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sûreté et de confiance aux créanciers de l'Etat : c'est après avoir entendu le discours de M. l'évêque d'Autun, prononcé à l'appui de ce même décret; discours entièrement consacré à montrer toutes les espèces d'injustices et de faux calculs qu'il y aurait à toucher aux rentes sur l'Etat, sous aucun prétexte discours où on lit cette phrase remarquable, qui semblait repousser d'avance l'étrange proposition qu'on ose vous faire: « Une réduction partielle des rentes, sous le nom d'imposition, y est-il dit, est tout aussi injuste, tout aussi coupable en principes qu'une suppression totale. » Voilà dans quelles vues, dans quel esprit a été rendu le décret dont il s'agit.

Et l'année qui suit des promesses si claires, si solennelles, n'est pas écoulée, que nous chercherions à les éluder! Ce même emprunt de 80 millions, dont nous avons affirmé, ainsi que de toutes les autres parties de la dette, qu'en aucun cas, sous aucun prétexte, il n'y serait fait aucune retenue, aucune réduction quelconque; nous y ferions néanmoins une retenue, uue réduction, au premier cas, au premier prétexte! O mépris de 801-même et de sa parole! O conduite qui déshonorerait un gouvernement vieilli, endurci dans les extorsions! Non, une pareille indignité nesouillera point la liberté à son aurore; elle est généreuse, cette liberté; elle est loyale; elle est fidèle; ses projets sont grands, élevés, et ses moyens ne sauraient être méprisables.

Rappelez-vous, Messieurs, ce trait de la même séance du 27 août, où fut décrétée la fameuse déclaration dont je parle; trait qui peint l'esprit de loyauté dont vous étiez animés, et qui serait un nouvel argument pour ma cause, si elle pouvait encore en avoir besoin. Un amendement fut présenté à ce beau décret qui consolidait la dette publique; un membre demanda, comme quelques personnes le font aujourd'hui, que la déclaration en faveur de la dette ne portat que sur les capitaux et non sur les intérêts. Ecoutez, Messieurs, votre réponse: un murmure général, disent les journaux du temps, força l'auteur à retirer son ameudenent. Ce murmure fait l'éloge de l'Assemblée: c'est l'instinct de la raison et de la vertu, qui repousse les propositions fausses ou malhonnètes.

Maintenant que vous voyez reparaître cette même proposition déjà réprouvée; que vous voyez des maximes sophistiques disputer le pas à vos décrets; maintenant qu'on semble vous tåter sur vos vertus publiques, malgré les preuves éclatantes que vous en avez données, et dont on devrait se souvenir; vous vous montrerez ce que Vous êtes, vous prouverez que l'Assemblée nationale de ce jour est encore celle du 13 juillet et du 27 août 1789. Vous repousserez l'attentat qu'on vous propose contre la foi publique, contre Vos déclarations les plus expresses, contre l'honneur de cette Assemblée et la dignité de la nation.

Vous vous souviendrez que si Louis XVI avait voulu combler le vide de nos finances par ces vila moyens, nous gémirions peut-être encore dans les fers honteux du despotisme, et vous ne souillerez point cette époque de gloire et de liberté par une mesure que sa probité lui défendit sous l'ancien régime.

Que l'adulation ait exalté le roi, à l'ouverture de nos séances, pour n'avoir pas manqué à ses promesses; qu'elle ait fait valoir la faculté qu'il aurait eue, dit-on, d'assujettir à une retenue quelconque la totalité des rentes ou des intérêts sur l'Etat; c'est à nous de tenir un autre lan

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gage. Juste ciel! la déloyauté, le manque de foi, une faculté royale! Couvrons ce trait d'abjection ministérielle par un tableau d'un tout autre genre, tableau fidèle, pris dans le même discours, et qui semble fait pour notre sujet : « La bonne foi», y est-il-dit, la politique, le bonheur et la puissance, tous les principes, tous les mobiles, << tous les intérêts, enfin, viennent plaider la «< cause des créanciers de l'Etat et leur servir de défense.. Je parle surtout de ces hommes du « peuple, que la crainte de l'ind gence a rendus « laborieux, et qui, dans l'abandon d'une douce confiance, ont déposé entre les mains de leur roi, à l'abri de sa probité et de son amour, le << fruit des travaux pénibles de toute leur vie, et « l'espoir longtemps acheté de quelque repos << dans les ours de la vieillesse, et des infirmités qui l'accompagnent car tel est un grand « nombre des créanciers de l'Etat. Je n'essayerai pas de peindre le désordre et la douleur qui « résulteraient de leur attente si cruellement trompée. Il est des maux assez grands, même en perspective, pour qu'on n'ose les fixer par << la pensée, et la crainte qu'ils inspirent semble « être un garant de leur impossibilité.

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Je n'ajoute qu'un mot ce qu'on vous a proposé d'exécuter, Terray l'osa. Il toucha aux créances sur l'Etat; il retiat un dixième sur les rentes; il appelait aussi cela une imposition. Du moins, cet administrateur infidèle jugea lui-même sa conduite. Un malheureux créancier lui dit un jour Ah! Monseigneur, quelle, injustice vous nous faites Eh! qui vous parle de justice? » lui répondit-il. Ainsi ce ministre fit effrontément un larcin public. Mais il eût fait pis encore; il eût corrompu la morale, s'il eût cherché à colorer son opération. La postérité lui a fait justice; et l'infamie repose à jamais sur son tombeau.

Je n'en puis donc douter, Messieurs; cette Assemblée marquera encore cette journée d'un trait mémorable de sa vertu. Non seulement elle rejettera, d'une manière qui soit digne d'elle, toute proposition d'attenter aux rentes sur l'Etat; mais elle se mettra pour l'avenir à l'abri des surprises qu'on pourrait lui faire; elle tirera parti, pour sa gloire, de cette discussion même, où on l'a forcée de descendre.

Et à qui, Messieurs, voudrions-nous laisser l'honneur de cette noble détermination? Dans quelle législature existera-t-il un sentiment plus vif des vrais principes, plus d'ardeur pour les soutenir, les éterniser?

Posons donc pour la nation, posons pour les générations futures, la base profonde d'un crédit Indestructible, comme nous avons posé celle de la liberté. Faisons d'un principe d'ordre, de régularité, de morale en fait de finance, une loi constitutive de cet Empire; et que des obligations inviolables en elles-mêmes soient mises par nos mains à l'abri de toute vicissitude des opinions et des circonstances.

Voici, Messieurs, le décret, que j'ai l'honneur, en conséquence, de vous proposer:

L'Assemblée nationale décrète :

1° Qu'en confirmation des décrets des 17 juin et 13 juillet 1789, et en particulier du 27 août de la même année, les rentes, soit viagères, soit perpétuelles seront à jamais exemptes de toute imposition, dans quelque cas et pour quelque raison que ce puisse être, ainsi que toutes les autres parties de la dette publique;

2o Que les arrérages des rentes tant viagères que perpétuelles dus pour l'année 1790, devant étre acquittés en entier dans le premier semestre

de 1791, selon le décret du 6 du mois passé; et le payement desdites rentes étant ainsi remis au courant, l'ordre établi par ce pavement sera constamment observé à l'avenir de manière que les arrérages d'un semestre seront toujours acquittés en entier dans le semestre suivant, sans que cet ordre puisse jamais être interrompu, dans quelque cas et sous quelque prétexte que će puisse être;

3° Que le présent décret, qui consacre les principes inviolables de fidélité que la nation suivra toujours envers les créanciers de l'Etat, et qui fixe à perpétuité les mesures les plus propres pour remplir ses engagements à leur égar, sera mis au rang des lois constitutionnelles et immuables de cet Empire.

DEUXIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 DÉCEMBRE 1790.

Opinion de M. de Césargues, député d'Orleans, sur la motion de M. Lavenue, tendant à imposer les rentiers dans la proportion des rentes dont ils jouissent (1).

Messieurs, je ne prends point la parole pour discuter les motifs qui doivent diriger l'opinion de l'Assemblée, sur la question qui est soumise à sa délibération. Les honorables membres qui ont déjà parlé, ceux qui discuteront encore, répandront toutes les lumières nécessaires sur les moyens de cette grande et importante affaire.

Je me bornerai à établir un fait sur lequel il me parait qu'on n'a pas des notions précises et exactes dans ceite Assemblée. J'ai entendu a firmer, comme un fait incontestable, que les rentes perpétuelles ou viagères, payées par le Trésor public, u'étaient pas assujetties à l'impôt foncier. Je vais constater et éclaircir ce fait, et prouver que toutes les rentes, de quelque nature qu'elles fussent, étaient imposées ainsi que les autres

revenus.

Quel était le véritable impôt foncier ? C'était celui qui, établi de tous les temps, fixe et invariable, indéfini dans sa durée, était destiné aux dépenses ordinaires et nécessaires de l'ordre et de la chose publique. La taille portait tous ces zaractères, et depuis l'abolition de tous les privilèges, on peut dire que c'est le seul impôt foncier vraiment national. Les vingtièmes n'ont été regardés que comme un secours momentané, nécessaire uniquement pour les besoins extraordinaires d'un temps limité, et on n'a jamais cessé d'en demander la suppression.

J'observerai que tous les privilèges des villes et corps étant supprimés et abolis, tous les ci

(1) J'avais demandé la parole et j'étais inscrit le second dans l'ordre de la discussion; mais il n'a été permis à personne de se faire entendre sur cette question, et on a fermé la discussion avant qu'elle eût été ouverte. M. Duport, député de Paris, avait même demandé que la motion de M. Lavenue ne fût pas écoutée.

Je dois à mes commettants de leur faire connaître mon opinion, ainsi que les obstacles qui m'ont empêché de la prononcer,

toyens se trouvent aujourd'hui rappelés au droit common, c'est-à-dire à l'état de taillables sans aucune exception ni pour leur personne, ni pour le lieu de leur habitation.

Le fait que je dois prouver, est donc que dans les villes non franches et dans les campagnes, les taillables étaient imposés pour toutes les rentes perpétuelles ou viagères dont ils jouissaient.

1° La déclaration du roi, du 11 août 1776, enregistrée à la cour des aides, le 23 du même mois, l'ordonne expressément à l'article 7. En voici les termes : Les déclarations des contribuables contiendront les revenus actifs ou rentes de toute nature, et page 9: La partie de la taille sera composée. 1° du revenu des moulins et usines; 2° des revenus des terres données à bail et à loyer ; 3° des rentes actives.

2o Cette disposition a été suivie exactement, et voilà des rôles de différentes paroisses de l'Orléanais et de l'Ile-de-France, pris au hasard et dans différentes années, il y en a un de 1740. A chaque page, vous trouverez des rentes perpétuelles et viagères, soit sur l'Hôtel de ville, soit sur les pays d'Etat, soit sur les particuliers, soumises à l'impôt dans la même proportion que toutes les autres facultés.

3o Le mémoire instructif des intendants, que voici, en fait une mention expresse. Les rentes sur le roi peuvent être connues avec la plus grande facilité. Celles sur les particuliers, ou seront comprises dans l'impôt de celui qui les doit, s'il ne s'en procure pas la déduction, ou seront imposées sur le créancier du débiteur à qui la dèduction aura été faite. La déclaration de 1776 en a fixé le taux au sol pour livre, quoique les instructions antérieures eussent proposé deux sols pour livre.

4° On sait que beaucoup de bénéfices possédaient des rentes sur le Trésor public. Ces reptes provenaient de placements d'argent faits dans les differents emprunts. Vous en avez ordonné la radiation à compter du 1er janvier dernier. Ce revenu, Messieurs, a toujours fait partie de la matière imposable aux décimes dans chaque diocèse, et il a été imposé partout dans la même proportion que tous les autres revenus fonciers des bénéfices.

Il est donc prouvé que les rentes étaient assujetties à l'impôt. C'est en outre un principe constitutionnel que nulle ville, pul citoyen, ne peut jouir d'aucune franchise, d'aucun privilège. Les ci-devant privilégiés ont été imposés pour les six derniers mois 1789 et pour l'année 1790, ainsi et de la même manière que les taillables. La conséquence nécessaire de ces principes est qu'aujourd'hui, pour 1790, les rentes sont toutes soumises à l'impôt de la taille.

J'ai pris les rôles de taille des provinces où ces rentes étaient plus communes et plus favorisées. C'est à Paris que tous les emprunts se sont ouverts, c'est à Paris qu'ils se sont remplis. C'est dans la généralité de Paris que la loi de 1776 a été le plus en vigueur. C'est là qu'elle s'exécutait tous les jours.

Je demande si c'est violer les clauses et les conventions des contrats, si c'est manquer à la loyauté française et à la sauvegarde sous laquelle l'Assemblée nationale a mis les créancieis de l'Etat, que de les assujettir à supporter un impôt qu'ils n'ont ni pu ni dû ignorer être ordonné par la loi de 1776, mise à exécution sous leurs yeux et notamment dans la généralité de Paris? L'Assemblée nationale a décrété que toutes les

facultés, même celles qui ne sont d'aucun produit, les marais, les rochers, les terres vagues et vaines rendraient hommage à la protection de la loi et de la force publique par un impôt quelconque. Elle a décréé que les salaires et les traitements, qui sont le prix et la récompense des services rendus à la nation, contribueraient aux charges publiques et à l'impôt, comment pourraitelle prononcer aujourd'hui que les rentiers jouiront désormais d'un privilège nouveau, d'une exemption dont ils n'ont jamais joui?

De quel il verra-t-on dans nos campagnes affranchir des rentes qui ont toujours été portées sur les rôl s? Les contribuables pourront-ils trouver quelque justice à payer par reversement sur eux, et par cons quent en surcharge, l'imposition dont on exemptera les rentiers?

En un mot, Messieurs, votre intention est de ne point changer l'état actuel et la condition des rentiers, vous ne voulez ni détériorer leur sort ni l'améliorer. Or, la loi assujettit les rentes à l'impôt de la taille, et cette loi s'exécute et s'est toujours exécutée. Donc vous devez décréter qu'elles seront sujettes à l'impôt foncier qui remplacera celui de la taille.

Je conclus donc, en demandant que la question soit posée ainsi :

«Les rentes viagères et perpétuelles payées par le Trésor public continueront-elles de faire partie des facultés imposables de ceux qui en jouissent et seront-elles assujetties à l'impôt foncier qui sera décrété en remplacement de la taille ? »

Lorsque cette première question aura été décidée, le mode et la quotité de l'imposition feront l'objet des discussions ultérieures.

ASSEMBLEE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du samedi 4 décembre 1790, du soir (1).

La séance est ouverte à six heures et demie.

M. Coroller, secrétaire, donne lecture des adresses suivantes :

Adresses des juges du tribunal du district de Tonnerre, de celui d'Autun et de celui du district de Béziers, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à ses décrets, et d'un dévouement sans bornes pour en assurer l'exécution.

Adre-ses des nouveaux officiers municipaux de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, et des membres du conseil général du département de la Meuse.

Adresse des administrateurs composant le directoire du district de Romans, qui supplient l'Assemblée de prendre en considération un memoire de M. Fayard, procureur syndic de ce district, sur la question de la réduction du nombre des districts, les dépenses des nouveaux établissements,et la répartition des traitements des juges et des administrateurs.

Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Aix, qui demandent : 1° que tous

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

les ecclésiastiques du royaume soient obligés de prêter le serment, de ne reconnaitre d'autres pasteurs et d'autres évêques que ceux que l'Asemblée nationale vient de leur désigner, sous peine d'être interdits et déchus de leurs bénéfices;

2° Que les districts et les départements soient autorisés à procè ler aux enchères et adjudications des biens nationaux au fur et mesure qu'ils seront estimés;

3° Que la municipalité d'Aix soit autorisée à imp poser sur la classe aisée des citoyens ou sur les émigrants, s'il est possible, une somme ca pable d'alimenter, pendant cet hiver, l'industrie des ouvriers et de pourvoir aux besoins des citoyens indigents.

Adresse des administrateurs du département du Haut-Rhin, qui exposent leurs alarmes touchant les efforts continuels des ennemis de la Constitution.Le département du Haut-Rhin,disentils, posté à la frontière, s'attend à voir l'ennemi, Mais il le recevra avec ce courage digne d'un peuple libre. 600,000 hommes en état de porter les armes sont prêts à répandre la dernière goutte de leur sang: ils supplient instamment l'Assemblée de leur accorder 20,000 fusils, baïonnettes, sabres et gibernes, avec 600,000 cartouches à déposer en lieu de sûreté.

Adresse de dévouement de la société des amis de la Constitution de la ville de Saint-Géniès, département de l'Aveyron. Elle se plaint de la Municipalité, et fait une pétition d'armes.

Adresse des citoyens actifs de la ville d'Abbeville; ils supplient l'A-semblée de les autoriser à faire venir dans leurs murs et réunir à une petite bibliothèque publique, qu'ils y ont déjà placée dans un des bâtiments ecclésiastiques devenus nationaux, la bibliothèque infiniment plus riche de la célèbre abbaye du ci-devant ordre de SaintBenoit, qui est à Saint-Riquier, à deux lieues d'Abbeville.

Lettre du maire de Libourne, contenant le procès-verbal de l'installation des juges de ce district; il annonce que cette cérémouie a été faite avec toute la pompe et l'allégresse qu'exigeait ce jour de fête pour la justice.

Adresse des officiers municipaux de Châteaurenard, qui envoient à l'Assemblée le discours prononcé par M. Bernard, maire, lors de l'inauguration du portrait de Louis XVI placé avec pompe dans la salle du conseil de la maison commune. Ce discours est une preuve sensible de l'amour et du dévouement des habitants de cette ville pour un roi « qui n'est, disent-ils, véritablement grand, que de, uis que l'Assemblée nationale a dissipé tous les nuages qui obscurcissaient sa gloire.

Adresse de M. Philibert, curé de Sedan, qui, élu pour l'évêché du département des Ardennes, supplie l'Assemblée d'agréer ses hommages, et les assurances de sa soumission et de son dévouement pour l'entière exécution de ses décrets.

Adresse du directoire du département de Lotet-Garonne, qui dénonce à l'Assemblée la lettre circulaire du garde des sceaux, du 6 novembre 1790, comme tendant à soumettre au pouvoir exécutif le jugement des difficultés sur l'éligibilité des juges.

Adresse des sieurs Jouannot frères, fabricants de papiers, à Annonay, département de l'Ardèche, qui mettent sous les yeux de l'Assemblée et sou mettent à son examen des échantillons de leur fabrique,lui annoncent qu'ils viennent d'acquérir un laminoir semblable à ceux dont se servent

les Anglais et Hollandais, et à l'aide duquel ils promettent de donner le même moelleux et le même poli qu'eux à leur papier; lui exposent que, pour que la papeterie française ne fût pas sujette au tribut qu'elle paye en Hollande et en Angleterre et qu'elle acquit l'egalité des papeteries suffisantes de ces deux puissances, il suffirait de prohiber en France l'exportation des chiffons, et l'importation de papiers de fabriques étrangères, et lui demandent de ne permettre de se servir dans ses bureaux et comités que de papiers manufacturés en France.

(Cette adresse est renvoyée au comité d'agriculture et de commerce.)

M. Monneron l'aîné observe, sur l'adresse des sieurs Jouannot concernant la fabrication du papier, que l'impôt sur les papiers et cartons est injuste, inégal et onéreux pour nos fabriques. Il demande, en conséquence, que les comités des finances,de commerce et d'agriculture soient chargés de proposer leurs vues pour décider ce qui serait le plus utile: ou de supprimer l'impôt sur les papiers et cartons ou d'interdire l'entrée dans le royaume des produits similaires étrangers.

(L'Assemblée renvoie cette motion à ses comités.)

M. de Sillery demande et l'Assemblée décrèle une séance extraordinaire pour lundi soir, dans laquelle sera traitée l'affaire de Nancy.

M. Terme fait une motion pour donner plus d'éclat et de dignité à la promulgation des décrets et des lois du royaume. Il présente un projet de décret que l'Assemblée renvoie au comité de Constitution et qui est ainsi conçu :

L'Assemblee nationale considérant que l'obéissance à la loi est le premier, le plus saint, le plus sacré des devoirs d'un peuple libre et du citoyen;

Qu'il importe essentiellement d'imprimer dans toutes les âmes, dans tous les creurs, le souverain respect et la vénération profonde, la soumission absolue du citoyen à la loi ;

«Que ces sentiments heureux sont les garants certains et fidèles de la félicité universelle et de la prospérité générale de la nation,

« Décrète :

"Que dans chaque chef-lieu de département, de district et de canton, il sera incessatoment élevé, dans l'endroit le plus apparent et le plus fréquenté, une colonne triangulaire, portant pour inscription successivement sur chacune de ses faces l'un de ces mots: La nation, la loi et le roi;

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Que toutes les fois qu'il s'agira de promulguer une loi nouvelle, le procureur général syndie de l'administration du département, le procureur-syndic de celle du district, le procureur de la commune, de la municipalité du canton, chacun dans le lieu de leurs établissements respectifs, portant un placard sur lequel sera ins rite la loi à promulguer, et avec lui deux administrateurs de son corps, se rendront du lieu de leurs séances au pied de la colonne, par une marche pompeuse, entourés d'une garde nationale.

« Rendus au pied de la colonne, la loi sera lue publiquement, à voix haute, par le crieur public.

La lecture achevée, le placard ou table de la loi sera suspendu à la colonne par l'officier qui l'aura apporté.

«Il restera exposé pendant trois jours consécutifs; il sera successivement placé pendant un jour sur chaque face de la colonne et autour d'elle veillera une garde nationale tout le temps de l'ex osition.

« L'officier de garde sera chargé de la transposition à faire de la table de la loi sur chaque face de la colonne.

«Le troisième jour expiré, le même cortège se rendra à la colonne de la promulgation.

« La table de la loi sera détachée de la colonne par les mêmes mains qui l'avaient placée lors de son exposition.

« La feuille sur laquelle la loi se trouvera imprimée sera placée sur un brasier pour y être consumée et marquer que désormais la loi promulguée vivra dans l'âme de chaque citoyen.

«La feuille consumée par la flamme, le cortège se séparera et chacun indistinctement, en signe de l'égalité civile qui doit subsister devant la loi, se retirera privativement et en simple particulier. »

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Il est fait lecture de deux lettres du sieur Amelot, à M. le Président, touchant des droits et frais contestés sur la perception de la contribution patriotique.

(L'Assemblée en ordonne le renvoi au comité des finances.)

M. le Président donne lecture d'une lettre du roi et d'une autre du sieur de Lessart, à lui adressées ce jour, dont l'impression et l'insertion au présent procès-verba! sont ordonnées, et desquelles la teneur suit :

Lettre du roi à M. le Président de l'Assemblée nationale.

Je vous prie, Monsieur, de dire à l'Assemblée nationale que j'ai choisi M. de Lessart pour remplacer M. Lambert qui m'a donné sa démission. Signé LOUIS. »

Lettre de M. de Lessart à l'Assemblée nationale.

« M. le Président, le roi a fait connaître à l'Assemblée nationale le choix que sa Majesté a daigué faire de moi pour ministre des finances. J'ai dù considérer avec effroi l'étendue des obligations qui me sont imposées; mais apercevant déjà dans la situation des finances les premiers fruits des réformes salutaires et des sages dispositions de l'Assemblée nationale; pensant que mon désir sincère, ma volonté constante de concourir à l'achèvement de cette glorieuse révolution pourraient être de quelque utilité. J'ai cru devoir compte à la patrie de tous mes efforts; et l'honneur de contribuer à l'affermissement des priacipes de la Constitution est un assez beau partage,pour que le citoyen que la confiance du roi y appelle, doive s'y dévouer tout entier. »

"Je suis avec un très profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.

« DE LESSART. »

M. le Président annonce le résultat du scrutin de ce matin, pour l'élection du président et de trois secrétaires de l'Assemblée.

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M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion du décret sur le rachat des rentes foncières non seigneuriales.

M. Tronchet, rapporteur, propose d'intercaler entre les articles 4 et 5 du titre III, précédemment décrété, un article nouveau qui est adopté sans discussion en ces termes :

« Lorsque les baux à rente ou à emphyteose perpétuelle non seigneuriale contiendront là condition expresse, imposée au preneur et à ses successeurs, de payer au bailleur un droit de lods ou autre droit casuel quelconque, en cas de mutation, et dans les pays où la loi assujettit les détenteurs audit titre de bail à rente ou à emphytéose perpétuelle non seigneuriale, à payer au bailleur des droits casuels aux mutations, le possesseur qui voudra racheter la rente foncière ou emphytéotique, sera tenu, outre le capital de la rente indiqué en l'article 2 ci-dessus, de racheter les droits casuels dus aux mutations, et ce rachat se fera aux taux prescrits par le décret du 3 mai, pour le rachat des droits pareils ci-devant seigneuriaux, selon la quotité ou la nature du droit qui se trouvera dû par la convention ou suivant la loi..

M. Treilhard, rapporteur, donne successivement lecture des articles composant les titres JV, V et VI.

M. Vieillard, député de Coutances, altaque l'article 3 du titre IV, en disant :

On connaissait dans la ci-devant province de Normandie trois manières de contracter relativement aux fonds: celle de l'argent comptant, celle de la rente rachetable, celle enfin de la rente foncière irraquitable.

Quand on traite argent comptant, point de difficultés, les lods et ventes, ou ce qu'on appelle en Normandie treizième, sont dus.

Quand on contracte à vente rachetable, les lods et ventes sont dus au seigneur, au moment même de la passation de l'acte, quoi que la rente ne soit pas rachetée.

Quand enfin on contracte à rente foncière irraquitable, il n'est point dù de lods et ventes s'il n'y a point d'argent donné, et s'il y a argent, ils ne sont dus que sur cet argent et non sur la rente.

Si le rachat de la rente s'opère après 30 ans, il n'est point dû de lods et ventes sur le capital du remboursement.

De ces trois manières de contracter, la plus habituelle dans certains cantons de l'ancienne province de Normandie était celle du contrat, connu sous le nom de Fieffe, qui établissait une rente foncière irraquitable; sur dix contrats, le ci-devant seigneur ne percevait de lods et ventes que sur un.

Le décret du 4 août a enlevé à la Normandie la faculté de ce genre de contrat. Il ne nous reste

plus que deux modes d'acquérir ou de vendre c'est-à-dire qu'il faut le faire à deniers comptants ou à rente rachetable. Dans les deux espèces de contrats, si nos anciens principes étaient suivis, nous payerions toujours le droit de lods au seigneur au moment même du contrat; de là suit que les ci-devant seigneurs percevraient neuf fuis plus de droits qu'ils n'en percevaient ci-devant; de là suit que le décret du 4 août profiterait à eux seuls et que les ci-devant vassaux seraient horriblement vexés.

L'intention de l'Assemblée, en procurant aux débiteurs le droit de se libérer, a été de les favoriser et de protéger l'agriculture.

Ce but honorable est absolument manqué, si l'article proposé est adopté; l'Assemblée nationale aurait fait aux habitants de la Normandie le présent le plus funeste; et j'ose lu certifier, au nom des cinq départements formés de cette province, que s'il leur était possible d'opler sur le droit accordé de se libérer en laissant subsister les anciennes dispositions de leur contenu, ils préféreraient conserver la charge de l'irraquitable.

L'agriculture en souffrirait considérablement : car le cultivateur qui n'a pas d'argent serait empêché de traiter; les propriétés ne pourraient plus se diviser, elles resteraient concentrées dans les mains des gens fort riches; et certainement ce projet impolitique ne fut jamais conçu par l'Assemblée nationale.

Il est juste sans doute de maintenir les ci-devant seigneurs dans leurs droits anciens de lods et ventes; mais il ne faut pas leur donner une extension préjudiciable à la société.

Notre loi nous procurait les moyens d'éviter ces droits; si nous ne pouvons jouir dorénavant de la même liberté, au moins qu'on adoucisse un sort qui deviendrait trop rigoureux. Nous avions une loi dure, mais le remède était à côté: ce remède nous serait-il enlevé sans que l'on s'occupât d'une modification sur ce qui n'existait que concomitamment avec un avantage que nous pouvions saisir et qui nous affranchissait ?

Il y a beaucoup de coutumes dans lesquelles les lods et ventes ne se perçoivent qu'au moment du rachat des rentes : quel inconvénient y a-t-il à consacrer cela en loi générale ? Les seigneurs percevront toujours leurs droits quand on se rachètera, mais aussi les ci-devant vassaux traiteront avec facilité.

En vain objecterait-on que les ci-devant seigneurs perdront, parce qu'on fraudera leurs droits.

D'abord la fraude ne se présume pas; mais quand cet inconvénient arriverait quelquefois, serait-ce une raison pour leur donner des droits qu'ils n'avaient pas et qu'on évitait par les dispositions mêmes de la loi?

Votre décret du 4 août est sans doute une de vos plus belles lois; mais je suis fâché de vous le dire, Messieurs, on a depuis ce temps apporté tant d'entraves à la libération par l'établissement d'un mode onéreux de rachat, que contre l'intention des vrais amis de la liberté, deux siècles s'écouleront encore pendant lesquels nos arrièreneveux conserveront les traces d'un régime odieux dont le souvenir n'aurait dû se transmettre que par l'histoire de notre Révolution.

Plusieurs membres présentent encore des observations sur le même article 3 et sur d'autres articles.

Le rapporteur accepte divers amendements et modifications qui sont sanctionnés par l'Assemblée. Les articles ci-après sont ensuite décrétés :

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