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et qui remplaçait son père dans le gouvernement de l'Allemagne, de faire commencer l'enquête. Il n'obtint de ce prince, le 25 juillet 1312, qu'une promesse qui resta aussi vaine que l'engagement qu'avait pris Henri VII, et celui-ci mourut le 24 août 1313, sans avoir satisfait à la demande. des ducs d'Autriche, ni donné aucune suite à la recherche et à la reconnaissance de leurs droits 5. Quels qu'aient été les motifs de cette politique d'atermoiements, elle était tout au profit des Waldstätten, qui conservèrent ainsi, durant le règne d'Henri VII, la position privilégiée où ce prince les avait mis presque aussitôt après son accession au trône d'Allemagne. C'était la première fois que l'Autriche se trouvait aussi longtemps et aussi complétement exclue de toute ingérence souveraine dans les affaires intérieures des trois vallées; c'était la première fois que la puissance impériale intervenait, par l'entremise d'un seul et même haut fonctionnaire, dans le gouvernement de ce nouveau groupe politique, et consacrait ainsi l'indépendance comme l'unité de la Confédération.

Après avoir déjà signalé Louis le Germanique, le roi Henri fils de Frédéric II, et cet empereur lui-même comme ayant efficacement concouru à préparer pour les Waldstätten, et par conséquent pour la Suisse, les voies vers la liberté, nous devons, à côté d'eux, placer le roi Henri VII qui, plus qu'aucun autre, a contribué à favoriser l'émancipation politique des premiers confédérés. Mais cet hommage ne saurait nous faire perdre de vue le vrai caractère de cette émancipation. Ni les donations, ni les diplômes, ni les faveurs des princes, n'auraient suffi pour rendre libres les habitants des Cantons primitifs, ou ceux des pays et des villes qui plus tard entrèrent dans leur alliance, si l'ardent amour

de la liberté ne les avait pas perpétuellement inspirés, leur enseignant à profiter des circonstances, à user tour à tour de prudence ou de résolution, à savoir attendre comme à savoir persévérer, à avancer à petits pas, mais à avancer toujours, à ne se rebuter point et à ne désespérer jamais. Ce sont là des qualités qui ne se donnent ni ne s'octroyent, mais qui seules, dans la lutte pour l'indépendance, finissent tôt ou tard, pourvu qu'elles persistent, par donner la victoire.

Cela ne s'est jamais mieux vu que dans la fondation de la Confédération suisse, et, pour l'avoir déjà dit, nous ne voulons pas moins le redire. Jusqu'ici aucun coup d'éclat, disons le mot, aucun coup de théâtre, n'est venu dénaturer le caractère essentiellement politique de l'émancipation des Waldstätten. Ce n'est point par une violente et subite secousse qu'ils ont brisé la domination de l'Autriche. Il n'a point fallu que celle-ci fit peser sur eux, pour lasser leur patience, une oppression barbare, et qu'à force d'abus, elle les contraignît, en quelque sorte, à devenir libres. A ce travestissement de la réalité, la véritable histoire oppose le sobre mais irrécusable témoignage des faits, et elle montre par la gradation même des événements, que ce n'est point dans les excès de la tyrannie, mais dans l'amour de la liberté, qu'il faut chercher l'origine de la Confédération. Ce n'étaient pas d'intolérables despotes que les Habsbourg, mais c'étaient, pour les Waldstätten, des étrangers et des maîtres, dont à ce double titre ils ne voulaient pas.

Voilà l'explication tout à la fois naturelle et authentique de leur affranchissement national; voilà ce qui rend si instructive et si digne d'intérêt l'histoire de leurs efforts et de leurs succès. Ramenée à la taille ordinaire des choses, cette

histoire se montre sans doute moins dramatique et moins piquante, que si, devenant infidèle à son rôle, elle donnait place dans ses récits aux émouvantes mais mensongères peintures d'une lutte purement imaginaire entre d'innocentes victimes et d'odieux tyrans. Heureusement la vérité vaut ici mieux que le mélodrame, pour ceux, du moins, qui • savent discerner les traits auxquels se reconnaît la virilité des peuples, et qui préfèrent prendre, pour type de leur patriotisme, les solides et pratiques vertus de leurs véritables ancêtres, dont l'imitation demeure toujours possible, plutôt que de poétiques chimères peu faites, par leur étrangeté même, pour servir d'exemple, quelque puissante, quelque légitime, si l'on veut, que soit leur prise sur l'imagination.

Si, dans l'histoire des premiers confédérés, l'arène où se déployent leurs efforts est étroite, si les intérêts en jeu sont loin d'être grandioses, si la conduite n'est pas irréprochable, si les détails sont chétifs et les incidents de bien médiocre importance, tout se relève et s'anoblit par le sentiment. énergique, intelligent et vivace de la liberté, qui respire d'un bout à l'autre de cette modeste histoire, et qui suffit à en donner la clef. En se produisant sur un plus vaste théâtre, ce sentiment aurait eu sans doute et plus d'ampleur et plus d'éclat, mais il ne saurait être ni plus sincère, ni plus résolu, ni plus persévérant. Pour n'avoir point eu à s'inspirer de stimulants extraordinaires et de conjonctures exceptionnelles, il n'en est que plus propre à servir de modèle et de leçon. C'est un bel exemple donné sur une petite scène. Achevons de l'étudier.

IV

LES WALDSTÆTTEN PENDANT L'INTERRÈGNE ET LE SCHISME DE L'EMPIRE (1313-1315).

Henri VII était mort en Italie le 24 août 1313, quatorze mois après avoir été revêtu, le premier des rois d'Allemagne depuis Frédéric II, du titre d'empereur. Il fallait lui choisir un remplaçant. Ainsi se rouvrait pour l'Empire une nouvelle ère d'incertitudes et d'agitations; pour les Waldstätten, par contre-coup, une période nouvelle d'angoisse et d'inquiétudes. Du choix qui allait être fait dépendait leur sort un adversaire de l'Autriche sur le trône achevait de consolider et de consommer leur affranchissement; la couronne d'Allemagne rendue aux Habsbourg remettait en question tout ce qu'ils avaient jusque-là conquis d'indépendance. Il ne semblait pas, puisque l'Empire ne pouvait avoir qu'un chef, que ce ne fût pas l'une de ces alternatives qui dût se réaliser. Nous verrons bientôt que les choses se passèrent différemment, et qu'après avoir attendu plus d'un an pour donner un roi à l'Allemagne, les Électeurs finirent par lui en donner deux.

Durant cet interrègne, où tout pouvoir central était comme suspendu et où chacun des membres de l'Empire reprenait sa pleine liberté, les Waldstätten pouvaient craindre que l'Autriche ne mît le temps à profit pour se tourner contre eux et les ramener sous sa dépendance. Mais l'Autriche avait, heureusement, en ce moment même, de plus pressants intérêts qui lui faisaient porter ailleurs son attention et ses forces. Elle ajournait du côté des Wald

stätten une revendication qu'elle se croyait sûre de faire réussir, lorsqu'elle le voudrait sérieusement. Ce qui, pendant l'interrègne, se passa dans les trois vallées, nous ne le savons que très-imparfaitement, mais le peu que nous en savons nous est mieux connu qu'aucun des événements antérieurs.

Ce sont encore les gens de Schwyz qui sont en scène, et c'est encore à l'occasion d'Einsiedeln que leur humeur batailleuse se donne libre carrière. Le déplaisir que doit causer cet épisode de leur histoire est racheté d'avance par la perspective du brillant fait d'armes qui devait bientôt le suivre et l'éclipser. Si c'est un triste moyen d'affirmer son indépendance et sa bravoure, que de se mettre en campagne contre des moines sans défense, ce sont des mœurs grossières qu'il en faut accuser et non pas une sorte de lâche brutalité. La bataille du Morgarten devait, deux ans plus tard, prouver que les Schwyzois ne mesuraient pas leur courage à la faiblesse de leurs adversaires, et, en triomphant de l'Autriche, ils se lavaient, sinon du reproche, du moins de la tache, de leur razzia d'Einsiedeln. Mais n'eussent-ils pas pris cette revanche contre eux-mêmes, que nous devrions, puisqu'il se trouve sur notre chemin, donner à cet épisode une place dans notre récit. Nul part ne se montrent, avec une plus cynique franchise, ces allures d'intempérante rudesse, dont le caractère et les annales des gens de Schwyz offrent des exemples si frappants, et qui font contraste avec la débonnaireté trop gratuitement attribuée aux premiers confédérés.

Ce que l'on appelait jadis la dignité de l'histoire aurait souffert, sans doute, d'avoir à décrire une maraude à main armée, où la plaisanterie se mêle à l'outrage, et qui semble

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