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conditions s'étaient trouvés les vaisseaux dont la coopération avait été acceptée. Les escadres, en occupant pendant près de six heures les batteries de mer de Sébastopol, avaient fait tout ce qu'il était possible de faire. Le nombre des bâtiments à vapeur présents à la Katcha n'étant pas égal à celui des vaisseaux à voiles qui étaient à ce mouillage, plusieurs de ceux-ci durent attendre à l'ancre qu'on leur donnât la possibilité de prendre le large. En outre, l'opération assez délicate de l'accouplement des bâtiments demanda aussi du temps, et il eut été imprudent de la faire de nuit. Or, prévenu seulement le 16, dans l'après-midi, de la résolution prise par les commandants en chef de l'armée de terre d'ouvrir le feu le lendemain au point du jour, le vice-amiral Hamelin ne pouvait matériellement pas avoir rallié ses vaisseaux, s'être réuni aux escadres alliées, et avoir déployé sa ligne de combat à l'heure indiquée. L'attaque simultanée était donc chose impossible. Cet officier général, et le viceamiral Dundas envisageait la situation de la même manière,―ne devait enfin pas oublier que sa mission avait un double but combattre, mais aussi sauvegarder les mouvements de l'armée de terre dont les vaisseaux étaient l'appui indispensable et, en cas de revers, car il fallait tout prévoir, l'unique retraite. Or, en s'approchant davantage des batteries, chose qui, eu égard à la nature du fond, n'était possible que pour un très-petit nombre de vaisseaux, on exposait ces vaisseaux à des feux croisés et plongeants qui les eussent facilement écrasés, et qui eussent mis les remorqueurs dans l'impossibilité de les retirer de cette position fâcheuse. D'ailleurs, en admettant que l'artillerie de mer eût réduit les forts à l'impuissance de continuer le combat, supposition toute gratuite puisque les canons de cette époque ne pouvaient ouvrir une prompte

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lation de ce combat, sans mettre en relief les raisons considérables qui limitèrent l'action de la marine dans cette circonstance.

brèche, au delà de 500 mètres, dans une maçonnerie d'épaisseur moyenne, il ne pouvait en résulter d'autre avantage pour les alliés, que celui d'avoir occasionné une perte matérielle plus considérable à l'ennemi, du moment qu'un obstacle sous-marin rendait désormais l'entrée du port inaccessible à leurs vaisseaux. On doit donc dès lors reconnaître que, sous peine de compromettre l'expédition, l'attaque par mer ne pouvait, ne devait être qu'une simple diversion. Quoi qu'il en soit de ces appréciations, voici la lettre que le général en chef Canrobert écrivit au viceamiral Hamelin, au sujet de cette affaire :

« Devant Sébastopol, 18 octobre 1854.

<< Mon cher amiral,

«En rentrant à mon bivouac, je m'empresse de vous « adresser les remerciments de l'armée, et les miens tout « particulièrement, pour le vigoureux concours que vos << vaisseaux lui ont prêté hier. Il ajoute à la dette que nous «avons, d'ancienne date, contractée envers la flotte, et << soyez sûr que, le cas échéant, tous s'empresseraient de

l'acquitter. J'ai appris avec de vifs regrets que vous << aviez perdu deux officiers de votre état-major et, qu'entre << tous les vaisseaux, la Ville-de-Paris est celui qui a lé « plus souffert; c'est un honneur qui appartenait au vais<< seau amiral, et je ne crains pas d'en féliciter vos offi« ciers et votre équipage.

« Je ne terminerai pas cette lettre sans vous dire com« bien je suis satisfait de l'énergique conduite de vos ma«rins à terre et de l'esprit qui les anime.

« Le général en chef,

« Signé CANROBERT. »

Quelques jours plus tard, le 23, cet officier général disait dans un ordre du jour : « Je signale à l'armée la con«< duite du détachement de marins que la flotte nous a

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« donnés pour auxiliaires; on ne saurait montrer plus « d'ardeur, plus de vrai courage, et je suis heureux de « proclamer ici les droits que ces braves gens, qui nous « ont déjà rendu tant de services à la mer, acquièrent << dans nos rangs à notre estime et à nos sympathies. >> Enfin, le 9 novembre, il écrivait au ministre de la guerre: L'admiration de l'armée tout entière est acquise à la con« duite de ces braves gens qui ont lutté, depuis le com«mencement de nos opérations, avec une énergie sans « égale, contre les difficultés les plus grandes qui se soient «< jamais présentées dans un siége: leurs pertes sont «< énormes, eu égard à leur effectif; et il y a telles de nos << batteries de marine, comme celle du fort génois, com"mandant Penhoat, comme la batterie n° 2, commandée par le capitaine de frégate Méquet, qui ont été dix fois « détruites par un feu supérieur, et qui ont toujours re«< commencé la lutte avec une incroyable audace. >>

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A ces témoignages si loyaux et si mérités, le commandant en chef de l'armée de terre joignit une demande qui était une preuve irrécusable de la sincérité de son langage. Il demanda au vice-amiral Hamelin 8 nouveaux canons de 30 n° 1, 2 obusiers de 22 centimètres et 1,000 matelotsfusiliers. Le commandant en chef de l'armée de mer satisfit à ce désir, en réduisant toutefois à 600 le nombre des matelots-fusiliers; ces derniers furent placés sous les ordres du capitaine de frégate Houssard.

Ainsi que l'a écrit l'écrivain qui a été chargé de perpétuer le souvenir de la guerre de Crimée, quand on considère d'un point de vue élevé l'ensemble des opérations militaires de l'armée de terre dans cette expédition lointaine, ce qui frappe l'esprit, c'est cet appui constant de la marine à toute heure et en toute circonstance; c'est cette présence incessante du pavillon de la patrie, qui apporte la confiance comme un souvenir vivant du pays. Je l'ai déjà dit, mais on ne saurait trop le répéter, la vraie base d'opérations de l'armée expéditionnaire, soit en présence de l'ennemi, soit

dans les campements, sur les différents points du littoral de la mer de Marmara et de la mer Noire, a toujours été sur ces boulevards flottants, base mobile, se prêtant à toute la rapidité des mouvements d'une armée en campagne, et tenant constamment à sa portée, avec une activité infatigable, les ressources inépuisables des arsenaux. C'eût été un curieux travail de suivre ces bâtiments dans leurs pérégrinations continuelles, et de noter successivement cette multitude d'arrivages en hommes et en approvisionnements de toute nature, qui se renouvelaient dans la rade de Kamiesh. La marine eût été heureuse de voir l'auteur de la Marine française dans la mer Noire clore son travail par un exposé du chiffre des hommes, des chevaux, de la quantité de canons, de vivres et d'approvisionnements de toute espèce qui ont été transportés en Crimée. C'était la peinture la plus fidèle qu'on pût faire de la part prise par l'armée de mer à cette mémorable expédition.

A la fin d'octobre s'ouvrit une série de coups de vent; c'était l'hiver qui commençait. Son approche était une préoccupation constante pour le chef qui avait à veiller à la sûreté de tant de vaisseaux mouillés en pleine côte. Aussi prit-il le parti de renvoyer en France les trois plus vieux, le Iéna, qui n'avait pas bougé d'Eupatoria où il fut remplacé par le Henri IV, le Suffren et la Ville-de-Marseille. Il détacha ensuite deux corvettes, le Coligny, capitaine Robin (Alexandre), et la Tysiphone, capitaine Lebeau de Montour, pour donner la remorque, le premier dans le Bosphore, l'autre dans les Dardanelles, aux frégates et aux vaisseaux à voiles armés en transports, qui étaient annoncés devoir apporter des renforts et des approvisionnements.

Le 5 novembre eut lieu la bataille d'Inkermann. Une batterie de la marine, commandée par le lieutenant de vaisseau Dubessey de Contenson, y déjoua, par la longue portée de ses pièces, quelques-unes des combinaisons de l'ennemi.

Ce même jour, pendant que les alliés livraient la pre

mière bataille qui leur était offerte depuis leur arrivée devant Sébastopol, les Russes tentèrent d'envahir la gauche de leurs attaques confiée à la marine. Cette tentative échoua complétement. Arrêtés par les troupes de soutien de ces batteries, les agresseurs, dont le nombre fut évalué à 5,000, furent repoussés et culbutés à l'arrivée de deux détachements de marins commandés, l'un par le lieutenant de vaisseau de Marivault et conduit par le capitaine de vaisseau Rigault de Genouilly en personne, l'autre par le capitaine de frégate Pichon, auquel le capitaine de frégate Penhoat s'était adjoint.

Le 14, une violente tempête compromit tous les bâtiments qui étaient dans la mer Noire. Les vaisseaux mouillés à la Katcha eurent à lutter, pendant plus de vingt-quatre heures, contre un vent violent du S.-O. à l'Ouest qui battait en côte. Ce furent des heures bien pénibles que celles qui s'écoulèrent si lentement pendant la journée et la nuit du 14 et pendant la journée du 15 novembre, d'autant plus pénibles que chacun comprenait que les chances de réussite de l'armée expéditionnaire dépendaient en quelque sorte du salut de la flotte. Enfin, grâce à la bonne qualité des amarres, et aux sages précautions prises par les capitaines, les désastres eurent peu d'importance pour les bâtiments de guerre. Au mouillage de Kamiesh, quoique moins exposés, tous s'étaient également trouvés dans une position fort critique, mais tous avaient tenu bon. A Balaklava, le port choisi par les Anglais comme devant offrir plus d'abri, les angoisses furent plus grandes et le nombre des sinistres plus considérable que partout ailleurs. On a porté à 400 le chiffre des personnes qui y trouvèrent la mort.

Mais si, dans la baie de la Katcha et à Kamiesh, les bâtiments de la marine impériale eurent l'heureuse chance d'échapper à un naufrage qui, pour les premiers au moins, paraissait inévitable, ceux qui étaient à Eupatoria n'eurent pas le même bonheur. Personne n'ignorait qu'un bâtiment

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