Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

concession désirée. Ce fut probablement avec cet espoir, et en vue de ce résultat, que le duc Léopold consentit à l'accompagner dans son expédition d'Italie, au mois de novembre 1310. L'événement sembla justifier les calculs du prince autrichien. Après avoir donné à Henri VII des preuves non équivoques de son dévouement et réprimé, au péril de sa vie, l'émeute de Milan, Léopold, au printemps de 1311, pendant que l'armée royale assiégeait Brescia, pensa que l'occasion était venue de faire auprès d'Henri une nouvelle tentative pour recouvrer dans les Waldstätten et ailleurs, en raison de ses services, les propriétés et les priviléges qu'avait possédés sa famille. Il adressa, dans ce but, au monarque une requête en forme, où il exposait: < que ses frères et lui sollicitaient d'être remis en possession des biens et des droits (bonorum et jurium) qui leur appartenaient, soit en Alsace, soit dans les vallées de Switz et d'Urach, y compris les hommes libres habitant ces vallées, soit dans les domaines et les bourgs (bonis et opidis) vulgairement appelés Waldstet 60. >

En mentionnant, dans cette énumération, la vallée d'Uri, le duc Léopold élevait évidemment une prétention qu'il aurait eu de la peine à justifier, et qui provenait sans doute d'une fausse interprétation, soit du droit qu'avait eu son père d'intervenir à titre de roi dans le gouvernement de ce petit pays, soit, peut-être, de l'inféodation qui en avait été faite à son ancêtre, Rodolphe de Habsbourg, dit le Vieux, par l'empereur Frédéric II. En désignant sous le nom de Waldstet un territoire qu'il distingue de ceux de Schwyz et d'Uri, et par lequel il entend, selon toute vraisemblance, les vallées de l'Unterwalden, dont les habitants étaient appelés Waldleute, il commet une erreur moins

grave, et dans laquelle il est permis de voir une confusion qui s'explique aisément.

Le roi Henri VII, tout en accueillant avec bienveillance la demande du duc et de ses frères, ne se hâta cependant point d'y accéder sans réserve. Il voulut constater d'abord, par une enquête en règle, ce que pouvaient valoir les assertions de Léopold et quels étaient, dans cette affaire, les droits de l'Empire et ceux de la maison d'Autriche (de jure sibi et Imperio competenti) 1. Car, au fond, répétons-le, c'était entre cette maison et l'Empire qu'existait le conflit; ce n'était pas entre elle et ses subordonnés, en Alsace, ou dans les Waldstätten. Il ne s'agit pas ici de sujets qui se sont soustraits à son obéissance par la révolte et qu'elle voudrait, grâce à l'influence du roi, faire rentrer sous sa domination; il s'agit d'une question de droit politique et de la légitimité des actes par lesquels Henri VII avait fait passer sous la mouvance directe de l'Empire des populations et des territoires précédemment soumis à la juridiction de l'Autriche, soit dans la haute Allemagne, soit ailleurs.

La réclamation faite au sujet de l'Alsace par les ducs d'Autriche suffirait à prouver que c'était seulement entre eux et le roi qu'était engagé le débat, et qu'il faut en chercher la cause dans des mesures prises par Henri VII à leur détriment. Nous ignorons de quelle nature avait été, dans cette province de l'Empire, l'usurpation dont se plaignent les requérants qui portaient, il ne faut pas l'oublier, le titre de < landgraves d'Alsace. Mais on ne s'écarterait peutêtre pas beaucoup de la vérité, en pensant que les difficultés qui avaient surgi prenaient leur origine dans le remplacement, comme bailli impérial d'Alsace, de Jean de Lich

tenberg, zélé partisan de l'Autriche, par Geoffroy de Linange, grand favori de Henri VII. Ce haut fonctionnaire avait reçu, peu avant que le duc Frédéric transmit ses doléances à l'évêque de Strasbourg, des pleins pouvoirs pour récupérer en Alsace tous les biens impériaux aliénés par hypothèque (2 avril 1310). Il est probable que les princes autrichiens, qui possédaient dans ce pays des terres et une juridiction politique, eurent à subir des revendications qui prirent à leurs yeux le caractère d'empiétements, et contre lesquelles ils protestèrent auprès du chef de l'Empire, qui là, comme dans la haute Allemagne, était tout à la fois l'auteur et le juge suprême des torts dont ils avaient à se plaindre 62.

Les deux fondés de pouvoir, auxquels le roi, d'un côté, et le duc Léopold, de l'autre, remettaient le soin de les représenter dans l'enquête, Eberhard de Bürglen, noble thurgovien, et le comte de Toggenbourg, féal de l'Autriche, étaient chargés de s'entendre pour présenter à Henri VII un rapport circonstancié sur le vu duquel il prendrait une décision. Le monarque s'engage d'avance, si ce rapport lui paraît concluant, à replacer le duc Léopold et ses frères en possession de tous les biens et de tous les droits qu'ils réclament: - tels qu'ils ont été possédés héréditairement, tant par eux que par leurs auteurs; - tels que le roi Rodolphe, quand il était encore comte, et le roi Albert, comme duc d'Autriche, en ont paisiblement joui (in pacificâ possessione fuerunt), soit à titre de comté, soit à titre de patrimoine (ratione comitatus et hereditatis), et tels, enfin, que les dits rois et les ducs d'Autriche actuels les ont possédés en vertu d'actes authentiques d'achat (justo emptionis titulo);› ce que l'on peut, en ce qui concerne les Waldstätten, rapporter à l'aliénation faite par le comte Eberhard de

Habsbourg à son cousin Rodolphe. Dans le cas où toutes ces conditions se trouveraient remplies, le roi Henri VII se déclare prêt à satisfaire les voeux de Léopold (relocare volumus et tenemur); avec cette réserve, toutefois, que, < si l'on vient à découvrir, sous son propre règne ou sous celui de l'un de ses successeurs, qu'un droit quelconque appartient à l'Empire sur les biens restitués, Léopold et ses frères seront obligés de se conformer envers le monarque à ce qu'exigera la loi (ordo juris). › Ici encore apparaît avec évidence le caractère du débat, où l'Autriche se trouve en face, non des usurpations commises à son préjudice par les États forestiers, mais des prérogatives royales qui font échec à ses propres prétentions.

Ce décret de Henri VII, daté du camp devant Brescia le 15 juin 1311, est d'une grande importance pour préciser la condition politique des Waldstätten, et il confirme tout ce que nous en avons dit. La définition qu'il donne de la double origine des droits de l'Autriche dans les vallées, en rattachant les uns à la dignité comtale (ratione comitatus), et les autres à la possession de biens patrimoniaux (ratione hereditatis), cette définition résume les témoignages antérieurs de l'histoire et leur imprime le sceau d'une irrécusable exactitude 64. Il en est de même pour ce qui concerne les relations entre les Waldstätten et l'Empire.

Le soin que met le rescrit royal à distinguer entre les actes de juridiction des deux premiers Habsbourg, selon qu'ils auront agi comme rois ou comme comtes, atteste, d'un côté, que c'était sur la confusion de ce double pouvoir dans une même personne que reposaient en partie les réclamations de l'Autriche. La réserve exprimée sur ce point, et celle qui est relative à l'inaliénabilité des droits royaux,

montrent, d'autre part, que c'était toujours de l'Empire représenté par son chef, et de l'Empire seul, que les Waldstätten avaient obtenu et pouvaient attendre des garanties d'indépendance. Là se trouvait pour eux, en regard des prétentions autrichiennes, le souverain arbitre de la question politique. Aussi, quoique l'enquête ordonnée par le roi Henri VII semblât remettre en doute les franchises qu'il avait naguère, plus libéralement qu'aucun de ses prédécesseurs, accordées aux confédérés, l'insistance avec laquelle il maintenait les imprescriptibles prérogatives de la puissance impériale devait leur rendre confiance. Ils devaient se dire que, ne pouvant songer à vivre en dehors de ce grand Empire d'Allemagne dont ils faisaient de tout temps partie, mais pouvant y secouer le joug d'une souveraineté secondaire, ils continueraient encore à trouver dans le chef suprême de cette vaste société politique, l'appui nécessaire pour devenir eux-mêmes l'un de ces groupes indépendants dont l'ensemble constituait le corps impérial, en sorte qu'à côté des princes, des évêques, des villes, qui formaient les Etats de l'Empire, ils parviendraient un jour à obtenir une place pour la libre confédération des montagnards de la haute Allemagne.

Leur attente ne fut pas trompée. On ne sait quel aurait été, pour leur indépendance, le résultat de l'enquête qu'Eberhard de Bürglen et le comte de Toggenbourg avaient reçu l'ordre d'entreprendre; mais cette enquête n'eut pas lieu. Le premier de ces commissaires, celui du roi, était, quand il fut nommé, retenu en Italie; d'autres causes de délais survinrent ensuite, si bien qu'un an après le décret de Brescia, le duc Léopold, revenu de ce côté-ci des monts, en était encore à solliciter le roi Jean de Bohême, fils de Henri VII,

« ZurückWeiter »