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PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, d'après le rapport de ses comités militaires, des rapports et des recherches, relativement aux événements qui se sont passés à Nancy; considérant que la malheureuse catastrophe arrivée dans cette ville n'est que la suite funeste des erreurs dans lesquelles un grand nombre de citoyens de toutes les classes ont été entraînés par la diversité de leurs opinions; voulant ensevelir dans l'oubli jusqu'au souvenir d'un événement aussi désastreux, a décrété et décrète ce qui suit:

Art. 1er. L'Assemblée nationale décrète qu'il ne sera donné aucune suite à la procédure commencée au bailliage de Nancy, relative aux événements qui ont eu lieu dans cette ville, laquelle est déclarée comme non avenue; qu'en conséquence, tous citoyens, soldats détenus dans les prisons,en vertu des décrets décernés par les juges de Nancy, pour raison desdits événements, seront remis en liberté aussitôt la publication du présent décret.

« Art. 2. Ordonne à son président de se retirer par devers le roi pour prier Sa Majesté de donner ordre à son ministre de la guerre de nommer un inspecteur général pour gérér le licenciement des régiments du roi et de Mestre-de-camp, et qu'il soit payé à chaque soldat trois mois de solde, dont un mois à l'époque du licenciement, et deux mois loreque chaque soldat sera rendu dans le lieu de son domicile, qui leur seront payées par le trésor public de district.

Art. 3. Décrète que les drapeaux du régiment du roi et les guidons de Mestre-de-camp seront déposés dans la principale des églises paroissiales des lieux où les régiments se trouveront à l'époque du licenciement.

« Art. 4. Il sera délivré à chaque soldat ou cavalier un congé absolu, ainsi que l'usage le prescrit.

« Art. 5. L'Assemblée nationale renvoie à son comité militaire les pétitions particulières qui pourront lui être faites par les officiers, sous-officiers, soldats, cavaliers et vétérans des régiments du roi et de Mestre-de-camp, et lui ordonne de lui rendre compte, dans le plus court délai, des moyens de replacer ceux desdits officiers et soldats qui vont se trouver sans emplois.

« Art. 6. Que le roi sera prié d'ordonner à son ministre des affaires étrangères de négocier immédiatement avec les cantons suisses pour obtenir la grâce des quarante et un soldats de Châteauvieux, condamnés aux galères pour trente années, ainsi que celle des soixante et onze renvoyés à la justice de leurs corps.

«Art. 7. L'Assemblée nationale approuve le zèle que la municipalité de Metz a montré dans les diverses occasions où l'ordre public a pu exiger son intervention; elle approuve également le civisme des gardes nationales de Metz dans la conduite patriotique qu'elles ont tenue.

«Art. 8. Honoré-Nicolas-Marie Duveyrier et BonClaude Cahier, commissaires du roi, Remi-Victor Gaillard et Charles-Pierre Leroi, citoyens de Paris, qui les ont volontairement accompagnés, sont remerciés de leur zèle patriotique pour le rétablissement de la paix à Nancy et pour le succès de l'importante commission dont ils étaient chargés.

« Art. 9. Ordonne à son président de se retirer dans le jour par devers le roi pour le prier de donner sa sanction au présent décret. »

(Ce rapport est fréquemment interrompu par des applaudissements.)

(La séance est levée à onze heures et demie.)

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. PÉTION.

Séance du mardi 7 décembre 1790, au matin (1).

La séance est ouverte à neuf heures et demie.

MM. Castellanet et Poulain de Boutancourt, secrétaires, donnent lecture des procèsverbaux des séances d'hier.

Il ne s'élève aucune réclamation.

M. le Président annonce que M. Gudin fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Supplément du contrat social.

L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention de cet hommage dans son procès-verbal.

M. Roussillon, au nom des comités d'agriculture et de commerce. Les lettres patentes du mois d'avril 1717, et qui sont encore en vigueur, ont imposé les sucres et les cacaos des colonies à un droit de consommation dans le royaume. Les cidevant provinces de Bretagne, Franche-Comté, Alsace, Lorraine et Trois-Evêchés étaient exemptes de ce droit, que les sucres et les cacaos acquittaient en passant de ces provinces dans les autres. A présent que les barrières intérieures sont ou supprimées, ou prêtes à l'être, ou considérablement affaiblies, votre comité croit indispensable de vous présenter un projet de décret.

(M. Roussillon donne lecture de trois articles.)

M. Lavie. Il ne faut pas imposer les sucres français sans prohiber ceux des étrangers, autremeni nos provinces limitrophes vont être inondées des mauvais sucres que fournissent les Hollandais et qu'ils apprêtent en y mêlant une certaine quantité de ceux de nos colonies; je demande que cette prohibition soit prononcée.

M. Defermon. Comme membre du comité de l'imposition, je propose un article additionnel qui deviendrait le quatrième, tendant à assujettir aux droits de traites, aux frontières, les mêmes marchandises qui seraient importées dans les cidevant provinces d'Alsace, Lorraine et TroisEvêchés.

M. Lavie. La province d'Alsace adoptera ce décret avec plaisir : elle ne demande point de privilège. Que les marchandises des colonies françaises payent un impôt, mais que les denrées coloniales étrangères soient prohibées. J'en fais la motion expresse.

M. Roussillon, rapporteur. Je dois dire à l'Assemblée que le comité d'agriculture et de commerce s'occupe de cet objet important.

Plusieurs membres demandent l'ajournement de ces projets de décrets.

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

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A compter du 10 du présent mois, les sucres, cafés et autres denrées coloniales qui seront importées de l'étranger dans les ci-devant provinces d'Alsace, Lorraine et Trois-Evêchés seront traitées de la même manière que celles qui sont importées de l'étranger dans les autres parties du royaume. »

Un membre du comité des finances propose de fixer un jour pour entendre le rapport qu'il a à lui faire sur les réclamations des créanciers de M. d'Artois.

Divers membres proposent de renvoyer cette affaire au jour où l'on discutera la matière des apanages.

(L'Assemblée décide que les deux questions seront traitées en même temps.)

M. Hernoux, au nom du comité d'agriculture et de commerce. D'après le vœu général et en conformité de vos décrets qui rendent tous les Français frères et égaux, votre comité a pensé que les marchandises de l'Inde, destinées pour l'intérieur du royaume, devaient être soumises, jusqu'à la promulgation très prochaine du nouveau tarif, aux mêmes droits que payaient les ci-devant provinces connues sous le nom de provinces des cinq grosses fermes.

M. Hernoux propose un projet de décret qui est adopté, sans discussion, en ces termes :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'agriculture et de commerce, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

Jusqu'à la promulgation du tarif qui sera décrété sur les marchandises provenant du com

merce français au delà du Cap de Bonne-E-pérance, celles desdites marchandises qui seront déclarées pour la consommation du royaume acquitteront les droits qui ont été jusqu'à présent perçus sur les marchandises de même espèce qui étaient destinées pour les départements ci-devant connus sous le nom de provinces des cinq grosses fermes.

Art. 2.

« Les négociants qui, pour retirer à la destination du royaume les marchandises provenant dudit commerce, voudront attendre que le nouveau tarif soit promulgué, pourront laisser lesdites marchandises en entrepôt, et elles y resteront sans frais. »

M. Merlin. Quoique je n'ai pas l'honneur d'être membre du comité de Constitution, je suis chargé par lui de vous instruire de deux faits que vous aurez peine à croire. L'ordonnance de 1667 n'a jamais été enregistrée dans le dépaṛtement du Nord, et il est à remarquer que le parlement de Douai avait acheté le droit de ne jamais l'enregistrer pour pouvoir juger par épices. C'est à ce même traité qu'il devait l'usage d'instruire tous les procès, comme procès par écrit. J'en ai vu un intenté pour 12 sols, coûter 100 louis. C'est pour obtenir l'uniformité, en attendant le règlement général sur la procédure, que nous demandons qu'aucun procès ne puisse être appointé dans le département du Nord, sans avoir été porté d'abord à l'audience.

Plusieurs membres observent que leurs provinces sont dans le même cas.

M. Prieur. Le comité de Constitution est prêt à faire paraître un travail général sur cette matière Je demande qu'il soit imprimé, distribué et discuté dans les séances du soir. (Cette motion est adoptée.)

M. Merlin. Je viens, également au nom du comité de Constitution, vous demander un autre décret; il est relatif à l'usage de revision qui était pratiqué au parlement de Douai, en matière civile. C'était un véritable appel; car la partie qui avait perdu son procès dans une chambre, le portait aux chambres assemblées qui jugeaient de nouveau le fond. Vous êtes loin de laisser subsister une pareille forme; mais comme il y a des demandes en revision qui sont déjà formées, il faut statuer à leur égard. Pour y parvenir nous vous proposons d'abolir cette loi de revision et quant aux demandes en revision intentées au parlement de Douai, avant le 30 septembre dernier, de les faire juger par le tribunal du district de Douai auquel il sera adjoint seize reviseurs choisis, au scrutin individuel, par le conseil de l'administration.

M. Chabroud. Je demande la question préalable sur ce projet de décret et voici mes raisons: On vous demande de nouveaux tribunaux judiciaires pour tel ou tel cas; votre décret sur l'organisation judiciaire y a pourvu suffisamment. Il est donc inutile de vous expliquer de nouveau. (La question préalable est prononcée.)

M. Merlin, au nom du comité d'aliénation, propose ensuite et fait adopter les deux décrets qui suivent:

Premier décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 2 septembre dernier, par la municipalité de Villedu-Bert, canton de Tresbes, district de Carcassonne, département de l'Aude, en exécution de la délibération, prise par le conseil général de la commune dudit lieu, le 5 août précédent, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 mai dernier ;

« Déclare vendre à la municipalité de Ville-duBert, district de Carcassonne, département de l'Aude, les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées au décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 29,706 livres 12 sous, payable de la manière déterminée par le même décret. »

Deuxième décret.

«L'Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 12 septembre dernier par la municipalité de Valenciennes, district dudit Valenciennes, département du Nord, en exécution de la délibération, prise par le conseil général de la commune de cette ville, le 17 juin précédent, pour, en conséquence du décret du 17 mars 1790, acquérir entre autres biens nationaux ceux dont l'état estannexé à la minute du procès-verbal dece jour, ensemble les estimations et évaluations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 du mois de mai aussi dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de Valenciennes les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 dudit mois de mai, et ce, pour le prix de 209,744 livres 1 sou 1 denier 3 quarts, payable de la manière déterminée par le même décret. »>

M. l'abbé Gouttes propose, au nom du comité de liquidation, le projet de décret dont voici la substance: 1 le comité de liquidation sera chargé de vérifier et de liquider les créances sur le clergé; 2° celles de ces créances qui sont sous signatures privées seront déposées au comité, qui en délivrera au porteur une expédition qui sera soumise à l'examen des directoires de départements, qui donneront leur avis; 3° les propriétaires des dimes inféodées présenteront au comité de liquidation leurs titres, qui seront liquidés sur l'avis des départements.

M. d'André. Le comité de liquidation est établi pour la liquidation de l'arriéré ; je m'étonne qu'il demande une nouvelle attribution. Ea multipliant ses travaux manuels, ses travaux de calculs, nous perpétuerons aussi notre existence. Je demande donc qu'il soit établi pour la liquidation de la dette un bureau particulier; nous avons un modèle dans l'excellente organisation de la caisse de l'extraordinaire.

M. Duquesnoy. Si vous aviez confié la liquidation au pouvoir exécutif, elle serait déjà faite;

quatre notaires de Paris seraient plus propres à liquider des charges que tous les comités possibles. Vous ne devez pas administrer, mais contrôler les administrateurs; car si vous administrez, qui nous contrôlera? Tous les créanciers de l'Etat attendent la liquidation de leurs titres pour acheter des biens nationaux, et depuis la création de votre comité de liquidation il n'y a pas encore un titre de liquidé. Je demande que vos comités vous présentent un mode d'organisation d'un bureau de finances, et qu'il soit fait avec la même perfection que le décret que vous avez rendu hier sur l'organisation de la caisse de l'extraordinaire, décret qui vous a acquis de nouveaux droits à la reconnaissance de la nation.

M. d'André. Voici un projet de décret que je propose de substituer à celui du comité :

L'Assemblée nationale décrète que deux commissaires de chacun des comités des finances, de judicature, de pensions et de liquidation, auxquels seront adjoints les commissaires déjà nommés par le décret du 23 septembre 1790, s'assembleront jeudi prochain au comité des finances, et lui présenteront, sous huitaine, l'organisation des bureaux nécessaires pour faire toutes les opérations de finances dérivant de l'exécution des divers décrets de l'Assemblée nationale. »

Divers membres demandent la priorité pour ce projet de décret, qui est mis aux voix et adopté.

M. l'abbé Gouttes représente de nouveau que si les créanciers du ci-devant clergé n'ont que des titres sous signatures privées, et s'ils sont obligés de les envoyer dans les différents départements pour arriver à leur liquidation, ils sont exposés à les perdre.En conséquence, il demande qu'ils soient autorisés à en faire le dépôt entre les mains d'un officier et à n'envoyer que de simples copies collationnées.

M. Prieur observe que, d'après les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, chaque créancier du ci-devant clergé peut faire liquider sa créance par le directoire du district de son domicile.

(M. l'abbé Gouttes retire sa motion.)

M. Brostaret, député de Nerac, demande et obtient un congé d'un mois pour affaires pres

santes.

M. Pétion, président, quitte la salle pour se rendre chez le roi.

M. Treilhard, ex-président, occupe le fauteuil. L'ordre du jour est un second rapport du comité de l'imposition sur la contribution mobilière.

M. Defermon, rapporteur, monte à la tribune et s'exprime en ces termes:

Messieurs, vous avez reconnu la nécessité de deux contributions: l'une foncière, l'autre que nous appelerons mobilière.

Vous vous rappelez, sans doute, que vous n'avez

(1) Ce rapport est incomplet au Moniteur.

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admis ces deux contributions qu'à raison des besoins publics, et afin de faire contribuer également tous les revenus et tous les citoyens à la dépense de la protection commune.

La contribution foncière ne présente que des idées claires, qu'un mécanisme simple. Toute propriété foncière doit contribuer en raison de son revenu net. Cette propriété ne peut être cachée; les fruits qu'elle produit sont visibles; le revenu est facile à calculer et à imposer.

Il n'en est pas de même pour la contribution mobilière, elle doit porter sur tous les autres revenus qui n'ont pas contribué, et ces revenus sont tous ceux qui ne viennent pas de propriétés foncières, ce sont les rentes des capitaux placés dans les fonds publics, dans les entreprises industrielles de tout genre, et même dans les salaires de toute espèce de travaux qui, exigeant une intelligence exercée et une habileté perfectionnée, suppose des apprentissages dont les frais peuvent être considérés comme un capital que l'on a placé sur soi-même, et dont on doit tirer un revenu proportionnel.

Tous ceux qui jouissent de semblables revenus n'en jouissent que sous la protection publiques, comme les propriétaires fonciers jouissent de leurs propriétés sous la même protection, et les uns doivent contribuer comme les autres.

Mais les mêmes motifs qui vous ont portés à ne taxer à la contribution foncière que les trois quarts du revenu des maisons, et à accorder différentes déductions dans d'autres cas, exigent qu'en taxant les revenus mobiliaires, vous veuillez considérer les risques auxquels ces revenus sont exposés, l'incertitude d'un produit constant et uniforme, la difficulté de les reconnaître et de les évaluer à leur véritable taux.

Ces considérations doivent, Messieurs, vous déterminer à taxer avec modération les revenus mobiliaires.

Nous vous avions proposé de les taxer à 12 deniers pour livre lorsque nous vous présentâmes l'article 8 du titre 2 de la contribution personnelle.

On demanda que vous eussiez porté leur taxation plus haut; vous vous bornâtes à décréter qu'ils seraient taxés par denier pour livre sur leur montant présumé d'après les loyers d'habi

tation.

Vous reconnûtes la justice, la nécessité même de les faire contribuer, et d'avoir une base commune d'évaluation. Votre ajournement sur la quotité ne fut déterminé que parce que vous n'aviez pas encore aperçu l'étendue et les bornes de vos besoins.

Nous avions fait imprimer et distribuer des projets de tarifs d'évaluation; on alléguait qu'ils étaient inadmissibles, que leur résultat produirait des sommes trop considérables. Nous n'avions pas eu cette intention, puisqu'au contraire nous avions déclaré que la contribution personnelle ne devait s'élever que de 60 à 100 millions au plus; puisque nous vous avons fait décréter que, d'après la fixation, on ne pourra exiger de chaque municipalité que la somme qui lui sera attribuée. Aussi nous vous demandâmes d'ajourper la discussion sur les projets de tarifs, et nous invitâmes nos collègues à venir nous communiquer leurs réflexions sur ce point.

Quelques-uns, mais en très petit nombre, se sont rendus à cette invitation. MM. les députés de Paris et le conseil général de la commune de la même ville nous ont communiqué leurs obser

vations par des mémoires qui vous ont été distribués. Nous allons fixer votre attention sur ces observations et sur les autres objections qui nous ont été proposées, ou qui ont été rendues publiques.

Tout le monde convient qu'il faut une contribution mobilière; et, quoi qu'on en dise, il est juste que cette contribution ne porte pas sur les revenus fonciers, qui en acquittent une plus forte autrement ce serait s'écarter de vos vues, qui ont été d'atteindre les revenus qui ne proviennent pas de propriétés foncières.

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Quant au mode de la contribution mobilière, nous sommes encore convaincus que de toutes les bases qui peuvent servir à en faire l'assiette, les loyers sont préférables: c'est un signe commun à tous les habitants de la France, c'est le signe le plus sensible de la dépense annuelle de chaque citoyen.

Il peut, comme toutes les présomptions, donner lieu à des erreurs, à des inégalités; mais de toutes les présomptions, il est la moins fautive, la moins arbitraire.

Nous avons vu avec étonnement, dans le mémoire de MM. les députés de Paris, deux propositions sur ce point, diamétralement opposées.

On y lit, page 20, « qu'on peut taxer à raison du loyer; que c'était la base de la capitation à « Paris; que la somme à taxer peut se graduer, a parce qu'il est évident que celui qui fait une dépense plus forte pour son loyer, doit prélever « une somme plus forte pour les dépenses de « l'Etat. »

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C'est ainsi qne MM. les députés de Paris conviennent que la capitation ne pouvait avoir de meilleure base que le loyer, et que la présomption, assise sur cette base, leur paraît juste et raisonble, en ce qu'elle permet la gradation de la taxe.

Cependant ils oublient bientôt ces vérités, et quelques lignes plus loin ils allèguent, « que la base uniforme, que la régularité des calculs « disparaissent lorsque, ne procédant plus d'après << un fait reconnu où prouvé, le payement de tant « pour le loyer, on veut lever une imposition sur « les facultés présumées d'après le loyer ».

Ce raisonnement les conduit à des conséquences contraires aux principes et au plan du comité; il les conduit à des suppositions inexactes et à la confusion d'idées qu'il était le plus important de distinguer.

En effet, si toute homme qui avait un loyer, pouvait être taxé à raison de ce loyer, ce ne devrait être que par la présomption que payant tant de loyer, il avait tant de richesses; par exemple, on présumait que celui qui payait 200 livres de loyer, pouvait faire une dépense annuelle de 1,000 livres, qui était le produit, soit de propriétés foncières, soit de capitaux placés, soit de son industrie.

Le logement n'est pas le premier besoin : il faut la nourriture, les vêtements; et quand on a plusieurs besoins à satisfaire, on partage ses revenus entre ses besoins.

Ainsi c'était toujours en supposant qu'un homme qui avait tant de loyer, restait encore avec une quotité de revenus,sur lequels il pouvait faire quelque économie, qu'on le taxait à raison de son loyer.

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Il nous paraît impossible de contester ces vérités or, comment les concilier avec l'allégation de MM. les députés de Paris, qu'il n'y a plus nl uniformité, ni régularité, lorsqu'on veut lever une imposition sur les facultés présumées d'après le loyer?

Si la taxe des revenus mobiliaires n'est pas de mandée sous le nom de capitation, ce n'en est pas moins une partie du revenu du citoyen qu'on lui demande pour le fisc; et comme c'est toujours d'après le fait reconnu ou prouvé qu'il paie tant de loyer, qu'on lui demande tant de contribution mobilière, on ne peut pas raisonnablement contester que cette base, bonne jusqu'ici, et employée avec succès, le sera de même pour l'avenir.

Le conseil général de la commune a répété, avec les députés, que la base présumée est inadmissible pour cette capitale, et qu'il en résulterait une foule d'inconvénients.

Nous croyons, Messieurs, qu'il naît des inconvéniens des lois les plus sages; et nous ne vous avons jamais dissimulé qu'en adoptant la présomption résultante des loyers, il pourrait en naître des erreurs et des inégalités; mais nous sommes loin d'admettre la conséquence qu'on en tire.

Dans l'impossibilité reconnue d'atteindre à la perfection, il ne faut pas abandonner une chose utile et nécessaire, il faut seulement l'employer avec les ménagements convenables.

La contribution mobilière est utile et nécessaire : les besoins du Trésor public la rendent indispensable; la justice veut qu'elle ait lieu sur une même base, pour faire contribuer à la dépense commune tous les revenus et tous les citoyens.

Vous n'aviez, pour asseoir cette contribution, que le choix des présomptions: vous avez choisi celle des loyers, comme la moins fautive; et lorsque vous l'avez choisie, on vous avait présenté tous les inconvénients qu'on rappelle.

Deux grands motifs vous déterminèrent dans le choix que vous fites; l'un, qu'aucune autre base n'etait aussi générale et moins fautive que celle des loyers, et que déjà admise pour la capitation de Paris, on en avait reconnu l'utilité; l'autre, que cette base avait le grand avantage de pouvoir servir de régulateur pour la contribution mobilière dans tout le royaume.

Ce n'est donc qu'en s'arrêtant aux inconvénients sans en considérer les avantages qu'on peut réclamer contre votre plan.

Mais vous avez décrété, et sans doute vous maintiendrez cette disposition constitutionnelle, que toutes les contributions seraient communes et égales. Vous ne voulez plus que le royaume présente une foule de petits Etats isolés et divisés d'intérêts; il faut une seule loi, et la capitale ne regrettera pas d'y être assujettie comme les provinces, lorsqu'elle considérera que tous les Français sont frères et ont les mêmes droits.

A combien de conséquences fâcheuses ne conduirait pas l'adoption de la pétition du conseil genéral de la commune de Paris? Chaque ville, chaque district, chaque département ne tarderaient pas à demander, à raison de convenances locales ou autres, des exceptions à la loi générale; ils voudraient des abonnements; ils voudraient s'imposer comme il leur plairait, et bientôt les vues pleines de sagesse qui ont déterminé vos décrets seraient anéauties.

Déjà plusieurs députés avaient proposé de laisser aux municipalités le soin de s'imposer et de répartir comme elles le désiraient; vous n'avez pas cru devoir accueillir ces propositions: la municipalité de Paris pourrait-elle prétendre à un privilège particulier?

Les députés de Paris prétendent qu'il est physiquement impossible d'etablir un tarif équitable si on n'a aucune connaissance de la somme à laquelle on veut arriver; ils demandent, en consé

quence, que vous fixiez quelle somme Paris aura à payer, et que vous laissiez à cette ville le soin de dresser ses tarifs d'après les règles qu'elle vous aura proposées, et que vous aurez jugé devoir adopter le conseil général de la commune de París répète les mêmes demandes.

Nous ne pouvons croire à l'impossibilité alléguée, ni accéder à la demande qu'on vous fait. Les tarifs ne sont qu'une préparation à la perception; leur objet principal est de servir à évaluer les facultés des citoyens, et cela est très possible et même très facile, sans qu'on ait fixé la somme que chaque département aura à payer.

Par exemple, qu'au lieu de supposer, comme dans l'ancien régime de la capitation de Paris, que le loyer était le dixième du revenu du citoyen, on admette qu'il est le cinquième ou le sixième, le tarif ne présentera d'autre résultat, si ce n'est que celui qui a 100 livres de loyer est présumé dépenser un revenu de 5 à 600 livres; celui qui a 300 livres de loyer, un revenu de 15 à 1,800 livres; c lui qui a 1000 livres de loyer, un revenu de 5 à 6,000 livres, etc.

Ces tarifs peuvent être indépendants de la quotité de la contribution qui sera toujours une partie aliquote des revenus présumés, et plus ou moins forte, suivant que la contribution mobilière sera plus ou moins considérable.

Il faut donc suivre la même marche que pour la contribution foncière; il faut conveur d'un tarif ou d'un mode commun, propre à évaluer les revenus mobiliaires; comme on est convenu d'un mo le propre à évaluer les revenus fonciers: et on pourra, après être convenu de ce mode, fixer la quotité générale de contribution mobilière, et celle affectée à chaque département, comme on s'est réservé de fixer la quotité générale de la contribution foncière, et celle de chaque département.

Nous regrettons que le conseil général de la commune de Paris se soit borné à demander qu'on renvoie à ses administrateurs la formation de son tarif; il eût été plus satisfaisant pour nous qu'elle eût fait connaître quelles sont ses vues et quel est le tarif qu'elle désirerait nous en eussions fait profiter tout le royaume, si nous en avions reconnu l'avantage.

Les mémoires publiés contiennent des suppositions entièrement contraires à notre plan.

On suppose que nous cherchons à établir une contribution énorme et désastreuse par ses conséquences;

Que nous ferions reverser sur les non-propriétaires les cotes des propriétaires, et que la contribution tomberait tout entière sur le commerce et l'industrie;

Que deux loyers égaux seraient toujours imposés à une taxe égale, malgré la différence oertaine des revenus de chacun de ces locataires ;

Que par une inversion étrange nous appliquons les proportions les plus fortes aux petits logements, en les diminuant progressivement sur les plus forts.

Ces suppositions nous autorisent à croire qu'on n'a ni approfondi ni examiné nos principes.

Nous avons toujours envisagé dans leur ensemble les contributions publiques, et en distinguant des contributions foncière et mobilière, nous ne les avons pas pour cela regardées comme indépendantes l'une de l'autre.

Nous avons sans cesse devant les yeux l'article de la déclaration des droits, qui veut que les contributions soient communes et réparties

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