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Maiore1, ung fort gentil chevalier et expert aux armes, qui en sa compaignie avoit quarante ou cinquante chevaulx d'Espaigne, sur lesquelz estoient gentilzhommes tous esleuz2 aux armes. Et telle fut la fortune des deux cappitaines, que au descendre d'ung tertre se vont veoir les ungs les autres environ la portée d'ung canon. Je ne vous scauroye dire lequel fut le plus joyeux, mesmement quant ilz apperceurent que leur puissance estoit pareille. Si commenca le bon chevalier, après ce qu'il eut au vray apperceu les croix rouges, parler à ses gens, ausquelz il dist: «Mes amys, au combat sommes venuz; je vous prie que chascun ait son honneur pour recommandé, et si vous ne me voyez faire aujourd'huy mon debvoir, réputez-moy lasche et meschant toute ma vie. » Tous respondirent :

Allons, cappitaine, donnons dedans, n'attendons pas qu'ilz ayent l'honneur de commencer3. Alors

1. La renommée de Bayart date véritablement de l'aventure qui va suivre et de son duel avec Soto-Mayor, qui en fut la conséquence. La plupart des historiens du xvIe siècle ont parlé de ce duel célèbre, nous citerons parmi eux Aymar du Rivail (Histoire des Allobroges, p. 543), Paul Jove (Vie de Gonzales de Cordoue, t. II, p. 215), Arnaud Ferron (De rebus gestis Francorum, l. III, p. 46), S. Champier (Les gestes du preux chevalier Bayard, fol. xv à xx), etc. Alonzo de Soto-Mayor, Sr de Soto-Mayor, était fils de Pedro Alvarez de Soto-Mayor et de Thérèse de Tabora.

2. Esleuz, gens d'élite.

3. «< Or advint une foys que le noble seigneur de Bayard, qui estoit alors capitaine d'une forte place, en faisant la guerre guerroyable sortit du chasteau bien accompaigné de ses gens, si rancontra une moult belle compaignie d'Espaignolz bien armés et acoustrés et en plus grant nombre beaucopt que ledict seigneur de Bayard, dont les Francoys furent moult esbahys. Mays le seigneur de Bayard qui estoit jeune et grant en cœur, en couraige, eslevé en l'honneur et qui eust mieulx aymé mourir que de faire

baissèrent la veue, et en criant France! France! se mettent au grant galop pour charger leurs ennemys, lesquelz d'une asseurée et fière contenance, à course de cheval, criant: Espaigne ! Sant-Yago! à la pointe de leur lances gaillardement les receurent. Et en cette première rencontre en furent portez par terre de tous les deux costez, qui furent relevez par leurs compaignons à bien grant peine. Le combat dura une bonne demye heure qu'on n'eust sceu juger qui avoit du meilleur, et comme chascun en désiroit l'yssue à sa gloire, se livrèrent les ungs aux autres, comme s'ilz feussent tous fraiz, un très périlleux assault. Mais, comme chascun peult assez entendre, en telles choses est de nécessité que l'ung ou l'autre demoure vaincqueur ; si advint si bien au bon chevalier, avecques la grant peine qu'il y mist et le courage qu'il donnoit à ces gens, qu'en ce derrenier assault rompit les Espaignolz, et y demoura sur le champ, de mors, jusque au nombre de sept et bien autant de prisonniers; le reste se mist à la fuyte, desquelz estoit ledit cappitaine domp Alonce, mais de près poursuivy par le bon chevalier, qui souvent luy escrioit « Tourne, homme d'armes! grant honte te sera mourir en fuyant. » Voulut plustost eslire honneste

aulcune chose dont déshonneur luy fust advenu ny de fouyr, accompaigné seulement de ses gens, fist tant qu'il s'aproucha des Espaignolz et au premier qu'il rancontre demanda qui estoit le capitaine qui les menoit. Alors respondit ung: Nostre capitaine c'est le seigneur don Alonce de Soto-Maiore, seigneur moult extimé en Espaigne et d'une noble maison après les princes plus extimé, homme de grant cueur et faconde, hardy et preulx aulx armes qui ne treuve guières hommes à qui il ne combate, s'ilz sont nobles et de maison à luy semblable. » Alors respondit le seigneur de Bayard: «Certes j'ay trouvé ce que je queroye. » (Champier, f. xv.)

mort que honteuse fuyte et comme ung lyon eschauffé, se retourna contre le dit bon chevalier auquel il livra aspre assault, car, sans eulx reposer, se donnèrent cinquante coups d'espée. Cependant fuyoient tousjours les autres Espaignolz, qui avoient habandonné leur cappitaine et laissé seul; ce néantmoins gaillardement se combattoit, et si tous les siens eussent fait comme lui, je ne sçay qui enfin eust eu du meilleur. Bref, après avoir longuement combatu par les deux cappitaines, le cheval de domp Alonce se recreut1 et ne vouloit tirer avant. Quoy voyant par icelluy bon chevalier, dist ces parolles : « Rendz-toy, homme d'armes, ou tu es mort. A qui, respondit-il, me rendray-je?

Au cappitaine Bayart, dist le bon chevalier2. » Alors domp Alonce, qui desjà avoit ouy parler de ses faictz vertueux, aussi qu'il cognoissoit bien ne pouvoir eschapper, pour estre de toutes pars enclos, se rendit et luy bailla son espée qui fut receue à grant joye. Puis ce misrent les compaignons au retour vers leur garnison, joyeulx de la bonne fortune que Dieu leur avoit ce jour donnée, car ilz n'y perdirent ung seul

1. Se recreut, fut fourbu, harassé.

2. « A l'heure que le soleil retiroit ses raiz et tournoit en son occident Bayard voulut expédier le combat. Les gens de tous coustez (fors les capitaines qui estoient tous deux hardis et chevalereulx) ce lassèrent de férir, car longuement ilz avoient combatu. Alors le noble Bayart s'esvertua en telle façon que en frappant sur l'ung et sur l'aultre il effundra aulx ungs les haulmes et la teste aux aultres, et il donna mainctz grans couptz sur leurs corps; finablement il les abatist et fouldroya tous reservé don Alonce le capitaine, qui voyant la desconfiture de ses gens, car si ses gens eussent combatu comme luy le combat eust esté merveilleux d'ung cousté et d'aultre, commençast à cryer : « Capitaine Bayard, je veulx parlementer. » (Champier, f. xvj.)

homme. Bien y en fut blessé cinq ou six et deux chevaulx tuez, mais ilz avoient des prisonniers pour les récompenser1. Eulx arrivez à la garnison, le bon chevalier, filz adoptif de dame Courtoisie, qui desjà par le chemin avoit entendu de quelle maison estoit le seigneur domp Alonce, le fist loger en une des belles. chambres du chasteau, et luy donna une de ses robes, en lui disant ces parolles : « Seigneur domp Alonce, je suis informé par les autres prisonniers qui sont céans qui vous estes de bonne et grosse maison, et qui mieulx vault, de vostre personne grandement renommé en prouesse, parquoy ne suis pas délibéré vous traicter en prisonnier, et si vous me voulez promettre vostre foy de ne partir de ce chasteau sans mon congé, je le vous bailleray pour toute prison. Il est grant; vous vous y esbatrez parmi nous autres jusques à ce que vous ayez composé de vostre raençon et icelle payée en quoy me trouverrez tout gracieux2. — Cappitaine, respondit domp Alonce, je vous remercie de vostre courtoisie, vous asseurant sur ma foy ne partir jamais de céans sans vostre congé. Mais il ne tint pas bien sa promesse, dont mal luy en print à la fin, comme vous orrez ci-après; toutefois un jour comme ils devisoient ensemble, composa domp Alonse de sa raençon à mil escus.

1. Récompenser, dédommager.

2. Id accedit ut Petrus Baiardus tumultuaria in pugna vulnerato Alphonso, quem alii Alonsum vocant, alii Aldonsum Soto-Maiorem, captum abduceret, neque aliter quam gallos commilitones apud se haberet, ea que adhiberet fovendis vulneribus quæ adhiberi in ea rerum penuria possent... (Arn. Ferron, 1. III, p. 45.)

CHAPITRE XX.

Comment domp Alonce de Soto-Maiore se voulut desrober par le moyen d'ung Albanoys qui le garnit d'ung cheval; mais il fut repris sur le chemin et reserré en plus forte prison.

Quinze ou vingt jours fut domp Alonce avecques le cappitaine Bayart, dit le bon chevalier, et ses compaignons, faisant grant chère, allant et venant par tout le chasteau sans ce que personne luy dist riens, car il estoit sur sa foy qu'on estimoit qu'il ne romproit jamais. Il en alla autrement, combien que de luy, ainsi qu'il dist après, n'y avoit aucune faulte, ains s'excusoit que, pour ce qu'il ne venoit nulz de ses gens devers luy, alloit quérir sa raençon luy-mêmes pour icelle envoyer au bon chevalier, qui estoit de mil escus. Toutesfois le cas fut tel. Domp Alonce, allant et venant par le chasteau, se fascha, et ung jour, devisant avecques ung Albanoys qui estoit de la garnison du chasteau, luy dist : « Vien-çà, Théode! si tu me veulx faire ung bon tour, tu me le feras bien, et je te prometz ma foy, que tant que je vivray n'auras faulte de biens. Il m'ennuye d'estre icy, et encores plus que je n'ay nouvelles de mes gens; si tu veulx faire provision d'ung cheval pour moy, considère que je ne suis en ceste place aucunement gardé, je me sauveray bien demain matin. Il n'y a que quinze ou vingt mille jusque à la garnison de mes gens, j'auray fait cela en quatre heures, et tu viendras avecques moy; je te feray fort

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