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rêts: la douceur de votre haleine, votre fraîcheur ravissante, me charment, me raniment, me comblent de joie.

Tels étoient les discours que ma folie, ou plutôt mon malheureux destin, me faisoit tenir.

Quelqu'un prêta l'oreille à ces paroles ambiguës; il crut que j'appelois une nymphe, et que le mot Aura, tant de fois répété, étoit le nom de cette nymphe, l'objet de mes amours. Il m'accusé aussitôt auprès de Procris d'une infidélité imaginaire, et lui fait en secret ce rapport. L'amour est crédule: Procris perdit d'abord tout sentiment, et resta long-temps sans voix et sans couleur. Revenue à ellemême, elle se plaignit cent fois de son malheur, de sa cruelle destinée; elle se plaignit de ma perfidie: effrayée d'une trahison supposée, elle craint ce qui n'est point; elle craint un nom auquel elle prête de l'existence, et se tourmente autant que si elle avoit réellement une rivale. Quelquefois cependant elle doute; elle se flatte qu'on la trompe, et refuse de me eroire infidèle sur un simple indice; enfin, avant de condamner son époux, elle veut connoître son crime par ses yeux,

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Le lendemain, au lever de l'Aurore, je sor tis à mon ordinaire, entraîné par ma passion pour la chasse. Quelque temps après, me sentant accablé de fatigue, je me couchai sur l'herbe, et je ne tardai point d'appeler à mon secours, comme de coutume, Aura, ce vent frais qui faisoit mes délices. Venez, lui disois-je, me soulager après tant de lassitude; c'est de vous seul que j'attends ma plus douce consolation.

Comme je lui adressois cette prière, je crus entendre un soupir, ou du moins un bruit qui me fit retourner, et je vis en effet les broussailles s'agiter autour de moi. Imaginant que e'étoit un animal de la forêt qui s'approchoit, je lançai mon javelot. Hélas! c'étoit Procris elle-même à qui je venois de percer le sein: je reconnus sa voix au cri que la douleur lui arracha. Je m'avançai tout interdit auprès d'elle; je la trouvai baignée dans son sang. Mon premier soin fut de retirer de sa plaie ce funeste dard dont elle m'avoit fait présent; je la serrai dans mes tendres embrassemens; je déchirai ses vêtemens pour mettre un appa reil à sa blessure et en arrêter le sang qui sor toit en abondance, la suppliant par mes pleurs,

par mon désespoir, de ne point abandonner un époux que ce cruel accident rendoit le plus malheureux de tous les hommes.

Procris, près d'expirer, me dit d'une voix éteinte Cher Céphale, je vous conjure par tous les dieux du ciel, par ceux des enfers où je vais descendre, par la tendresse que j'ai toujours conservée pour vous, par cet amour fatal qui cause ma mort, n'épousez point cette nymphe Aura qui vous attiroit dans ce bois.

A ce discours, je reconnus son erreur. Je la désabusai; mais, hélas ! il n'étoit plus temps: elle se laissa tomber expirante entre mes bras, et perdant tout son sang. Tant qu'elle eut la force de lever les yeux, elle ne cessa de les fixer douloureusement sur moi, jusqu'à ce qu'enfin je recueillis son dernier soupir. Ainsi mourut l'infortunée Procris, avec la consolation d'apprendre que je ne lui avois pas été infidèle.

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Tandis que Céphale, les yeux en pleurs, én faisoit répandre par son récit à tous ceux qui l'écoutoient, Éacus entra avec ses deux fils, qui amenoient aux Athéniens des troupes choisies.

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* Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal:

Deteriora sequor.

Video meliora proboque,

Ces paroles de Médée sont passées en proverbe, et renferment une vérité triste, mais trop bien reconnue. La métaphysique paroît impuissante à expliquer cette contradiction. Quelques philosophes païens, et sur-tout Platon, croyoient pouvoir en conclure que l'homme avoit été créé plus parfait qu'il n'est aujourd'hui, et qu'il s'étoit fait quelque grand changement dans sa nature. Ce n'est pas l'opinion de la plus grande partie de nos philosophes modernes parmi lesquels on peut compter Pope et Rousseau de Genève. Ils prétendent que tout est bien, que l'homme est ce qu'il doit être, et que Dieu, dont les desseins éternels nous sont cachés, a conçu, en créant l'homme, comme en créant l'univers, le meilleur plan qu'il pût concevoir. La foi nous enseigne que la chûte de l'homme est la cause de ces combats continuels dont il est le théâtre.

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Saint Paul s'en plaignoit amèrement; il disoit : Non quod volo bonum hoc facio; sed quod nolo malum hoc ago. ( Epist. ad Rom. cap. 7.) C'est ce que Racine exprime si bien dans un de ses cantiques:

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Louis XIV, faisant chanter un jour ce cantique 2 dit, en se tournant vers madame de Maintenon: << Madame, voilà deux hommes que je connois bien. >>

Eh quoi! puis-je appeler ma fuite une union légitime? Ovide dit:

Conjugiumne putas, speciosaque nomina culpæ
Imponis, Medea, tuæ ?

Virgile avoit dit avant lui, au sujet de Didon ( Æneid. lib. IV, V. 172):

Conjugium vocat; hoc prætexit nomine culpam.

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