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défense directe, et qui, sans augmentation de dépenses, ne puisse être transformé en fortification effective.

D'après ces réflexions, je propose les articles additionnels suivants, en forme d'amendement au projet de décret du comité des finances :

Art. 1er. Dans les départements des frontières, tous projets de routes, canaux, ponts, jetées, levées, ports et autres travaux publics, seront communiqués aux directeurs des fortifications desdits départements, pour en être par eux rendu compte aux inspecteurs généraux des fortifications, qui en donneront connaissance au ministre de la guerre, afin de pouvoir toujours concilier les intérêts dr l'agriculture et du commerce avec la défense de l'Etat; et lesdits directeurs seront tenus de véritier, dans l'étendue de leurs directions respectives, si les projets s'exécutent conformément aux plans arrêtés.

Art. 2. Dans les départements des frontières, les canaux de desséchement, d'irrigation ou de navigation, les redressements et curements de rivières, seront exécutés sous la direction des officiers du corps du génie.

Art. 3. Les ports du royaume seront divisés en deux classes l'une des ports militaires et l'autre des ports de commerce. Les travaux de ceux de la première classe seront confiés à la surveillance et à la direction des officiers du corps du génie; ceux de la seconde classe continueront d'être sous la direction des ingénieurs des ponts et chaussées, et l'Assemblée nationale fixera les époques auxquelles les travaux commencés seront remis par ceux qui en sont actuellement chargés à ceux qui devront dorénavant les diriger.

(Ces propositions sont renvoyées à l'examen des comités d'agriculture, de commerce et des finances.)

Les articles 2, 3, 4 et 5 du projet de décret sont adoptés dans la forme suivante:

Art. 2.

« Il y aura un premier ingénieur garde des plans, projets et modèl s; huit inspecteurs généraux; un premier commis et le nombre de commis nécessaire. »

(La première partie de cet article dans le projet imprimé, portant ces mots qu'à la tête sera un directeur général, a eté ajournée.)

Art. 3.

« L'assemblée des ponts et chaussées sera formée du premier ingéineur, de huit inspecteurs généraux, des ingénieurs en chef des départements et des sous-ingénieurs qui seront à Paris; les sous-ingénieurs n'auront que voix consultative. >>

(Sur cet article, un membre avait demandé que le nombre de huit inspecteurs fût reduit à quatre; mais la question préalable ayant été demandée et mise aux voix, il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu à délitérer.)

(On a repeté sur cet article l'ajournement prononcé sur ce qui pouvait avoir rapport au directeur général dans le projet imprimé en tête de l'article premier.)

Art. 4.

« Cette assemblée sera chargée de l'examen de tous les projets généraux de routes dans les différents départements, ainsi que de ceux d'ouvrages d'art en dépendant, de ceux des canaux de ña

vigation, construction, entretiens et réparations des ports de commerce.»

(Un membre a proposé quatre autres articles additionnels, dont il demandait le renvoi aux comités des finances, d'agriculture et de commerce, pour y être examinés. Cette proposition mise aux voix, l'Assemblée a décidé qu'il n'y avait pas lieu au renvoi.)

Art. 5.

« Cette assemblée, durant les sessions du Corps législatif, se tiendra sous les yeux du comité de l'Assemblée nationale, chargé des ponts et chaussées, lorsqu'il le jugera convenable ».

Une députation de MM. les électeurs de Paris est annoncée et admise à la barre.

M. Kersaint, président des électeurs. L'assemblée électorale nous députe vers vous; elle voudrait se presenter tout entière: impatiente d'une démarche que lui commandait depuis longtemps son amour pour nos nouvelles lois, sa reconnaissance pour les régénérateurs de l'Empire, elle ne se la permet cependant qu'après avoir accompli le plus pressant, le plus saint de ses devoirs les lois ont des ministres, l'innocence un appui, le peuple des magistrats; les juges composant les tribunaux du département de Paris sont élus. C'est après avoir répondu à ce premier de vos vœux, que l'Assemblée a pensé que vous lui permettriez de vous exprimer le sien.

Un de nos collègues va vous faire lecture de son adresse.

M. Larive, acteur du Théâtre-Français, orateur de la députation. Messieurs, en restituant au peuple français, dans leur intégrité primordiale, les titres originels qu'il avait perdus dans les siècles de l'ignorance, et qu'il a reconquis dans l'âge des lumières, vous lui avez rendu le premier droit du souverain, celui d'élire les magistrats qui doivent le gouverner. Ces magistrats ne seront plus les mendiants de la fortune: ils seront les nobles concurrents de l'estime ou les clients honorables de la renommée.

Appelés par le peuple du département qui est le premier à recevoir, à écouter vos lois; appelés pour choisir ceux qui doivent les détendre et les exécuter, nous nous préparions à remplir la mission électorale qui nous a été confiée.

Un décret, appuyé sur des convenances trompeuses, divisa une assemblée qui, par sa nature, devait former un seul corps. L'esprit public s'alarma et travailla soudain à la réunir. Un nouveau décret, digne de votre sagesse, se hâta de rassembler les urnes éparses dans lesquelles l'intrigue espérait glisser son suffrage.

Le jour de la réunion fut pour nous un jour de triomphe, et notre premier mouvement a été un vœu de reconnaissance pour les créateurs de la liberté française.

Ce vœu sacré, ce vœu unanime, nous venons l'accomplir. Députés de l'assemblée électorale, representants des assemblées primaires, nous venons jurer au nom du département de Paris, nous venons jurer, à l'exemple de la monarchie entière, que nous adhérons irrévocablement, que nous obéirons religieusement à l'immortelle Constitution, qui est le fondement inébranlable de notre liberté.

Paris a fait connaître qu'il ne comptait pour rien la fortune, au prix de la liberté; mais plus elle nous a coûté de sacrifices, et plus nous ché

rissons sa conquête. Nous la voulons entière; nous la voulons telle que vous l'avez conçue, environnée partout de l'égalité civile; nous la voulons telle que la dignité de l'homme ne soit déshonorée par aucun vestige de ces institutions outrageantes, restes impurs et corrupteurs de la tyrannie féodale: nous la voulons telle enfin que la philosophie l'a promise, et que la Constitution nous l'a donnée.

Nos principes sont les vôtres, Messieurs. Votre génie nous a inspirés dans nos premières fonctions. En élisant les trente juges que nous venons de proclamer, nous avons consulté l'opinion publique et la mémoire des services rendus à la patrie. Nous avons consulté l'instinct de la liberté, c'est-à-dire le mépris pour l'orgueil des noms, et la méfiance pour l'esprit fanatique des corps. Nous avons consulté l'intérêt des tribunaux, et cherché, jusque dans la sphère que nous redoutions, les connaissances judiciaires auxquelles la vertu même ne supplée pas. Nous avons consulté enfin l'honneur d'une cité généreuse, qui, théâtre de la Révolution, mérite de recueillir le bienfait des talents qu'elle a vus éclore, et de ceux qu'elle a fait triompher. Paris, s'étant voué à tout l'Empire, doit être considéré désormais comme la cité commune des Français.

Voilà les règles de notre conscience. Pour prouver que nous les avons fidèlement suivies, il suffit de montrer les jurisconsultes que nous avons choisis parmi vous. Nous avons pris l'élite des juges dans l'élite des Français.

Lorsque le moment sera veau de composer le sénat de l'administration, nous ferons entrer dans nos recherches une considération de plus.

L'exercice du pouvoir est plus sujet à se pervertir que celui de la justice. Le jugesera contenu lui-même par le génie austère de sa profession, et par la borne inamovible de son état. Les imites de l'administration, quoique immuables, semblent plus mobiles ou plus flexibles. Ses instruments du moins sont plus exposés aux impulsions de l'intérêt et à l'action des circonstances. Pour afferinir la Constitution naissante, s'il faut des hommes intègres dans les tribunaux, il faut des citoyens intrépides dans l'administration.

Faits pour élire, au nom du peuple, les pasteurs qui doivent lui donner le précepte et l'exemple des devoirs religieux, nous chercherons la preuve, la caution de leurs vertus, dans leur attachement aux lois suprêmes de l'Etat; et nous regarderons tout pontife qui sera contraire ou infidèle au serment national, comme s'exilant lui-mêmedu temple de la patrie, et comme trahissant le dieu qu'il annonce et le peuple qu'il enseigne.

Vous le savez, Messieurs, des protestations scandaleuses errent dans tous les diocèses, pour y soulever la piété crédule.

Ressuscitant une doctrine morte depuis un siècle, on l'arme contre vos décrets on essaie de relever cette puissance sacerdotale qui lutta autrefois avec tant de furie contre la puissance des souverains. Ce mot puissance détourné, par l'ambition, de son sens véritable, a seul produit cette longue et désastreuse querelle. La religion, sans doute, a de la puissance sur nos esprits par la sainteté de son culte. Elle a de la puissance sur nos mœurs par la sainteté de ses exemples. Mais elle n'a d'ailleurs aucune puissance législative, exécutrice ou judiciaire. Le peuple, de qui dérive toute puissance semblable, n'en délégua jamais la moindre portion aux ministres des autels. Le fondateur du christianisme n'a point

donné à ses apôtres le monde à gouverner, mais le monde à consoler et instruire. En un mot l'opposition de la puissance spirituelle à la puissance tem porelle, n'est qu'une dispute de l'ignorance, une hérésie en politique, un blasphème contre l'Evangile.

En adhérant, Messieurs, à tous les décrets émanés de votre justice, nous adhérons solennellement à cette constitution civile du clergé, si analogue, si ressemblante à celle de la naissante Eglise; à cette Constitution civile, qui, sans toucher aux maximes sacrées de l'Eglise gallicane, ne change que sa géographie; à cette Constitution civile qui, conservant l'unité du catholicisme et de la communion romaine, nous affranchit de la domination d'une cour étrangère; à cette Constitution civile enfin, que la piété sincère applaudit, que la ferveur publique attend avec impatience, et dont l'erreur peut seule, ou contester la sagesse, ou retarder l'exécution.

Nous avons cru devoir manifester ici la pureté de nos opinions religieuses, pour annoncer d'avance que nous ne choisirons jamais que des pasteurs, dignes tout ensemble, de la nation et des autels, et que nous regarderons toute élection contraire comme une apostasie électorale.

Mais nos principes les plus sévères, mais nos attentions les plus rigoureuses se montreront, Messieurs, dans le choix des législateurs. It sera le plus important et le plus difficile: car nous voulons que vos successeurs vous ressemblent. Nous voulons qu'ils joignent l'étendue des lumières à l'énergie du courage. Nous voulons qu'à ce courage indomptable, ils associent une retenue magnanime qui se borne à défe dre la Constitution, et qui n'aspire point à l'ébranler.

Dans l'impuissance d'opérer une contre-révolution, quel est le dernier espoir des malveillants? C'est d'amener une revision prématurée et orageuse de la Constitution, et de faire ainsi rétrograder la France vers l'abime dont elle est à peine sortie. Gardons-nous d'encourager cette espérance séditieuse. Français le secret des lois est dans le temps: Français! attendez avec une tranquille constance que l'oracle des années vous révèle et les biens et les maux cachés dans vos nouvelles institutions.

La félicité des Enpires dépend de la bonté et de la stabilité de leurs lois. Les nôtres sont dignes d'être éternelles. Elles ne sont point un système de règlements éventuels ou de principes variables. Elles sont l'assemblage hardi et la liaison savante des premiers droits de la nature et des premiers vœux de la société. Un E at, constitué de cette sorte, est doué de l'immortalité sociale.

Vous avez eternisé le trône, en le plaçant au centre des volontés et des regards populaires.

Vous avez éternisé le Corps législatif, en lui donnant la permanence et en appelant autour de lui le public pour juge et pour témoin.

Vous avez éternisé la monarchie, en délivrant les provinces de leurs privilèges discordants, en partageant ces masses inégales par la même mesure de territoire et en les liant par les mêmes rapports de fraternité.

Vous avez éternisé le christianisme, en enracinant chaque métropole dans chaque département, en ramenant l'épiscopat dans le sanctuaire de ses fonctions, en rappelant les pasteurs aux droits de l'égalité évangélique, en dégageant enfin l'œuvre de la divinité de tout alliage humai.

Ce ne sont pas là vos seuls bienfaits, vos seuls miracles.

Vous avez raffermi pour toujours le crédit pu

blic, en l'appuyant sur trois bases immuables qui lui manquaient: la foi nationale, l'impôt proportionnel et l'economie administrative.

Vous avez assuré pour jamais la paix intérieure de cet Empire, en transformant tous les citoyens en soldats et tous les soldats en citoyens; en faisant, pour ainsi dire, de chaque famille une forteresse, et de ces familles, ralliées au premier signal, un mur d'airain qui environne chaque cité, qui entoure chaque hameau, et qui les rend impénétrables au fer des conspirateurs.

Vous avez assuré de même la paix extérieure en ouvrant une nouvelle carrière à ces races orgueilleuses qui ne voulaient s'illustrer que par les batailles; en abdiquant cette ambition des conquêtes qui, du char de la gloire, semait les calamités dans les triomphes, et la stérilité dans la magnificence; en enchaînant ce mécanisme ministeriel, qui, sous le nom de politique, se jouant des alliances, des potentats et des nations, était une conspiration impunie contre le genre humain.

Vous avez consacré enfin l'esprit philosophique, et tous les arts qu'il éclaire, et tous les principes qu'il a rectifiés, et la dignité humaine qu'il a rétablie, et la majesté du peuple qu'il fait reconnaitre; vous avez consacré ces idées sublimes, en les gravant avec vos lois dans toutes les têtes, dans celles mêmes qui leur seinblaient inaccessibles.

Un grand problème historique occupera la postérité. C'est le parallèle de deux phénomènes contemporains, du congrès qui a sauvé l'Anérique, et de l'Assemblée qui a delivré la France.

Si le premier a eu des armées à combatire, la seconde avait des obstacles plus difficiles à surmonter, un long amas de préjugés à détruire, un long rempart de privilèges à démolir.

Treize républiques naissantes out dompté une monarchie antique et formidable: mais celle monarchie était éloignée de leurs muralles, et l'Océan était en quelque sorte et leur barrière et leur allié. Nous avons terrassé ou plutôt désarmé un despotisme dominant dans nos murs, et tout puissant encore sur des imaginations longtemps asservies.

L'Amérique présentait un peuple nourri des sentiments de l'indépendance, et qui soutenu par elle s'est avancé fièrement et régulièrement vers sa conquête. · Plus éloig és d'un terme si heureux, dans un elan sublime, nous avons franchi d'un seul pas l'intervalle immense de l'esclavage à la liberté. Nous avons detrôué en un jour cent mille tyrans, nous avons chasse d'un regard mille imposants fantômes.

Enfin si l'Amérique a devancé la France, la France a peut-être surpassé l'Amérique : l'une a eu la supériorité d'un grand exemple, et vous avez donné à l'autre la supériorité d'une législationlus accomplie.

Le plus hardi des géomètres disait : Donnezmoi de la matière et du mouvement, et je crée un monde. Il dirait aujourd'hui : Donnez-moi des hommes et la Constitution française, et je je crée une nation.

Signe KERSAINT, président;
PASTORET, secrétaire.

M. le Président. Messieurs, l'Assemblée nationale voit avec une vive satisfaction, mais sans surprise, l'attachement inviolable que le corps électoral de Paris manifeste pour la Constitution. Choisi par des citoyens amis de la liberté, qui

ont tout sacrifié pour elle, qui ont bravé les dan gers les plus menaçants pour conquérir des droits si longtemps méconnus et outragés, il a dû se pénétrer de cet esprit civique et de ce saint amour de la patrie. Vous êtes chargés, Messieurs, d'une mission importante et redoutable. Le peuple vous a confié le plus précieux de ses droits, relui qui constitue essentiellement sa liberté politique, celui qu'il ne peut sans péril exercer par lui-même. Combien vous seriez coupables de le tromper! mais que vous méritez d'éloges pour avoir si diguement secondé ses vœux ! Le trait le plus frappant dans les choix que la sagesse et la justice vous ont inspirés, c'est que vous n'avez pas borné vos regards à l'horizon qui vous environne, vous les avez étendus sur toute la France; et partout où vous avez aperçu des talents, et surtout des vertus, vous les avez accueillis, vous les avez appelés avec fraternité au sein de cette cité, le centre de l'Empire.

Continuez, Messieurs, à répondre toujours aussi glorieusement à la confiance dont vous êtes honorés. Les principes qui vous animent, et que vous venez d'exposer avec tant de noblesse et d'énergie, sont de sûrs garants qui nous répondent de l'avenir. Ces principes sont maintenant ceux de tous les bous français: et il est bien doux, bien consolant pour l'Assemblée nationale, de pouvoir rendre ici un hommage éclatant aux diverses assemblées électorales de France. Partout (des exceptions rares ne doivent pas être comptées), partout ceux à qui le peuple a remis ses intérêts, ont senti combien ce dépôt était sacré ; partout ils ont été pénétrés de l'importance et de la nécessité de n'élever aux places que ceux qui en étaient dignes. Les fonctions de la société reposant ainsi entre des mains pures et fidèles, que pourront faire les ennemis du bien public? Leurs efforts impuissants viendront se briser au pied de l'édifice que nous avons élevé à la liberté. Ce monument fera l'étonnement de nos neveux puisse-t-il servir de modèle aux nations! et le temps, il faut l'espérer, ne fera qu'ajouter à sa majesté.

(L'Assemblée accorde à la députation l'honneur de la séance et ordonne l'impression des discours et adresse.)

(L'Assemblée décide ensuite que le projet de décret des comités des financs, d'agriculture et de commerce, et du comité militaire, sur les messageries, ne sera pas soumis à la discussion avant d'avoir été imprimé et distribue.)

M. le Président lève la séance à dix heures et demie.

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 14 DÉCEMBRE 1790.

MANDEMENT

de Monseigneur l'archevêque prince-électeur de Trèves.

Clément Wenceslas, par la grâce de Dieu, archcvêque de Trèves, prince-électeur du Saint-Empire, etc., etc.

Au clergé séculier et régulier de l'un et de l'autre sexe de la partie de notre diocèse soumise à la domination française; salut et bénédiction. Nous manquerions essentiellement au devoir de premier pasteur de vos âmes, si, dans ce moment, où, par un démembrement aussi incompétent qu'attentatoire, on veut rompre le lien qui nous a lié si étroitement à vous, mes très chers frères, nous ne réclamions et ne soutenions authentiquement nos droits lésés par la disposition de quelques articles du décret de l'Assemblée nationale, touchant l'organisation du clergé de France; et nous ne pourrions échapper le reproche de mercenaire dans le sens de l'Evangile, si, dans des circonstances aussi désolantes, nous ne vous faisions connaître toute l'étendue de la sollicitude que nous n'avons cessé de porter sur une portion aussi précieuse de notre diocèse; sollicitude dont nous avons de tout temps donné des preuves bien sensibles, sollicitude qui, bien loin de se ralentir, acquiert une nouvelle activité, à proportion des obstacles qu'on veut y porter; sollicitude entin aussi indispensable pour nous dans ces temps de calamités, qu'encourageante pour vous dans les périls ou perplexités auxquels Vous vous trouvez exposés.

Quoique éloignés de vous personnellement, nous sommes toujours avec vous d'esprit et d'affection; rien ne nous empêchera jamais de suivre le devoir que nous avons à remplir vis-à-vis de vous, et de vous faire connaître la voix de laquelle vous ne pouvez vous détourner sans prévarication.

L'autorité ecclésiastique est aussi indépendante de la civile, que leur objet est différent; Tune ne peut pas empiéter sur les droits de l'autre, sans introduire une confusion qui serait aussi nuisible au bien et à la tranquillité publique, qu'elle serait subversive de l'ordre et de la bonne harmonie; le divin législateur, qui disait que son règne n'était point de ce monde, a donné its clefs à Saint-Pierre et le pouvoir aux apôtres, sans le concours de l'autorité civile, et sans les y assujettir dans l'exercice de ces mêmes pouvoirs.

Un évêque, canoniquement institué, tient ses pouvoirs et sa juridiction de Dieu; aucune puissance civile ne peut enlever, ai restreiadre cette juridiction sans l'intervention de l'autorité de I'Eglise; toute disposition contraire auéantirait l'ordre hiérarchique institué par Jésus-Christ, établi par l'Eglise, et maintenu par le concours même de l'autorité civile.

Nous présumons trop bien de la religion de nos confrères dans l'épiscopat pour oser croire qu'aucun d'eux voulût empiéter sur la juridiction d'un autre, et s'immiscer d'aucune manière dans l'administration d'une partie d'un diocèse qui ne serait unie au sien qu'en vertu de l'autorité civile seulement. Nous sommes de même bien éloignés de croire qu'aucun veuille abandonner son troupeau, en tout ou en partie, sur la simple disposition d'un pareil decret. Le moindre doute à ce sujet, serait injurieux à des ponufes du Seigneur élevés sur le chandelier de I'Eglise, pour éclairer et instruire les fidèles.

Notre présente réclamation se trouvant, outre une possession immémoriale, appuyée et fondée sur la teneur de différents traies solennels, tant publics (1) que particuliers (2), en vertu desquels les archevêques-électeurs de Trèves ont été maintenus dans la possession de leur juridic

(1) Traité de Westphalie en 1646. Traité de Munster en 1648. Traité de Fontainebleau en 1661.

(2) Traité particulier de Versailles en 1783.

1 SÉRIE, T. XXI.

tion métropolitaine sur les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun, de même que sur les portions qui ont été distraites pour l'érection des deux nouveaux évêchés de Nancy et Saint-Dié. Nous nous regarderons toujours comme métropolitain des évêchés de Metz, Toul, Verdun, Nancy et Saint-Dié, avec toutes qualifications, droits et juridiction qui compétent à tout archevêque sur ses suffragants. Nous nous regarderons de même toujours comme ordinaire immédiat de la partie de notre diocèse qui s'étend sous la domination française, avec tous droits et juridiction, dans lesquels les archevêques-électeurs de Trèves ont été maintenus par la teneur des mêmes traités susmentionnés.

Etant donc autorisé à envisager ce démembrement décrété par l'Assemblée nationale, co nme une violation formelle des susdits traités, nous protestons contre et le regardons come nul et sans effet. En conséquence, nous vous déclarons:

1° Que nous continuerons, comme ci-devant, à nous donner tous les soins pour cette précieuse portion de notre troupeau, duquel on ne peut nous séparer que par la force et la violence;

2° Que vous ne devez et ne pouvez reconnaître, pour votre supérieur ecclésiastique, aucun autre évêque, et n'avoir recours en aucun cas, et pour chose quelconque, à celui qui ne vous serait désigné que par l autorité civile;

3o Que toute absolution donnée en vertu des pouvoirs demandés et obtenus d'un autre évêque que de nous, serait, hors le cas de mort, nulle, par le défaut radical de juridiction;

4° Que tout ecclésiastique qui, en vertu d'une telle autorité, oserait recevoir l'ins itution canonique d'un autre évêque que de nous ou de nos archidiacres, ne peut être regardé que comme un intrus, et ses fonctions, de plein droit, nulles et sans effets;

5o Déclarons que tout curé actuel, quoique canoniquement institué, qui oserait exercer sur les portions d'autres paroisses qui lui écherraient, d'après une nouvelle distribution ou circonscrip tio de cires non autorisée par nous, une juridiction quelconque, encourra même, relativement à sa propre paroisse, la peine de suspense prononcée par les canons contre tout usurpateur ou violateur du droit de juridiction d'autrui.

Du reste, nos très chers frères, convaincus de Votre attachement aux devoirs de votre état, attachement que plusieurs d'entre vous, et surtout celles qui, faibles aux yeux du monde, l'étonnent néanmoins, et le confondent par leur force et perseverance, ont poussé jusqu'à l'héroïsme, nous vous faisons part de la douce consolation que nous ressentons, et pour laquelle nous rendons grâce au père des miséricordes. Nous vous exhortons, nous vous prions, par les entrailles de JésusChrist, de rester fidèles dans votre vocation.

Et vous, pasteurs, nos fidèles coopérateurs dans le saint ministère, redoublez de zèle envers vos ouailles; instruisez-les de leurs devoirs; retenezles dans l'obéissance et la soumission à l'autorité légitime; ni le dépouillement de vos biens, ni l'avilissement dans lequel on veut vous réduire, ni les contradictions que vous essuyez, ni les traitements même les plus durs auxquels vous êtes exposés, ne doivent ralentir votre ardeur à procurer le salut des âmes confiées à vos soins. La prudence, l'activité, l'intrépidité même de votre zèle, doivent triompher de tous les obstacles et entraves qu'on veut y mettre vous ressouvenant des paroles de l'apôtre des Gentils, qui, pré31

chant dans les fers, disait que la parole de Dieu ne se laissait point enchaîner.

Gardez-vous, néanmoins, nos très chers frères, de vouloir, par un zêle repréhensible, attirer les foudres du ciel sur les méchants, et sur ceux qui Vous persécutent; imitez plutôt, imitez votre divin modèle; mettez-vous entre le vestibule et l'autel; priez pour ceux qui vous maudissent; fléchissez le ciel par vos gémissements; détournez, par vos sanglots, les maux dont la nation pourrait être accablée. Par cette conduite, si digne de la sainteté du caractère dont vous êtes revêtus et de la mission que vous exercez, vous convaincrez les peuples que c'est à tort qu'on a cherché à vous enlever leur confiance; et les peuples, revenus de leurs préventions et égarements, béniront le ciel de leur avoir ménagé et accordé de tels pasteurs et de tels médiateurs.

Fait à Coblentz, le 26 novembre 1790. † CLÉMENT, archevêque et électeur.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. PÉTION.

Séance du mercredi 15 décembre 1790 (1).

La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.

M. Varin, secrétaire, donne lecture des procèsverbaux des deux séances de la veille.

Il ne se produit aucune réclamation.

M. Bouche. La Provence est actuellement une mer. On y va en bateau. Soixante-quatre bâtiments chargés de marchandises sont en ce moment ensablés aux Bouches-du-Rhône. Les eaux ne seront totalement retirées que vers la mi-février. Dans cet état il est impossible de faire procéder aux estimations de biens nationaux. Je réclame pour elles, de la justice et de la bienfaisance de l'Assemblée, une prolongation de délai jusqu'à la fin de février.

M. Camus. Je ne m'oppose point à la demande qui vous est faite, mais j'observe qu'en fixant un délai fatal votre intention a été de borner la faveur accordée aux municipalités. Les ventes surpassent les estimations au delà de toute mesure et le gain accordé aux municipalités ne se fait qu'aux dépens de la nation. Enfin leur intervention n'est plus aujourd'hui d'aucune utilité. Je demande le renvoi au comité d'aliénation.

(Ce renvoi est prononcé.)

M. le Président. Les comités réunis des finances, d'imposition et de mendicité demandent à présenter un décret concernant les hópi taux de la ville de Rouen.

M. Le Coutealx, rapporteur. Messieurs, il est instant de secourir les deux hôpitaux de Rouen. Le premier sous le nom d'Hôpital général des

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

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L'insuffisance totale et annuelle des deux hôpitaux est de 250,694 liv. 18 s. 11 d.

L'état qui a été levé, au 29 septembre dernier, des individus de l'Hôpital général, monte à 2,477; celui des malades à l'Hôtel-Dieu à 5,591. 1 en résulte que le nombre des journées d'individus de cet hôpital, y compris les domestiques, monte, année commune, à 178,803; ce qui donne par jour, à la charge de cet hôpital, 489 malades.

On réclame donc les secours dus à trois mille individus dans l'excès de leur misère, de leurs maladies, de leur vieillesse et de leurs infirmités. C'est à la fois satisfaire à des vues d'humanité et de saine politique. Les soins continuels qu'on donne au peuple dans ses maladies et souffrances le préservent au moral comme au physique d'une contagion dangereuse, particulièrement dans les grandes villes.

Le moyen que le département de la Seine-Inférieure p propose de proroger pour venir au secours de ces deux hôpitaux en détresse est la prorogation des droits réservés qui se perçoivent à l'entrée de cette ville et qui expirent au 31 décembre. Ces droits étaient originairement des droits consentis par les habitants de Rouen, pour fournir à un don graduit; ils ont été établis par la déclaration du roi du 3 janvier 1759. Ils devaient acquitter le don gratuit à divers termes convenus pour son payement; leur produit annuel se trouva excéder la quotité déterminée des payements à chaque échéance. La municipalité de Rouen, qui administrait alors leur perception, appliqua l'excédant au soulagement des hôpi

taux.

exactement), ces droits devaient cesser; le roi en Le don gratuit entièrement acquitté (et il le fut avait donné sa parole, mais l'abbé Terray y eut peu d'égard; il en fit ordonner la prorogation en 1768, et ils furent aussitôt compris dans le bail de la régie générale, sous la dénomination de droits réservés.

Tous les corps et les différents chefs qui représentaient alors pour les habitants de Rouen firent les plus fortes et les plus vives réclamations.

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