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mesures, c'étoit pour donner le tems aux esprits de se calmer, aux amis du bien public, de seconder le vœu de la justice et de la raison; c'étoit pour vous assurer mieux que, même dans la poursuite du bien, vous n'excéderiez aucunes bornes; c'étoit, en un mot, pour manifester une modération qui convient sur-tout au courage, ou plutôt sans laquelle il n'est pas de courage vraiment durable et invincible.

>> Cependant le tems s'est écoulé, les prétentions, les usurpations des deux ordres se sont accrues, votre sage lenteur a été prise pour foiblesse; on a conçu l'espoir que l'ennui, l'inquiétude, les malheurs publics, incessamment aggravés par des circonstances presque inouies, vous arracheroient quelque démarche pusillanime ou inconsidérée. Voici le moment de rassurer vos ames, et d'inspirer la retenue, la crainte, j'ai presque dit la terreur du respect, à vos adversaires en montrant, dés vos premières opérations, la prévoyance de l'habileté jointe à la fermeté douce de la

raison.

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>> Chacun de vous sent, MESSIEURS, Com

bien il seroit facile aujourd'hui d'essayer, par un discours véhément, de vous porter à des résolutions extrêmes; vos droits sont ́si évidens, vos réclamations si simples, et les procédés des deux ordres si manifes tement irréguliers, leurs principes tellement insoutenables, que le parallèle en seroit au dessus de l'attente publique.

» Que dans les circonstances où le roi luimême a senti qu'il falloit donner à la France une manière fixe d'être gouvernée, c'est-àdire, une constitution, on oppose à ses volon tés, et aux vœux de son peuple, les vieux préjugés, les gothiques oppressions des siècles barbares ; qu'à la fin du dix-huitième siècle, une foule de citoyens dévoile et suive le projet de nous y replonger, réclame le droit d'arrêter tout, quand tout doit marcher, c'est-à-dire, de gouverner tout à sà guise, et qualifie cette prétention vraiment délirante de propriétés ; que quelques per sonnes, quelques gens des trois états, parce que dans l'idiome moderne on les a appelés des ordres, opposent sans pudeur la magie de ce mot vide de sens à l'intérêt général, sans daigner dissimuler que leurs intérêts privés sont en contradiction ouverte

avec cet intérêt général; qu'ils veuillent ramener le peuple de France à ces formes qui classoient la nation en deux espèces d'hommes, des oppresseurs et des opprimés; qu'ils s'efforcent de perpétuer une prétendue constitution, où un seul mot prononcé par cent cinquante mille individus pourroit arrêter le roi et vingt-quatre millions d'hommes; une constitution où deux ordres qui ne sont ni le peuple ni le prince, se serviront du second pour pressurer le premier, du premier pour effrayer le second, et des circonstances pour réduire tout ce qui n'est pas eux à la nullité; qu'enfin, tandis que vous n'attestez que les principes et l'intérêt de tous, plutôt que de ne pas river sur nous les fers de l'aristocratie, ils invoquent hautement le despotisme ministériel, sûrs qu'ils se croient de le faire toujours dégénérer, par leurs cabales, en une anarchie ministérielle ; c'est le comble sans doute de la déraison orgueilleuse, et je n'ai pas besoin de colorer cette foible esquisse, pour démontrer que la division des ordres, que le veto des ordres, que l'opinion et les délibérations par ordre seroient une invitation vrai

ment sublime, pour fixer constitutionnellement l'égoïsme dans le sacerdoce, l'or gueil dans le patriciat, la bassesse dans le peuple, la division entre tous les intérêts, la corruption dans toutes les classes dont se compose la grande famille, la cupidité dans toutes les ames, l'insignifiance de la nation, la tutelle du prince, le despotisme des ministres.

» Cependant, MESSIEURS, que conclurons-nous de ces tristes vérités ? sinon la nécessité de redoubler de sagesse et de persévérance pour parvenir à une constitution qui nous tire d'un état de choses si déplorable, et de proportionner notre émulation et nos efforts aux difficultés de cette entreprise, sublime sans doute, mais simple, et qui ne demande que le concours des lumières et de la suite dans les vo lontés; car c'est aux développemens de la raison que la nature a remis la destinée éternelle des sociétés, et la raison seule peut faire des lois obligatoires et durables, et la raison et la loi seules doivent gouverner l'homme en société.

» Espérons donc, MESSIEURS, loin de nous décourager, et marchons d'un pas

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ferme, vers un but qui ne sauroit nous échapper.

» Mais toutes les voies de douceur sont épuisées, toutes les conférences sont finies; il ne nous reste que des partis décisifs et peut-être extrêmes... Extrêmes! Oh non, MESSIEURS, la justice et la vérité sont toujours dans un sage milieu; les partis extrêmes ne sont jamais que le's dernières ressources du désespoir: et qui donc pourroit réduire le peuple Français. à une telle situation?

» Il faut nous constituer, nous sommes tous d'accord; mais comment ? sous quelle forme, sous quelle dénomination?

» En états-généraux ? Le mot seroit impropre ; vous l'avez senti: il suppose trois ordres, trois états, et certes ces trois crdres ne sont pas ici.

» Nous proposeroit-on de nous constituer sous quelque autre dénomination sy nonyme, après tout, de celle d'états-généraux ? Je demanderai toujours : Aurez-vous la sanction du roi ? et pourrez-vous võus en passer? L'autorité du monarque peutelle sommeiller un instant? Ne faut-il pas qu'il concoure à votre décret, ne fût-ce

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