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la police ce qui appartenait à la justice; ce serait donc à l'officier de police qu'on demanderait une ordonnance; mais il se transportera luimême sur les lieux, mais il ordonnera tout ce qui sera nécessaire pour la conviction de l'accusé. Vous avez tout dit quand vous avez délégué la police à des officiers compétents. L'article 2 est décrété comme suit :

Art. 2.

« Dans les cas énoncés dans l'article précédent, l'inhumation ne pourra être faite qu'après que l'officier de police se sera rendu sur les lieux, accompagné d'un chirurgien, et aura dressé un procès-verbal détaillé du cadavre et de toutes les circonstances, en présence de ceux qui seront désignés par la suite, et qui signeront l'acte avec lui.

Les articles 3 et 4 sont adoptés, sans discussion dans ces termes :

Art. 3.

L'officier de police, assisté des notables, entendra les parents, amis, voisins ou domestiques du décédé, ou ceux qui se sont trouvés en sa compaguie avant son décès; il tiendra note sur-le-hamp de leurs déclarations, et les interpellera de les siguer, et de déclarer s'ils ne le savent faire.

Art. 4.

« L'officier de police pourra défendre que qui que ce soit sorte de la maison ou s'éloigne du lieu dans lequel le mort aura été trouvé, et ce, jusqu'à la clôture du procès-verbal et des déclarations. >>

M. Duport, rapporteur, donne lecture de l'article 5 qui est ainsi conçu:

«L'officier de police fera saisir sur-le-champ celui ou ceux qui seront prévenus d'avoir été les auteurs ou complices du meurtre, et, après les avoir entendus, il pourra les faire conduire à la maison d'arrêt du tribunal de district, pour l'accusation être présentée au jury, ainsi qu'il sera dit par la suite. »

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M. Gaultier-Biauzat. A la suite de ces mots : après les avoir entendus,» il faut ajouter ceuxci: et avoir reçu leur déclaration dans les formes légales. » C'est là le moment de découvrir le véritable coupable.

M. Mougins. Je demande qu'on s'arrête à ces mots : « du tribunal de district; » en decrétant la suite de l'article vous préjugeriez qu'il y aurait un jury accusateur.

M. Goupil. C'est en effet une grande question à examiner. On ne préjugera rien en terminant ainsi l'article: « pour l'accusation être poursuivie ainsi qu'il sera dit par la suite. »>

M. Loys. Le comité devrait définir précisément ce qu'il entend par un homme prévenu; il devrait nous apprendre quel degré de preuves ou de présomptions légales sera necessaire pour qu'un citoyen perde sa liberté et soit présenté comme l'auteur d'un meurtre.

M. de Beaumetz. Je suis bien loin de m'opposer à ce qu'on ne prejuge rien sur le jury d'accusation; mais je ne puis m'empêcher d'ob

server qu'il s'agit ici d'un grand intérêt. Il ne suffit pas de n'être pas condamné quand on est iunocent, mais il faut encore éviter à un citoyen la cruelle épreuve d'une procédure criminelle. On demande quel degré de preuves est nécessaire pour qu'un citoyen soit regardé comme prévenu d'un meurtre; on nous réduit à l'impossibilité de faire une loi sur la police; car il est impossible de prévoir tous ces cas; et si l'oflicier de police ne peut faire saisir un prévenu que dans les cas prévus, la police ne peut exister. Cependant, lorsqu'il s'élève contre un citoyen des soupçons qui donnent occasion d'examiner s'il y a lieu à accusation contre lui, il importe à ce citoyen même et à la sûreté de la société qu'il puisse être sur-le-champ saisi et entendu; autrement il faut supprimer la police; elle finit au moment où il y a des preuves et des présomptions legales à donner à la justice. Mettez de la sagesse dans le choix de l'officier de police et laissez lui la latitude sans laquelle ses fonctions sont nulles. Je demande donc qu'on ajourne la dernière ligne de l'article. Cependant le jury d'accusation ne me paraît pas devoir faire une question; mais sur un objet si important il faut juger et non préjuger. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les autres amendements.

M. Garat, l'aîné. Je demande qu'on ne puisse faire saisir que ceux que l'information aura nommés, ou comme auteurs du crime. (On demande à aller aux voix.)

M. Prieur. Je propose, en amendement, que les déclarations du prévenu soient écrites.

M. Duport, rapporteur. Mais sur les explications données par le prévenu i peut obtenir sa liberté. Si vous exigez de lui une déclaration écrite, ne pourra-t-on pas croire que vous préparez une information co tre lui? Vous établirez sans doute que les réponses de l'acc sé ne serviront qu'à prouver sin innocence, et que jamais son interr gatoire ne po rra faire preuve contre lui. Je demande donc. au nom des co nité, qu'on ne préjuge rie sur cette question i sur toute autr. La rédactio de l'artic e laisse tout en suspens e changeant toutefois ces mo's: « pour l'accusation être presentée au jury, ainsi qu'il sera dit par la suite, » en ceux-ci : « pour l'açcusation être poursuivie ainsi qu'il sera dit par la suite. »>

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L'article 5, mis aux voix, est décrété dans les termes suivants :

Art. 5.

«L'officier de police fera saisir sur-le-champ celui ou ceux qui seront prévenus d'avoir été les auteurs ou compl ces du meurtre; et, après avoir reçu leurs declarations, il pourra les faire conduire à la maison d'arrêt du tribunal de district. »

M. Camus, membre du comité d'aliénation, propose à l'Assemblée de déclarer, et l'Ass mblée declare vendre les biens nationaux, dont l'état e-t ann xé aux procès-verbaux respe tifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux cha gos, cau-es et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, pour les sommes ci-après, p yab es de la manière déterminée par le même decret, savoir :

A la municipalité de Chalon-sur-Saône, dé

partement de Saône-et-Loire, pour la somme 360,756 1. 9 s. 8 d.

de..

A celle de Pruzilly, même département, pour la somme de..

A celle de Saint-Gengouxle-Royal, même département, pour la somme de.. A celle de Leyne, même département, pour la somme de.....

A celle de Saint-Vincentdes-Prés, même département, pour la somme de.

A celle de Berzé-la-Ville même département, pour la somme de....

A celle de Cluny, même département, pour la somme de......

A celle de Charnay, même département, pour la somme de......

A celle de Chaintré, même département, pour la somme de...

A celle de Fuissey, même département, pour la somme de.....

A la municipalité de Marsolan, au département du Gers, pour la somme de..

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M. l'abbé Massieu, curé de Sergy. Une indisposition grave m'a empêché de me joindre hier à mes confrères patriotes pour prêter le serment que vous avez décrété le 27 novembre; je m'empresse de remplir aujourd'hui un devoir que je regarde comme indispensable et sacré pour tout ecclésiastique qui connait bien la liberté de l'Eglise gallicane, qui aime sincèrement sa religion, sa patrie, la tranquillité publique, et la Constitution que vous avez donnée à la France.

M. l'abbé Massieu prononce le serment. (L'Assemblée applaudit.)

(La séance est levée à trois heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ ET DE M. TREILHARD.

Séance du mardi 28 décembre 1790, au soir (1).

La séance est ouverte à six heures et demie du soir.

Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :

Adresse du conseil général du département des Vosges, qui, en terminant sa session, renouvelle à l'Assemblée nationale l'hommage de son profond respect, de sa juste reconnaissance et de sa fidélité à observer tous les décrets, et vote pour la publicité des séances des corps administratifs.

Adresse de la garde nationale d'Ambert, qui

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

expose ses alarmes sur les sourdes menées des ennemis de la Constitution, et fait une pétition d'armes.

Adresse de M. Jossier, élu juge de paix de la section de Gravilliers, qui présente à l'Assemblée l'hommage respectueux de ses premiers succès, en lui apprenant qu'il résulte de cet établissement les avantages importants qu'elle s'était proposés.

Adresse de dévouement des citoyens actifs du canton de Montreuil, district de Bernai, réunis en assemblée primaire, pour l'élection d'un juge de paix; ils supplient l'Assemblée de ne pas trop réduire le nombre des paroisses, de manière que les hameaux les plus éloignés de leur future église paroissiale, ne le soient au plus que d'une demi-lieue.

Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Louhans, qui réclame une loi efficace contre les duels.

Adresse des membres de la société patriotique de Mane, département des Basses-Alpes, et de la société des amis de la Constitution séant à Aix, qui exposent qu'ils sont sur le point de voler au secours de leurs frères d'Avignon et du Comtat, gémissant sous le joug arbitraire d'une assemblée soi-disant représentative, séante à Carpentras, qui réunit tous les pouvoirs et foule aux pieds les principes les plus saints de la justice et de l'humanité. Ils ont sollicité les trois départements de mettre tout en œuvre pour engager cette assemblée à devenir juste et humaine. Mais si leurs efforts sont inutiles, ils annoncent que les gardes nationaux des trois départements sont prêts à se fédérer pour fondre de tous côtés dans le Comtat, et délivrer les victimes de l'oppression de cette monstrueuse assemblée : « Dans ces contrées, disent-ils, presque dépourvues de tout moyen de défense, si les armes manquaient à notre courage, les instruments qui nous servent à remuer la terre deviendraient dans nos mains plus redoutables que les glaives. » Ils supplient l'Assemblée d'approuver leurs démarches et leurs intentions.

Adresse de M. Bacher, premier secrétaire interprète du roi en Suisse, qui envoie à l'Assemblée son serment civique.

Adresse de la société des amis de la Constitution séant à Châteaudun, qui, dès l'instant de sa formation, présente à l'Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévoue ment.

Adresse de la société des amis de la Constitution du Crêt, département de la Drôme, qui consulte l'Assemblée sur plusieurs objets relatifs à l'élection des juges du tribunal du district de cette ville.

Lettre de M. de Behague, inspecteur et commandant des troupes de ligne, employées en la ci-devant province de Bretagne, contenant copie d'une lettre qui lui a été écrite par les sousofficiers, grenadiers, chasseurs et soldats du régiment de Forez, en garnison à Saint-Servan, par laquelle ils lui donnent des preuves touchantes de leur parfait retour à l'ordre et à la subordination, et lui annoncent qu'ils ont reçu avec respect et soumission l'ordre du roi, qui porte qu'il sera retenu, pendant un an, un sol sur la solde de chacun d'eux, et que la durée de son habillement sera prolongée d'une année.

Adresse des officiers du tribunal du district de Gournay, de ceux du district de Péronne, du district de Bar-sur-Seine, district de Saintes, du district de Guingamp, et des juges de la Cham

bre de commerce de Dunkerque, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.

M. Gaultier-Biauzat présente une adresse des amis de la Constitution de Clermont-Ferrand, séant aux Carmes.

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Messieurs, ce ne sont plus de vaines terreurs qui agitent les esprits trop crédules de quelques bons citoyens; des dangers trop réels menacent la patrie; ses ennemis, qui devraient être confondus et attérés, ne sont qu'aigris et irrités par le peu de succès qu'ont eu jusqu'ici leurs sourdes machinations, et ils ont projeté d'attaquer à force ouverte le plus beau monument de la sagesse humaine, cette Constitution, que des génies sublimes et bienfaisants viennent de créer pour la France.

« La cupidité, qui ne calcule les avantages d'une réforme générale et indispensable, que par les privations individuelles qu'elle commande; l'orgueil, pour qui la douce égalité est un tourment; l'égoïsme, qui n'estime rien hors de lui et se fait le centre de tout, ont en vain distillé, par des procédés divers, le poison de la calomnie coutre la pureté de vos intentions et l'équité de vos décrets.

« Des écrivains mercenaires, après avoir vendu leur plume au mensonge, et fait au vil intérêt le sacrifice de leurs talents et de leur réputation, ont prouvé, par le ton mal assuré de leurs indécentes déclamations, qu'on n'étouffe pas totalement la voix incorruptible du censeur que chacun porte au dehors de soi-même.

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Une ressource restait aux factieux: le fauatisme. Suivant l'oracle infaillible du divin fondateur de notre sainte religion, la foi devait s'affaiblir, la charité devait se refroidir dans la durée des siècles; sous prétexte de raviver cette lumière, ce feu sacré, des ministres d'un Dieu de paix peuvent impunément secouer les torches de la discorde; ils savent par des distinctions frauduleuses éluder les lois, tromper les simples, par des expositions captieuses et les soulever par des protestations incendiaires.

« Cependant ces ressorts spirituels ont perdu, par un usage inaiscret et trop fréquent, beaucoup de cette élasticité qui les rendait si puissants dans les siècles d'ignorance; mais le clergé sera soutenu par cette classe d'hommes qui partageaient avec lui les jouissances exclusives du luxe, et qui s'armera pour les recouvrer. Qui pourra résister à ces zélés défenseurs d'une religion qu'ils blasphèment, et du trône, qu'ils ont failli renverser en usurpant son pouvoir? et la nation sera exposée à la cruelle et inévitable alternative de se plonger dans l'abîme d'où ses courageux représentants l'ont heureusement tirée, ou d'essuyer, dans une guerre civile, toutes les horreurs qui souillent l'histoire de nos ancêtres et dont le récit fait frémir la nature !

«

Messieurs, cette ligue impie et sanguinaire n'est plus un projet; des témoignages non suspects nous ont appris que l'exécution a été tentée. Nous avons vu plusieurs ci-devant nobles des départements voisins, nous le disons en rougissant pour des compatriotes qui ne savent pas rougir, nous avons vu des ci-devant nobles de notre département se prévaloir de la déclaration des droits de l'homme, invoquer la liberté qu'ils outragent, pour obtenir des passeports.. et le but de leur voyage n'est plus couvert même de l'ombre du mystère.

« Pères de la patrie, ne blâmez, ne repoussez pas les vives alarmes de vos enfants, dont toute la passion est de se rendre dignes de vos bienfails. L'indulgence n'a fait qu'enhardir les ingrats et multiplier les perfides. Opposez, il en est temps, le glaive innocent et impartial de la loi, au fer homicide et sacrilège de la révolte; organisez incessamment ce tribunal décrété depuis longtemps pour être la sûreté des bons, et l'effroi des méchants; en punissant quelques coupables, il préviendra des milliers de forfaits.

« Rappelez dans leurs foyers les lâches transfuges; ne tolérez pas qu'ils portent à nos rivaux les moyens de nous nuire; abandonner la défense de la patrie en péril, ou la frustrer des secours qu'elle réclame dans son besoin, c'est la trahir, c'est porter la mort dans son sein maternel; et le retranchement d'une opulence superflue sera une peine bien légère pour le plus odieux de tous les crimes.

«La politique du despote qui ne peut se fier à ceux qu'il veut opprimer ou retenir dans l'oppression, est de solder à grands frais des troupes étrangères; une nation libre et sage ne se tie qu'à elle-même du soin de se défendre; que par votre infatigable surveillance les frontières du royaume soient gardées par des troupes de ligne nationales, et animées de cet esprit civique, dont le foyer toujours ardent est dans votre auguste Assemblée.

. Vous avez décrété, Messieurs, que les arsenaux de la nation fourniraient des armes à toutes les municipalités; et ce décret sanctionné par un roi citoyen est encore sans effet; votre parole toute puissante a opéré tant de prodiges dans la Révolution présente; dites un mot, et les gardes nationales seront armées.

«Car il faut enfin que la France soit libre ou qu'elle ne soit plus; et si, dans le livre des décrets éternels où est consignée la destinée des empires, il était écrit que la France doit éprouver le sort des combats, et que la victoire doit décider pour la cause de la tyrannie, nous saurons mourir dans le champ d'honneur, plutôt que de vivre dans la servitude honteuse dont vous nous avez affranchis. Mais nous voudrions faire acheter chèrement à nos vainqueurs le plaisir que ne peuvent goûter que les tyrans, de régner sur des cendres et sur des ruines.

Tel est, Messieurs, le serment que tous les membres de la société des amis de la Constitution de Clermont-Ferrand séant aux Carmes, sans distinction d'ecclésiastiques ou de laïcs, ont cru devoir renouveler dans cette occurrence critique; puisse la profession authentique de notre patriotisme effacer la tache qu'un petit nombre de traîtres a voulu imprimer à notre ville! puisse la fermeté de notre résolution intimider les mécontents, et, en retenant leurs bras, préparer leurs esprits à la connaissance et leurs cœurs à l'amour d'une Constitution, dont l'achèvement assurera le bonheur de la France!

Signé: DALBIAT, président; MONESTIER, curé; GRIMAUD jeune, secrétaire.

Un membre fait hommage à l'Assemblée, au nom du sieur Cote, prêtre de l'Oratoire, correspondant de l'Académie royale des sciences, de ses vues sur la manière d'exécuter le projet d'une mesure universelle décrétée par l'Asseinblée.

L'Assemblée ordonne le renvoi de l'ouvrage de

ce savant, tant au comité d'agriculture et de du commerce qu'à l'Académie des sciences.

M. Chaudet, sculpteur et agrégé de l'Académie, est admis à la barre, et fait hommage à l'Assemblée de la statue de J.-J. Rousseau, en disant:

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Messieurs, je finissais la statue de JeanJacques Rousseau, à l'époque d'un de vos décrets relatif à ce grand homme. Je viens aujourd'hui vous la présenter, et l'honneur de l'offrir à l'Assemblée nationale devient la plus précieuse récompense de mes travaux. »>

M. le Président répond à M. Chaudet, et au nom de l'Assemblée, lui accorde les honneurs de la séance.

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Un membre demande la question préalable contre cet article.

La question préalable est adoptée.

M. le Président. L'ordre du jour est un rapport sur l'affaire de Pamiers.

M. Malès, au nom du comité des rapports. Des troubles ont longtemps agité la ville de Pamiers. Le peuple, alarmé par une suite d'entreprises illégales, menacé pendant plusieurs jours, provoqué enfin par l'arrestation de quelques-uns de ceux qu'il regardait comme ses défenseurs, s'est porté contre une autorité devenue arbitraire à une sorte d'insurrection dans laquelle deux hommes ont perdu la vie. Chargé par votre comité des rapports de vous rendre compte de ces désordres, nous croyons devoir à votre sollicitude de vous prévenir que les manoeuvres fanatiques et contre-révolutionnaires qu'on n'a que trop remarquées ailleurs n'y ont eu aucune part. C'est la lutte de l'orgueil contre l'égalité, c'est l'effort du pouvoir contre ses barrières constitutionnelles ; ce sont des haines, des passions privées qui, sous le masque du bien public, ont fait tout le mal. Nous espérons que, comme votre comité, vous n'apercevrez pas autre chose dans le récit que nous allons vous faire...

Au premier bruit de la Révolution, le peuple arbore la cocarde nationale; un comité permanent et une garde nationale se forment; la ville se divise en deux partis. Le sieur Darmaing, nouveau maire, se sépare absolument de la municipalité; mais, à chaque voie de fait, il a soin de prendre l'attache du directoire de département: il défend à la garde nationale de battre la caisse et de s'assembler; il convoque deux brigades de maréchaussée pour arrêter des troubles qu'il a excités par là. Il requiert également les gardes nationales voisines, qui s'en retournent aussitôt après avoir trouvé tout tranquille. Enfin, il arme les deux brigades contre la garde nationale, fait saisir les deux frères Gaillard, capitaines dans cette garde. Alors le peuple se soulève. Le sieur de Belloy, commandant de la maréchaussée, ordonne de faire feu; un cordonnier est tué. Le peuple riposte à son tour et tue un cavalier. Les deux brigades sont poursuivies aux casernes. Les officiers municipaux s'y portent. Le commandant ne consent à partir que lorsqu'on lui représente un ordre du maire.

La conduite du directoire de département a paru à votre comité aussi répréhensible que celle du maire, puisqu'il ne devait pas statuer sur les demandes de ce maire seul, et sans avoir pris au préalable l'avis du directoire du district. L'exposé ci-dessus vous paraîtra sans doute suffisant pour improuver le directoire de département et suspendre le maire jusqu'à ce qu'il y ait eu un jugement.

M. Bergasse-Laziroule annonce que le département de l'Ariège est peut-être celui du royaume où l'on connait le moins cette fatale division de patriotes et d'aristocrates; que ce département, peuplé de cultivateurs et de négociants actifs, ne contient presque point de pri vilégiés. La seule ville de Pamiers, ville privilégiée, a de tout temps offert le spectacle le plus hideux. « Si l'on me demande, dit l'orateur, de quel côté sont les patriotes, je répondrai qu'ils ne sont nulle part.

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L'orateur prétend que le rapporteur a omis des faits essentiels, capables de faire envisager

cette affaire sous un tout autre point de vue il rapporte ces faits, qu'il prétend avoir été omis, et demande que le comité soit chargé de nouveau de vérifier cette affaire malheureuse, et d'en faire un second rapport à l'Assemblée.

M. Malès, rapporteur, représente que le contradicteur du décret proposé a déjà été entendu au comité; qu'il y a déjà fait valoir les mêmes raisonnements dont il étaye son opinion, et que ce n'est que d'après le plus mûr examen que le comité a rédigé le projet de décret qu'il propose aujourd'hui.

M. de Cazalès demande que l'Assemblée nomme quatre commissaires, pris dans son sein, qui seront chargés d'examiner toutes les pièces déposées au comité, relatives aux malheureux événements arrivés à Pamiers, et d'en faire leur rapport.

(Cette demande est écartée par la question préalable.)

M. le Président quitte le fauteuil; il est remplacé momentanément par M. Treilhard, exprésident.

M. Vadier (1). Messieurs, si l'affaire qui vous est soumise n'était liée au maintien de la Constitution et de la tranquillité de l'empire, je n'ajouterais rien aux détails affligeants dont on vient de vous entretenir, j'excuserais les torts de quelques-uns de mes concitoyens; je solliciterais pour eux votre indulgence, et je renfermerais au fond de mon âme la vive douleur dont leur conduite m'a pénétré.

J'ai longtemps cédé à cette impulsion: il en coûte à un cœur bien fait de pré-umer le crime, et surtout dans le cœur de ceux que le peuple et la loi ont préposés pour le punir.

Mais vous êtes instruits, Messieurs, des troubles qu'on a voulu répandre dans les provinces du Midi; et c'est dans ces climats que les têtes sont susceptibles de s'imprégner des illusions de la théocrafie et des flammèches du fanatisme... Le salut de l'Etat m'impose donc la loi de ne rien déguiser, car toute réticence serait un crime.

Je n'emploierai, pour vous émouvoir, ni les prestiges de l'éloquence, ni la magie du style, ni

(1) Epitre dédicatoire à Monsieur de Foucault, député du Périgord.

Vous avez eu la bonté, Monsieur, de demander l'impres sion de mon discours; il est juste de vous en faire hommage et de vous en offrir le premier exemplaire ! Je n'ai pas comme vous, Monsieur, l'heureux talent d'improviser; je n'ai pas une voix de Stentor: ce bruyant avantage dépend de l'énergie des poumons de la latitude du gosier, et chacun n'a pas, comme vous, un vaste et majestueux oesophage; mais si Vous daignez me lire attentivement peut-être serez-vous convaincu que le franc parler d'un Gascon vaut bien celui d'un ci-devant noble périgourdin. J'ai toujours ouï dire que les organes intellectuels sont plus déliés et moins engourdis sur les frontières méridionales, que dans les provinces du Centre. On ne parle guère du Périgord que pour vanter l'excellence de ses pâtés. Cependant, Monsieur, je ne suis pas plus esclave que vous du soin d'arrondir et de cadencer une période; mais j'ai autant de franchise et de loyauté, et l'éloquence du sentiment a toujours mieux valu que celle

des mots.

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le mordant de l'expression... Quand on a dans le cœur l'amour de son pays et de la liberté, on est bien sûr de votre indulgence.

Le sang des bons citoyens a coulé!... Des prévaricateurs, cachés sous le fantôme de la justice, ont dirigé le plomb meurtrier des assassins... Faudrait-il recourir à des mouvements oratoires pour attendrir votre âme sensible?

C'est le patriotisme opprimé que je viens défendre... C'est contre les ennemis de la liberté que j'ose m'élever... Ils ont armé le citoyen contre le citoyen... Ils ont fait ruisseler le sang dans une cité patriote, en haine de la Révolution, et parce que cette ville est la seule du département qui ait eu le courage de s'armer pour la maintenir.

Avant de parcourir le tableau de ces atrocités, jetons un coup d'œil rapide sur les circonstances qui les ont amenées.

La ville de Pamiers gémissait sous un joug tyrannique et insupportable... Vous le devinez ce titre, c'est le despotisme sacerdotal.

Un évêque, président né des Etats de Foix, y réunissait toutes les puissances, y dominait toutes les volontés... Comme le Vieux de la Montagne, il pouvait disposer du repos et des propriétés des citoyens. Avec ce double diadème, il mouvait à son gré les bureaux du ministre et de l'intendant... Toutes les places étaient dans sa main. Les lettres de cachet le rendaient le maître des opinions, l'investigateur des pensées. D'infidèles agents trouvaient dans les caisses publiques la clef d'or qui ouvre toutes les avenues, franchit tous les obstacles, et égare souvent jusqu'à la vertu.

Des clergistes nombreux et fanatiques y préchaient sans pudeur la loi de l'esclavage, les principes de l'égoïsme, la politique de Machiavel et la morale d'Escobar. D'une main ils secouaient les torches du fanatisme, de l'autre ils écumaient la bourse d'un peuple crédule; avec des pardons et des indulgences, avec des rescriptions sur l'autre monde, ils acquéraient de riches héritages dans celui-ci. Il fallait, pour être en repos courber sa tête sous ce joug, ou se dévouer à subir une persécution implacable.

Cette ville était encore le siège d'une vaste sénéchaussée. Une milice de plume, avide et famélique, était peu propre à entretenir l'harmonie, à purifier la morale, à désintéresser les intentions.

L'arbre du commerce ne pouvait ombrager cette ville de ses salutaires rameaux, parce qu'il ne saurait prendre racine dans les lieux que le fanatisme a pestiférés de son influence, ou que la chicane a infectés de son venin.

Deux chapitres nouveaux, un collège, quatre corporations de moines, trois de religieuses, disséminés dans son enceinte, semblaient rendre impos-ible l'inoculation de la liberté. L'habitude de la superstition et de l'esclavage en bannissait le goût de la philosophie et de la raison, les principes de l'égalité et de la sagesse.

La révolution ne pouvait donc s'opérer à Pamiers que par la sainte insurrection d'un peuple opprimé. Devait-on l'attendre de cs âmes rapetissées par l'intérêt, de ces êtres serviles que la bassesse a dégradés, ou que la chicane avait rabougris? Ces vils caméléons pouvaient-ils s'imbiber des sucs vivifiants de la liberté ? Accoutumés à s'ingurgiter des substances publiques, et à ramper sous des chaînes d'or, un pareil aliment pouvait-il convenir à l'inertie, à la stupeur de leurs organes? C'était au peuple, oui, au peuple

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