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succès fut prodigieux. La révolution du 20 mars 1815 ne changea ni leur manière de penser ni l'indépendance de leur langage; mais la seconde restauration mit bientôt fin à ces travaux, recueillis en volumes, dont plusieurs leur avaient suscité de nombreux désagrémens de la part des agens de l'autorité. Le 6o volume a donné lieu à un procès extraordinaire par la jurisprudence qu'il a consacrée. Ce volume renfermant des faits d'après lesquels les Chouans auraient commis, dans l'arrondissement de Vitré, des excès qui n'auraient point été portés à la connaissance de la justice, M. Béchu, président du tribunal de Vitré, regarda ces imputations comme calomnieuses, et porta plainte devant le juge d'instruction de Rennes, qui décida, contre le principe de la charte (que nul ne peut être distrait de ses juges naturels), que les auteurs du Censeur devaient être traduits au tribunal de police correctionnelle de cette ville, domicile de la partie plaignante. M. Dunoyer, n'ayant point déféré au mandat de comparution, fut arrêté en vertu d'un mandat d'amener; et M. Comte aurait subi le même sort, si par un trait d'adresse et de présence d'esprit assez remarquable, il n'eût renfermé dans sa chambre à coucher les agens qui s'y étaient introduits, et pris la fuite à la faveur d'un escalier dérobé. M. Dunoyer conduit à Rennes et déposé dans la prison de cette ville, y reçut, de la part d'un grand nombre d'habitans et de tout le barreau, les témoignages d'un vif intérêt.

Il fut défendu par son condisciple et son ami, M. Mérilhou, avocat à la cour royale de Paris, qui s'était transporté de cette ville à Rennes, où son zèle et ses talens ne purent sauver M. Dunoyer d'une condamnation,moins grave cependant que tant de précédens ne semblaient l'annoncer. MM. Comte et Dunoyer avaient publié, en novembre 1814, des Observations sur divers actes de l'autorité et sur des matières de lẻgislation, de morale ou de politique. M. Comte donna seul, en 1815, De l'impossibilité d'établir un gouvernement constitutionnel sous un chef militaire, et particulièrement sous Napoléon.

CONCUISTA (LE COMTE), chef d'escadre de la marine espagnole, fut nommé, en 1776, gouverneur des îles Philippines. Il rendit son gouvernement remarquable par le soin qu'il mit à protéger et à encourager l'agriculture, les fabriques, tous les établissemens u tiles; et il augmenta ses possessions des petites îles Batanes. Son plan de défense pour les ports de Cavite et de Manille fut si bien conçu, que lors de la guerre d'Amérique une escadre anglaise s'étant présentée pour s'en emparer, elle renonça à son projet sans avoir même osé les attaquer. Le comte de Concuista était à Manille lorsque le célèbre et infortuné Lapeyrouse y aborda. Le gouverneur lui fit l'accueil le plus distingué et le plus amical, et s'empressa de lui donner des instructions pour son voyage autour du monde. Après avoir servi son pays pendant cinquantecinq ans, le comte de Concuista

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est mort, presque octogénaire, à Malaga en 1805.

CONDORCET (MARIE-JEANANTOINE-NICOLAS, MARQUIS DE), naquit le 17 septembre 1743, à Ribemont près de Saint-Quentin, d'une famille du Dauphiné, une des premières qui pratiquèrent publiquement en France la religion réformée. Élevé au collège de Navarre, par les soins de son oncle, Jacques-Marie de Condorcet, évêque de Lisieux, il se livra aux sciences avec un tel succès, que n'ayant pas encore 16 ans, il obtint les suffrages de d'Alembert, de Clairaut et dè Fontaine, devant lesquels il soutint une thèse de mathématiques. Entré dans le monde à l'âge de 19 ans, sous les auspices de M. le duc de La Rochefoucault, qui lui fit obtenir une pension, Condorcet ne s'en livra pas moins à ses graves occupations; il publia, à l'âge de 21 ans, son Essai sur le calcul intégral, antérieurement traité par Euler et d'Alembert, mais qui, suivant le rapport de l'académie des sciences, renferme néanmoins une foule d'idées neuves. Ce fut cet essai qui fit avouer à Fontaine «qu'il était jaloux de ce jeune homme». Le Mémoire sur le problème des trois corps, parut en 1767 et en 1768; ces deux ouvrages furent réunis sous le titre d'Essais d'analyses, in-4°. Reçu, en 1769, à l'académie des sciences, il fit paraître de nouveaux mémoires sur le calcul analytique, qu'il refondit ensuite, et en forma un traité sur le Calcul différentiel et intégral, qui ne fut pas imprimé entièrement. Les académies de Paris, de Saint-Pétersbourg,

de Berlin, de Turin, et l'institut de Bologne, conservent dans leurs mémoires tous les autres travaux de Condorcet sur les sciences exactes. Capable de s'illustrer dans tous les genres, il entreprit bientôt les éloges des académiciens morts avant 1699, époque à laquelle l'académie des sciences fut renouvelée; il les publia en 1773, et fut adjoint à Grand-Jeande-Fouchy, secrétaire de l'académie. C'est alors que le janséniste Guettard lui fit cette réponse : «Vous ne me devez rien: si je

n'avais pas cru qu'il fût juste de » vous donner ma voix, vous ne >> l'auriez pas eue; car je vous »hais. » Condorcet marchait à grands pas sur les traces des plus illustres philosophes. Sabathier fit imprimer à cette époque le Dictionnaire des trois siècles, compilation infâme, dans laquelle Diderot est traité d'écrivain misérable, et Gauchat de grand homme. Condorcet écrasa l'auteur de ce dictionnaire dans 'les Lettres d'un théologien, et il annonça dans le même écrit aux prêtres, aux parlemens, aux nobles, aux rois, la décadence prochaine du despotisme. C'est au sujet de cet ouvrage, attribué d'abord à Voltaire, que ce grand homme disait qu'il fallait avoir 200,000 hommes à ses ordres pour publier de semblables lettres. En 1776, Condorcet fit paraître à Londres les Éloges et pensées de Pascal, avec des notes dans lesquelles il rétablit les écarts de ce philosophe célèbre à plus d'un titre. Pascal avait abaissé l'homme, Condorcet le releva; il fit voir que ses crimes, ses vices, sa faiblesse protvenaien

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des institutions sociales; mais qu'ils n'étaient point une preuve de l'existence de Dieu et de la vérité du christianisme. L'année suivante, Voltaire fit réimprimer cet ouvrage, et il y ajouta une préface remarquable. «L'homme «L'homme >> frivole, ou faible, ou ignorant, » dit-il, qui osera le lire ou le mé» diter, sera peut-être étonné d'ê>>tre changé en un autre homme... >> C'est un portrait fidèle, bien » plutôt qu'un éloge... Ce philosophe véritable tient Pascal dans sa >> balance, il est plus fort que celui >> qu'il pèse. » En 1777, Condorcet composa sa Théorie des comètes, qui remporta le prix à l'académie de Berlin, et la même année il fut chargé de faire l'éloge du duc de La Vrillière. «A Dieu ne plaise que »je m'abaisse jamais à louer l'o>> dieux dispensateur des lettres de >> cachet,» répondit-il au comte de Maurepas, qui lui faisait des reproches sur ce qu'il tardait à le faire. Cette liberté lui ferma les portes de l'académie jusqu'à la mort du ministre, arrivée en 1783. Le jour de sa réception, il prononça un discours sur les Avantages que la société peut retirer de la réunion des sciences physiques aux sciences morales. Dans l'éloge du chancelier de L'Hopital proposé par l'académie française, Condorcet avait voulu lier l'administration à des principes invariables, il s'était montré le défenseur des droits de l'homme; son discours ne fut point couronné, et le prix fut accordé à une déclamation de l'abbé Remi. Lié avec les philosophes qui illustrèrent cette époque, Condorcet ne négligea aucune occasion de servir

l'humanité; après avoir défendu la cause des Américains, il s'éleva avec force contre l'esclavage des Nègres. Il sentait que ce n'était que par degrés qu'ils pouvaient passer de l'état misérable dans lequel ils se trouvaient à celui de la liberté, et il donna les moyens de les faire parvenir insensiblement à la civilisation,dans ses Réflexions sur l'esclavage des Nègres, ouvrage publié sous le nom de Schwart, pasteur du StEvangile, et qui obtint le plus grand succès par l'élégance du style, aussi-bien que par la force du raisonnement. En 1786, Condorcet fut choisi par d'Alembert pour son exécuteur testamentaire, et il fut en même temps chargé par lui du soin de traiter la partie de l'Encyclopédie qui a rapport aux sciences exactes. Il avait été lié avec Turgot; dans la même année, il publia la vie de ce ministre, et il s'attacha moins à faire connaître l'homme d'état que le philosophe. Bientôt il fit paraître, sous le nom d'un bourgeois de New-Haven, ses lettres à Massei, auteur des Recherches historiques et politiques sur les États-Unis, lettres qu'il a continuées presque jusqu'au moment de sa mort, et qui sont le développement de son Système de gouvernement. Il s'y étend sur tout sur les moyens de rendre les élections le moins vicieuses possible, et il y émet cette théorie nouvelle d'admettre les femmes au droit de cité, et de les déclarer éligibles à toutes les places. En 1787, il donna la Vie de Voltaire, et fit voir comment tant d'ouvrages, et des ouvrages si différens,

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