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atteintes portées à la souveraineté impériale, refouler les usurpations, réprimer les empiétements, tel fut à l'intérieur le but essentiel de sa politique. Mais son ambition domestique fut aussi insatiable que son désir de relever le pouvoir impérial fut sincère, et il ne ménagea rien pour établir sur le plus grand pied sa famille dans le monde. C'est de lui que date la puissance de la maison de Habsbourg. Et ce n'était pas seulement par de vastes accroissements de territoire et d'importantes conquêtes, qu'il cherchait à doter les siens de riches apanages; il ne méprisait pas de moins grandioses acquisitions. Le centre de la Suisse, où il possédait déjà par héritage de nombreux domaines et des attributions politiques importantes, le centre de la Suisse devint l'objet spécial de sa convoitise, et il chercha à s'emparer peu à peu de tout ce qu'il n'y possédait pas. Nous verrons que les gens de Schwyz firent à leurs dépens l'expérience de cette double tendance de Rodolphe, comme roi et comme Habsbourg. C'est précisément parce que les choses ne se passèrent pas de même pour les gens d'Uri, qu'on en peut conclure qu'en confirmant leurs libertés et en s'abstenant de convoiter leur territoire, il voulut rendre hommage à l'usage qu'ils avaient su faire de leur modeste indépendance.

C'est dans cet esprit qu'il s'adresse, le 2 janvier 1274, « au ministre et à tous ses fidèles de la vallée d'Uri, » pour les informer qu'en reconnaissance de la manière dont ils se sont comportés envers lui et envers l'Empire, il désire maintenir et même étendre leurs libertés, leurs priviléges et leurs droits (libertates, honores, et jura non minuere, sed augere), s'engageant, comme le roi Henri (VII), à ne jamais les soustraire, sous aucune forme que ce fût, à la juridiction immédiate de l'Empire (inter speciales alumnos Imperii

computare) 13. Forts de cette assurance, qui sanctionnait et renouvelait l'immunité momentanément perdue sous Frédéric II, puis récupérée sous son fils, les gens d'Uri continuèrent, pendant le long règne (1273-91) de Rodolphe I, à se gouverner, dans les limites de leur autonomie, comme ils l'avaient fait auparavant. C'est ainsi que le Landammann (minister vallis, Ammann von Ure), qui est tout à la fois, comme nous l'avons déjà montré, le représentant du pouvoir royal et le magistrat suprême de la communauté, dans le sein de laquelle il est toujours choisi, c'est ainsi, disons-nous, que le Landammann placé à la tête du pays possède et exerce une juridiction qui va jusqu'à lui permettre de laisser comparaître devant lui l'abbé du couvent d'Engelberg, pour débattre les questions litigieuses qui surgiraient entre ce couvent et les gens d'Uri.

Ceux-ci, de leur côté, prennent des décisions dont ils remettent l'exécution à des hommes de leur choix, qui agissent d'après leurs ordres (ad mandatum hominum vallis Urania). Leur communauté, à laquelle la reine Gertrude, femme de Rodolphe I, recommande d'avoir des ménagements pour Engelberg, surtout dans les hauts pâturages > (in Alpibus), leur communauté est mise sur le même rang que ce monastère dont les priviléges, sinon le pouvoir, égalaient ceux d'Einsiedeln, et il est stipulé qu'en cas de conflit entre le couvent et les gens d'Uri, l'abbé, d'un côté, le Landammann, de l'autre, deviennent juges des griefs articulés par la partie adverse 1. Ceci rappelle l'arrangement semblable qui fut conclu trente ans plus tard entre la ville libre de Zurich et les monastères de son ressort, pour établir les formes de procédure concernant les religieux et les citoyens. Seulement, à Zurich, les citoyens et le clergé avaient direc

tement conclu cet accord, tandis qu'entre Uri et Engelberg s'était entremis le délégué immédiat de l'autorité royale, comme nous le verrons plus loin.

Ceci ne changeait rien, il est vrai, à la jouissance et à l'exercice des droits que la mouvance impériale directe conférait à Uri; mais quelque chose était changé dans la position où se trouvait Uri à l'égard du prince qui occupait le trône. Sous les Hohenstaufen, et à plus forte raison pendant l'interrègne, la vallée n'avait eu au-dessus d'elle que des monarques dont les intérêts personnels et privés ne pouvaient entrer en collision avec les siens. Le patrimoine des empereurs était alors fort loin des Alpes. Voilà ce qui fut changé par l'avénement du comte de Habsbourg, et, bien que Rodolphe, comme nous l'avons vu, se fût montré d'abord plein d'égards pour les gens d'Uri, ceux-ci n'étaient pas sans concevoir des inquiétudes. Ce prince étant, en effet, tout à la fois roi d'Allemagne (ou des Romains pour parler officiellement) et comte du Zurichgau et de l'Aargau, grand propriétaire dans les autres Waldstätten, avoué de couvents voisins, il était à craindre que la tentation de s'arrondir ne prît chez lui le dessus, malgré ses bonnes intentions envers Uri. Il était à craindre, surtout, que la confusion des qualités n'entraînât celle des juridictions, et' que les agents du comte, s'employant au nom du roi, ne transformassent insensiblement la soumission que les gens de la vallée devaient au chef de l'Empire en une obéissance particulière rendue aux princes de la maison de Habsbourg.

Il n'est pas improbable que Rodolphe, qui était incertain de transmettre à sa famille la couronne d'Allemagne, tandis qu'il était sûr de lui laisser la juridiction comtale du Zurichgau, ait favorisé des équivoques qui devenaient des empié

tements. Dans l'un des documents qui nous restent de cette époque, et dont nous avons déjà parlé, on voit l'arbitre, chargé de régler le conflit entre Uri et Engelberg, prendre le titre de juge du Zurichgau et de l'Aargau, c'est-àdiré une qualité qui désigne un officier du comte, en même temps qu'il intervient, < au nom et sur l'ordre du Roi 15. » Cet exemple sert à faire comprendre comment les deux pouvoirs, représentés par le même agent, pouvaient se confondre au préjudice des franchises du pays d'Uri. Et il faut bien croire que ce ne sont pas là de vaines suppositions, et que ces franchises avaient été plus ou moins compromises pendant le règne du roi Rodolphe, sans que l'histoire en ait conservé les preuves, quand on voit, dès qu'il a pris fin, les gens d'Uri se hâter de placer sous la sauvegarde d'une alliance commune, en prévision d'un nouveau règne, les libertés qui leur tiennent à cœur. Quinze jours s'étaient à peine écoulés depuis la mort du roi, que le pacte qui a fondé la Confédération suisse était conclu, le 1er août 1291, entre les trois États forestiers.

Avant d'en rechercher le but et d'en examiner les clauses, nous devons montrer comment les vallées de Schwyz et d'Unterwalden furent conduites à y prendre part.

II

LES LUTTES DE SCHWYZ

Nous avons laissé les hommes de Schwyz placés, à l'égard du comte Rodolphe de Habsbourg, dit le Vieux, grand-père du roi du même nom, dans une situation mal définie, et

qui, par cela même, était de nature, soit à faciliter, de la part du comte, les tentatives d'usurpation dynastique, soit à inspirer aux Schwyzois, d'un autre côté, le désir de se mettre en possession de l'indépendance à laquelle il leur était permis d'aspirer. On ignore laquelle de ces deux tendances prédominait alors dans le pays de Schwyz. On sait seulement qu'au moment de la mort du comte Rodolphe (10 avril 1232), son fils cadet, portant le même nom que lui et surnommé le Taciturne, fit avec son frère Albert un partage de famille, dans lequel lui échurent en propre les biens paternels situés dans les Waldstätten, tandis qu'il retint indivisément avec son frère le landgraviat d'Alsace et la charge de comte du Zurichgaut. Il possédait ainsi, dans la vallée de Schwyz, des droits de propriété et de juridiction semblables à ceux de son père, et qui menaçaient par conséquent de rendre de plus en plus imprescriptible au sein de cette vallée la domination de sa maison.

Le 13 décembre 1239, Albert de Habsbourg mourut, laissant trois fils dont l'un était entré dans l'Église et dont les deux autres, Rodolphe, futur roi, et Hartmann, avaient reçu de lui, au moment où il partait pour la croisade, la donation de ses dignités et de ses biens (duobus dignitatem dominiumque commisit). Mais, au bout de peu d'années, Rodolphe ayant perdu ses deux frères morts sans postérité, demeura seul possesseur de l'héritage paternel et seul représentant de la branche aînée11. Son oncle, Rodolphe de Habsbourg-Laufenbourg, dit le Taciturne, dont nous parlions tout à l'heure, se montra d'abord, comme son père et comme son neveu, un partisan prononcé de l'empereur Frédéric II. Ce monarque avait depuis 1235 complétement rétabli son ascendant en Allemagne, après la rébellion vite

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