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FABLE PREMIÈRE.

Minos assiégé Mégare. Cette ville ne pouvoit être prise, tant que le roi Nisus conserveroit un cheveu d'or qu'il avoit sur la tête. Scylla sa fille conçoit un violent amour pour Minos.

LE E vent du midi enfla les voiles, et poussa bientôt les Athéniens au port du Pirée. Minos, pour essai de ses forces, assiégeoit déja la ville de Mégare, soumise au roi Nisus, qui, parmi ses cheveux blancs, en avoit un de couleur d'or de qui dépendoit la destinée de ses états. Déja depuis neuf mois entiers la ville étoit assiégée, et le succès étoit encore égal de part et d'autre.

A l'un des côtés du palais de Nisus s'élevoit une tour dont les murs, frappés légèrement par un caillou, rendoient des sons harmonieux. On dit qu'Apollon, pour aider Alcathous à construire les murs de sa ville, sus

pendit sa lyre en cet endroit, et que les pierres ont conservé les sons de cette lyre divine. Ils les rendoient souvent sous les doigts de Scylla, fille de Nisus. Souvent elle montoit dans cette tour, d'où elle pouvoit voir le camp ennemi. Pendant la longueur du siége, elle avoit eu le temps de connoître tous les chefs qui commandoient sous Minos: mais elle le connoissoit par-dessus tous; c'étoit peu, elle l'aimoit. Sous le casque, ou la tête découverte, le jas velot à la main, enfin dans tous les exercices de Mars, elle admiroit ou la beauté de Minos, ou son adresse et ses graces. L'amour l'aveu gloit et la transportoit hors d'elle-même : elle eût tout fait pour Minos.

En jetant les yeux sur le pavillon du roi de Crète : Je ne sais, dit-elle, si je dois me plaindre ou me réjouir de cette guerre sanglante. Il est dur pour moi, sans doute, de voir un ennemi dans celui que j'aime; mais sans la guerre qui désole mon pays, jamais je ne l'au rois connu. Il pourroit cependant mettre bas les armes, me prendre pour otage; je servis sa compagne et le gage heureux de la paix. O Minos, prince aimable et le plus accompli qui soit au monde, si celle qui yous donna le

jour fut aussi belle que vous, il n'est pas étonnant qu'elle ait inspiré de si tendres sentimens au souverain des dieux. Que je serois heu reuse si je pouvois, sur les ailes de l'Amour', voler dans votre camp, vous faire connoître toute ma tendresse, et mériter votre cœur à quelque prix que ce fût! Excepté les res pectables auteurs de mes jours, je quitterois tout pour vous posséder. Cependant j'aimerois mieux renoncer au bonheur que de me rendre coupable d'une trahison, dans l'espérance même de vous plaire. Mais la clémence du vainqueur a souvent fait aimer aux vaincus leur défaite.

La cause de Minos est juste du moins: on a tué son fils, il veut le venger. Je vois que nous succomberons sous l'effort de ses armes. Si notre ville doit être prise en effet, ne vau→ droit-il pas mieux que les portes lui fussent ouvertes par les mains d'une amante que brisées sous ses coups? Je lui épargnerois la lenteur d'un long siége, des combats meur+ triers et inutiles, et la peine d'acheter sa con quête au prix de son sang. Je tremble, Ô Minos, que quelqu'un de nos défenseurs ne te blesse imprudemment; car est-il un guer

rier assez cruel pour tourner volontairement ses traits contre ton sein? C'en est fait, j'ai résolu de me livrer entre tes mains, de te donner ma patrie pour dot, et de terminer la guerre. Oui, je le veux. Mais c'est peu de vouloir une garde impénétrable veille autour de nos murs; mon père en défend les portes. C'est donc mon père seul que je crains; c'est donc lui seul qui met un obstacle à mes desirs: plût aux dieux que je n'eusse plus de père !

Mais pourquoi m'adresser aux dieux? Ai-je donc besoin de leur secours? Non, la fortune ne favorise jamais les lâches. Toute autre que moi, avec autant d'amour, auroit déja franchi tous les obstacles qui s'opposent à sa passion. Eh! pourquoi n'aurois-je pas aussi le courage de les vaincre, quand je devrois m'exposer au fer et au feu ? Mais que dis-je ? je n'ai pas ces, dangers à surmonter: un seul cheyeu me suffit; il me tiendra lieu de tout en mettant le comble à mes desirs, et devenant le gage certain de ma félicité.mi tvar

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FABLE I I.

Scylla livre à Minos le cheveu fatal de son père. Minos la dédaigne et l'abhorre Les dieux la changent en alouette, et son père en oiseau de proię.

La nuit, qui entretient les inquiétudes, vint augmenter celles de Scylla et la rendre plus hardie. Dans le temps que le sommeil répand ses premiers pavots, et que les cœurs, épuisés de soucis et de lassitude, cèdent à sa douce violence, elle entre dans l'appartement de son père, s'approche de son lit, et coupe le cheveu dont dépendoit le sort de son royaume. Maî tresse enfin de ce trésor, elle porte avec elle şa criminelle dépouille, sort de la ville, passe au travers des ennemis (tant le service qu'elle rend à Minos lui inspire de confiance), et parvient jusqu'à lui.

L'amour, dit-elle au prince, que sa présence, surprenoit, l'amour vient vous livrer la fille de Nisus, sa patrie et ses destins. Si ma démarche est un crime, il est celui de

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