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ger; que tel était l'effet des regards publics, lorsqu'ils sont toujours dirigés sur un fonctionnaire, qu'ils sont la cause des plus belles actions; mais nous sommes convaincus qu'il est impossible que ces regards agissent avec la même ulilité sur un officier de police, dont les fonctions cachées, très délicates à remplir, exigent une très grande fermeté et doivent être à l'abri de toute condescendance.

Nous avons donc pensé que la police devait être exercée concurremment par plusieurs officiers. L'officier de police doit être ferme et impartial; un juge de paix a dans son canton des liaisons d'habitude, d'intimité de parenté; aurat-il toujours assez d'impartialité? La police ne se ressentirait-elle point dans beaucoup de parties du royaume du défaut de fermeté des juges? Un jour, sans doute, viendra où les peuples, sentant la nécessité d'une police ferme et agissante, n'en confieront les fonctions qu'à des hommes qui réuniront ces qualités; encore faudra-t-il une concurrence dans leur exercice; car souvent le canton entier est partie intéressée dans un mouvement séditieux. Peut-on espérer qu'alors le juge de canton ait le courage de s'opposer à la volonté de tout le canton, qu'il ait la force, la fermeté, l'impartialité nécessaires envers des hommes avec qui il habite et dont il tient son existence ?... On vous a proposé de donner dans ces cas, pour concurrent et pour suppleant au juge de paix, l'un des juges de district. En supposant que ce dernier, comme revêtu d'une autorité supérieure, soit compétent pour suppléer à la négligence du juge du canton, pourrait-il exercer cette surveillance et cette concurrence continuelles dont nous vous avons prouvé la nécessité? pourrait-il être présumé impartial dans le jugement de ceux qu'il aura fait arrêter? Sila erré comme officier de police, il sera partial comme juge. Nous avons remarqué qu'il serait souvent trop éloigné du lieu du délit. Il y a égale impossibilité, et de faire venir les témoins à six lieues, et d'y faire venir le juge... Quant à l'accusateur public, il est évident qu'il ne peut faire arrêter... On a proposé de donner la concurrence aux maires.

Lorsque les municipalités auront été, s'il est possible, réduites de inanière à former des corps assez considérables pour mériter toute la confiance qu'exigent les fonctions de la police, on pourra les leur confier avec sûreté; mais nous ne sommes pas encore parvenus à ce point, et, jusqu'à ce que nous y soyons, peut-on attendre de l'officier municipal de campagne l'indépendance nécessaire? Peut-on esperer qu'il sera assez étranger aux petits intérêts de la communauté? Nous pensons donc que les municipalités subdivisées ne pourraient jamais concourir utilement avec les officiers de police... Ici se présente la question qui ne vous a pas été soumise sons tous ses points de vue c'est de savoir si l'on peut donner cette concurrence aux officiers de la gendarmerie nationale. Nous avons fait disparaître de notre premier projet quelques inconvénients qui y étaient renfermés; nous espérons que vous n'y trouverez plus que des avantages. Si vous n'aviez créé la gendarmerie que pour lui donner les fonctions des archers, vous ne l'auriez pas organisée avec tant de soin, vous n'auriez pas fait nommer les officiers par les administrations des départements; enfin je dois observer qu'il ne s'agit que d'une arrestation de vingtquatre heures.

La maréchaussée a eu longtemps le droit d'ar

rêter les prévenus et de les livrer à la justice. Après lui avoir donné le pouvoir d'arrêter, ne pouvez-vous pas lui donner celui d'examiner s'il y a lieu de remettre à la justice. Nous avons pensé que des officiers qui sont autant civils que militaires pouvaient être autorisés sans danger à disposer pour vingt-quatre heures seulement, et sous leur responsabilité, de la liberté d'un citoyen entouré des indices du crime... Comme plusieurs raisons du moment ont déterminé la proposition que nous vous faisons, vous pouvez décréter que les législatures examineront chaque année si la gendarmerie nationale n'a pas abusé du pouvoir que vous lui confiez... Parmi les objections qui nous ont été faites, il en est une qui nous a paru avoir de la justesse : c'est qu'il n'est pas convenable que le dépositaire de la force publique ait indéfiniment le droit de faire amener devant lui, d'interroger à son domicile et de faire conduire dans une maison d'arrêt le citoyen. Nous vous proposons donc de ne lui accorder que le droit de faire amener le citoyen prévenu devant l'officier de police, sauf le cas où le citoyen aurait été arrêté en flagrant délit. Mais voici en quoi consiste le principal objet de la concurrence. Nous avons pensé que dans certaine circonstance les juges de paix pourraient repousser une plainte qui inculperait un homme puissant du canton; c'est dans ce cas que nous vous proposons d'autoriser les citoyens à s'adresser à l'officier de gendarmerie.

M. Duport, rapporteur, lit un projet de décret conforme à ces principes.

M. Pétion. La première question est de savoir si la concurrence est nécessaire, ou si elle ne produira pas un défaut d'action et de négligence, et si elle ne détruira pas la responsabilité. Quant aux juges de paix des villes, il me semble qu'ils valent bien les anciens commissaires de police; quant à ceux des campagnes, je crois qu'ils peuvent bien remplacer les anciens procureurs fiscaux, qui, la plupart, n'avaient pas de très grandes lumières. Les officiers de la gendarmerie sont des officiers militaires continuellement en action; ils finiront par remplir toutes les fonctions de la police. Toutes les fois qu'il y a concurrence entre un officier militaire et un officier civil, le premier preadra de la prépondérauce, il finira par avilir l'officier civil. Remar quez qu'il n'y aura pas une brigade dans chaque canton; cette surveillance continuelle des deux officiers de police ne pourra donc pas exister... Je demande que l'on discute la question de savoir si la concurrence est nécessaire, et que, dans le cas où cette question sera décidée à l'affirmative, Vous choisissiez pour concurreut à l'officier de police le procureur de la commune.

M. de Beaumetz. Vos comités n'ont jamais entendu vous proposer la concurrence des officiers de gendarmerie dans les villes; elle est uniquement pour les campagnes, et vous êtes forcés de l'adinettre par la nécessité de trouver des officiers capables. Ce n'est pas même une concurrence que nous vous proposons, c'est un supplément des juges de aix. Lorsque les bornes du pouvoir de chacun des deux fonctionnaires seront établies, il n'y aura plus à craindre que l'un des deux se repose sur l'autre. Toute iée de conflit de pouvoirs est parfaitement étrangère au sujet. Je prie les personnes qui nous ont fait des objections de porter leur imagination dans

les campagnes, d'examiner tous les choix qui ont été faits, de voir partout un reste d'insurrec tion, de porter leur regards sur tous les obstacles des ennemis de la Constitution, qi excitent des troubles et jettect la fermentation dans les esprits.

Avez-vous oublié que la gendarmerie nationale n'est autre chose que la garde nationale ellemême ? Nous proposons de déroger à ce que l'ar ticle dans sa première rédaction paraissait avoir de plus sévère; mais n'oubliez pas que nous regardons les despotes et les brigands comme également ennemis de la liberté.

M. Robespierre. Malgré les diverses modifications qui ont été faites à l'article, la principale disposition est toujours la même. On voit toujours des officiers militaires exerçant un pouvoir civil. Dans l'ancien régime mème ce pouvoir ne leur était arrogé que dans les cas de flagrant délit. En vain dira-t-on : « Si la loi est mauvaise, les législatures suivantes la réformeront; ce serait rendre inutile et précaire la liberté de la nation française.

M. Fréteau. J'ai le texte à la main, et je vous atteste que les lois anciennes attribuaient aux officiers de la maréchaussée un pouvoir à peu près semblable à celui qu'on vous propose de leur donner.

M. Thouret (1). Messieurs, l'objet soumis en cet in-tant à votre examen appelle toute votre attention. La police qui prévient les crimes, et qui en assure la punition lorsqu'ils sont commis, est tellement essentielle au maintien de l'ordre public, que sans une bonne institution de cette police gardienne de la paix et de la sûreté intéreu es, l'organisation sociale ne peut pas subsister. Cette police est la seule garantie solide du succès de nos importants travaux; car s'ils ne mettent pas la tranquillité générale, les personnes et les biens des particuliers à l'abri des attentats des méchants, non seulement nous n'aurons pas fait une véritable Constitution, mais nous verrions pas même l'établissement éphémère de Celle que nous aurions rêvée.

ne

La nation a supporté avec courage les inconvénients inséparables de la désorganisation des pouvoirs, parce que c'était à ce prix seul qu'elle pouvait conquérir sa liberté; maintenant que la Constitution, qu'elle a si ardemment désirée, dont elle a con-aciè les principes, et secondé tous les développemen's, touche à son terme, elle est empressée de jouir du fruit de sa constance. Ce qu'elle demande, parce que c'est son premier besoin, le plus prompt et le plus entier rétablissement de l'ordre public, nous le voulons tous unanimement, parce que c'est notre devoir comme citoyens et comme législateurs. Ne pouvant être divisés ici que sur le choix des moyens, il me semble que des considérations décisives doivent rapprocher promptement nos opinions.

Les fonctions de la police, telles que le projet de vos deux comités les a déterminées, ne sont point proprement des fonctions judiciaires. Quand on vous les présente sous ce point de vue pour en conclure qu'elles sont inconciliables avec le pouvoir militaire, on contredit expressément votre décret fondamental en cette matière, qui a divisé constitutionnellement la police et la justice. Il n'y a dans la police que la surveil

(1) Le discours de M. Thouret n'a pas été iuséré au Moniteur.

lance nécessaire de la puissance publique pour prévenir les crimes, pour constater ceux qui ont été commis, et pour soumettre à l'epreuve judiciaire les individus justement soupçonnés. Ces fonctions, qui précèdent l'action de la justice, ont autant d'analogie avec celles qui constituent la garde intérieure, qu'avec celles qui sout départies à l'autorité purement civile.

Comment peut-on nous objecter ici la rigidité inflexible d'un principe absolu? Il y a peu de ces principes rigoureux, qui n'admettent en aucuns cas des modifications salutaires; et quand on considère que la souveraineté du pouvoir constituant réside dans cette Assemblée, il est impossible de concevoir quelle maxime assez essentielle de l'ordre social lui défend de déléguer les fonctions anté-judiciaires de la police de sûreté, aux officiers de la gendarmerie nationale, pour enchainer sur ce point le libre exercice de son autorité suprême. La règle primitive de toute délégation des fonctions publiques est toujours de la faire pour le plus grand avantage de la société; et notre devoir dans les circonstances où se trouve le royaume, quand la nation est encore agitée par les secousses inevitables d'une grande révolution, est de déléguer le pouvoir de la police de manière à lui assurer, dès le premier instant, une exécution sûre et énergique.

Le besoin de la police est de tous les lieux et de tous les instants: il est donc nécessaire que les dépositaires de ce genre de pouvoir soient disséminés dans toutes les subdivi-ions des districts, afin qu'ils soient aisément accessibles à tous les citoyens, et qu'ils puissent aussi se transporter promptement partout. Ces motifs vous ont déterminés, suivant notre projet, à confier les fonctions de la police aux juges de paix : mais nous ne pouvons pas vous laisser ignorer que la résolution de vos deux comités, sur ce premier point, est essentiellement liée à celte autre proposition, que les capitaines et les lieutenants de la gendarmerie nationale soient chargés concurremment d'une partie de ces mêmes fonctions. La nécessité de cette concurrence est telle que, si elle n'avait pas lieu, la police n'exis terait dans ce royaume que de nom seulement, et sans véritable efficacité.

Les juges de paix seront propres à remplir les fonctions communes et ordinaires de la police de sûreté, qui n'exigent en général qu'un jugement sain, et l'amour de l'ordre, naturel aux bons habitants des campagnes. Ils y seront très propręs, surtout lo squ'ils se seront instruits, lorsque les citoyens plus éclairés sur l'importance de ces officiers auront senti l'intérêt de les bien choisir, lorsqu'enfin les camp gnes mieux peuplées, présenteront plus de latitude aux bons choix. Dins le moment actuel, il ne faut ni s'etonner ni se décourager du produit des premières élections; mais on voudrait en vain se dissimuler qu'il n'offre pas partout des sujets propres à satisfaire d'une manière suflisante au pressant besoin d'une police éclairée, active et courageuse : il est donc indispensable, dans ces premiers instants, d'établir une concurrence avec les juges de paix pour les fonctions de la police. Elle sera meine nécessaire dans tous les temps pour assurer l'impartialité et l'activité de ce service, qui ne seraient pas assez gara ties à la société par un seul fonctionnaire en chaque canton.

L'Assemblée a dù connaître qu'on ne lui a fait, pour l'exercice de cette concurrence, aucune proposition qui ne fùt ou moins convenable, ou même

plus dangereuse que celle des officiers de la gendarmerie nationale.

Quelques opinants ont proposé un des juges du tribunal de district; mais cette concurrence serait illusoire, parce qu'un concurrent unique pour tout le district, placé rarement au centre, et le plus souvent vers une des extrémités, serait trop éloigné de la plus grande partie du territoire. Soit qu'il fallut aller le trouver et lui mener les témoins, soit qu'il fût obligé de se transporter pour constater les traces du délit, il y aurait dans les deux hypothè-es trop d'incommodités et de lenteurs pour que le service pût être fait toujours avec exactitude. On retomberait d'ailleurs dans cet inconvénient très grave, que l'un des juges du tribunal de district ordonnant l'arrestation, lorsqu'un antre juge du même tribunal doit, en qualité de directeur du juré, examiner si elle a été justement ordonnée, la liberté des prévenus se trouverait exposée aux dangers de la partialité, de la prévention et des complaisances de la confraternité. On perdrait ainsi un des grands avantages de la division de la police et de la justice; on ruinerait le premier résultat de cette combinaison si précieuse à la sûreté individuelle, qui fait que, si un fonctionnaire public a le droit d'arrêter provisoirement, un autre doit reviser sans délai les motifs de l'arrestation, lorsque d'autres jugeront ensuite s'il y a lieu à l'accusation, d'autres encore s'il y a conviction sur le fait, et d'autres enfin appliqueront la peine.

La concurrence de l'accusateur public serait de toutes la plus inconstitutionnelle. Celui qui accuse est la partie poursuivante; tous les principes et toutes les convenances seraient blessés, s'il avait le droit de donner l'authenticité aux preuves, et de décerner les mandats d'arrêt. Ajoutons qu'on ne pourrait pas, sans renverser dans un de ses points essentiels, le projet de vos comités, instituer plus d'un accusateur public par département.

Il ne resterait donc plus que le parti de donner la concurrence des fonctions de la police de sûreté aux maires des villages, ou aux procureurs des communes. Comment ceux qui vous l'ont proposé, n'ont-ils pas aperçu que toutes les raisons qui rendent le service des juges de paix insuffisant, sont communes, à plus forte raison, aux maires et aux procureurs des municipalités villageoises? Cou ment n'ont-ils pas vu que diviser ainsi l'action de la police entre autant de petits fonctionnaires qu'il y a de villages, c'était l'énerver, et exposer son autorité à être journellement provoquée, ou, ce qui serait pis encore, prostituée et avilie pour des rixes de voisinage et des altercations de la moindre importance? Le dépôt de la police de sûreté dans les mêmes mains auxquelles la simple police municipale est remise, n'introduirait-elle pas une confusion fâcheuse de deux institutions si essentiellement différentes?

Hâtons-nous, Messieurs, de reconnaître unanimement que la concurrence des fonctions de la police de sûreté ne peut être utilement déléguée qu'aux officiers de la gendarmerie nationale.

La concurrence est nécessaire pour remédier à la partialité du juge de paix, toutes les fois qu'il sera ou l'ennemi de celui qui veut se plaindre, ou le parent, ou l'allié, ou l'ai du prévenu. Ces liaisons sont fréquentes dans les villages, et y ont plus d'influence que dans les villes. Il faut donc établir pour concurrents des juges de paix, des hommes qui n'aient pas des rela

tions de parenté, d'état de société habituelle dans la classe la plus nombreuse des habitants des campagnes. Tels seront les officiers de la gendarmerie nationale.

La concurrence est nécessaire encore pour remédier à la faiblesse et à la timidité de certains juges de paix dans les occasions périlleuses, soit lorsqu'il s'agira d'un prévenu qui se sera rendu redoutable dans le canton, semblable à ces scélérats audacieux que l'on a vus braver longtemps les décrets de la justice,et défier insolemment les dépositaires de la force publique; soit lorsqu'il sera question de délits favorisés par un égarement momentané de l'opinion locale, dont une portion nombreuse des compatriotes du juge de paix se sera rendue coupable, comme dans les cas de contrebande à main armée, d'obstacles à la circulation des grains ou à la perception des impôts, de violences commises dans des assemblées de commune ou primaires. Pouvons-nous penser que, dans tous ces cas, un juge de paix abandonné à lui-même, aurait le courage de commencer des poursuites et de délivrer les mandats d'amener et d'arrêt? Il faut donc lui donner pour concurrents, des hommes indépen dants du peuple, ayant de la force et de l'énergie dans le caractère, exercés par état à la bravoure qui fait affronter les dangers tels seront encore les officiers de la gendarmerie nationale.

La concurrence est nécessaire enfin, pour remédier à l'inexpérience des juges de paix dans la recherche de ces crimes adroitement combinés, dont les auteurs ont su couper avec habileté le fil des renseignements qui pouvaient faire remonter jusqu'à eux. Les officiers de la gendarmerie nationale vous offrent des fonctionnaires très exercés à recueillir les indices, à les apprécier, à en suivre les traces; ils ne seront pas moins utiles par leur expérience à découvrir les coupables qui se cachent, que par leur courage à braver les menaces des brigands.

Quelle raison assez puissante pourrait donc balancer tous ces avantages qui vous offrent le plus sûr moyen de remplir l'attente nationale, en donnant, dès à présent, à la police constitutionnelle que vous créez, toute l'activité dont elle est susceptible? Serions-nous arrêtés par la crainte frivole que cet établissement ne conserve encore une physionomie prévôtale? Il y a trop de lumières répandues dans la nation, pour que les différences essentielles qui distinguent si avantageusement l'institution actuelle, du régime aboli de l'abusive juridiction des prévôts, ne soient pas reconues et applaudies unanimement. On ne confondra pas davantage, avec l'ancienne maréchaussée, le nouvel établissement qui justifie par les principes sur lesquels il est constitué, le titre honorable de gendarmerie nationale que vous lui avez donné. Elle est vraiment nationale, cette phalange citoyenne sortie du sein de la Constitution pour sa délense, sous quelques rapports qu'on l'envisage, soit par son organisation, soit par la nature des fonctions que vous lui avez attribuées, et qui sont une véritable délégation de celles de la garde nationale.

Vous venez de régénérer non seulement sa composition, mais encore ses principes et son esprit : le décret qui l'institue sous un mode qui mérite toute sa reconnaissance, lui impose l'obligation du respect pour la liberté civile, et pour la dignité du citoyen, qui doit tempérer sans cesse l'utile emploi de la force dont elle est dépositaire. Sensible, n'en doutons pas, à ce que vous

avez déjà fait pour elle, plus honorée encore par le nouveau témoignage de confiance que vous donnerez à ses officiers, elle remplira fidèlement ses nouvelles obligations, son intérêt et son honneur vous en répondent, puisque, si elle s'écartait jamais, dans l'exercice des fonctions de la police, de la circonspection qui lui est imposé?, elle perdrait, avec l'estime de la nation, le dépôt de cette autorité dont elle aurait abusé.

La garantie que je vous offre ici de la bonne conduite des officiers de la gendarmerie nationale, se trouve dans cette proposition de vos deux comités, de ne pas leur déléguer la concurrence des fonctions de la police définitivement, mais seulement par provision, en réservant expressément aux législatures le droit de modifier, de changer, ou mème de révoquer entièrement cette délégation, lorsqu'elles le jugeront nécessaire. Par là vous pourvoyez solidement à la sûreté publique et à la liberté individuelle; puisque, dès le moment que l'abus viendrait à se montrer, le Corps législatif pourrait l'anéantir dans sa source. Par là vous prévenez même la naissance de l'abus, en avertis sant les officiers de la gendarmerie nationale, que la durée de cette portion honorable de leurs fonctions dépendra de la bonté de leur service.

A cette première disposition, vos deux comités ajoutent l'exception qui a été réclamée par quelques opinants, à l'égard des villes dans lesquelles il est évident que la délégation de la police aux officiers de la gendarmerie nationale, n'est pas aussi nécessaire que dans les campagues.

Nous avons ensuite distingué trois cas, qui font la matière des nouveaux articles que les comités vous proposent.

Le premier cas est celui où les gendarmes nationaux étant dans le cours des fonctions que Vous avez précédemment décrétées comme fonctions essentielles et ordinaires de leur service, auront saisi des délinquants. En ce cas, il existe déjà un mandat d'arrêt légal, résultant de votre décret même, mandat exécuté par la capture des personnes que les gendarmes ont saisies. Nous pensons que rien ne s'oppose à ce que les gendarmes puissent conduire ces personnes saisies devant leur officier, ni à ce que celui-ci ait le droit, après avoir entendu les prévenus et vérifié les notifs de l'arrestation, de les faire mettre en liberté, ou de délivrer contre eux un mandat d'arrêt.

Le second cas est celui du flagrant délit, et de tous les crimes qui laissent des traces apparentes qu'il est important de constater avec célérité. Vos comités ont pensé qu'il est important de mettre à profit la facilité avec laquelle les officiers de la gendarmerie peuvent se transporter au lieu du délit, et de stimuler leur zèle, pour ces expéditions dont toute l'utilité dépend presque toujours de la promptitude, en les autorisant à délivrer le maudat d'amener devant eux, et ensuite le mandat d'arrêt, toutes les fois qu'ils se seront transportés, pour constater le corps ou les traces du délit.

Le troisième cas est celui des plaintes et des dénonciations qui ne sunt accompagnées d'aucunes des circonstances précédentes. Il n'y a aucun inconvénient à ce que l'officier de la gendarmerie puisse les recevoir, et recueillir aussi les premières preuves; cela est même nécessaire, Jorsque l'énergie, ou l'impartialité du juge de paix peuvent paraître douteuses: mais en ce cas, vos comités ont pensé que l'officier de gendarmerie ne pourrait délivrer le mandat d'ame

ner, que pour faire conduire le prévenu devant le juge de paix qui aurait seul le droit de délivrer le mandat d'arrêt. Ils proposent encore, qu'en ce cas le mandat d'arrêt soit signé, non seulement par le juge de paix, mais encore par l'officier de gendarmerie qui doit rester garant, tant envers le prévenu qu'envers le juge de paix, des premiers actes par lesquels il influe nécessairement sur l'arrestation.

En modifiant, par toutes ces précautions, le concours des officiers de gendarmerie aux fonctions de la police de sûreté, il ne reste plus de poids aux considérations par lesquelles on a combattu ce parti si nécessaire au raffermissement de la tranquillité publique dans les circonstances actuelles. Que signifient ces faux motifs d'inconvenance et dincapacité,, sur lesquels on s'est tant appesanti? Serions-nous donc si peu avancés que, pleins encore d'un respect gothique pour nos robes et nos rabats, nous pensassions qu'on ne peut être, ni décemment, ni utilement chargé du maintien de l'ordre public, que lorsqu'on a été de la caste qui portait cette livrée scholastique, et qu'un bon citoyen voué par état à la recherche des malfaiteurs, s'il est vêtu de bleu et chaussé de bottes, n'est pas capable de bien vérifier, quand un crime est commis, si les indices qui s'élèvent contre un individu soupçonné, sont suffisants ou non, pour mériter l'examen de la justice?

Où sont encore ces dangers pour la liberté publique ou individuelle, par lesquels on a cherché à vous alarmer? Une police active et rigoureuse n'inquiète que la lib rté désordonnée des méchants; mais cette liberté-là, qui ne serait que le triomphe de la licence et l'impunité des crimes, détruirait la liberté constitutionnelle de tous les bons citoyens. Vous ne vous y tromperez pas, Messieurs lorsque vous organisez la police, vous créez la force protectrice de tous les hommes de bien contre l'oppression des scélérats et des brigands ne craignez donc pas de lui donner toute l'énergie dont elle a besoin, pour remplir son objet.

Il est temps aussi de repousser les calomnies par lesquelles les ennemis de la Révolution cherchent à faire méconnaître la sainteté de ses principes. C'est à elle qu'ils ont osé imputer les événements qui ne furent que l'effet naturel de la désorganisation des anciens pouvoirs arrivés au moment de leur décadence inévitable. Combien d'esprits pusillanimes, étonnés qu'un grand peuple, traversé dans le travail de sa Constitution par une opposition imprudente et obstinée, soit sorti du calme lethargique où son asservissement l'avait plongé, n'ont pas cru que les troubles anarchiques et l'agitation populaire étaient les consequences. et seraient l'effet permanent de la Constitution? Il faut détruire ces insinuations de la malveillance qui trompent la faiblesse. Mais quelle prise nouVelle ne donnerions-nous pas à la suite de ces calomnies, si, lorsque les besoins publics exigent une police énergique, et lorsque le vœu national en provoque l'établissement, nous la laissions abandonnée aux mains des premiers juges de paix elus dans les campagnes? Vous n'avez point à craindre que vos deux comités, dont les travaux pénibles, poursuivis sans relâche depuis dix-huit mois, vous attestent l'absolu dévouement au succès de la commune entreprise, s'exposent à vous faire une proposition capable de la compromettre; j'ai plutôt la confiance de vous représenter, en leur nom, que la Constitution ne peut pas prospérer sans le raffermissement de l'ordre

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