieu du mois de décembre. Jamais encore aucun bâtiment étranger n'était resté aussi tard dans ces mers.

Le vice-amiral Bruat, qui avait été placé à la tête des forces navales de la France en Orient, possédait à un haut degré l'affection et la confiance de la marine. La fermeté dont il avait donné tant de preuves pendant sa captivité à Alger (1), l'industrieuse et énergique initiative qu'il avait toujours su prendre dans les nombreuses missions qui lui avaient été confiées, son activité bien connue et peu ordi

(1) Le vice-amiral, alors lieutenant de vaisseau Bruat commandait le Silène lorsque ce brig se perdit, en même temps que l'Aventure, sur la côte de l'Algérie en 1830. (Voir t. IV, p. 266.)

naire, étaient de sûrs garants des services qu'il rendrait dans le poste élevé auquel il était appelé (1). La saison d'hiver pendant laquelle l'armée de terre allait être exposée à toutes les rigueurs du froid et des pluies torrentielles particulières à cette contrée, imposait de grands devoirs à la marine. Un mouvement extraordinaire régna parmi les bâtiments, et la baie de Kamiesh devint un véritable port par les soins intelligents du commandant en chef de l'armée de mer. On ne saurait se faire une idée de la multiplicité des arrivages et des départs de navires transportant hommes et choses. La mer était sillonnée de vapeurs allant prendre ou conduire au large les bâtiments de charge de l'état et les navires affrétés au commerce, par ceux enfin qui surveillaient l'entrée de Sébastopol et la côte. Cette même activité se retrouvait nécessairement partout, dans l'Océan, dans la Méditerranée, dans l'Archipel, dans les détroits, sur toute la route qui conduit de France en Crimée. Dans cette mémorable campagne, la mer Noire perdit son renom sinistre, réputation non pas précisément imméritée, mais certainement exagérée, et entretenue, à dessein peut-être jusqu'alors, par la nation qui avait un intérêt si grand à en faire défendre l'accès aux autres puissances maritimes.

Depuis le débarquement de nos régiments en Crimée, la marine avait, pour ainsi dire, été exclusivement occupée à satisfaire aux besoins multiples de l'armée. C'était une nécessité de premier ordre devant laquelle toute autre considération avait dû s'effacer. Il lui avait fallu pourvoir au transport des troupes, assurer leur subsistance, débarquer le matériel, fournir les munitions nécessaires à toutes

(1) L'importance des attributions du chef d'état-major d'une armée navale, en temps de guerre, est telle, que je crois devoir dire ici que le capitaine de vaisseau, actuellement vice-amiral Jurien de la Gravière, déjà chef d'étatmajor de l'escadre de l'Océan, fut désigné pour remplir ces difficiles fonctions dans l'armée navale d'Orient, après le départ de l'amiral Hamelin et du contre-amiral Bouet Willaumez.

les armes, transporter les malades et les blessés dans les hôpitaux établis sur les rives du Bosphore. Elle avait donné quatre-vingt-dix de ses propres canons pour le siége, et avait construit les batteries qui étaient armées par ces pièces. Pour son compte, elle avait établi de fortes estacades à l'entrée des baies de Kamiesh et de Streletz-Ka et, au moyen d'un aqueduc, elle avait amené, après des travaux aussi pénibles qu'ingénieux, l'eau potable jusqu'à la plage du premier de ces deux havres. Elle allait être bientôt chargée d'une mission qui lui permettrait de soutenir l'armée de terre d'une manière plus efficace et plus flatteuse pour son patriotisme. Le gouvernement français avait compris, en effet, l'utilité d'une expédition dans la mer d'Azoff; et le commandant en chef de l'armée navale qui, plusieurs fois déjà, avait démontré la nécessité d'occuper Kertch et Yéni Kalé, à l'entrée de cette mer, afin de priver les Russes de leurs principales branches de ravitaillement, le vice-amiral Bruat fut invité à proposer un projet.

En attendant que la suite des faits permît de mettre ce plan de campagne à exécution, la marine impériale trouva l'occasion de rendre de nouveaux services devant Eupatoria. Profitant de l'obscurité profonde qui régna pendant la nuit du 16 janvier 1855, les Russes exécutèrent des travaux d'attaque avec cette promptitude qui les distingue si éminemment. Au jour, une lutte sérieuse s'engagea. Mais, grâce à l'ardeur du détachement d'infanterie de marine qui tenait garnison avec les Turcs à Eupatoria, et à la vigueur du feu de trois batteries armées avec les canons du vaisseau le Henri IV, l'une commandée par le lieutenant de vaisseau de Las Cases et les deux autres, également par des officiers de vaisseau; grâce aussi à l'active coopération de la corvette à vapeur le Véloce, capitaine Dufour de Montlouis, à laquelle s'adjoignirent, plus tard, quatre bâtiments à vapeur anglais, l'ennemi fut obligé de battre en retraite.

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