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aussi en nous que nous en puisons l'idée claire et vraie. L'argument des causes finales, s'il est seul, nous représente Dieu plutôt comme architecte et ouvrier du monde que comme créateur; il ne peut établir l'unité de Dieu que par conjecture, et il laisse insoluble l'objection du désordre qui règne à côté de l'ordre dans l'univers. (Voy. Kant, Raison pure.) Réuni aux autres preuves, il ne perd rien de sa solidité; il se complète et conserve son avantage de produire une vive impression sur tous les esprits. La preuve ontologique, bien entendue, et rendue à sa réalité vivante, qui nous fait, en quelque sorte, sentir Dieu en nous comme présent à toute pensée, est irréfragable, sans pouvoir encourir le reproche de mysticisme. Enfin, les preuves morales nous révèlent un Dieu souverainement bon et juste, une Providence qui veille sur les lois du monde et sur les destinées du genre humain. Celle de Kant, en particulier, nous fait envisager Dieu à la fois comme souverain bien et législateur suprême du monde moral, comme pouvoir rémunérateur et vengeur; elle donne un gage certain de l'immortalité de l'âme et de notre destinée future. Mais ce n'est qu'autant qu'elle vient s'ajouter aux autres preuves, métaphysiques, physiques et morales. Autrement, elle ne donne qu'un Dieu sans volonté, ni liberté, ni amour, semblable à l'impassible destin ou à la Providence des stoïciens. On ne voit pas, d'ailleurs, pourquoi ce philosophe rejette les autres preuves, s'il croit pouvoir accueillir celle-ci. Elles sont toutes solidaires les unes des autres. On peut préférer l'une comme plus capable de produire un effet moral, de frapper l'esprit ou l'imagination; mais entre elles la logique n'a pas à choisir; elles sont toutes égales aux yeux de la raison; elles forment un faisceau indestructible que ne pourront jamais rompre les efforts combinés du scepticisme et de l'athéisme.

CHAPITRE II.

DES ATTRIBUTS DE DIEU.

«Que Dieu existe, qu'il soit souverainement puissant, sage, prévoyant et bon, qu'il soit le rémunérateur et le vengeur suprême, qu'il mérite notre admiration, c'est ce qu'il est facile de démontrer même par ses œuvres. »

(BACON, De Augment. liv. III, c. 2.)

MÉTHODE POUR DÉTERMINER LES ATTRIBUTS De Dieu. - En essayant de pénétrer les mystères de la nature divine, la raison humaine doit se sentir accablée de son insuffisance. Nous ne dirons pas toutefois, avec quelques philosophes, que nous devons nous contenter de savoir que Dieu est, sans vouloir expliquer ce qu'il est. Si la raison ne comprend rien de Dieu, elle ne doit pas même savoir qu'il existe : car, nous ne connaissons les êtres que par leurs propriétés. D'ailleurs, chacune des preuves de l'existence de Dieu nous révèle un des côtés de sa nature, un de ses attributs.

Il importe de se mettre en garde à la fois contre une audacieuse témérité qui voudrait tout expliquer et tout comprendre, et contre une excessive défiance qui, se résignant à tout ignorer sur Dieu, hors qu'il existe, débute par une contradiction et finit par un scepticisme qui ressemble beaucoup à l'athéisme.

Mais il faut une méthode sûre pour déterminer les attributs de Dieu. 1° Plusieurs de ces attributs sont contenus dans l'idée même de Dieu comme être infini, et il suffit du raisonnement pour les en déduire. Telles sont l'éternité, l'immensité, l'unité, etc. 2o D'autres ne peuvent être puisés que dans la connaissance de l'âme, cette image vivante de la Divinité. Nous ne pouvons nous former une idée de l'intelligence divine que par notre intelligence, de la volonté de

Dieu que par notre volonté ; mais pour transporter à Dieu ces qualités de notre nature, il faut les dépouiller de ce qu'elles ont en nous d'imparfait, les agrandir et les purifier. La raison rejette ce qui est fini et négatif dans la créature, elle conserve ce qui est positif et l'élève à l'infini. Autrement c'est prêter à Dieu les imperfections et les misères de notre nature et tomber dans l'anthropomorphisme. La vraie méthode est donc celle qui attribue à l'être parfait toute perfection réelle dans les êtres émanés de sa substance. Ce qui est bon, réel dans ces êtres, doit être éminemment dans la cause et l'être par excellence, via eminentiæ. Cette méthode exclut ou nie de Dieu tout ce qui est fini, et cette négation qui nie la limite ou la négation est une vraie affirmation. Elle est clairement indiquée par Descartes : « Pour connaître la nature de Dieu, autant que la mienne en était capable, je n'avais qu'à considérer de toutes choses dont je trouvais en moi quelqu'idée, si c'était perfection ou non de les posséder; et j'étais assuré qu'aucune de celles qui marquaient quelqu'imperfection n'était en lui, mais que toutes les autres y étaient. » (Disc. de la Méth., 5o part.) « Dieu a tout l'être de chacune de ses créatures, mais en retranchant la borne qui la restreint. Otez toutes bornes, ôtez toute imperfection qui resserre l'être, qui le limite et le rend imparfait, vous demeurez dans la perfection infinie de l'être par lui-même. » (Fénelon, Exist. de Dieu, 2o partie, ch. I.)

Ceci posé, on distingue deux sortes d'attributs dans Dieu : des attributs métaphysiques et des attributs moraux, et parmi ceux-ci, ceux qui forment la personnalité divine, et ceux qui constituent l'être moral.

SI. Attributs métaphysiques.

I. INFINITÉ. Dieu est l'être infini; par conséquent l'infini s'applique à tous ses attributs. « Il est infiniment tout ce qu'il est, infiniment puissant, sage, bon, etc. » (Fénelon.) Mais une difficulté s'élève. Le monde, quoique fini, s'il est distinct de Dieu, s'oppose à lui et le limite, à moins qu'il ne

τὸ ἐν καὶ τὸ πάν.

soit un pur néant. On est ainsi placé entre un double écueil : le dualisme et le panthéisme, celui-là qui maintient l'opposition des deux termes, celui-ci qui les absorbe dans l'unité et ne reconnaît qu'un seul être, à la fois l'Un et le Tout : La réponse est que la cause n'est pas limitée par son effet qui, au contraire, la manifeste. Le monde, créé par Dieu, ne peut s'opposer à lui qu'autant qu'il aurait une existence indépendante. Or, le monde n'est et ne subsiste que par Dieu; il reste dans une absolue dépendance vis-à-vis de celui qui est l'être absolu. Ainsi, sans s'absorber l'un dans l'autre, les deux termes conservent leur rapport. Loin que le fini s'oppose à l'infini et le limite, il est sa manifestation et révèle sa puissance.

II. IMMENSITÉ. L'infini qui répond à l'espace, c'est l'immensité. Dieu est immense, il remplit le monde entier de sa présence; mais sans occuper aucun lieu, ce qui le rendrait commensurable et divisible. « Les notions de figure, de divisibilité, de mouvement ne conviennent qu'à la matière et aux corps. Dieu n'est en aucun lieu, comme il n'est en aucun temps; car il n'a, par son être absolu et infini, aucun rapport aux lieux et aux temps, qui ne sont que des formes et des restrictions de l'être. Demander s'il est au delà de l'univers, s'il en surpasse les extrémités en longueur, largeur et profondeur, c'est faire une question aussi absurde que de demander s'il était avant que le monde fût, ou s'il sera encore après que le monde ne sera plus. » (Fénelon, Exist. de Dieu, 2o partie.)

III. ÉTERNITÉ. — L'infini par rapport au temps est l'éternité. Dieu est éternel: « On ne peut dire qu'il a commencé d'être, puisqu'il est la cause première et que, sans lui, rien ne serait. On ne peut dire non plus qu'il a été et qu'il sera, mais seulement qu'il est. » (Id., Ibid.) C'est ce qu'exprime ce beau passage du Timée de Platon : « Le passé et le futur sont des formes du temps, que nous appliquons, sans réflexion et sans fondement, à l'Etre éternel en disant qu'il a été, qu'il est et qu'il sera; tandis que, selon la vérité, il faut seulement dire qu'il est, le passé et le futur ne

convenant qu'à ce qui est dans le temps; car ce sont là des mouvements. Mais ce qui est toujours exempt de changement et de mouvement ne peut être soumis au temps, ni devenir plus vieux et plus jeune, de même qu'il ne peut être ni avoir été, ni être un jour, ni avoir, en un mot, aucun de ces accidents que donne la génération aux choses sensibles, puisque ce sont des formes du temps qui imite l'éternité et roule mesuré par le nombre. » (Timée.)

IV. UNITÉ, SIMPLICITÉ. — Il ne peut y avoir deux êtres infinis; deux infinis se limiteraient réciproquement et par là même ne seraient plus infinis. La simplicité et l'indivisibilité sont compris dans cet attribut. Un être divisible est par là même multiple dans sa substance. La substance infinie est donc une et indivisible.

V. IMMUTABILITÉ. Elle est comprise dans la perfection de l'être infini, comme le démontre Platon : « D'où lui viendrait le changement? Il ne pourrait lui venir que de luimême. Ce changement se ferait en mieux ou en pire; or, nous n'avons garde de dire de Dieu qu'il lui manque aucun degré de beauté et de vertu. » (Rép., II.) Ceux donc qui disent que Dieu s'associe au mouvement du monde nient en lui la perfection. L'être parfait c'est celui qui jouit de la plénitude de l'être, qui possède, non en puissance, mais en réalité toutes les perfections. C'est le sens de cette phrase d'Aristote : « L'actualité du bien est préférable à la puissance du bien et elle est plus digne de nos respects. » (Métaph. IX, ch. 11.) (1)

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Trois choses constituent la personnalité dans un être, 1° l'intelligence, 2° la volonté libre, 3° la capacité d'aimer et de sentir. Ces trois attributs de l'être moral doivent se trouver dans Dieu, s'il est autre chose qu'un être abstrait, une substance morte, une puissance physique.

(1) « Il faut d'abord présupposer que l'être qui est par lui-même et qui fait exister tout le reste, renferme en soi la plénitude et la totalité de l'être. » (Fénelon, ibid.)

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