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paraît suffisamment éclaircie; je dis que toute réponse manifestée par notre président est une réponse authentique; et c'est l'authenticité et non la légalité de la réponse du roi qui doit vous occuper. Je soutiens que, quand il s'agit d'un décret constitutionnel accepté, l'autorité du roi est consommée en ce qui concerne ses fonctions législatives. Ce n'est pas que je veuille sauver de la responsabilité quelque ministre; je n'en connais aucun, je ne m'intéresse à aucun. La responsabilité des ministres ne s'exerce pas sur la doctrine, mais sur des ordres donnés. Aucun ministre ne peut être responsable. Si nous avons à faire le procès à quelqu'un, je soupçonne que ce n'est pas à présent au ministère. Je me réduis donc à demånder que l'Assemblée ne regarde pas la réponse du roi comme un obstacle à la délibération, et qu'on discute au fond.

M. Barnave. C'est seulement sur la forme de la réponse du roi que l'Assemblée a à délibérer dans le moment actuel. Si vous examiniez laques tion au fond, elle serait bientôt décidée. Il est dans l'opinion de tous les membres de l'Assemblée, il est reconnu par vos propres décrets que la disposition temporelle est absolument en notre pouvoir, et qu'aucune puissance étrangère n'a droit de coopérer à la sanction des actes qui la déterminent. (On applaudit.)

M. l'abbé Maury. Les tribunes prouvent la nineure.

M. Barnave. Il y aurait peut-être une autre question à examiner: celle de savoir si le droit du Corps constituant ne s'étend pas à tous les actes accessoires pour l'exécution de la Constitution, et si ces actes compris dans le cercle de ses travaux ont besoin de la sanction; mais ce n'est pas le moment de s'expliquer sur une question qui ne sera peut-être pas un doute quand l'Assemblée voudra s'en occuper essentiellement. Je dis donc qu'à présent il n'y a pas d'autre marche à suivre que celle qui est tracée par la motion de M. Chasset. Je la restreins à cela seul que la réponse du roi soit signée de lui et contresignée; car, dans le mot réponse légale, je ne fais pas entrer les formes de la sanction libre... Le contreseing est nécessaire, même pour les actes laissés au libre arbitre du roi, pour établir d'abord l'authenticité de la réponse, ensuite pour assurer la responsabilité. La sanction ne donne pas lieu à la responsabilité; mais il peut s'y mêler des actes anticonstitutionnels, des accessoires qui attaqueraient la liberté nationale. C'est toujours vis-à-vis d'un être responsable qu'il peut y avoir ouverture à contestation; ainsi il faut que toute réponse soit contresignée pour que la responsabilité puisse s'établir; il faut que toute réponse du roi soit signée de lui, car autrement elle n'exprimerait pas authentiquement la volonté royale. Je demande donc qu'avant de délibérer sur la réponse qui vous a été transmise par le président, cette réponse soit signée du roi et contresignée par un secrétaire d'Etat. Le parti que nous pourrons avoir à prendre importe trop à l'intérêt public pour que nous ne nous environnions pas de tout ce qui doit et le rendre légal et assurer la responsabilité dont la nation ne peut jamais se départir. (On applaudit. On demande à aller aux voix.)

M. Le Chapelier. D'après le décret par lequel vous aviez envoyé votre président chez le roi, vous ne deviez vous attendre qu'à une réponse 1re SERIE. T. XXI.

verbale; ainsi la censure exercée en ce moment sur la forme de cette réponse n'est peut-être pas fondée. Vous pouvez maintenant, vous devez même demander une réponse écrite et contresignée. Vous ne pouvez oublier que vous avez décrété que si, daus l'intervalle de huit jours après sa présentation, un décret n'est pas sanctionné, le garde du sceau doit vous faire connaître le motif de ce retard; mais, comme il faut donner au ministre, responsable de son conseil, le temps nécessaire pour délibérer avec lui-même, et comme vous ne sauriez prendre trop de moyens pour empêcher que la discussion présente nejette l'alarme parmi les citoyens, je demande qu'en exigeant une réponse signée et contresignée le décret porte l'ajournement de la discussion de cette réponse à lundi.

M. Coroller. A l'ouverture de la séance, j'avais demandé l'ordre du jour; ce n'était pas pour retarder la délibération. mais c'était atin qu'on ne la précipitat point. A présent que les orateurs qui m'ont précédé m'ont éclairé, je demande impérativement..... l'ajournement à demain de la discussion sur la réponse du roi, signée et contresignée.

(La discussion est fermée.)

On se dispose à aller aux voix sur l'amendement de M. Le Chapelier, consistant à remettre à lundi la discussion sur la réponse du roi.

M. Muguet. Avant qu'on délibère sur cet amendement, j'ai une réflexion à vous présenter. Vous avez envoyé ce matin votre président chez le roi pour avoir une réponse pendant la séance même, et vous voulez à présent donner trois jours au ministre pour se consulter..... (On demande à aller aux voix.) Il est étonnant qu'on veuille étouffer la voix d'un homme qui ne demande que l'exécution de la loi..... Quand vous avez demandé l'acceptation des articles constitutionnels, vous l'avez demandé sur-le-champ et sans délai. (Il s'élève des murmures.) Ce n'est qu'avec la même énergie..... (Les murmures augmentent. On demande de nouveau à aller aux voix.)

M. le Président. Vous voyez l'impatience de l'Assemblée.

M. Muguet. D'une partie de l'Assemblée, ne Vous y trompez pas.

Plusieurs voix: De toute l'Assemblée!

M. Le Chapelier. Je crois que mon amende ment est inutile; car, par le cours des choses, n'ayant pas de séance samedi, nous ne pourrons pas nous occuper très incessamment de la réponse du roi.

M. Camus. On ne doit point supposer, on doit bien moins encore accorder des délais de cette nature. Voici ce qu'on peut faire. Je demande que demain M. le président se retire vers le roi pour le prier de donner, sur le décret du 27 novembre, une réponse signée de lui et contresignée d'un secrétaire d'État, et qu'en même temps vous ajourniez l'examen de cette réponse à la première séance du matin qui en suivra la réception. Vous conserverez ainsi les principes.

M. Gaultier-Biauzat. Vous ne pouvez pas indiquer un jour de discussion sur une réponse

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que vous ne connaissez pas; que le roi réponde ou qu'il ne réponde pas,, vous serez toujours à temps d'examiner ce que vous aurez à faire.. Je! demande donc la division.

M. Chasset. La question n'est pas de savoir si vous discuterez ce soir, demain, après-de main, la réponse du roi, le grand point est que vous prouviez à la France que l'Assemblée: ne met aucune lenteur à tout ce qui touche: les grands intérêts qui lui sont confiés. J'adopte la division qui vous est proposée..

La proposition divisée est mise aux voix, et le décret est rendu en ces termes :.

«L'Assemblée nationale décrète que M. le président se retirera demain devers le roi, pour le prier de donner une réponse signée de lui et contre-signée d'un ministre, sur le décret du 27 novembre dernier. »>

M. Herwin, au nom du comité d'agriculture et du commerce, présente un rapport sur les encouragements qu'il convient de donner à M. Augier, inventeur d'une machine hydraulique, avec laquelle on descend facilement dans l'eau et on y remplit les fonctions qu'on remplirait sur la terre.

M. le rapporteur annonce les résultats heureux de deux expériences faites, l'une auprès du PontRoyal, l'autre à Saint-Cloud; il conclut à ce qu'une somme de dix ou vingt mille livres soit accordée à l'inventeur, soit pour le dédommager des frais de l'invention, soit pour lui faciliter les moyens de faire de nouvelles expériences, et il présente le projet de décret suivant:

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'agriculture et de commerce, décrète que le roi sera prié de procurer au sieur Augier les moyens nécessaires pour faire l'expérience de sa machine hydraulique, tant sur les côtes qu'en pleine mer, afin d'en constater le succès d'une manière assurée. »

Plusieurs membres demandent la parole pour combattre cette proposition..

M. Boussion. Messieurs, j'ai d'autant plus de raison à combattre tous ces amendements, qu'on nous présente sans cesse des inventions renouvelées, pour avoir la facilité de paiser dans le Trésor public, dans un moment où l'Etat a le plus de besoin d'argent.

L'invention dont on vient de vous entretenir a été présentée au gouvernement il y a. vingt ans et elle fut rejetée à cause de son inutilité.

Ainsi, Messieurs, avant d'accorder aucune somme, j'espère que l'Assemblée voudra s'assurer si cette invention peut être réellement utile et avantageuse à la nation. Si ce n'est qu'une expérience curieuse, l'auteur peut se faire payer par les curieux, la nation ne lui doit rien et nous avons un meilleur emploi à faire des somes demandées. Si, au contraire, elle peut servir à l'intérêt de la nation, il. serait juste de récompenser le sieur Augier. D'après ces considérations, je fais donc la motion. expresse que l'Assemblée décrète qu'avant de délivrer aucune somme il soit nommé quatre commissaires, pris parmi MM. les académiciens de l'Academie des sciences, à l'effet de constater l'utilité réelle de l'invention de cette machine hydraulique, par de nouvelles expériences, faites par l'auteur, en présence desdits commissaires, qui en feront le rap

port.

M. Populus appuie la proposition de M. Bous. sion; il propose toutefois, par amendement, que les commissaires seront tenus de faire un état estimatif du montant des dépenses qu'exigeraient les nouvelles expériences, lesquelles dépenses seraient aux frais de l'Etat.

La motion de M. Boussion, mise aux voix, est décrétée avec l'amendement de M. Populus, dans les termes suivants ::

L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé quatre commissaires, pris parmi les membres de l'Académie des sciences, à l'effet de constater de quelle utilité pourrait être la ma-chine hydraulique du sieur Augier, lesquels don neront en même temps un tableau des dépenses nécessaires pour cette expérience.»

Une députation des élèves de l'institution civile militaire nationale, établie en la section de Louis XIV, est introduite à la barre; l'instituteur, qui est à leur tête, exprime avec énergie les sentiments patriotiques de ses candidats, et sollicite en leur faveur les encouragements de l'Assemblée.

M. le Président répond et leur accorde les honneurs de la séance.

Un Membre des comités réunis de Constitution, militaire, d'agriculture et de commerce, présente un rapport succinct sur la fabrication des boutons des gardes nationales de France.

Divers amendements sont rejetés par la question préalable et l'Assemblée adopte le projet de décret ainsi qu'il suit:

«L'Assemblée nationale décrète que le bouton uniforme des gardes nationales de France sera de cuivre jaune ou doré, et monté sur os ou sur bois, avec attache en corde à boyau ou de toute autre matière; il portera pour empreinte dans l'intérieur d'une couronne civique ces mots: la nation, la loi, le roi; entre la bordure et la couronne sera inscrit circulairement District de... Dans les districts où il y aura plusieurs sections, elles seront distinguées par un numéro placé à la suite du nom de district. »

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ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ.

Séance du vendredi 24 décembre 1790, au matin (1)

La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.

M. Merlin, rapporteur du comité de Consti

tution :

Messieurs, ayant eu l'honneur de vous proposer, le sept septembre dernier, plusieurs articles que vous avez décrétés, et qui font partie du titre XIV de la loi générale sur l'organisation judiciaire,j'ai été chargé par le comité de Constitution de vous rendre compte des difficultés qu'ont fait naître deux de ces articles, et sur lesquelles le ministre des finances lui a adressé des observations, avec prière instante de vous les soumettre le plus tôt possible.

Ces articles, Messieurs, sont les 22 et 23° du titre dont je viens de parler. Voici comment ils sont conçus :

Art. 22. « Quant aux chancelleries créées par « l'édit du mois de juin 1771, près les sièges royaux, il en sera provisoirement établi une «près chacun des tribunaux de district, à l'effet de sceller les lettres de ratification pour tout << son ressort.

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Art. 23. En conséquence, lorsque dans le ressort « d'un tribunal de district, il ne se trouvera « qu'une desdites chancelleries, elle sera trans«férée près ce tribunal. - S'il s'en trouve plu«sieurs, le plus ancien des conservateurs des hypothèques et le plus ancien des greffiers expé«ditionnaires seront de preférence admis à l'exercice de la chancellerie qui sera établie Dans l'un et près le tribunal de district. « l'autre cas, l'office de garde des sceaux sera, « en vertu du présent décret et sans qu'il soit « besoin de provisions ni de commissions parti« culières, exercé gratuitement, à tour de rôle et << suivant l'ordre du tableau, par les juges du « tribunal de district, le tout sauf à statuer par la suite ce qu'il appartiendra pour le départe<ment de Paris, et sans rien innover à l'égard « des anciens ressorts des cours supérieures, qui «n'ont pas curegistré l'édit du mois de juin 1771. » Tels sont, Messieurs, les articles qui ont donné lieu aux difficultés dont je suis chargé de vous rendre compte.

La première est relative aux fonctions des conservat urs des hypothèques et des greffiers expéditionnaires. L'edit du mois de juin 1771 avait érigé ces fonctions en titre d'offices formés et héréditaires; et c'est en les supposant ainsi exercés dans la presque totalité des bureaux des hypothèques, que vous avez provisoirement ordonné que les plus anciens d'entre eux seraient préférés pour l'exercice des chancelleries à établir près les tribunaux de district, parce qu'en effet, il est naturel, il est juste qu'entre officiers ayaut, par la nature de leurs titres, un droit égal à une fonction qui ne peut être confiée qu'à un seul, cette fonction soit déférée à celui qui, par son ancienneté, annonce le plus d'experience, en même temps qu'il est censé avoir le mieux mérité de la chose publique.

Cependant, Messieurs, vérification faite de ce (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

qui s'est passé depuis 1771, relativement aux offices de conservateurs des hypothèques et de greffiers expéditionnaires, il se trouve que peu, très peu, de ces offices ont été levés, et que presque tous ont été, jusqu'à présent, exercés sur les simples commissions des administrateurs des domaines.

Ces commissions ont été données aux contrôleurs des actes pour la place de conservateur des hypothèques, et aux greffiers des sièges royaux pour celle de greffier-expéditionnaire. Il n'a été attaché aux unes et aux autres que de très modiques rétributions; et ni celles-ci, ni celles-là ne sont suffisantes pour assurer seules, et indépendamment de tout autre emploi, le sort de ceux qui, par leur ancienneté, seraient obligés de se déplacer.

Ainsi, quand même les personnes revêtues de ces commissions seraient fondées à réclamer la disposition de l'article 23 du titre XIV du décret général sur l'organisation judiciaire, elles n'en tireraient évidemment aucun avantage..

Mais ce n'est pas pour ces personnes qu'a été faite cette disposition; bornée, par la nature des choses, aux conservateurs des hypothèques et aux greffiers expéditionnaires existants en titre d'office, elle ne peut pas être invoquée pas de simples commis; un commis est essentiellement révocable au gré de son commettant; et il serait aussi contraire à la raison qu'au bien du service d'ôter à un commettant, qui peut d'un moment à l'autre renvoyer son commis, le droit de lui préférer, pour un avancement qui se présente, un autre commis plus intelligent et plus sûr.

C'est d'après ces considérations, Messieurs, que votre comité, de concert avec le ministre des finances, vous propose de laisser aux administrateurs des domaines, chargés en ce moment de la régie des hypothèques, la liberté du choix des employés qui doivent tenir les chancelleries établies près les tribunaux de district, sans être obligés de donner la préfére ice aux plus anciens conservateurs ou greffiers expéditionnaires.

La seconde difficulté,que le ministre des finances a déférée au comité de Constitution, résulte de ce que ni les articles 22 et 23, ni aucun autre article du titre XIV du décret sur l'organisation judiciaire, n'a pourvu aux préca itions à prendre, soit pour assurer l'application des oppositions formées sur des immeubles, qui par leur situation ne se trouveraient plus du ressort du tribunal de district, où serait établie la nouvelle chancellerie, soit relativement à l'exposition des contrats, soit enfin pour déterminer le lieu du dépôt des registres des bureaux de co servateurs qui seraient supprimés, et des minutes de lettres de ratification.

Du silence de la loi sur ces objets naissent trois grands inconvénients :

D'abord, les oppositions formées entre les mains des conservateurs supprimés ne peuvent pas être connues de ceux qui sont actuellement établis près des tribunaux de district;

En second lieu, ces oppositions, par les changements de ressort, frappent sur des immeubles qui se trouvent situés dans l'étendue de plusieurs juridictions;

Enfin, l'exposition qui a été faite de contrats sur lesquels il n'a pas encore été expédié de lettres de ratification, ou qui avait lieu dans les bailliages et sénéchaussées, au moment où les tribunaux de district sont entrés en activité, ne peut pas servir dans ces nouveaux tribunaux.

Il est donc indispensable de rendre, sur ces différents points, un décret qui rétablisse l'ordre

interverti, dans cette partie importante, par l'établissement des nouveaux tribunaux; et c'est à ce but que tendent trois des articles que j'aurai dans l'instant l'honneur de vous proposer.

Une troisième difficulté, Messieurs, s'est élevée sur ce que l'article 23, en ordonnant que l'office de garde des sceaux serait exercé gratuitement, n'a pas prononcé formellement la suppression des droits qui y sont attachés par l'édit du mois de juin 1771. Le ministre des finances demande, en conséquence, si l'intention de l'Assemblée nationale a été de supprimer ces droits, ou si elle a voulu que la perception en fût continuée, pour en être compté au Trésor public, avec les autres droits des hypothèques. Votre comité s'est décidé pour ce dernier parti, et c'est dans ce sens qu'est rédigé un des articles qu'il a l'honneur de vous soumettre.

Telles sont, Messieurs, les difficultés qu'ont occasionnées les deux articles que vous avez décrétés, le 7 septembre sur ma proposition. Mais ce même jour, vous en avez décrété un autre qui avait été proposé additionnellement par un honorable membre, et sur lequel il s'élève dans ce moment des doutes non moins importants à éclaircir.

Cet article est le vingt-quatrième; en voici les termes :

« Les contrats à l'insinuation, au sceau ou à « la publication seront provisoirement insinués, « scellés et publiés près le tribunal de district dans l'arrondissement duquel les immeubles « qu'ils auront pour objet seront situés, sans avoir égard aux anciens ressorts ».

Vous savez, Messieurs, qu'à l'époque où vous avez décrété cet article, on distinguait deux sortes d'insinuations : l'une d'ordonnance, l'autre fiscale.

On appelait insinuation d'ordonnance celle que prescrivent la déclaration du 17 février 1731 et l'ordonnance du même mois, pour la validité des donations entre vifs.

Elle ne pouvait, suivant ces lois, être effectuée, pour les donations d'immeubles réels, que dans les bureaux établis près les bailliages ou sénéchaussées, tant du domicile du donateur que de la situation des choses données, et, à l'égard des donations de meubles ou d'immeubles fictifs, dans les bureaux établis près les bailliages ou sénéchaussées du domicile du donateur seulement.

L'insinuation fiscale était celle qu'avait établie la déclaration du 19 juillet 1704, et à laquelle étaient soumis, par cette loi même, les contrats devente et d'échange, les testaments, les contrats de mariage contenant exclusion de communauté, don mobile, augment, contre-augment, agencement, droits de rétention, gains de noces et de survie, les séparations de biens entre mari et femme, les renonciations à succession ou communauté, etc.

Cette espèce d'insinuation, que vous venez de supprimer et de remplacer par le droit d'enregistrement, pouvait être remplie indistinctement, soit dans les bureaux du domicile des parties, soit dans ceux de la situation des immeubles, quoique ces bureaux fussent établis dans des lieux où il n'y avait pas de justice royale.

En voilà sans doute, Messieurs, plus qu'il n'en faut pour vous faire sentir que, si une discussion s'était ouverte, le 7 septembre, sur l'art. 24, tan a ne l'eussiez décrété, vous y auistinctions qui ont été omises,

qu'on n'a pas même eu le temps de proposer, entre les actes assujettis à l'insinuation d'ordonnance et les actes assujettis à l'insinuation fiscale, entre les donations entrevifs d'immeubles et les donations entrevifs de choses mobilières.

En effet, Messieurs, votre intention n'a pas été, en décrétant l'article 24, de déroger au fond des règles établies pour l'insinuation, mais seulement d'indiquer les bureaux où elle devrait se faire d'après la nouvelle division judiciaire que Vous veniez de déterminer.

Lors donc que vous avez déclaré, par l'article dont il s'agit, que les insinuations se feraient près les tribunaux de districts de la situation des immeubles, vous n'avez ni entendu ni pu entendre autre chose, si ce n'est que les tribunaux de districts représenteraient les anciens bailliages ou sénéchaussées, à l'effet que, pour les immeubles situés dans leurs ressorts respectifs, on ferait près d'eux les mêmes insinuations qui devaient, dans l'ancien ordre des choses, se faire près des bailliages et sénéchaussées, sous la juridiction desquels existaient précédemment ces mêmes immeubles; et la preuve que c'est là tout ce que vous avez voulu dire, c'est que l'article est terminé par ces mots sans avoir égard aux anciens ressorts.

Ainsi, vous n'avez ni dispensé les donations de l'insinuation au tribunal domiciliaire du donateur, ni dérogé à la faculté que la déclaration de 1704 laissait aux parties de faire insinuer dans leur domicile plutôt qu'au lieu de la situation des immeubles, les divers actes assujettis à l'insinuation fiscale.

De ces deux points, le premier seul mérite en ce moment, de votre part, une explication précise; la proximité de l'époque où doit cesser l'insinuation fiscale rendrait inutile tout ce que Vous pourriez décréter à cet égard.

Voici, Messieurs, le projet de loi que je suis chargé de vous présenter :

PROJET DE DÉCRET (1).

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur les difficultés et les doutes qu'ont fait naître les articles 22, 23 et 24 du décret des 6 et 7 septembre dernier, concernant l'organisation judiciaire, sanctionné par la proclamation du roi du 11 du même mois, décrète ce qui suit:

Art. 1. La disposition dudit décret par laquelle les plus anciens d'entre les conservateurs des hypothèques et greffiers expéditionnaires des chancelleries des anciennes juridictions royales, sont appelés, dans les cas y mentionnés, à exercer de préférence les chancelleries établies près les tribunaux de districts, ne pouvant s'entendre que de ceux desdits conservateurs ou greffiers qui seraient en titre d'office, les administrateurs des droits d'hypothèques demeurent libres de choisir, ainsi qu'ils jugeront à propos, entre ceux qui ne sont pourvus que de simples comissions, Sans être astreints au rang d'ancienneté.

Art. 2. Il ne pourra être scellé aucunes lettres de ratification dans les tribunaux de districts, que

(1) Il est inutile d'avertir que ce projet de décret n'est pas destine pour les parties du royaume, dans lesquelles l'édit du mois de juin 1771 n'a pas été publié ni exécuté quant aux hypothèques; l'article 23 du décret des 6 et 7 septembre 1790 s'est expliqué très clairement là-dessus. Voy. ci-dessus, page 643.

quatre mois après qu'ils seront entrés en activité, pendant lequel temps les créanciers qui auront fait signifier des oppositions et de nouvelles élections de domiciles ou autres actes, entre les mains des conservateurs établis près les ci-devant bailliages et sénéchaussées, seront tenus de les renouveler; savoir pour les immeubles réels, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district de leur situation, et pour les immeubles fictifs, entre les mains du conservateur établi près le tribunal du district du domicile du débiteur; le tout sans payer aucun droit d'enregistrement, en justifiant de l'opposition formée depuis trois ans au bailliage ou à la sénéchaussée.

Art. 3. Les acquéreurs qui auront fait exposer leurs contrats d'acquisition en l'auditoire du cidevant bailliage ou sénéchaussée de la situation des immeubles réels, et du domicile du vendeur, pour les immeubles fictifs, sans avoir obtenu dé lettres de ratification, ensemble ceux dont les contrats se trouvaient exposés, lorsque les tribunaux de districts sont entrés en activité, seront tenus, si fait n'a été, d'en faire un nouveau dépôt au greffe du tribunal de district, pour l'extrait en être exposé pendant deux mois au tableau de l'auditoire.

Art. 4. Les registres, minutes et autres actes existants dans les chancelleries des bailliages ou sénéchaussées, dans les lieux où il n'y a pas actuellement de tribunaux de district, seront déposés à la chancellerie du tribunal de district le plus prochain de ces bailliages ou sénéchaussées, après inventaire fait entre le conservateur de la chancellerie où doit s'en faire le dépôt, et le commissaire du roi du tribunal près lequel existe cette chancellerie; et il sera remis une expédition de cet inventaire au secrétariat de la municipalité du lieu d'où lesdits registres, minutes et autres actes auront été transférés.

Art. 5. Les droits ci-devant attribués à l'office de garde des sceaux desdites chancelleries, seront provisoirement perçus au profit du Trésor public, et il en sera rendu compte avec les autres droits des hypothèques.

Art. 6. L'Assemblée nationale déclare que, par la disposition de l'article 24 du décret ci-dessus concernant l'insinuation, elle n'a pas entendu déroger à la déclaration du 17 février 1731 ni à l'ordonnance du même mois; en conséquence, les actes assujettis par ces lois à l'insinuation, continueront d'être insinués suivant les règles qu'elles ont établies, soit dans les bureaux existants près les tribunaux de districts de la situation des immeubles, soit dans ceux du domicile des donateurs.

Seront également observées, pour la publication judiciaire des actes qui sont soumis à cette formalité, les distinctions établies par les anciennes lois entre les tribunaux de la situation des biens et les tribunaux domiciliaires.

Plusieurs membres demandent que l'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion après la distribution.

(Cette motion est adoptée.)

M. le Président fait donner lecture d'une pétition des frères Périer, directeurs de la compagnie des eaux de Paris. Elle est ainsi conçue (1):

(1) Voyez le rapport concernant la compagnie des Eaux de Paris et le décret adoptó par l'Assemblée,

Frappés par un décret de l'Assemblée nationale, qui compromet d'une manière effrayante leur propriété et attaque leur honneur même, les sieurs Périer espèrent de l'équité connue de cette Assemblée qu'elle ne refusera pas d'écouter les justes plaintes qu'ils ont à lui présenter contre un jugement qu'elle a rendu, pour ainsi dire, de confiance, et qui est en contradiction avec les principes qu'elle a consacrés.

L'intention de l'Assemblée nationale n'est pas sans doute qu'il n'existe pas de moyen pour ella de revenir sur les erreurs dans lesquelles on peut la faire tomber. Ce serait un trop grand malheur pour les citoyens que les méprises du Corps législatif fussent sans remède. Il faut qu'il y ait toujours une voie ouverte à la justice, qui ne peut jamais venir trop tard pour les hommes et contre laquelle d'ailleurs on ne prescrit pas. Les sieurs Périer osent donc se flatter que si l'Assemblée nationale, éclairée par les observations qu'ils vont lui soumettre, ne croit pas pouvoir révoquer le décret dont ils sont victimes, elle ne dédaignera pas au moins de l'interpréter de manière à ce qu'il puisse se concilier avec ce que l'équité naturelle exige, et avec les lois qu'ellemême a faites.

Nous allons tâcher de faire sentir, aussi rapidement que nous le pourrons, jusqu'à quel point cette interprétation que sollicitent les sieurs Périer est nécessaire et même pressante.

On a beaucoup parlé dans le rapport fait à l'Assemblée nationale, concernant la compagnie des eaux de Paris, des premiers projets de cette compagnie, des calculs qu'elle avait présentés au public, des espérances qu'elle lui avait données, des actions qu'elle avait établies, des négociations qu'elle avait faites avec le gouvernement, des secours qu'elle avait reçus de lui, et même de l'agiotage qui s'était mêlé à son entreprise.

On n'a presque rien dit, dans ce rapport, des frères Périer qui, en effet, n'avaient rien de commun avec ces détails, et à qui ces imputations vraies ou fausses étaient étrangères.

Cependant le rapport a fini par un décret qui ne prononce que sur des réclamations particulières, formées par les sieurs Périer, contre la compagnie des eaux, et qui, sans les avoir entendus, sans connaître leur défense, sans avoir discuté leurs titres, leur ôte, en un instant et comme d'une manière imprévue, tout le fruit de l'arrêt qui a jugé ces réclamations.

On va voir combien les sieurs Périer ont à se plaindre d'une telle marche.

Personne n'ignore que ce sont eux qui ont imaginé les premiers de fournir de l'eau dans tous les quartiers de Paris, au moyen des machines à feu inventées à Londres.

On sait aussi qu'après quatre années de sollicitations et d'efforts, ils obtinrent, en 1777, un privilège du gouvernement pour l'exécution et l'usage de ces machines.

On sait encore que ce privilège a été revêtu de lettres patentes, que le parlement de Paris a enregistrées.

Pour l'exercice de ce privilège, il fallait des fonds, et pour ces fonds, il fallait une compagnie.

Les sieurs Périer travaillèrent à former cette compagnie.

La compagnie une fois formée, les sieurs Périer

Archives parlementaires, tome XX, séance du 22 novembro 1790, pages 632 et suivantes.

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