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ANNÉE 1829.

Dès l'année 1642, les avantages maritimes et commerciaux que pouvait offrir l'occupation de Madagascar attirèrent l'attention de la France et, pendant près de deux siècles, les Français firent seuls le commerce sur la côte orientale de cette île. Ils y fondèrent successivement divers établissements, parmi lesquels se placent en première ligne : le Fort-Dauphin, Sainte-Lucie, Tamatave, Foulpointe, Sainte-Marie, Tintingue et quelques comptoirs dans la baie d'Antongil. Depuis 1642 jusqu'en 1786, ces établissements furent tour à tour abandonnés ou occupés selon que l'exigèrent les vues ou les convenances du gouvernement. Vers la dernière époque, nous n'avions plus qu'un commerce d'escale à Madagascar, et nous n'y conservions, sous la direction d'un agent commercial et la protection d'un petit nombre de soldats, que quelques postes de traite pour assurer l'approvisionnement des îles de France et de Bourbon.

Pendant les guerres de l'Empire, ces postes furent concentrés à Tamatave et à Foulpointe, qui tombèrent au pouvoir des Anglais en 1811. Le traité de Paris rendit à la France ses anciens droits sur Madagascar. Le 15 octobre 1818, une commission d'exploration embarquée sur la flûte le Golo, capitaine baron de Mackau, reprit possession de Sainte-Marie et, quelques jours après, de Tamatave, en présence des chefs et des principaux habitants réunis en assemblée générale; loin de contester les droits de la France, ils s'empressèrent d'en reconnaître la validité. Pour assurer le respect dû au pavillon français, on établit des postes militaires. Le Fort-Dauphin et Sainte-Lucie rentrèrent aussi sous notre domination.

Il n'entre pas dans le cadre que je me suis tracé d'énumérer les embarras et les entraves que l'Angleterre suscita au gouvernement, lorsqu'il songea sérieusement à établir la prépondérance de la France sur les parties de l'île qui lui avaient été concédées. Je ne parlerai pas des prétentions de Radama, chef des Ovas qui, poussé par cette puissance, déclara nulle toute cession de territoire qu'il n'avait pas consentie et ratifiée. Je me bornerai à dire que ce chef s'empara des points dont il contestait la propriété à la France, et que ses actes nécessitèrent une réparation qu'on avait déjà trop tardé à demander.

Des ordres furent donnés, et la frégate de 60 canons la Terpsichore, capitaine Gourbeyre, se rendit à l'île Bourbon. Le capitaine de frégate comte de Cheffontaines, gouverneur de cette colonie, y fit discuter en conseil privé les instructions qui devaient être données au commandant Gourbeyre. Il fut décidé : 1o que l'expédition se présenterait d'une manière amicale sur la côte de Madagascar ; 2° Qu'elle ne tenterait rien avant d'avoir reçu réponse à une notification qui serait faite à la reine des Ovas (1); 3° Que la notification indiquerait l'intention qu'avait la France de faire occuper de nouveau le fort de Tintingue par ses troupes; d'exiger la reconnaissance de ses droits sur le Fort-Dauphin, sur la partie de la côte orientale entre la rivière d'Ivondrou et la baie d'Antongil, et sur les autres points soumis anciennement à la domination française; de rétablir sous sa protection et domination les anciens chefs malates et betsiminsaracs;- enfin, de lier avec les peuples de Madagascar des relations d'amitié et de commerce qui devaient contribuer à la paix intérieure et à la prospérité du pays;

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4° Que le commandant de l'expédition demanderait une réponse claire et précise. S'il ne l'obtenait pas dans le

(1) Radama était mort en juillet 1828, et l'une de ses femmes, Ranavalona Manjaka, lui avait succédé.

délai de huit jours, il devait se mettre en mesure d'exécuter par la force les ordres qu'il avait reçus (1).

Le 9 juillet 1829, le commandant Gourbeyre mouilla devant Tamatave, sur la côte orientale de Madagascar, avec la Terpsichore, la corvette de charge la Nièvre, capitaine Letourneur (Thomas-Marie), les gabares la Chevrette, capitaine Depanis, et l'Infatigable, la goëlette le Colibri et le transport le Madagascar. Le commandant de l'expédition fit aussitôt connaître au gouverneur de la province le but de son voyage et son intention d'envoyer deux officiers à Ranavalona. Toutefois les dispositions hostiles qu'il remarqua lui firent prendre le parti de modifier ses instructions, et d'écrire à la reine pour lui notifier les prétentions qu'il avait ordre d'appuyer. Il fixa pour sa réponse un délai de vingt jours, passé lequel son silence serait considéré comme un refus de reconnaître les droits de la France.

Afin de mettre ce temps à profit, le commandant de l'expédition fit route pour Tintingue, distant de quatre-vingtdix milles dans le Nord de Tamatave, et il en reprit possession. On travailla immédiatement à mettre ce point en état de défense contre les attaques probables des Ovas; des casernes furent construites et un hôpital fut élevé. En moins de deux mois, les troupes et les équipages eurent rendu Tintingue imprenable par les indigènes et formé, comme par enchantement, un établissement qui permettait d'attendre la mauvaise saison.

Cependant la réponse de la reine n'arrivait pas. La Terpsichore, la Nièvre et la Chevrette appareillèrent le 10 octobre, et mouillèrent à Tamatave en s'embossant à 600 mètres de terre. Le lendemain matin, le commandant Gourbeyre fit notifier la déclaration de guerre de la France au commandant de la côte orientale,

(1) Délibération du conseil privé de Bourbon, 27 mai 1829.

et lorsque, vers 8h du matin, l'embarcation fut de retour, les bâtiments ouvrirent leur feu sur le fort; la poudrière sauta à la troisième bordée. Cette explosion répandit une terreur telle parmi les Ovas, qu'ils s'enfuirent dans toutes les directions, abandonnant les fortifications et la ville. La division cessa alors de tirer, et 140 soldats du 16 léger, 58 marins et 40 Yolofs, en tout 238 hommes, furent mis à terre sous le commandement du capitaine Fénix, du 16: léger; ce détachement se dirigea sur le fort. Une troupe d'indigènes qui essaya d'arrêter sa marche fut tout d'abord dispersée par quelques coups de canon à mitraille; mais dès que le feu des bâtiments eut été suspendu, les Ovas se rallièrent et voulurent opposer de la résistance: ils furent culbutés. A 9h, le pavillon français flottait sur les ruines des fortifications dans lesquelles on trouva 23 canons et 212 fusils.

Les Ovas, retirés au delà de la rivière d'Ivondrou, se croyaient en sûreté derrière quelques fortifications passagères; ils appelèrent à eux les Betsiminsaracs et leur défendirent de porter des vivres aux Français. Nonobstant les difficultés que présentait la nature du terrain, un détachement sous les ordres du capitaine d'artillerie de marine Shoell fut chargé de dissiper cet attroupement. Après une fusillade d'une demi-heure, il ne restait plus rien de ce rassemblement.

Les hostilités commencées, il convenait, pour arriver au but de l'expédition, d'attaquer les Ovas sur tous les points où ils s'étaient emparés des possessions françaises. Le commandant Gourbeyre mit donc à la voile pour Foulpointe et y mouilla le 26 avec sa division; la Terpsichore et la Nièvre s'embossèrent devant la ville; la Chevrette prit poste à la pointe aux Bœufs sur laquelle une batterie avait été élevée. Les bâtiments français ouvrirent leur feu le lendemain entre 7 et 8h du matin. Toutes les batteries ripostèrent; mais bientôt les Ovas se replièrent derrière une redoute située à quelque distance. Deux compagnies d'in

fanterie, une compagnie de Yolofs et un détachement de marins, formant un effectif de 325 hommes, débarquèrent à la pointe aux Boeufs. Plein de confiance dans le succès de cette opération, le capitaine Shoell, qui avait encore été chargé de la conduire, dirigea son détachement sans beaucoup d'ordre sur différents points; la ville paraissait du reste entièrement abandonnée. Mais au moment où cette petite troupe franchissait les buttes sablonneuses qui la séparaient de la plaine, elle fut assaillie par une décharge d'artillerie partie de la redoute. Cette attaque imprévue jeta l'épouvante et le désordre dans le détachement français. Les plus avancés tournèrent bride, et les autres qui se croyaient attaqués par de nombreux ennemis, imitèrent ce mouvement. Les compagnies se rembarquèrent, laissant sur le terrain 11 des leurs, au nombre desquels se trouvait l'officier commandant l'expédition. Les pertes des Ovas montaient à 75 tués.

L'espèce de démoralisation produite par le résultat de cette attaque, et les pertes que les fièvres avaient fait éprouver aux équipages depuis leur arrivée à Madagascar, déterminèrent le commandant Gourbeyre à quitter ces parages. Il ne voulut cependant pas le faire sans prendre une revanche. Il se rendit à Sainte-Marie et à Tintingue, y embarqua une compagnie d'artillerie, des Yolofs et tous les marins dont les bâtiments purent disposer, et il se rendit devant la pointe à Larrée où les Ovas avaient établi un poste militaire. Le 4 novembre, la Terpsichore, la Nièvre et la Chevrette, embossées à 200 mètres, ouvrirent leur feu sur la batterie et, lorsque les boulets eurent fait une brèche praticable, 400 hommes, conduits par le capitaine Despagne, du 16 léger, furent mis à terre. Ce détachement marcha en bon ordre sur cette batterie et l'enleva d'assaut après une résistance d'une demi-heure. Les Ovas s'enfuirent, poursuivis par un corps de réserve et par les boulets de la Chevrette. Ce succès coûta peu à l'expédition; elle ne perdit que deux hom

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