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Je parois à ses yeux, il se trouble, et soudain
Le plus coupable feu s'allume dans son seiu.
Pour hâter mon départ, il gémit, il soupire.
Qu'un cœur est éloquent lorsque l'amour l'inspire!
Si son empressement le trahit quelquefois,
C'est Procné, me dit-il, qui parle par ma voix;
Ces pleurs que je répands, charmante Philomèle,
Ces pleurs et ces soupirs, sont ordonnés par elle.
Crédule, n'osant rien soupçonner de sa foi,
J'imputois ses efforts à son amour pour toi;
Et me précipitant dans les bras de mon père,
A ses perfides soins je joiguois ma prière.
Vieillard infortuné, qu'aveuglèrent les dieux,
Tu causas tous mes maux, croyant combler mes vœux.

Puisque vous le voulez, je cède, cher Térée,
Lui dit-il: par les noeuds d'une amitié sacrée,
Par les dieux immortels, par nos embrassemens,
Ayez soin de ma fille, et gardez vos sermens.
Vous savez, vous voyez combien elle m est chère :
Ah! rendez-la bientôt aux alarmes d'un père :
Que l'un de mes enfans, en me fermant les yeux,
Recueille au moins mon ame et ines derniers adieux.

En prononçant ces mots, présens à ma pensée,
Dans ses bras languissans il nie tenoit pressée.
Ses longs gémissemens présageoient mes malheurs;
Et ses yeux, malgré lui, laissoient couler des pleurs.

De mon exil enfin le jour est près d'éclore.
Jour fatal! jour affreux! souvenir que j'abhorre
La voile se déploie, et le souffle des vents
Seconde d'un cruel les voeux impatiens.

On eút dit que la mer, contre moi conjurée,
Étoit complice alors du forfait de Térée.

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Je pars, et Pandion, l'œil fixé sur les eaux,
Suit, en me rappelant, la trace des vaisseaux.
Avec frémissement je võis fuir le rivage.

Mon ravisseur triomphe; et, changeant de visage,
J'ai donc vaincu! dit-il. Un transport furieux
S'échappe de son coeur et brille dans ses yeux:›
Il ne peut renfermer sa criminelle joie ;
D'un oeil avide et sombre il contemple sa proie.
Et moi, qui ne pouvois démêler ses desseins,
Je pleurois, et semblois pressentir mes destins.
Des mouvemens confus dans mon cœur s'élevèrent;
Je rougis, je pâlis; tous mes sens se troublèrent;
Et, jetant més regards sur l'espace des mers,
Je me crus un moment seule dans l'univers.
Je voulus lui parler : son silence perfide
Fit expirer la voix dans ma bouche timide.
Je souhaitai cent fois que le vent opposé
Repoussât son vaisseau par l'orage brisé;
Et lorsqu'il s'applaudit du destin qu'il m'apprête,
J'implore au fond du coeur la mort ou la tempête.
Dieux, ne déviez-vous point, dans ces cruels momens,
Pour sauver l'innocence, armer les élémens !
Pourquoi d'un attentat me rendre la victime?
Aimez-vous mieux punir que prévenir le crime?

La rame cependant redouble ses efforts 50 200
Et déja de la Thrace on découvre les bords.
On arrive, on descend; le parjure Térée
Guide seul en ces lieux ma démarche égarée :
Tremblante il me conduit au fond d'un bois épais,
Où, parmi des débris, s'élève un vieux palais,
Effroyable tombeau, prison inaccessible,
Que l'aspect des déserts rend encor plus terrible.
Il me fallut entrer dans ce séjour d'horreur.
D'une mourante voix je demandai ma soeur.

En ce moment, Térée, ó comble de l'outrage!

Les étincelans d'un amour plein de rage...

yeux

Tu frémis, et m'entends..... Mais que devins-je, û dieux !
Quand j'ouvris mes regards à la clarté des cieux!

Barbare, m'écriai-je, exécrable adultère,

Ni la foi des sermeus, ni les larmes d un père,
Ni l'hymen profané par ta coupable ardeur,
Ni ma foiblesse enfin, n'ont pu toucher ton cœur.
A chève :
e: ta fureur seroit-elle assouvie?

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Tu m'as ravi l'honneur, arrache-moi la vie;
Ou si ta cruauté me retient dans ces lieux
Je remplirai ces bois de mes cris douloureux.
Préviens le désespoir d'une femme outragée;
Que je meure à l'instant, ou je serai vengée.

Ce discours dans ses sens jette un trouble secret;
Il tremble; de ma rage
il redoute l'effet:
Mais bientôt dans son coeur cette crainte soudaine
A son farouche amour fait succéder la haine.
Te le dirai-je, ô ciel! malgré tous mes efforts,
Mes sanglots redoublés, mes larmes, mes transports,
Ce monstre impitoyable, et que ma plainte anime,
Croyant dans le silence ensevelir son crime,
D'un bras ensanglanté m'arrache sans frémir
L'organe dangereux qui pouvoit le trahir.

Enfin, après avoir épuisé sa furie,

Pour comble d'infortune, il me laisse la vie.
Il va, bravant les dieux et mes ressentimens,
Il va souiller ta couche et tes embrassemens.
Il mêle ses regrets à tes vives alarmes,

Et, couvert de mon sang, il me donne des larmes.
Je crois toujours te voir, en longs habits de deuil,
Appeler Philomèle autour d'un vain cercueil.

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Ah! cesse de pleurer, sur la foi de Térée,
Le trépas d'une sœur qui vit déshonorée.
Vois cette infortunée au fond de ses déserts:
Vois la fille d'un roi mourante dans les fers.
Rien ne s'offre à mes yeux qu'une garde terrible,
Que ma vue importune et rend plus insensible.
Depuis plus de six mois, en proie à mes tourmens,
Je n'entends que des eris et des rugissemens;
Et je ne puis jouir, dans l'horreur de mes chaînes,
Du plaisir douloureux de parler de mes peines.
Que dis-je! à chaque instant je succombe, et je croi
Que la nature entière a disparu pour moi.

Vous que le ciel un jour auroit fait mes sujettes,
Dans un rang plus obscur vous vivez satisfaites;
Bornant à votre sort vos tranquilles desirs,
Si vous avez des maux, vous avez des plaisirs:
Et moi, d'adorateurs autrefois entourée,
Du reste des humains je me vois séparée;
Au milieu de ces bois, sans espoir, sans soutien,
Mon cœur est effrayé de ne tenir à rien.
Par mille objets affreux sans cesse poursuivie,
Une mort éternelle accompagne ma vie :

En de funèbres lieux, tel un tendre arbrisseau

Sèche et meurt dans sa fleur, sur le bord d'un tombeau. Je m'abhorre moi-même, et l'éclat de mes charmes,

Cet éclat si funeste, est éteint dans les larmes.

Vains regrets! où laissé-je égarer ma douleur !
Quoi! l'espoir tout-à-coup expire dans mon cœur !
Les plaisirs sont bannis de ce séjour funeste:
Mais en est-il d'égal à celui qui me reste?
Poursuis, ne cesse point, ô Sort, de m'outrager:
Je te pardonne encor, si je puis me venger..........

Me venger!... je renais... doux espoir que j'embrasse !
Il me soutient, ma sœur, au sein de ma disgrace.
Il ne sera point vain. Oui, cette nuit les dieux
Ont offert sous tes traits la Vengeance à mes yeux.
Sang que j'ai vu couler, favorable présage,
Songe affreux, revenez ranimer mon courage.

C'étoit pendant le temps des mystères sacrés,
Pendant ces temps d'ivresse à Bacchus consacrés.
Déja de toutes parts ses terribles ministres
Font retentir les airs de hurlemens sinistres,
Et de l'airain tonnant l'épouvantable bruit
Augmente encor l'horreur d'une profonde nuit.
Tu sors de ton palais, éperdue, égarée;

Des fureurs de Bacchus tu feins d'être enivrée;
Et, traînant à ta suite un cortége nombreux,

Tu viens, un thyrse en main, m'arracher de ces lieux,
Je marche sur tes pas, incertaine, étonnée,

En ignorant encor quelle est ma destinée.

A peine eus-je touché le seuil de ton palais,
Je me représentai Térée et ses forfaits;
Je rougis, malgré moi, d'un crime involontaire,
Et mes yeux demeuroient attachés à la terre: >
Mais toi, voyant mes pleurs et mes secrets combats,
Tu vins en soupirant te jeter dans mes bras.
Dans cet embrassement que je trouvai de charmes !
Chère sœur, me dis-tu, sèche, sèche tes larmes.
De ce palais en feu veux-tu que les lambris
Écrasent le tyran sous leurs brûlans débris?
Veux-tu qu'à ses regards te faisant reconnoître,
De cent coups de poignard j'aille percer le traître?

Mais mon triste silence aigrissant ta douleur,
J'entendis des soupirs s'échapper de ton cœur.

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