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de nos devoirs et les motifs de notre conduite en cette vie, on conçoit que l'explication de la nature humaine et des problèmes qui s'y rattachent ait été regardée comme le but vers lequel tendent les efforts des philosophes, comme résumant l'esprit commun de leurs recherches les plus diverses et devant être le résultat définitif de leurs travaux : Ut et considerandis rebus humanis philosophia proprio fungatur officio. (Cicéron Tusc. III, 16.)

C'est le sens de la maxime de Socrate: Connais-toi toimême (1), et des définitions anciennes et modernes les plus célèbres. Toutes assignent à la philosophie deux grands objets: Dieu et l'homme, la connaissance de l'homme comme conduisant à la connaissance de Dieu. Sapientia autem est, (ut a veteribus philosophis definitum est,) rerum divinarum et humanarum, causarumque quibus eæ res continentur, scientia. Cic. de Off. II, 2. (2)

III. Un simple coup d'œil jeté sur l'histoire de la philosophie nous fera voir que, si, sous ce rapport, l'idée qu'on s'est faite de cette science, dès l'origine, a dû se modifier et se développer, elle est, au fond, restée la même sous la diversité de ses formules.

Vers les premiers temps de la philosophie en Grèce, apparaissent des hommes que le sens populaire a désignés sous le nom de sages. La philosophie fut donc primitivement, dans l'esprit des peuples, la sagesse même et la science par excellence. Bientôt, lorsqu'on se forma une idée plus juste des bornes du savoir humain, on reconnut que l'homme n'est pas fait pour posséder la sagesse véritable, et que la science absolue n'appartient qu'à Dieu. Pythagore fut, dit-on, le premier qui prit le titre plus modeste de philosophe.

A cette époque, la philosophie est presque exclusivement livrée à des spéculations sur le monde physique. La pensée de l'homme, avant de se replier sur elle-même, devait se

(1) Sur le sens de cette maxime, voy. Xénophon, Mem. Socr.; Platon, Ier Alcibiade et Apologie. Cicéron, de Legib. I, 22, 23.

(2) Sapientia est nosse divina et humana et horum causas. Sénèque, Ep. 89. -Hujus opus unum est de divinis humanisque verum invenire. Id., Ep. 90.

porter au dehors; le spectacle de la nature captiva d'abord ses regards.

Deux siècles plus tard parut Socrate, qui, pour emprunter les paroles de Cicéron, fit descendre la philosophie du ciel sur la terre (Tuscul. V, 4), et prit pour devise ces mots inscrits au vestibule du temple de Delphes : grádi sznurów, connais-toi toi-même. Cette maxime, que l'on place aussi dans la bouche des anciens sages, le premier il en comprit le sens et la convertit en méthode. Son disciple Platon et les philosophes qui vinrent après lui restèrent fidèles à la pensée contenue dans ce précepte. Lorsque, après le moyen âge, la philosophie, longtemps confondue avec la théologie, reprit son indépendance au XVIIe siècle, elle proclama de nouveau, par l'organe de Descartes, l'étude de la pensée humaine la base de la philosophie. Tel est le sens du principe posé par Descartes dans ces mots qui résument sa méthode: Je pense: donc je suis. Cogito: ergo sum.

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Tous les philosophes ont adopté ce principe, qui domine la philosophie moderne et fait son unité, comme la maxime de Socrate avait été le mot de ralliement des écoles de la philosophie ancienne.

En résumé : la philosophie est l'emploi libre et réfléchi de la raison humaine s'attachant à la recherche des principes. Envisagée comme science particulière, elle a pour objet spécial la connaissance de l'homme, qui elle-même conduit à la connaissance de Dieu. Les choses divines et humaines, autrement dit, les faits et les vérités de l'ordre moral, tel est son domaine propre, par opposition à celui des sciences mathématiques et physiques. L'étude de l'esprit ou de la pensée humaine est la base de toutes ses recherches et marque sa méthode. Elle étudie l'âme et ses facultés (Psychologie); elle fixe les règles pour la direction de l'esprit (Logique); elle détermine la loi de la volonté (Morale); elle remonte à la cause première d'où l'homme tire son origine, qui est son principe et sa fin (Théodicée). Tel est l'objet et le plan de ce Cours élémentaire de philosophie.

ART. II. — UTILITÉ ET IMPORTANCE DE LA PHILOSOPHIE.

Toutes les autres sciences, il est vrai, ont plus de rapport avec les besoins de la vie; mais aucune ne l'emporte sur elle. (ARISTOTE, Mét., liv. I.)

La philosophie est une des formes fondamentales du développement de l'esprit humain.

Comme la religion, les arts, la littérature, elle est née d'un des besoins les plus impérieux et les plus élevés de notre être celui de réfléchir, de nous rendre compte de toute chose, et surtout de nous-mêmes, de notre nature, de notre origine, de notre destination. L'homme peut-il faire un plus noble emploi de ses facultés que de les consacrer à la méditation de ces grands problèmes? (1)

Quoiqu'il soit au-dessous de la dignité de cette science de discourir sur son utilité, elle n'en offre pas moins de nombreux avantages à ceux qui en abordent l'étude avec des dispositions convenables (2). Ces avantages sont de deux sortes les uns, généraux, s'étendent à tous les hommes; les autres, plus particuliers, répondent aux divers états, situations ou professions de la vie. Nous les examinerons séparément.

:

I. Ávantages généraux. « Connaître et savoir, dans le but unique de connaître et de savoir, tel est le caractère de la science par excellence.» (Arist., Mét., I.) Le véritable savant trouve déjà sa récompense dans la pure jouissance qui accompagne la possession de la vérité. Née de l'amour

(1)« La plus belle, la plus agréable et la plus nécessaire de toutes nos cona naissances est sans doute la connaissance de nous-mêmes. De toutes les scien« ces humaines, la science de l'homme est la plus digne de l'homme. Cepen«dant cette science n'est pas la plus cultivée, ni la plus achevée que nous «ayons le commun des hommes la néglige entièrement. Entre ceux mêmes « qui se piquent de science, il y en a très-peu qui s'y appliquent, et il y en a encore beaucoup moins qui s'y appliquent avec succès. » (Malebranche, Rech, de la Vérité, préf.)

(2) Interrogez les philosophes; consultez Socrate, Platon, Descartes, Malebranche: les réponses de ces grands hommes vous ouvriront un nouvel univers... Ils se sont retirés au-dedans d'eux-mêmes et ils ont découvert un monde rempli de merveilles, que l'œil ne peut voir, mais dont les beautés ont mille fois plus de réalité que celles du monde visible. Ils ont reconnu que l'homme extérieur n'est pas tout l'homme, ni sa plus noble partic. L'esprit a été séparé de la matière; les ressorts cachés qui donnent le jeu à la pensée

du vrai, la philosophie est une science libérale et désintéressée, nihil sibi acquirens (Cic.), et « le plus noble des arts. (Platon, Phédon.) Comme les arts qui ont pour objet le beau, et qui sont appelés libres (ingenua), son effet est d'élever l'âme, de l'affranchir des préoccupations matérielles. Elle répond au besoin le plus élevé de l'esprit. « De même que nous appelons homme libre celui qui s'appartient et n'a pas de maître, de même cette science, entre toutes, peut porter le nom de libre. » (Arist., Mét., I.) Le plaisir qu'elle procure est lui-même libéral, liberalis quædam oblectatio. (Cicéron.) Il pourrait suffire aux âmes d'élite, à ces esprits rares, faits pour goûter et aimer la vérité en elle-même (1). (Voir le portrait du philosophe par Platon, Rép., V, et Théétète.) Mais son étude offre aussi des avantages plus positifs à ceux qui y cherchent autre chose qu'un aliment pour leur esprit et une jouissance d'un ordre élevé.

Dans la sphère spéculative, la connaissance des principes est nécessaire aux progrès de toutes les sciences. «< Sans les principes généraux, il n'y a pas de science. » (Aristote, ibid.) La science isolée des principes s'égare dans les faits de détail ou dégénère en routine. (Platon, Rép., V.) Le savant ne mérite ce nom que quand il est capable d'embrasser les objets de son étude dans leurs rapports et leur ensemble, de comprendre la méthode qui le dirige et de rattacher son savoir à un savoir plus élevé. (Ibid.) (2) Nul savant ne

ont été mis au jour; la raison, observée dans ses causes et dans ses effets, a été soumise à des lois, et alors, de connaissance en connaissance, elle a pu s'élever jusqu'au premier et unique régulateur, sans lequel l'ordre physique est impossible et l'ordre moral une chimère.

«Voilà quelques-unes des vérités que le genre humain doit à la philosophie. Sont-elles moins grandes, sont-elles moins belles que tout ce que nous ont appris l'astronomie et la chimie? Sont-elles moins étrangères à notre bonheur? Qui pourrait ne pas sentir que notre premier intérêt est de nous connaître nous-mêmes?» (Laromiguière, Leç. de Phil., t. I, 1re leçon).

(1) Raros esse quosdam, qui, ceteris omnibus pro nihilo habitis, rerum naturam studiose intuerentur;... et ut illic liberalissimum esset, spectare, nihil sibi acquirentem, sic in vita longe omnibus studiis contemplationem rerum cognitionemque præstare. Cic. Tusc. V, 3. Cf. Sénèque, Ep. 88 (de liberalibus studiis).

(2) La philosophie, en montrant les chaînes invisibles qui lient les uns aux autres les objets épars, essaye d'introduire de l'ordre dans ce chaos d'apparences discordantes, d'apaiser le tumulte de l'imagination, et de la ramener, par la considération des grandes révolutions de l'univers, à ce ton de tran

peut donc rester étranger à la philosophie. C'est ce qu'ont reconnu de tout temps les hommes de génie auxquels est dû l'avancement des sciences. Tous ont été plus ou moins philosophes: qui non una aliqua in re separatim elaborarint, sed omnia quæcumque possent... ratione comprehenderint. (Cic. de Orat. I, 3.)

L'utilité pratique, et toutefois générale encore de cette étude bien dirigée, n'est pas moins grande. Les questions relatives à l'homme et à la nature humaine ne sont pas seulement faites pour exciter au plus haut point notre curiosité : de leur solution dépend notre conduite morale. Comment l'homme pourra-t-il se diriger dans la vie, s'il ne sait ni ce qu'il est, ni d'où il vient, ni où il va, quò iturus, unde ortus (Sénèque), s'il ignore ses propres facultés et la manière dont il doit les employer, s'il ne connaît ni la cause première qui lui a donné l'être, ni la fin pour laquelle il a été créé ?

Vivit, et est vitæ nescius ipse suæ (Ov.) (1)

La substance dont il est formé est-elle matérielle ou immatérielle, immortelle ou périssable? L'âme doit-elle survivre au corps, ou partager sa destinée? Si ces problèmes sont les plus importants que l'homme puisse se poser, la science qui les étudie surpasse aussi toutes les autres en importance et en utilité. « Je trouve bon, dit Pascal, qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic mais ceci !... Il importe à toute la vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle.» (Pensées.)

La religion, dira-t-on, donne des réponses à toutes ces grandes questions. Sans doute: mais la religion et la phi

quillité et de calme, qui est à la fois le plus agréable pour elle et le plus conforme à sa nature. (Smith, Esq. de l'hist de l'Astronom.)

« La connaissance des principes ramène à une loi commune les phénomènes les plus divers et même les plus opposés en apparence; eile assimile, elle identifie des opérations qui semblaient être sans analogie: d'une multitude de parties isolées elle forme un tout symétrique et régulier; et, chose admirable, elle ajoute aux richesses de l'intelligence en réduisant le nombre des idées. » (Laromig., t. I, 1re leçon.)

(1)

Illi mors gravis incubat,
Qui notus nimis omnibus
Ignotus moritur sibi.

(SLNEQUE, Thyeste.)

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