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tion de M. Barnave. Il est des circonstances, a-t-il dit, où il faut s'éloigner de la rigueur des principes, et l'Assemblée est dans ce cas : le meilleur moyen, sans doute, pour ramener le calme, est le renvoi des Ministres ; mais il faut faire connoître au Roi qu'on ne demande ce renvoi que dans cet objet. L'Assemblée n'a pas le droit d'exiger le renvoi des Ministres, puisqu'elle attenteroit au pouvoir exécutif. Ce n'est pas au moment où l'on va fixer des bases inébranlables aux deux pouvoirs, qu'on doit les enfreindre. N'appuyons nos démarches que sur les conseils demandés par le Roi à l'Assemblée nationale. Elle ne peut ni ne doit se mêler du choix des Ministres, puisqu'il en résulteroit les plus grands mallieurs. La France seroit perdue, si l'Assemblée s'emparoit du pouvoir exécutif. Le droit de la nomination des Ministres ne doit jamais être attaqué; leur responsabilité remédiera aux malversations, ou les préviendra. Un des vices du Parlement d'Angleterre est influence qu'il exerce sur la nomination des Ministres, et ce vice devient une des grandes causes de la corruption (1).

(1) Aucune loi n'attribue au Parlement d'Angleterre le droit dont parle ici M. Mounier. Lorsque l'opposition, dans l'une ou l'autre des deux Chambres, a ouvert la demande du renvoi de quelques Ministres, cette Motion a toujours été rejetée, ou, comme en 1784, a entraîné la dissolution du Parlement. En 1778, à l'instant de la Déclaration remise au Ministère Anglois par M. le Marquis de Noailles, au sujet du Traité de la France avec les Insurgens, il se fit une Motion dans les

M. Barnave a déclaré qu'il ne s'étoit pas

deux Chambres contre les Ministres ; mais quoiqu'elle fût fondée sur la circonstance, et qu'à l'instant d'accorder des subsides pour la guerre, il parût convenable de solliciter le renvoi des Ministres qui l'avoient si malheureusement conduite jusqu'alors, la question fut perdue à la très-grande pluralité. Tous les Représentans des Comtés, phalange incorruptible et impartiale, votèrent contre l'opposition, sur le principe fondamental et inviolable qu'au Roi seul appartient le choix ou le renvoi de ses Ministres, et au Parlement le droit de les poursuivre. Cette dernière prérogative balance l'autre. Aussi Milord North repoussa-t-il constamment toutes ces attaques illégales, en offrant de se mettre en jugement. Une seconde voie constitutionnelle dont le Parlement se sert pour faire renvoyer des Ministres, est de leur ôter, la majorité des voix; ainsi Walpole, ainsi Lord North, en 1782; ainsi Lord Shelburne, l'année suivante, furent obligés de résigner leurs places. Le Ministère, en Angleterre, n'est qu'une manivelle dont le Parlement est le Moteur: s'il refuse le concours de son action aux Agens de l'autorité, la machine s'arrête, et le Roi ne peut lui rendre son mouvement qu'en changeant de Ministres. Il n'en est pas moins vrai, comme l'observe judicieusement M. Mounier, que l'intervention du Parlement, dans le choix des Ministres, entretient l'esprit de cabale et nécessite ce qu'on appelle la corruption; mais cette intervention est contraire à l'esprit et à la lettre de la Constitution, qui a donné au Parlement la voie d'impéachment pour réprimer, on pour punir les Ministres coupables.

servi de l'expression exiger le renvoi des Ministres, mais qu'il falloit le demander. L'ASsemblée nationale devoit avoir la plus grande influence dans le choix des Ministres, et le droit de s'opposer à ce choix.

M. de Mirabeau a réfuté M. Mounier; il a déclaré que c'étoit une maxime impie et détestable de dire à l'Assemblée qu'elle ne devoit pas avoir d'influence sur le choix des Ministres. En Angleterre, c'est l'opinion du Peuple qui les élève et les renverse. Si le vœu général, si l'assentiment général ne peuvent rien sur leur choix, la Nation ne seroit pas digne d'être libre. L'autorité du Parlement d'Angleterre sur l'élection des Ministres, loin d'être un vice, étoit un avantage précieux.

M. Mounier a repris la parole et dit : Qu'agiter la question des différens pouvoirs étoit une chose prématurée; qu'il falloit entrer dans des discussions plus profondes, avant de rien statuer; que si cette question avoit été cause de la longue querelle du Roi avec les Parlemens, il ne falloit pas calculer l'avenir par le passé. Il faut empêcher la réunion des pouvoirs, il faut que l'Assemblée natio nale ne confonde pas la puissance' exécutive et la puissance législative; on posera des limites sacrées, quand on fera la Constitution. Jusques-là, la Nation compromettroit sa dignité, si elle influoit sur le choix des Ministres. If a relevé les faits opposés par M. de Mirabeau, et a rappelé la nécessité où avoit été Sa Majesté Britannique, d'appeler au Peuple de la décision portée par le Parlement sur le premier Ministre, M. Pitt, qu'on vou-. loit écarter. La confusion des pouvoirs gène au despotisme ou à l'anarchie Je ne parle pas du moment, mais de l'avenir; et il faut

eraindre que les Représentans de la Nation ne soient pas toujours animés de l'esprit qui dirige ceux qu'elle a choisis aujourd'hui.

M. Glézen a observé que tous les Préopinans étoient d'accord, mais que des ménagemens les empêchoient de s'entendre; qu'il falloit demander le renvoi des Ministres, mais ne pas aller plus loin. De tout temps, la Nation avoit eu ce droit, quoique leur responsabilité n'ait jamais eu lieu. L'Opinant a lu de l'ouvrage de M. Mounier sur les EtatsGénéraux, les passages concernant le renvoi des Ministres et leur punition. La dénonciation des Ministres coupables, a-t-il ajouté, est donc une loi constitutionnelle. Il faut donc les dénoncer au Roi et à la Nation.

M. Duquesnoi a dit que l'Assemblée devoit seulement exprimer au Roi le vœu public, et demander le renvoi des Ministres.

M. le Comte de Lally a demandé, au nom de la Capitale, le rappel de M. Necker, de ce glorieux exilé. On nous a recommandé de le solliciter, on nous en a priés, et la prière de tout un peuple est un ordre. Ce n'est pas que je trouve que M. Necker languisse dans la disgrace; il languissoit, quand on détruisoit les fondemens du bien public, objet de ses travaux. Cette sainte langueur étoit sur son visage; elle honoroit son ame; elle étoit aussi la suite de ses travaux. Mais on ne languit pas dans la disgrace, quand on emporte avec soi le témoignage de sa conscience, les vœux et les regrets de la France entière.

M. le Comte de Custines a observé que ceux qui se croyoient en droit de demander le rappel d'un Ministre, s'arrogeroient dans tous les temps le pouvoir de participer au choix des Ministres; que l'Assemblée des

Etats-Généraux devoit énoncer au Roi le vœu général, mais ne devoit pas toujours avoir égard au mouvement et aux désirs du Peuple.

M. de Custines ayant été interrompu, par un cri général, sur l'expression d'Etats-Généraux, il a repris la parole et dit : Que l'usage ancien l'avoit habitué à cette dénomination. L'Assemblée nationale, a-t-il ajouté, n'a pas le droit de demander le renvoi d'un Ministre, lorsqu'on ne lui fait pas son proces. I falloit attendre le retour de M. Necker, de la bonté du Roi.

M. de Mirabeau a fait l'apologie de ses principes, en rejetant le projet d'une dénonciation qu'on ne pouvoit étáyer par des preuves, tandis que mille indices devoient ôter toute confiance aux agens de l'autorité. M. le Comte de Clermont-Tonnerre a observé que l'Assemblée nationale ne peut faire que ce qu'elle doit. Nous ne parlons pas dans le désert, a-t-il ajouté: le Roi sait tout; laissons au Roi le droit de renvoyer ses Ministres, et de rappeler les autres, le regret de l'Assemblée doit suffire. Il a déclaré qu'une Nation législative, exécutrice, dénonciatrice et juge, s'exposeroit à tous les dangers. Il a fini par dire qu'il n'y avoit lieu à déli

bérer.

M. Grégoire a dit que ceux qui voudroient le rappel de M. Necker, diroient rappel; ceux qui désireroient le renvoi des Ministres, diroient renvoi; et ceux qui seroient des deux avis, rappel et renvoi.

M. Fréteau a observé qu'on ne pouvoit demander le renvoi des Ministres; mais qu'en exposant au Roi le vœu de la ville de Paris, c'étoit indiquer le rappel de M. Necker.

Grands débats sur la manière de poser la

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