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absorbés par les frais et par la dépense des premiers établissements de bureaux; l'année prochaine, les produits se réduiront à huit ou neuf millions, parce que les frais de garde coûteront au moins six millions. Mais le mouvement et la circulation que la liberté donnera à notre commerce et à notre industrie, nous aurons bientôt procuré le dédommagement de ces neuf millions par un accroissement de richesses, qui offriront de nouvelles ressources au Trésor public. Nous en serons, en outre, indemnisés par l'industrie active de quinze ou vingt mille commis qui vont être employés à la garde des frontières, et dont l'existence improductive sera une charge et un fardeau pour l'Etat.

Vous compterez aussi pour quelque chose la certitude de prévenir plusieurs guerres que des querelles de commerce auraient excitées; Vous Vous rappellerez que la dernière guerre a coûté au peuple plus de 1,500 millions, dont les intérêts pèseront encore longtemps sur lui.

Ainsi, Messieurs, tous les principes du commerce, les progrès de l'industrie et de l'agriculture, la félicité intérieure, la conservation de la paix au dehors, enfin les plus grands intérêts de la nation se réunissent en faveur de la liberté illimitée, sans droits d'entrée, ni de sortie. C'est en se tenant fortement attachées à cette vérité, que les législatures pourront asseoir la prospérité de la France sur des fondements inébranlables.

Si cependant vous craignez qu'une trop grande liberté subitement accordée n'occasionnât à notre commerce quelques secousses toujours fâcheuses; si vous pensiez que l'état actuel de nos finances s'oppose à un sacrifice de neuf millions; si enfin les préventions et les préjugés existants ne vous permettaient pas de supprimer sur-le-champ tous. les droits d'entrée et de sortie, et de renverser tout à coup les barrières aux frontières extrêmes; j'espère au moins que l'intérêt bien démontré de nos manufactures et de notre commerce vous engagera à proscrire pour jamais le système prohibitif et à n'admettre que des droits modérés.

Vous n'oublierez pas que ces droits, tout modérés qu'ils seront, sont réprouvés par la raison et par les vrais principes du commerce; qu'ils ne peuvent être excusés que par les besoins de I'Etat; qu'ils seront, pour ainsi dire, le passage de la servitude à la liberté. Ils ne doivent donc être établis que provisoirement et pour quelques années seulement, afin de laisser au temps le soin de détruire d'anciennes erreurs et de rectifier l'opinion publique.

Les droits d'entrée et de sortie à établir aux frontières d'un vaste Empire, tel que la France, qui a tant d'intérêts divers à ménager, et dont les habitants ne veulent pas être libres à demi, doivent être tellement combinés qu'ils ne donnent jamais lieu à aucune vexation; il faut aussi qu'ils ne puissent pas alarmer les nations étrangères, et les autoriser à user de represailles. Il faut encore qu'ils soient assez modérés pour ne pas gêner le commerce et pour ne pas exciter la cupidité des contrebandiers.

Je pense que les droits sur les drogueries, sur les épiceries fines, et sur tous les objets manufacturés qui sont faciles à frauder, ne doivent pas excéder 6 à 8 0/0; ils peuvent être élevés à 10 ou 12 0/0 sur les marchandises d'un grand poids, d'un gros volume, sujettes à coulage ou à avaries, comme les huiles, les vins, les liqueurs, les charbons de terre, dont la fraude est difficile.

Je crains de porter encore ces droits à un taux trop élevé, autrefois il eût été possible de les fixer à 4 ou 5 0/0 de plus: mais le reculement des barrières rend aujourd'hui la garde des frontières bien plus difficile; mais les Français sont libres, et ils ne l'étaient pas; enfin le peuple est armé, et il doit conserver ses armes pour le maintien de la liberté et pour la défense de la Constitution.

Les droits d'entrée et de sortie en Hollande n'excèdent pas 5 0/0, et ces droits se perçoivent sans inquisition.

Je ne crois pas qu'on puisse raisonnablement objecter que des droits de 6 à 8 0/0 seront insuffisants pour protéger nos fabriques contre l'industrie étrangère. On a vu que les produits de nos manufactures, non seulement supporteraient la concurrence, mais qu'ils étaient même préférés dans les marchés étrangers. Comment n'obtiendraient-ils pas une préférence absolue chez nous, lorsqu'ils auront, par le droit, une première prime de 6 à 8 0/0, une seconde prime de 3 ou 4 0/0 par les frais de route ou de mer; enfin 3 à 10 0/0 pour le bénéfice des commissionnaires ou négociants intermédiaires? J'observe que la perte que la France fait à présent sur le change avec toutes les nations, quoique nuisible à sa balance générale, forme cependant en faveur de ses fabriques une nouvelle prime de 10 à 12 0/0.

Toute manufacture à qui ces avantages cumulés de 20 à 25 0/0 ne suffiraient pas, ne pourrait subsister longtemps. Elle aurait des vices d'établissement qui l'empêcheraient de jamais prospérer.

Le comité ne peut avoir que deux objets en vue. Le premier d'assurer à nos manufactures la préférence sur les marchandises étrangères; et je viens de démontrer que ce but était pleinement rempli par un droit de 6 à 12 0/0.

Le second de rendre ce droit productif au Trésor national, et tout le monde sait qu'un droit calculé, de manière qu'il ne laisse aucun bénéfice au fraudeur, est exactement payé, et produit bien davantage qu'un droit excessif.

Le tarif combiné d'après ces bases ne présentera plus d'appât à la contrebande, la garde des frontières exigera moins de commis et de dépenses, le commerce intérieur et extérieur ne seront pas exposés à des gênes et à des vexations qui en ont toujours été le fléau. Le code des traites sera plus simple et moins compliqué. Vous ne serez pas forcés d'établir des peines rigoureuses contre la fraude. Les recherches, les visites domiciliaires dans les trois lieues des frontières, ces inquisitions de toute espèce sur les côtes et à bord des navires que la Constitution proscrit, et qu'elle ne pourra jamais tolérer, ne seront plus nécessaires; enfin il en résultera un autre avantage très important, c'est que vous ne serez pas forcés de conserver les privilèges des ports francs qui sont un monstre dans une Constitution libre. Le comité de commerce, après avoir adopté des droits prohibitifs de 20, 30, et 40 0/0, à bien senti que les ports francs ne se soumettraient pas à faire l'avance de droits aussi considérables, dût-on même leur en faire, lors de la sortie, la restitution entière; il a donc été obligé de laisser subsister la franchise des deux ports de Dunkerque et de Marseille, quoiqu'il ne se soit pas dissimulé que cette franchise entrainait les plus grands inconvénients, et notamment celui d'un versement immense de marchandises fraudées, versement qu'il est presque

impossible d'empêcher. Si, au contraire, il n'y avait point de prohibitions, si les droits d'entrée et de sortie étaient modérés, si le droit payé à l'entrée était restitué en tout ou partie à la sortie, comme cela se pratique en Angleterre, alors les ports francs n'auraient aucun motif, aucun prétexte de demander la conservation d'une franchise privilégiée et exclusive que la raison, la justice et la Constitution ne permettent pas de laisser subsister.

Vous avez renvoyé à votre comité de commerce le tarif des droits à établir sur les marchandises de l'Inde; vous avez pensé que les droits sur toute espèce de marchandises étrangères devaient être fixés sur les mêmes bases, et qu'il ne devait y avoir qu'un seul tarif uniforme. Le comité ne les y à pas compris; il sera facile de réparer cette omission; il faudrait aussi, par les mêmes raisons, que les droits d'entrée et de sortie sur les deurées coloniales en fissent partie. Toutes les marchandises sans exception se trouveraient ainsi classées et réunies dans un seul et même tarif. En y comprenant ainsi les droits sur les marchandises de l'Inde et des colonies, le produit total net pourra être en effet de 18 à 20 millions, mais on m'a assuré que la perception coûtera plus de 9 millions.

J'observe que le comité d'imposition vous a proposé l'établissement d'un droit sur les vins, qui serait payé par l'acheteur après la récolte, et que le comité de commerce vous propose un autre droit de sortie gradué jusqu'à neuf livres le muid. Ce double droit pourrait nuire à l'exportation de nos vins; il serait utile que les deux comités se concertassent, non seulement sur ce point, mais encore sur tous les autres articles du tarif.

En adoptant un tarif de droits modérés, vous assurez au Trésor public une ressource de plusieurs millions qui, par les prohibitions, deviendraient la proie des contrebandiers, mais en vous proposant cette mesure, je ne perds pas de vue les encouragements et les secours qu'il est nécessaire de donner à notre industrie et à nos manufactures. Je vous propose donc d'ordonner que sur le produit des droits de traites, il soit réservé, chaque année, une somme de trois millions qui seront uniquement destinés à l'encouragement et au progrès de l'industrie et de l'agriculture. Dans mon opinion, ces trois millions pourraient être divisés en trois parties. Un million serait employé à envoyer et à entretenir, dans les principales fabriques et dans les pays les plus agricoles de l'Europe, de jeunes élèves qui, après plusieurs années de séjour et d'étude, seraient rappelés en France, pour y établir les manufactures qui nous manquent, et propager les procédés en agriculture et en industrie qui nous sont inconnus. Le second million serait destiné à faire des avances de fonds à des étrangers et à des nationaux qui s'obligeraient d'établir de nouvelles manufactures. Le troisième servirait à donner des secours aux anciennes manufactures déjà existantes qui, ayant éprouvé des revers, auraient besoin d'être aidées. La direction des élèves et la distribution des fonds et des secours seraient confiées à un comité choisi parmi les députés du commerce, sous l'inspection et la surveillance du comité d'agriculture et de commerce du Corps législatif. Cet établissement procurerait à la France, avant dix ans, toutes les manufactures (1)

(1) L'Assemblée nationale s'occupera sans doute aussi des jurandes et des maîtrises; elle examinera s'il est utile 1 SÉRIE, T. XXI.

qui lui manquent. Il assurerait à son industrie et à son agriculture les moyens de marcher toujours d'un pas égal avec les autres nations, et même de les devancer.

Vous avez vu, Messieurs, que, dans tout le cours de cette discussion, j'ai fait abstraction de nos relations avec l'Angleterre. Le traité de commerce que nous avons avec cette puissance ne nous permet pas d'y rien changer. Je vous ai dit que la perfection de plusieurs de ses fabriques lui donnait quelque supériorité sur les nôtrès. C'est sans doute par cette raison que sur 45 millions d'objets manufacturés venus de l'étranger en 1778, l'Angleterre seule nous en a fourni pour 9 millions. Atin que cet exposé ne soit pas un motif de découragement pour nos manufactures, permettez-moi d'ajouter quelques explications très courtes sur l'industrie anglaise, comparée avec la nôtre, et sur les suites probables du traité de commerce. La supériorité des Anglais sur nous n'existe que pour les lainages communs, les étoffes de coton, les quincailleries, les ouvrages d'acier et quelques merceries; mais nous avons l'avantage sur eux pour les soieries, les dentelles, les draperies fines, les linons et les batistes, et pour tous les ouvrages de goût.

Dans la première année qui suivit le traité en 1787, on croit qu'ils ont introduit en France pour plus de trente millions d'objets manufaciurés, qu'ils y avaient envoyés en grande partie pour leur compte. Cette quantité énorme excedant de beaucoup la consommation ordinaire, ils ont été obligés de vendre leurs marchandises à 30 et 40 0/0 de perte, pour s'en défaire. Des ventes forcées ainsi à des prix avilis ont été très préjudiciables à nos manufactures qui ne pouvaient pas supporter une concurrence aussi inégale. Elles ont avec raison réclamé contre un traité que avait excité de semblables spéculations. La cupidité des marchands anglais qui avait fait tant de mal à notre commerce ne resta pas non plus impunie; car sur la fin de 1787 et au commencement de 1788, il y eut, dans les diverses fabriques d'Angleterre, pour plus de cent millions de faillites. Cette dure, mais utile leçon doit nous rassurer pour l'avenir sur les effets du traité de commerce. Déjà, en 1788, il n'a été introduit en France que pour neuf millions environ d'objets manufacturés d'Angleterre; l'importation a élé moindre encore en 1789.

A présent, Messieurs, que la France est libre, soyez tranquilles sur son industrie; elle ne tardera pas à égaler celle de l'Angleterre; elle doit même la surpasser à cause du bas prix de la main d'œuvre qui est en France d'un tiers meilleur marché; nous en avons la preuve sous les yeux. Depuis le traité de commerce, il a été introduit plusieurs étoffes anglaises que nous ne

et compatible avec la Constitution de laisser subsister des corporations, qui jouissent de véritables privilèges exclusifs, dont l'effet est de décourager les talents et d'étouffer l'industrie en empêchant les ouvriers intelligents de former des établissements, faute de moyens pour payer une maitrise. Il semble qu'il suffirait, pour le bon ordre, d'assujettir les artisans et les marchands, à quelques années d'apprentissage avant de pouvoir s'établir. Mais si l'Assemblée se déterminait à la suppression, il serait de toute justice de rembourser la finance des maitrises. Lorsque les ministres établissaient des jurandes, ce n'était ni l'avantage du commerce, ni celui du public qu'ils cherchaient. Ils ne considéraient que l'argent qu'ils en tiraient. C'était un emprunt déguisé qu'ils faisaient au commerce. On croit que le montant total des jurandes et des maîtrises dans le royaume ne s'élève pas à plus de 40 millions.

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connaissons pas : elles sont déjà parfaitement imitées, et les prix en sont à plus de 20 0/0 audessous des fabriques d'Angleterre.

Les succès de nos rivaux depuis un siècle leur ont procuré, avec la prépondérance qu'ils avaient acquise en Europe, le sceptre des modes et des usages; ils ont usé de leur supériorité avec hauteur et en despotes. Votre Constitution et la fraternité à laquelle vous avez appelé toutes les nations vous rendra ce sceptre, et vous vous en servirez en amis et en frères. Vous multiplierez vos fêtes publiques vous y inviterez l'Europe tout entière; les dames françaises en feront les honneurs, elles en seront elles-mêmes le plus bel ornement; les parures qu'elles y auront portées, serviront de modèles chez toutes les nations. Cet avenir est près de nous, Messieurs, nous y touchons vous ne voudriez pas en reculer le terme par des lois prohibitives, dont l'effet certain serait d'indisposer pour longtemps les nations étrangères contre nous, et d'en faire, au lieu de consommateurs utiles, des rivaux ou des ennemis dangereux.

Voici les dispositions que j'ai l'honneur de vous proposer.

«L'Assemblée nationale, considérant que les prohibitions ne peuvent être maintenues que par des inquisitions, des visites domiciliaires et des peines très rigoureures, qui sont incompatibles avec une Constitution libre; considérant que les prohibitions ne servent qu'à exciter la cupidité et à déterminer un grand nombre de citoyens au métier infâme de la contrebande;

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« Considérant que les lois prohibitives, loin d'encourager les manufactures, en diminuent l'activité, qu'elles étouffent l'industrie et éteignent l'émulation, qu'au lieu de favoriser le commerce, elles tendent à l'anéantir; considérant enfin que ces lois sont un germe d'animosites, de haines, de discordes, de rivalités et de guerres entre les peuples; déclare, au nom de la nation française, qu'elle renonce pour jamais aux droits prohibitifs, tant à l'entrée qu'à la sortie du royaume, sur toutes marchandises, excepté sur les subsistances, et, en attendant que l'expérience et un examen approfondi aient fait connaître quels seraient les effets d'une franchise absolue de droits, elle décrète :

« 1 Qu'il sera établi provisoirement un tarif uniforme de droits d'entrée et de sortie sur toutes les marchandises sans exception, lequel sera combiné de manière qu'il n'excède pas 6 à 8 0/0 de Ja valeur sur les drogueries, les épiceries fines et sur tous les ouvrages de manufactures, et 10 à 120/0 sur toutes les autres marchandis s qui, par leur volume, ou par leur poids, sont moins susceptibles d'être fraudées. Ce tarif comprendra les marchandises de l'Inde et les denrées coloniales;

"

«2° Que les droits sur les vins et sur les eauxde-vie, tant dans l'intérieur qu'à la sortie, seront gradués de telle sorte, qu'ils ne puissent pas nuire leur exportation;

« 3° Que le tarif des droits d'entrée et de sortie sera concerté entre les commissaires nommés par le comité d'impositions et par celui d'agriculture et de commerce;

« 4° Que vu l'impossibilité d'examiner et de juger dans l'Assemblée tous les articles compris dans le tarif, l'examen en sera renvoyé aux commissaires des deux comités qui seront chargés d'en former un petit nombre de classes, et qui seront tenus de faire leur rapport sous dix jours;

«5° Que sur le produit des droits de traites il sera annuellement réservé une somme de trois mil

lions, laquelle sera uniquement destinée à l'encouragement et aux progrès de l'industrie, d'après les dispositions ultérieures qui seront déterminées par l'Assemblée nationale. »

Je propose d'excepter les subsistances de la libre sortie, par respect pour les décrets existants qui en ont prononcé la prohibition.

C'est une grande question que celle des prohibitions pour la sortie des graius, et bien difficile à résoudre, lorsqu'on veut la considérer sous tous les points de vue. Les variations fréquentes du prix des grains, la diminution rapide qu'ils épronvent à présent dans plusieurs départements, attireront nécessairement bientôt les regards de l'Assemblée nationale sur la première et sur la plus importante de nos manufactures, la culture des terres.

Depuis la fin d'août 1788, jusqu'au commencement de 1790, il semble que le gouvernement ait pris à dessein toutes les mesures propres à inquiéter, tourmenter et égarer le peuple sur ce qui l'intéresse le plus au monde, les subsistances. Parce que plusieurs cantons de la France avaient été ravagés par la grêle de 1788, on supposa qu'il y aurait nécessairement une disette de grains; dès lors on multiplia les lois et les règlements de prévoyance. A force de précautions et de cris d'alarmes, on parvint à produire une famine d'opinion, plus terrible que si elle eût été réelle : elle a laissé de si profondes impressions, que les effets, malgré l'abondance, s'en font sentir encore dans plusieurs parties du royaume; la pétition de l'assemblée du département du Pas-de-Calais en est le preuve. Pour remédier au mal qu'il avait fait, le gouvernement entreprit de nourrir ceux qu'il avait alarmés. Il se procura, partie dans l'étranger, partie dans quelques provinces de France, une certaine quantité de grains dont il paraît que l'achat a coûté jusqu'à présent environ 74 millions. Ces grains en général mal choisis, et plus mal gâtés et avariés. Cependant, avec tous les frais, ils soignés, sont arrivés à leur destination souvent sont revenus au gouvernement au double de ce qu'ils ont été vendus, et au tiers, au moins, audessus de leur valeur réelle. Il paraît qu'il résulte à présent de toute l'opération plus de 40 millions de perte; ainsi les 74 millions ont produit effectivement 48 ou 50 millions de grains, dont les deux tiers ont été tirés de l'étranger en trois ans, c'est-à-dire environ 10 millions par an. S'il n'y avait pas eu assez de grains dans le royaume pour nourrir ses habitants, assurément un si faible secours n'eût pas été d'une grande ressource à un pays qui, au prix d'alors, en consommait pour plus d'un milliard.

Si la circulation n'eût pas été arrêtée par la terreur, si on eût laissé aux négociants des ports de mer le soin de pourvoir aux besoins des villes et des cantons qui n'avaient pas assez de provisions, le commerce eût procuré dix fois plus de secours, sans dépenses pour l'Etat, et sans inquiéter personne.

Cette suite continue de fautes et d'erreurs appelle toute l'attention de l'Assemblée nationale, les subsistances sont abondantes aujourd'hui, la pêcher le retour pour l'avenir par des moyens famine n'est plus à craindre, mais il faut en em

efficaces.

Si même après les plus riches récoltes la sortie des grains est prohibée, il est évident que les prix s'aviliront à un tel degré, que les cultivateurs seront dans l'impuissance de payer les impôts, et que, perdant sur leur exploitation, ils seront déterminés, par l'intérêt le plus pressant, de changer

[Assemblée nationale.]

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

leurs cultures et de faire produire moins de blés à leurs terres pour en faire hausser le prix : c'est ce qui est presque toujours arrivé en France après une trop grande baisse occasionnée par une grande abondance. Il serait digne de la sagesse de l'Assemblée de s'occuper promptement des moyens: 1o de guérir le peuple de ses terreurs en l'éclairant; 2o de prévenir pour la suite la baisse et la hausse trop subites des grains. L'une et l'autre alternative sont fâcheuses: le choix des moyens dépendra de la solution des questions suivantes, qui méritent le plus sérieux examen, et qui exigeraient une discussion longue et approfondie, afin de fixer l'opinion publique:

1° Convient-il à la nation de jamais prohiber la sortie des grains?

2° En cas d'affirmative, la prohibition sera-t-elle l'état habituel ou momentané?

3o Si la prohibition n'est que momentanée, à quel prix les grains doivent-ils être portés dans les marchés publics, pour que la prohibition soit ordonnée?

4° L'introduction des grains étrangers doit-elle être toujours permise? doivent-ils être assujettis à des droits d'entrée?

5o Est-il avantagcux ou nuisible que le gouvernement et les corps administratifs se mêlent des approvisionnements de grains?

6o Les lois sur le commerce des grains doiventelles être permanentes, ou être changées suivant les circonstances?

M. Bégouen. Etablissez donc cinq cents ateliers de charité pour suppléer aux travaux des manufactures.

M. Ræderer. L'intérêt du fisc est contraire à la prohibition; car alors il ne retirera plus rien des droits de traites. Les manufactures ne sont pas davantage intéressées au régime prohibitif; car, pourvu que les droits soient assez forts pour établir une concurrence favorable au commerce français, elles n'ont rien à craindre de l'introduction des marchandises étrangères.

(La suite de la discussion est ajournée à demain.)

M. le Président fait lecture d'une lettre par laquelle M. l'abbé d'Eymar prévient l'Assemblée qu'il a obtenu du clergé de la basse Alsace la permission de ne plus se représenter à l'Assemblée nationale, et qu'en conséquence il la prie de recevoir sa démission.

L'Assemblée passe à l'ordre du jour.

M. de La Rochefoucauld, membre du comité de l'aliénation des domaines nationaux, propose et l'Assemblée adopte les sept décrets dont la teneur suit:

PREMIER DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité chargé de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de Rainneville, des 4 août et 27 octobre derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, ledit jour 4 août, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir les biens nationaux dont l'état se trouve aunexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les évaluations desdits biens,

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faites le 25 novembre présent mois, vues et vérifiées par le directoire du district d'Amiens, et approuvées par celui du département de la Somme 25 et 27 dudit mois de novembre;

« Déclare vendre à la municipalité de Rainneville, district d'Amiens, département de la Somme, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdites évaluations, montant à la somme de 197,788 livres 14 sous 2 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. »

DEUXIÈME DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de Villers-Bretonneux, des 14 et 24 octobre dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, le 11 du mois de juin, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir les domaines nationaux dont l'état se trouve annexé à la minute du procèsverbal de ce jour, ensemble les évaluations et estimations desdits biens, faites les 24 et 25 novembre présent mois, vues et vérifiées par le directoire du district d'Amiens, et par celui du département de la Somme les 24 et 27 dudit mois de novembre;

« Déclare vendre à la municipalité de VillersBretonneux, district d'Amiens, département de la Somme, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdites évaluations et estimations, montant à la somme de 220,706 livres 15 sols, payable de la manière déterminée par le même décret."

TROISIÈME DÉCRET.

«L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité d'Hérouel, des 23 août et 14 septembre derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, le 27 mai précédent, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir les biens nationaux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les évaluations et estimations desdits biens, faites les 8, 11 et 16 novembre présent mois, vues et vérifiées par le directoire du district de Saint-Quentin, et approuvées par celui du département de l'Aisne le 16 et 25 dudit mois de novembre;

« Déclare vendre à la municipalité d'Hérouel, district de Saint-Quentin, département de l'Aisne, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdites évaluations et estimations, montant à la somme de 148,802 livres 5 sols 1 denier et un tiers, payable de la manière déterminée par le même décret. »

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a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la municipalité de Fresnes-les-Rungis, département de Paris, district et canton du Bourg-la-Reine, le 6 juin dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, le 14 mai précédent, pour, en conséquence du décret du 17 mars 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations faites desdits biens, les 29 octobre dernier et 15 novembre présent mois, en conformité de l'instruction décrétée le 31 du mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la commune de Fresnesles-Rungis, les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 dudit mois de mai, et pour le prix de 362,589 livres 17 sols 10 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. »

CINQUIÈME DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la municipalité de Pierrefitte, département de Paris, district de Saint-Denis, et canton de Pierrefitte, le 6 juin dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, le 4 dudit mois de juin, pour, en conséquence du décret du 17 mars précédent, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations faites desdits biens, les 2, 3 et 6 septembre 1790, en conformité de l'instruction décrétée le 31 du mois de mai dernier ;

« Déclare vendre à la commune de Pierrefitte les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 dudit mois de mai, et ce, pour le prix de 88,571 I. 8 sols, payable de la manière déterminée par le même décret. »>

SIXIÈME DÉCRet.

"L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la municipalité d'Arcueil, canton de Châtillon, district du Bourg-la-Reine, département de Paris, le 21 juin dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, le 16 mai précédent, pour, en conséquence du décret du 17 mars 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations faites desdits biens, les 29 septembre et 4 octobre derniers, en conformité de l'instruction décrétée le 31 mai aussi dernier;

« Déclare vendre à la commune d'Arcueil les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 dudit mois de mai, et ce, pour le prix de 200,436 livres 11 sols 11 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. »

SEPTIÈME DÉCRET.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des

domaines nationaux, de la soumission faite le 8 août dernier par la municipalité de Chatenay, département de Paris, district et canton du Bourgla-Reine, en exécution de la délibération prise le même jour par le conseil général de la commune pour, en conséquence du décret du 17 mars aussi dernier, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations faites desdits biens, les 22 et 30 octobre 1790, en conformité de l'instruction décrétée le 31 mai dernier;

« Déclare vendre à la commune de Chatenay les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 dudit mois de mai, et ce, pour le prix de 32,044 1. 14 sols 8 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. »

M. le Président lève la séance à trois heures.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. treilhard, ANCIEN PRÉSIdent.

Séance du mardi 30 novembre 1790, au soir (1).

La séance est ouverte à six heures et demie du soir.

M. Treilhard, ancien président, occupe le fauteuil en l'absence de M. Alexandre de Lameth.

M. Salicetti, secrétaire, donne lecture des adresses suivantes :

Adresse des administrateurs composant le directoire du district de Melun, qui annoncent que les élections des juges de paix et des tribunaux du district ont renouvelé dans le cœur des peuples leurs sentiments d'amour et de reconnaissance envers l'Assemblée nationale; ils désignent les tribunaux de district auxquels ils désirent ressortir en cas d'appel.

Adresse des administrateurs du département de la Haute-Marne, qui rendent compte à l'Assemblée du patriotisme et du dévouement que les officiers municipaux, le directoire du district de Saint-Dizier, et un escadron du régiment de mestre de Camp, cavalerie, ont fait éclater, lors d'un incendie qui a eu lieu dans les forges d'Eurville, près Saint-Dizier.

Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à Calais, et de celle établie à Villeneuve-le-Roi, qui s'élèvent avec force contre le duel, et supplient l'Assemblée d'employer toute l'autorité dont elle est investie, pour proscrire à jamais un attentat aussi marqué aux lois divines et humaines.

Adresse de la commune et du commerce du Havre, qui font part à l'Assemblée des désordres affreux auxquels la Martinique est en proie; ils la supplient d'y remédier le plus promptement possible.

Adresse des officiers du régiment de Chamborand-hussards, en garnison à Nancy, qui expriment la plus vive indignation contre le rédac

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

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