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maris et femmes, sauf à percevoir sur le montant des condamnations et liquidations, dans les cas où celles prononcées par le jugement donneraient ouverture à de plus grands droits.

Art. 2.

« Le premier acte portant notification de recours au tribunal de cassation, et les expéditions des jugements de cette cour.

Dispositions relatives aux actes sous signature privée.

« Tous les droits établis dans les classes et sections du présent tarif, seront perçus sur tous les actes faits sous seing privé, lorsqu'ils seront présentés à l'enregistrement, suivant la classe et la section à laquelle ils appartiendront, sauf le double droit pour les actes de la première classe seulement, dans les cas exprimés par la loi.

Titre des exceptions.

Il ne sera payé que la moitié des droits fixés par le présent tarif, tant sur les actes de la première, que sur ceux de la seconde et de la troisième classe, pour tout ce qui appartiendra et sera délivré, adjugé ou donné par ventes, donations ou libéralités, legs, transactions et jugements en faveur des hôpitaux, écoles d'instruction et d'éducation, et autres établissements publics de bienfaisance.

L'Assemblée nationale se réserve, au surplus, de statuer sur la fixation des droits qui seront payés pour les acquisitions, à quelque titre que ce soit, de biens immeubles, réels ou fictifs, qui pourront être faites par les hôpitaux, collèges, académies et autres établissements permanents, et sur les formalités qui seront nécessaires pour autoriser ces acquisitions.

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M. le Président fait lecture d'une lettre du ministre de la guerre, par laquelle il demande si, d'après les suppressions décrétées par l'Assemblée nationale, les payements doivent cesser du jour du décret, ou seulement du jour de la sanction royale.

Sur l'observation faite qu'un décret n'a force de loi que du jour de la sanction, il est décidé de passer à l'ordre du jour, en chargeant M. le Président de répondre au ministre.

L'Assemblée nationale renvoie aux comités militaire et diplomatique une lettre du même ministre, qui demande un fonds extraordinaire de quatre millions pour pourvoir aux réparations urgentes des fortifications et à des approvisionnements nécessaires dans différentes places.

M. de La Rochefoucauld, rapporteur du comité d'aliénation, propose et fait adopter les décrets suivants :

PREMIER DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par les commissaires de la commune de Paris, le 26 juin dernier, pour, en conséquence de son décret du 17 mars précédent, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des estimations faites desdits biens, les 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30 et 31 août; 1er, 2, 3, 6, 7, 9, 10, 14, 15, 16, 23, 24, 26 et 28 septembre; 6, 7, 8, 12, 13, 14 et 24 octobre derniers, en conformité de l'instruction décrétée le 31 mai aussi dernier;

« Déclare vendre à la commune de Paris les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 3,388,436 liv. 2 sous, payable de la manière déterminée par le même décret. »

DEUXIÈME DÉcret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville de Bonneval, des 29 mai et 1er juillet derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune de cette ville, le 29 mai, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les évaluations et estimations desdits biens, faites les 16 et 17 novembre présent mois, par le directoire du district de Châteaudun, vues et approuvées par celui du département d'Eure-et-Loir, le 22 dudit mois de novembre;

« Déclare vendre à la municipalité de Bonneval, district de Châteaudun, département d'Eureet-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdites évaluations et estimations, montant à la somme de 93,390 liv. 9 den. 8 dixièmes, payable de la manière déterminée par le même décret. »

TROISIÈME DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville de Janville, du 13 septembre dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune de cette ville, le 20 juin, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 24 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé en la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les procès-verbaux d'évaluations et d'estimations desdits biens, faites les 28 et 29 octobre; 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11 et 15 novembre présent mois, vus et vérifiés par le directoire du district de Janville, et approuvés par celui du département d'Eure-etLoir, les 8, 9, 15 et 22 dudit mois de novembre,

« Déclare vendre à la municipalité de Janville, district de Janville, département d'Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans l'état annexé en la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d'évaluations et d'estimations, montant à la somme de 360,202 liv. 10 sous 2 den., payable de la manière déterininée par le même décret. »

QUATRIÈME DÉCRET.

• L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité chargé de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de la ville de Chartres, du 13 septembre dernier, en exécution de la décision prise par le conseil général de la commune de cette ville, les 17 mai et 10 septembre précédents, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 11 mai derniers, acquérir, entre autres biens, ceux dont l'état se trouvé an nexé en la minute du procès-verbal de ce jour; ensemble cinq procès-verbaux d'estimations et évaluations desdits biens, faits les 16, 17, 18, 19 et 22 novembre présent mois, vus et vérifiés par le directoire du district de Chartres, et approuvés par celui du département d'Eureet-Loir, les 16, 17, 18, 19, 20 et 22 dudit mois de novembre;

« Déclare vendre à la municipalité de Chartres, district de Chartres, département d'Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d'estimations et évaluations, montant à la somme de 641,880 l. 15 s. 6 d., payable de la manière déterminée par le même décret. »

M. d'Eymar, député de Forcalquier. Je demande la parole pour une motion relative à JeanJacques Rousseau.

M. le Président. Vous ferez votre motion un autre jour. L'Assemblée va s'occuper d'une affaire urgente.

(M. d'Eymar persiste à demander la parole, et ne se retire que sur le refus du Président de la lui accorder.) (Voy. la motion de M. d'Eymar annexé à la séance de ce jour, p. 127.)

M. le Président fait lecture d'une lettre du commerce du Havre, qui annonce à l'Assemblée que des avis reçus en cette ville par le navire les Deux-Frères, parti de la Martinique le 29 septembre, apprennent que, dans l'action qui a eu lieu le 25 dans cette ile, il a péri un très grand nombre de personnes.

M. Barnave. Je suis chargé, par le comité colonial, d'un rapport sur cette affaire; je demande la permission de vous le soumettre.

(L'Assemblée décide qu'elle entendra M. Barnave.)

M. Barnave, au nom du comité colonial. Nous avons encore à vous entretenir des troubles des colonies.

Cette maladie politique qui s'est manifestée dans nos possessions du Nouveau-Monde, au moment où la nouvelle de la Révolution y est parvenue, passe de l'une à l'autre.

Il y a peu de temps que vous vous êtes occupés de la situation de Saint-Domingue; aujourd'hui, celle de la Martinique n'est pas moins alarmante.

Cependant, les causes de ces événements ne doivent pas se confondre. A Saint-Domingue, il y avait deux partis : l'un, constamment attaché à la mère-patrie, a respecté les décrets, les a défendus et a fini par les faire triompher; l'autre, rebelle, a mis sa volonté à la place de celle de la loi, a pensé à une indépendance coupable, et vous avez prononcé à son égard. A la Martinique, les deux partis se considèrent comme Français; ils en appellent à vous, ils invoquent la loi, ils reconnaissent votre autorité. Une ancienne haine est le seul principe de cette division. Les colons, les planteurs ont de tout temps été opposés à la ville de Saint-Pierre elle jouit de l'entrepôt; elle fait presque exclusivement le commerce et se trouve, avec les planteurs, dans Ja position d'un créancier vis-à-vis d'un débiteur. De ces oppositions intérieures et constantes, entre les commerçants et les cultivateurs, est née cette haine, dont l'intensité s'est accrue dans les mouvements occasionnés par la Révolution.

C'est vers la fin de l'année dernière et au commencement de celle-ci que les premiers troubles ont éclaté. Je ne vous rappellerai pas ce qui s'est passé pendant l'administration de M. Vioménil, M. Damas a comme lui soutenu les habitants. A l'arrivée de vos décrets la joie fut universelle; mais, le jour de la Fête-Dieu, une malheureuse circonstance renouvela les divisions. Il n'était pas d'usage que les gens de couleur, armés et enrégimentés, portassent des armes à cette cérémonie; ils en ont porté, et c'est de cette innovation que la querelle a pris naissance... On a cru que les gens de couleur avaient formé un complot. Le peuple s'est porté contre eux à des mouvements répréhensibles. Un grand nombre a péri, ainsi que trois officiers blancs qui les commandaient. La municipalité a institué un tribunal prévôtal pour connaître de ces faits. Elle a demandé à M. Damas la sanction de cette disposition; il l'a refusée, parce qu'il a cru ce tribunal illégal. Cependant beaucoup de mulâtres ont été emprisonnés. L'assemblée coloniale de la Martinique n'était pas encore formée suivant vos décrets. Emue par les meurtres qui étaient arrivés, ou excitée par la haine dont la ville de SaintPierre est l'objet, elle a requis M. Damas d'employer toutes les forces qui étaient en son pouvoir pour réduire cette ville, detruire le tribunal prévôtal et les autres institutions, et faire punir les coupables. La ville n'a fait aucune résistance: le tribunal a été supprimé, et la municipalité suspendue, ainsi que la garde nationale. M. Damas a cependant rendu la police aux juges, c'est-à-dire qu'il a rétabli les choses dans l'état où elles étaient avant la Révolution.

Il a renvoyé la connaissance du tout au sénéchal du Fort-Royal. Soit par la crainte qu'inspirait la présence des troupes, soit par d'autres motifs, M. Damas a reçu des remerciements qui bientôt furent rétraciés, et remplacés par des plaintes sur plusieurs faits, et notamment sur ce qu'il avait ordonné l'enlèvement de plusieurs citoyens soupçonnés d'avoir concouru aux meurtres. La ville n'a cessé de réclamer; cependant la procédure se poursuivait au sénéchal; on ne recueillait aucune preuve, et, soit que l'Assemblée doutât de l'impartialité du juge, soit que la liberté de ce tribunal parût gênée par les cir

constances, l'affaire, sur la requête de la veuve d'un mulatre, fut évoquée au conseil supérieur; M. Damas signa l'acte d'évocation. Je dois vous faire observer qu'antérieurement à cet acte l'assemblée coloniale avait, aux termes de vos décrets, été confirmée par les paroisses. Les nouveaux juges ont décrété quelques accusés, en ont mis en prison d'autres contre lesquels ils n'avaient pas des preuves suffisantes : ils ont voulu les envoyer en France.

C'est à cette époque que la scène a changé et que de nouveaux troubles ont pris naissance. M. Damas avait exercé sur la ville de Saint-Pierre un pouvoir absolu. Le Fort-Royal est en partie entraîné par les prisonniers des compagnies en garnison à....., et le détachement de Saint-Pierre arbora le pavillon national. Au mois de novembre, toutes les troupes ayant abandonné M. Damas, et étant aux ordres du parti de Saint-Pierre, les prisonniers sont mis en liberté, et l'assemblée coloniale, obligée de quitter le Fort-Royal, se retire dans une autre partie de l'ile.

Dans le premier moment M. Damas, dont nous ne pouvons rapporter la conduite, parce que nous n'avons pas de notions assez exactes, a paru vouloir se réunir aux troupes. Après quelques incertitudes il s'est fait le chef du parti de l'assemblée coloniale; il s'est joint à elle, aux grenadiers et à quelques officiers. M. Chabrolles, colonel du régiment de la Martinique, est devenu chef militaire de Saint-Pierre, d'une partie du Fort-Royal, et de quelques paroisses qui avaient suivi le même parti. Telles sont les nouvelles qui nous ont été apportées par la station. Inutilement les équipages avaient voulu retenir les vaisseaux, sur lesquels la ville de Saint-Pierre avait même tiré un coup de canon. Nous n'avions aucune idée précise jusqu'au moment où la station nous a donné connaissance des faits que nous venons de vous rapporter. Nous avons cherché les moyens à employer, et nous avons cru indispensable de recourir à la force. Nous avons vu le ministre de la marine, afin qu'au moment du décret il ait fait les dispositions nécessaires. Nous nous sommes également concertés avec le ministre des affaires étrangères pour qu'il fit connaître aux puissances les motifs des armements.

Mais il faut joindre aux moyens de force des moyens de sagesse. Avant d'indiquer ceux que nous avons adoptés, nous allons vous présenter de nouveaux détails.

M. Damas ne s'est pas tenu pour vaincu. L'assemblée coloniale a formé un projet; elle a rassemblé un grand nombre de citoyens et de nègres auxquels elle a mis les armes à la main. Quand ces troupes se sont crues assez fortes, elles ont fait une incursion vers le Fort-Royal. La ville de Saint-Pierre prétend avoir été exposée aux mêmes incursions; on a répondu par des sorties. Après une affaire particulière, il y en a eu , une très grave entre une sortie du Fort-Royal et un parti des troupes de l'assemblée coloniale. Nous n'avons pas de détails précis, mais il est certain que les troupes da Fort-Royal, après avoir donné dans une embuscade, ont perdu beaucoup de monde et ne sont rentrées qu'avec peine. On ne peut concevoir de trop vives inquiétudes sur les événements que ces dispositions annoncen!. Le Fort-Royal est redoutable, mais la ville de Saint-Pierre est ouverte et offre un pillage tentatif. Voici cependant une lueur d'espérance. On a eu recours à la Guadeloupe, qui a envoyé trois cents hommes et vingt commissaires conciliateurs. C'est ce que nous apprenons par les der

nières nouvelles, en date du 6 octobre dernier. Tel est l'état des choses; tels sont les maux auxquels vous avez à remédier.

Comme le décret regarde en général les colonies, j'ai encore quelques mots à ajouter. Des troubles se sont aussi manifestés à la Guadeloupe: cette colonie est également divisée en deux partis. On a à craindre les effets de la contagion. Quant à Saint-Domingue, la province du Sud est calme, celle du Nord est tranquille, et M. Peinier domine dans l'Ouest; mais si la sûreté politique y est rétablie, la sûreté civile n'y existe pas également. L'assemblée générale avait mis en mouvement un nombre considérable d'hommes dangereux à la chose publique, et plus multipliés à Saint-Domingue que dans nos autres colonies, d'hommes qui n'ont rien, qui ne font rien et qui ne peuvent exister que dans le désordre.

M. Peinier n'a pas assez de troupes pour mettre la police partout; il demande quatre mille hommes.

Dans cette position, voici le résultat des recherches de votre comité. Vous avez chargé les assemblées coloniales de présenter leur vou; les divisions de Saint-Domingue ont retardé pour longtemps cette opération, les autres colonies n'ont encore rien fait. La Martinique avait préparé des décrets de propositions: elle avait suivi les instructions à un seul article près, qui consistait à retenir la législation des gens de couleur avec la seule sanction du roi; elle s'est établie provisoirement corps administratif. En autorisant les colonies à statuer sur leur administration intérieure, vous ne leur avez pas attribué les fonctions des corps administratifs. Vous n'avez pas entendu qu'en aucun cas elles puissent s'occuper de la partie d'administration qui concerne nos intérêts avec les colonies, et vous avez toujours pensé que cette administration devait rester entre les mains d'officiers institués par la nation. L'assemblée coloniale de la Martinique, après s'être constituée corps administratif, à cru l'intendant inutile; elle a renvoyé M. Foulon, ainsi que deux de ses subordonnés, et a mis à leur place un subalterne entièrement à la disposition de l'assemblée coloniale. Ce que nous voyons de plus fâcheux, c'est le ralentissement de l'organisation des colonies.

Les anciens pouvoirs sont sans force, les nouveaux tardent infiniment à s'établir. Tout annonce que les colonies n'ont pas assez de lumières. Sans leur retirer le bienfait de pouvoir proposer librement ce qu'elles croiront propre à leur prospérité, on peut les aider dans leur marche. Nous avons pensé qu'une nouvelle instruction, qui contiendrait une véritable organisation, leur serait très utile. Chaque colonie recevrait le pouvoir de mettre à exécution, avec la sanction du gouverneur, tout ce qu'elle voudrait adopter; mais aucune ne pourrait rien exécuter de ce qu'elle modifierait.

M. Barnave termine en proposant le décret suivant :

«L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des colonies sur la situation de l'ile de la Martinique, et sur les moyens de rétablir et d'assurer la tranquillité dans les colonies françaises des Antilles;

« Décrète qu'il sera incessamment envoyé des instructions dans les colonies, tendant à presser le moment de leur nouvelle organisation; ajourne en conséquence la délibération sur les propositions de l'assemblée coloniale de la Marti

nique; décrète que cette assemblée suspendra ses séances;

« Décrète que les officiers, préposés par le roi à l'administration de cette colonie, exerceront provisoirement les fonctions dont ils étaient ci-devant chargés, en ce qui concerne l'administration de la marine, guerre et finances; les actes de l'assemblée coloniale relatifs à l'établissement d'un directoire d'administration, et au renvoi de quelques-uns desdits administrateurs demeurant nuls, ainsi que le renvoi en France de deux officiers du régiment de la Martinique, effectué par la municipalité de Saint-Pierre ;

« Décrète que le roi sera prié d'envoyer dans ladite colonie quatre commissaires chargés : 1° de prendre des informations sur les troubles qui y ont eu lieu, leurs circonstances et leurs causes; tous décrets et jugements qui auraient pu être rendus à raison desdits troubles, demeurant suspendus;

20 De pourvoir provisoirement à son adminitration intérieure, à son approvisionnement, à la police et au rétablissement de la tranquillité; à l'effet de quoi ils recevront tous pouvoirs à ce nécessaires; et les troupes réglées, milices, gardes nationales et toutes forces de terre et de mer seront tenues d'agir à leur réquisition;

« Décrète que lesdits commissaires pourront, si les circonstances l'exigent, se transporter, ensemble ou séparément, dans les autres îles du Vent, pour y exercer les mêmes fonctions et les mêmes pouvoirs, même suspendre, s'il est nécessaire, l'activité des assemblées coloniales qui y sont établies, jusqu'à l'arrivée prochaine des instructions ci-dessus annoncées ;

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« Décrète qu'à l'arrivée desdits commissaires, toutes fonctions et pouvoirs publics à l'établissement desquels les circonstances auraient pu donner lieu, et qui ne seraient pas fondés sur les lois, ou confirmés et délégués par lesdits conmissaires, cesseront immédiatement, à peine, pour ceux qui voudraient en continuer l'exercice, d'être traités comme perturbateurs de l'ordre public;

Décrète que le roi sera prié de faire passer dans les îles et les colonies françaises des Antilles six mille hommes de troupes de terre et quatre vaisseaux de ligne, indépendamment de ceux votés par les précédents décrets, avec le nombre d'autres bâtiments nécessaires pour le transport des troupes; lesquelles forces seront distribuées et combinées de la manière la plus propre à assurer la tranquillité des colonies, d'après les instructions que le roi sera prié de donner, tant au gouverneur général des les sous le Vent, qu'à l'officier auquel il plaira à Sa Majesté de confier, dans cette circonstance, le gouvernement général de îles du Vent.

« Au surplus, l'Assemblée nationale décrète provisoirement qu'il sera ouvert dans l'ile de la Martinique un second port d'entrepôt à la Trinité, et que les bâtiments étrangers seront admis dans celui du Fort-Royal pendant l'hivernage; maintient également provisoirement les deux entrepôts actuellement ouverts dans l'ile de Guadeloupe, à la Basse-Terre et à la Pointe-à-Pitre : le tout à la charge de se conformer aux règles établies par l'arrêt du conseil du 30 août 1784. »

M. Barnave. Ce projet de décret a été communiqué à tous les députés des colonies à l'Assemblée nationale et aux députés du commerce; il est conforme aux demandes du Havre et à une Adresse de Marseille. Ainsi il a été examiné par

les parties intéressées, c'est-à-dire les colons, d'une part, et le commerce de l'autre. (On demande à aller aux voix.)

M. de Foucault. Après un rapport aussi important, aussi volubilement prononcé, il est difficile de prendre sur-le-champ un parti. Je crois qu'il vaut mieux ajourner que de faire quelque chose de provisoire. Un comité tel que celui des colonies, aussi bien instruit des faits qu'il paraît l'être, pourrait parfaitement nous donner en quatre jours les instructions qu'il propose de rédiger,

M. Moreau (ci-devant de Saint-Méry). Un seul fait dans le rapport de M. Barnave m'a sensiblement affecté c'est celui de M. Damas, qu'il a caractérisé de chef de parti; cette expression lui est sans doute échappée. Nous avons pour lui les plus grands sentiments d'estime. Le projet de décret qui vient de vous être présenté a été concerté avec les députés de commerce et mêine avec ceux de la ville de Saint-Pierre; si vous prononciez un ajournement, quel que court qu'il soit, il pourrait faire bien du mal. Je demande que le décret soit adopté.

M. de Reynaud. Je demande que ce qui concerne Saint-Domingue soit ajourné; il y a ici des députés extraordinaires du nord de la colonie, et nous ne nous sommes pas encore concertés.

M. Barnave. L'envoi de quelques forces n'est pas moins nécessaire à Saint-Domingue que dans quelques autres colonies. Il est fondé sur la demande de M. Peinier et sur ce qui vous a été dit par l'assemblée provinciale du Nord. Je sais que l'on aurait pu présenter un décret particulier à Saint-Domingue; mais nous avons pensé que le moyen que nous avons adopté donnera la disposition d'un plus grand nombre de forces pour la Martinique.

En effet, les troupes destinées à M. Peinier pourront s'arrêter dans cette colonie avant de se rendre à Saint-Domingue.

Quant à l'envoi de commissaires pour l'établissement de la nouvelle organisation, il sera temps d'y songer lorsque vous enverrez l'instruction. Je pense donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les diverses propositions qui vous sont pré

sentées.

(Le projet de décret, proposé par M. Barnave au nom du comité colonial est adopté.) (La séance est levée à trois heures.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 NOVEMBRE 1790.

MOTION RELATIVE A J.-J. ROUSSEAU, par A.-M. d'Eymar, député de Forcalquier (1).

(NOTA. Cette motion, n'ayant pu être faite à la tribune, fut imprimée et distribuée telle que nous

(1) Je m'étais flatté de prononcer ce discours à la tribune de l'Assemblée nationale. Le plus heureux jour de ma vie eût été celui où, profitant du droit que me donne le caractère dont j'ai l'honneur d'être revêtu, j'aurais rendu un hommage public à J.-J. Rousseau,

la reproduisons ci-dessous; elle fut renouvelée sous une autre forme le 21 décembre 1790.)

Messieurs, comme représentant de la nation, je viens vous demander le redressement d'une grande injustice nationale. Je viens, à ce même titre, payer, du moins autant qu'il est en mon pouvoir, la dette de reconnaissance que la France doit à la mémoire de l'auteur d'Emile et du Contrat social.

Si cet homme célèbre, Messieurs, n'avait pas terminé sa carrière; s'il avait été le témoin de notre régénération; si, dans ce moment, J.-J. Rousseau paraissait au milieu de vous..., avec quels applaudissements, avec quels transports ne serait-il pas reçu dans cette Assemblée ? L'enthousiasme que la lecture de ses ouvrages vous a inspiré, se convertirait en un sentiment de respect et d'amour pour sa personne; vous fixeriez sur lui des regards d'admiration et d'attendrissement.

Représentants d'un peuple qui s'est rendu célèbre par son amour et par son goût pour les lettres, ainsi que par les chefs-d'œuvre de tout genre qu'il a produits, vous rendriez, hommage aux talents sublimes d'un écrivain qui a honoré la langue et enrichi la littérature française; vous vous souviendriez avec reconnaissance que les enfants auxquels vous avez donné le jour doivent à ses conseils et à ses exhortations touchantes, d'avoir reçu les premiers secours dans la maison qui les a vus naître, d'avoir été nourris par le sein maternel. Vous verriez, dans J.-J. Rousseau, non seulement l'écrivain immortel, mais le précurseur de cette grande révolution: vous vous souviendriez qu'il vous apprenait à former des hommes pour la liberté, lorsque vous étiez à la veille de faire des Français un peuple libre; qu'en rappelant les mères aux devoirs sacrés de la nature, il commençait dans nos mœurs une révolution qu'il vous etait réservé d'ache,

La parole m'a été refusée par M. le président Alexandre de Lameth. J'ai été trop sensible à ce refus, j'en suis encore trop vivement affecté, pour ne pas craindre de me livrer à des réflexions qui pourraient me rendre injuste. Je jette au feu ce que j'avais écrit làdessus dans le premier moment. Cette occasion perdue, je ne la retrouverai plus; mais du moins je pourrai me rendre le témoignage que j'aurai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour honorer et venger la mémoire d'un homme dont j'idolatrerai toujours les écrits et le génie, et qui, dans ma jeunesse, m'a témoigné de l'intérêt, j'oserai même dire honoré de quelque amitié.

Mon discours devait venir à l'appui d'une motion que M. Barrère s'était chargé de faire à l'Assemblée, en faveur de la veuve de Jean-Jacques; cela même a souffert des difficultés. Le mémoire que ce député, admirateur de Rousseau, comme je le suis, doit publier incessamment, répondra aux calomnies qu'on n'a pas manqué de répandre contre sa veuve: il prouvera, entre autres choses, qu'il est très faux qu'elle soit remariée. Je me repose sur lui, du soin de la défendre; sa cause ne saurait être en meilleures mains. En attendant, je dirai, pour ce qui me regarde, que je ne puis voir, dans madame Rousseau, que la veuve de JeanJacques. Je ne sais d'elle qu'une chose, c'est qu'elle est exposée à manquer de pain.

Je me suis décidé à faire imprimer et distribuer ce discours à tous les membres de l'Assemblée, dans l'espérance qu'avant la fin de la session, quelqu'un de mes collègues, plus heureux que moi, plus capable de parler sur un pareil sujet, plus propre à inspirer de la confiance à l'Assemblée, plus persévérant à solliciter la parole; enfin, plus courageusement decidé à rester à la tribune jusqu'à ce qu'on se soit décidé à l'écouter, relèvera une motion qui, ce me semble, ne peut qu'honorer son auteur, le président qui l'aura accueillie, et même l'Assemblée nationale.

ver; car, dans une nation corrompue, les bonnes mœurs ne peuvent se rétablir que par la toutepuissance des bonnes lois.

Si J.-J. Rousseau était devant vous, Messieurs, vous seriez surtout frappés de cette idée, que c'est dans l'un de ses plus beaux ouvrages qu'ont été puisés ces principes d'une éternelle vérité, sur lesquels, comme sur une base immuable, s'élève l'édifice de la Constitution française. Le Contrat social a été, pour vous, la charte dans laquelle vous avez retrouvé les droits oubliés, les droits méconnus, les droits usurpés sur la nation, et surtout le droit imprescriptible de la souveraineté.

C'est ainsi que les pensées d'un homme de génie ont la plus grande influence sur le sort des peuples, sur l'existence physique et morale des individus qui les composent, sur les principes des gouvernements par lesquels ils sont régis. Les savantes veilles de J.-J. Rousseau ont préparé, ont assuré le bonheur de la génération qui s'élève, et de celles qui doivent lui succéder. A ces grands caractères, je reconnais un des bienfaiteurs du genre humain; et me portant pour organe des sentiments d'admiration et de reconnaissance de ma patrie, sans crainte d'être désavoué par elle, je vous invite à lui rendre un hommage solennel.

Quelle a été, cependant, Messieurs, la destinée de ce grand homme, de ce génie, l'honneur de notre siècle, comme il eût ajouté à la gloire des plus beaux siècles de l'antiquité; de cette âme de feu qui, de l'étonnante sphère de son activité, répandait la lumière dans la profonde nuit de nos préjugés et de nos erreurs!... Sa destinée, Messieurs..., celle qui sera toujours l'honorable partage de ceux qui auront le courtage d'annoncer aux hommes la vérité: les persécutions de l'envie et la haine des méchants. Voyez dans l'histoire quel a été le sort de tous ceux qui ont osé combattre les préjugés et les opinions dominantes de leur temps: voyez, dis-je, si le bien qu'ils ont fait à leur patrie, leur fut jamais pardonné.

Comme vous, Messieurs, Rousseau s'indignait de la tyrannie; comme vous, il portait jusqu'à l'idolâtrie le culte et l'amour de la liberté. Ses écrits, traduits dans toutes les langues, ont éclairé les nations. Quelle a été sa récompense?... Persécuté par les hommes avec lesquels il avait vécu, proscrit en France, il n'a pas même trouvé d'asile dans sa patrie, dans sou ingrate patrie, dont il s'était tant vanté, qu'il honorait par ses vertus, par ses talents, et dont la plus grande gloire, peut-être, est de lui avoir donné le jour.

De cette tribune, d'où l'on est entendu de toute l'Europe, vous avez aussi proclamé de grandes vérites; vous avez parlé aux maîtres de la terre le langage des hommes libres; vous avez brisé les fers du despotisme; vous avez relevé le peuple qui était courbé sous son insupportable joug: Eh bien n'entendez-vous pas les plaintes, les reproches amers de ceux qui, après tant de réformes et de retranchements nécessaires, sont devenus les malheureuses victimes des erreurs et des déprédations passées? Déjà de toutes parts, et du sein même de vos familles, s'élèvent contre vous les clameurs de l'égoïsme et les murmures de l'orgueil. Peut-être serez-vous en butte à la haine de quelques ennemis de la liberté; mais votre zèle n'en sera point ralenti ; vous n'en poursuivrez pas moins votre carrière; car en même temps un concert de bénédictions s'élèvera pour vous dans les humbles chaumières; et dans les

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