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leursdictes places, n'eust esté que le roy Loys leur maistre et souverain, leur manda les laisser et eulx en venir; ce qu'ilz firent à grant regret en l'an mil cinq cent quatre', et furent très honnorablement receuz d'ung chascun comme bien l'avoient mérité, mesmement de leur bon maistre le roy de France, qui, comme sage et prudent, print les fortunes de la guerre ainsi que pleust à Dieu les envoyer, auquel il avoit son principal recours. Je vous laisseray ung peu à parler de la guerre, et viendray à desduire ce qui advint en France et autres pays voisins durant deux ans.

CHAPITRE XXVI.

De plusieurs choses qui advindrent en deux années, tant en France, Ytalie que Espaigne.

Après toutes ces choses passées, y eut quelque abstinence de guerre entre France et Espaigne, qui n'estoit guères bien à propos, car les ungs avoient ce qu'ilz demandoient et les autres non. En l'an mil cinq cens cinq mourut Jehanne de France2, duchesse de Berry, qui avoit esté mariée au roy Loys XII, lequel en celle mesme année, en sa ville de Bloys, fut si griefvement malade qu'on ne luy espéroit vie, habandonné

bant hostes premebant. Inde Ludovici regis jussu Franciam repetire (Aymar du Rivail, p. 546).

1. L'édition originale porte encore ici la date de 1524; ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut (p. 90), c'est 1504 qu'il faut

2. Le 4 février.

de tous ses médecins et de tout remède humain; mais je croy que à la requeste de son peuple et par leurs prières, car il estoit bien aymé, au moyen que jamais ne les avoit oppressez ne foullez de tailles, NostreSeigneur luy prolongea ses jours. Oudit an mourut domp Fédéric d'Arragon au Plessis-lez-Tours1, jadis roy de Naples, qui fut le dernier de la lignée de Pierre d'Arragon, lequel sans raison ny moyen usurpa ledit royaulme de Naples, et ne l'ont ceulx qui l'ont tenu depuis et tiennent encores à autre tiltre. L'an mil cinq cens Iv2, une des plus triumphantes et glorieuses dames qui puis mille ans ait esté sur terre alla de vie à trespas; ce fut la royne Ysabel de Castille, qui ayda, le bras armé, à conquester le royaulme de Grenade sur les Mores, print prisonniers les enfans du roy Chico3 qui occupoit ledit royaulme, lesquelz elle fist baptiser. Je veulx bien assurer aux lecteurs de ceste présente hystoire que sa vie a esté telle qu'elle a bien mérité couronne de laurier après sa mort. L'année mesmes trespassa son gendre, qui par le décès d'elle avoit esté son héritier, Philippes, roy des Espaignes à cause de sa femme, archiduc d'Autriche et conte de Flandres1. France ne perdit guères à sa mort, car il y avoit semé ung grain qui peu y eust proufité.

1. Frédéric mourut le 9 septembre 1504.

2. Il y a dans l'édition originale: 1526. C'est 1504 qu'il faut lire. Isabelle la Catholique mourut le 26 novembre 1504 à Medina del Campo.

3. Boabdil, dernier roi de Grenade, surnommé par les Espagnols le petit roi.

4. Philippe le Beau mourut à Burgos le 25 septembre 1506.

Le

pape Julles, Julles, par le secours du roy de France et à l'ayde de son lieutenant général ou duché de Milan, le seigneur de Chaumont, messire Charles d'Amboise, homme diligent et vertueux, conquesta Boulongne sur messire Jehan de Benetevoille1 oudit an, où pour récompense et pour payement bailla en France de beaulx pardons. Je ne sçay qui donna ce conseil, mais oncques puis les François ne furent fort asseurez en Ytalie, car avecques ce que ledit pape ne l'estoit pas trop bon, il se fortiffia deçà les Alpes à l'encontre des terres du roy de France qu'il tenoit en Lombardie. Je m'en rapporte à ce qui s'en est ensuyvy depuis; plusieurs pour l'heure s'en trouvèrent bons marchans, car aucuns cappitaines qui gouvernoient ce seigneur de Chaumont en eurent deniers de présent et aucuns de la plume bénéfice2. Bref, c'est une diablerie quant avarice précéde l'honneur, et cela a tousjours beaucoup plus régné en France qu'en autre lieu; si esse le plus excellent pays de l'Europe, mais toutes bonnes terres n'apportent pas bon fruict en quelque sorte que ce soit. Je me tiendray avecques celluy qui a fait le rommant de

1. Charles d'Amboise, sr de Chaumont, gouverneur de Paris et de Normandie, maréchal de France, grand-maître de l'artillerie, neveu du cardinal d'Amboise, s'empara sans difficulté de Bologne sur Jean de Bentivoglio qui la possédait depuis quarante ans, et il la remit au pape. Jean II Bentivoglio, fils d'Annibal Bentivoglio, sr de Bologne, se réfugia à Milan où il mourut en 1508 à l'âge de 70 ans.

2. Plusieurs de ceux qui entouraient le maréchal de Chaumont, veut dire le Loyal Serviteur, trahirent la France et se firent payer leur trahison, les hommes d'épée avec de l'argent, et les clercs par des bénéfices que leur donna le pape.

la Roze, qu'on nomme maistre Jehan de Meung1, lequel

dit que

Beaulx dons donnent loz aux donneurs,

Mais ilz empyrent les preneurs.

Le roy d'Arragon, veuf par le trespas d'Ysabel, sa femme, print l'année mesmes la niepce du roy de France, Germaine de Foix, qui fut enmenée en grant triumphe en Espaigne, et la vint quérir le conte de Siffoyntes et ung évesque Jacobin. Depuis qu'elle fut en Espagne, elle a bien rendu aux François les honneurs qu'elle avoit reçeuz du pays, car jamais ne fut veu de tous ceulx qui depuis l'ont congneue une plus mauvaise Françoise2.

CHAPITRE XXVII.

Comment les Genevoys se révoltèrent et comment le roy de France passa les monts et les remist à la raison.

Je ne veulx pas dire que tous vrais chrestiens ne soient subjectz à l'église et qu'ilz n'y doivent obéyr, mais je ne dis pas aussi que tous les ministres d'icelle soient gens de bien, et de ce je puis bailler exemple assez ample du pape Julles, qui pour récompense des bons tours 3 que le roy Loys luy avoit faiz de le faire

1. Jean de Meung ou de Mehun, dit Clopinel, un des auteurs du Roman de la Rose. Il mourut vers 1320.

2. Germaine de Foix était fille de Jean de Foix, vicomte de Narbonne, et de Marie d'Orléans, sœur de Louis XII; le célèbre Gaston de Foix, le vainqueur de Ravenne, était son frère.

3. Tours, services.

mettre, je ne sçay pas bien à quel tiltre, dedans Boulongne, pour commencer à chasser les François d'Ytalie, par subtilz et sinistres moyens fist révolter les Genevoys1 et mutiner le populaire contre les nobles, lesquelz ilz chassèrent tous hors de la ville et esleurent entre eulx ung duc appellé messire Paule de Novy2, homme mécanique et de métier de tainturier. Ung gentilhomme genevoys nommé messire Jehan Loys de Flisco3, qui estoit fort bon françois, le seigneur de Las qui tenoit le Chastellet, et plusieurs autres en advertirent le roy de France; et de France; et pour ce que le sage prince, qui en de telz affaires estoit assez congnoissant, veoit bien que si cela n'estoit bientost rabillé, il en pourroit sortir de gros inconvéniens, délibéra de passer les montz avecques bonne et grosse puissance; ce qu'il fist à grande diligence, car pour beaucoup de raisons la matière le requéroit.

Le bon chevalier estoit alors à Lyon, malade de sa fiebvre quarte, qui sans la perdre l'a gardée sept ans et davantage; il avoit en ung bras ung gros inconvénient d'ung coup de picque que autresfois il avoit eu, et en avoit esté si mal pensé que ung ulcère luy en estoit demouré, qui n'estoit

1. Genevoys, Génois.

2. Paolo Novi, teinturier, fut élu doge par la populace de Gênes en haine du parti aristocratique. Il s'enfuit à la rentrée des Français, mais trahi par un des siens, il fut pris et décapité.

3. Jean-Louis de Fiesque, comte de Lavagna, fils de Sinibald, fut obligé de sortir de Gênes avec 500 hommes qu'il amena au secours des Français.

4. Le commandant du château de Gênes se nommait Galeas Salazar. Le Châtelet était sous les ordres de Bernard de Las.

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