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sembler les troupes qu'on destinoit aux Athéniens. Phocus conduisit Céphale et les deux autres ambassadeurs à un appartement superbe, où il s'assit avec eux. Dans le cours de l'entretien : De quel bois, dit-il en s'adressant à Céphale, de quel bois est le javelot que vous tenez à votre main? Je me fais un plaisir de la chasse; mais je n'ai jamais vu de dard aussi beau que le vôtre.

Sa beauté n'est rien, reprit un des fils de Pallas, au prix de la propriété qui lui est particulière : il frappe toujours au but, et revient ensuite de lui-même.

Ces derniers mots augmentèrent la curiosité de Phocus; et Céphale la satisfit en ces

termes :

Ce javelot m'arrache des pleurs; et il m'en fera long-temps répandre, si je dois vivre longtemps encore. C'est lui qui m'a perdu avec ma tendre épouse: et plût aux dieux que je n'eusse jamais reçu ce funeste présent ! Peutêtre avez-vous ouï parler de Procris9, sœur de la célèbre Orithye. A comparer sa beauté, ses mœurs, avec celles d'Orithye même, elle méritoit plus qu'elle d'être enlevée. L'amour nous unissoit; Érechthée son père me l'accorda.

J'étois heureux; elle partageoit mon bonheur. Nous le goûterions peut-être encore; les dieux en ont ordonné autrement.

Deux mois s'étoient passés depuis notre hymen. Un matin je tendois des toiles aux habitans des forêts sur les côteaux fleuris du mont Hymette; l'Aurore m'apperçut et m'enleva dans son char. Qu'il me soit permis de dire la pure vérité sans offenser cette jeune déesse. Je reconnois qu'elle est parfaitement belle, que la fraîcheur de son teint est rehaussée par l'éclat des couleurs les plus brillantes, qu'elle a son empire dans cet intervalle qui est entre la nuit et le jour, et qu'elle boit le nectar dans la coupe des dieux: mais je dois avouer qu'il me fut impossible d'oublier Procris; jamais je ne cessai de l'aimer : seule elle occupoit mon esprit et mon cœur; je ne cessois de parler d'elle; et, regrettant toujours les délices dont je m'étois enivré avec une épouse si aimable, j'en entretenois continuellement la déesse.

L'Aurore fut piquée. Cesse tes plaintes, ingrat, dit-elle; va retrouver ta Procris, aimela un jour, si je sais bien prévoir l'avenir, tu te repentiras de l'avoir aimée.

Elle me renvoie alors. En retournant vers Procris, je me rappelai les dernières paroles de la déesse. Je commençois à craindre que mon épouse ne m'eût été infidèle; sa beauté, son âge, m'autorisoient à le croire. Ses mœurs parloient pour elle: mais j'avois été absent; mais celle que je quittois étoit un exemple de l'infidélité des femmes; mais les amans sont toujours inquiets et soupçonneux. Je me détermine à me chercher des chagrins, à tenter par des présens la foi de Procris. L'Aurore seconde ce dessein et change ma figure.

J'arrive à Athènes, j'entre dans ma maison, maison chaste et où tout respiroit l'innocence et l'honnêteté, où tout marquoit de l'inquiétude sur l'absence du maître. Il me fallut recourir à mille stratagêmes pour trouver accès auprès de la fille d'Erechthée. Quoique triste et languissante, elle avoit conservé tous ses charmes; son affliction même sembloit la rendre encore plus intéressante. Jugez, prince, quelle devoit être cette jeune beauté, puisque la douleur même n'avoit point affoibli son éclat. Malgré les discours flatteurs que je lui adressai, elle ne paroissoit occupée que du desir de revoir son époux sa modestie

et sa retenue lui faisoient repousser avec mépris toutes mes caresses. Vos soins empressés, vos sermens, disoit-elle, sont inutiles; mon cœur est tout entier à mon époux, et lui sera toujours fidèle.

Quel est l'homme sensé à qui cette épreuve n'eût pas suffi*? Mais je voulois absolument parvenir à me rendre malheureux. Je ne cessai point d'attaquer sa pudeur jusqu'à ce que, par des présens, par des promesses extraordinaires, je l'eusse ébranlée et rendue incertaine.

Perfide! m'écriai-je, je découvre le fond de ton cœur : cet amant prétendu, c'est moi, c'est ton époux; je suis le témoin de ta trahison.

Elle ne répond rien; mais, accablée de honte, elle sort en silence; elle fuit loin de sa maison, loin d'un époux cruel qui lui avoit tendu des piéges pour la faire succomber; et, détestant les hommes après cet exemple, elle s'occupe à parcourir les bois à la suite de Diane.

Quand je me vis abandonné, je sentis re

* Voyez le Curieux impertinent, comédie de Destouches, et une histoire qui se trouve dans Don Quichotte sous le même titre.

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