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nestes conséquences dans toutes les divisions de la science. spéculative ou pratique qui a l'homme pour objet.

Les mêmes remarques s'appliquent à d'autres théories où l'on s'est efforcé de faire dériver tous les faits de l'âme, soit de la pensée, soit de l'activité volontaire. C'est mutiler la nature humaine que de simplifier ainsi le nombre des pouvoirs dont elle a été douée, et cela dans l'intérêt d'un système qui commence par faire violence aux faits afin de justifier d'avance ses fausses conséquences.

Il ne faut pas non plus multiplier outre mesure le nombre des facultés, comme l'a fait l'école écossaise ou le système phrénologique (Gall, Spurzheim).

Il est évident que plusieurs de nos facultés, la mémoire, l'imagination, le raisonnement, ne sont que des modes d'une faculté unique, l'intelligence; que, malgré la diversité des faits qui appartiennent à notre nature sensible (instincts, passions, désirs, sensations, affections, etc.), ces phénomènes relèvent d'une même capacité ou faculté qui est la sensibilité. D'autres modes mixtes, comme l'attention, la comparaison, la délibération, etc., appartiennent à l'intelligence et à la volonté.

Nous admettrons la division la moins systématique, celle du sens commun, qui est aussi la plus vraie. Elle partage tous les faits de l'âme en trois classes et reconnaît trois facultés principales: Sensibilité, Intelligence, Volonté.

Ces facultés, en effet, sont distinctes. Penser n'est ni sentir ni vouloir ; vouloir n'est ni sentir ni penser. Il est vrai que je ne puis sentir ou vouloir sans penser à quelque degré, ni penser sans que quelque sensation se mêle à ma pensée ou la précède, ni vouloir sans avoir conçu un but et être sollicité par quelque motif sensible ou rationnel; mais cela prouve uniquement la liaison intime et l'action réciproque de nos facultés. La pensée précède en réalité les deux autres faits. La sensation n'est telle qu'autant qu'elle est sentie, c'est-à-dire qu'elle tombe sous l'œil de la conscience. La volonté n'est rien sans l'entendement qui lui révèle son objet ou son but. Néanmoins, la sensation

étant le premier fait qui se produit dans l'âme et la sensibilité la première faculté qui se développe dans l'homme, c'est par elle que nous commencerons. Cette division sera d'ailleurs justifiée par l'analyse des trois facultés elles-mêmes.

Si ces trois facultés sont distinctes, il ne faut donc pas les croire isolées. Ce serait se faire de la vie intellectuelle une fausse idée que de s'imaginer qu'elles constituent dans l'âme autant de parties différentes (1), et, en quelque sorte, plusieurs âmes (triplicem animam, Cic.), pour emprunter le langage des anciens philosophes (Platon, Aristote). L'âme est essentiellement une et simple, quoique multiple dans ses pouvoirs et ses manifestations. « Toutes les facultés ne sont au fond que la même âme qui reçoit divers noms à cause de ses diverses opérations. » (Bossuet, C. d. D. 1.) Ces facultés et ces actes, tout en conservant leur caractère propre, n'existent et ne s'expliquent que dans leur mutuelle dépendance, leur solidarité et leur unité (2). L'âme humaine est à la fois sensible, intelligente et libre, libre en tant que raisonnable, douée d'une sensibilité qui s'allie à la volonté et à la raison, qui se développe par elles et concurremment avec elles, comme celles-ci ont, à leur tour, en elle la condition de leur développement.

Les sensations, les affections, les idées et les actes volontaires se combinent, se pénètrent et s'entremêlent sans se confondre, et cela dans le même instant, dans le même fait. De leur diversité et de leur unité résulte ce phénomène complexe qu'on appelle la vie. « L'homme est un, quoiqu'il soit composé de plusieurs parties. Et l'union de ces parties est si étroite qu'on ne peut le toucher en un endroit sans le remuer tout entier. Toutes ses facultés se tiennent et souvent sont tellement subordonnées qu'il est impossible d'en bien expliquer quelqu'une sans dire quelque chose des autres ». (Malebr., Rech. de la Vérité, liv. I, ch. 1.)

(1) Je ne vois point qu'on puisse tirer aucune utilité de cette façon de parler; il me semble plutôt qu'elle peut nuire en donnant sujet aux ignorants d'imaginer autant de diverses petites entités dans notre âme. » (Descartes, t. V II, p. 428.)

(2)« La volonté se retrouve dans la partie qui raisonne, le désir et la passion dans la partie dénuée de raison. » (Aristote, De Anima, I. III, c. ÎX.)

Nos facultés entrent simultanément en exercice. Dans l'enfant, au milieu des plus obscures déterminations de l'instinct et de la sensibilité, apparaissent déjà les premières lueurs de l'intelligence. Sentir suppose la conscience des sensations; il n'y a aussi qu'un être actif qui puisse éprouver le plaisir et la douleur. Sans doute, le développement des facultés humaines s'opère successivement. La sensibilité prédomine dans le premier âge de la vie ; la raison apparaît beaucoup plus tard; l'être moral s'achève par la volonté libre. Mais cet ordre indique seulement une prédominance, Les principales affections de l'âme, les jouissances morales, les formes les plus élevées de la sensibilité accompagnent ou suivent le développement de l'intelligence et lui sont subordonnées. De même, l'intelligence est la condition de la liberté, mais l'activité libre se retrouve dans toutes les opérations de l'esprit, qui deviennent volontaires après avoir été instinctives. Enfin, chacune des facultés générales de l'âme humaine en contient plusieurs qui ne peuvent éclore qu'au temps marqué par la nature, Bientôt leur jeu se combine avec celui des autres, et il devient impossible de les en séparer sans détruire l'unité du tout.

C'est ainsi qu'il faut comprendre l'homme intellectuel et moral, le plus complexe et le plus merveilleusement organisé des êtres sortis de la main de Dieu. La force qui le constitue est une nature douée de pouvoirs différents et de capacités très-diverses, qu'elle déploie dans leur richesse et leur variété, mais sans jamais perdre cette unité qui fait leur harmonie comme le premier attribut de sa sub

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Ordre à suivre dans l'étude des facultés de l'âme.

Quant aux distinctions à établir dans chacune des trois facultés générales, et à l'ordre à suivre pour les étudier, tout en évitant d'être trop systématique, nous tâcherons de procéder avec méthode. Pour chaque faculté nous essaierons de marquer son caractère propre et celui des faits qui lui appartiennent, de déterminer sa nature, sa loi et sa fonction.

C'est ce que nous ferons d'abord pour la sensibilité. Nous donnerons ensuite l'analyse de l'intelligence, des facultés intellectuelles et des opérations de l'esprit qui servent à acquérir, à conserver et à former toutes nos connaissances. Passant ensuite à l'activité volontaire, nous décrirons ses formes et ses conditions; nous aurons pour but surtout de mettre en lumière son caractère essentiel, la liberté.

Nous aurions dû peut-être placer l'analyse de l'intelligence avant celle de la sensibilité. Cet ordre est, en effet, le plus logique; car, si la sensibilité précède l'intelligence dans le développement de nos facultés, celle-ci seule rend compte des phénomènes sensibles. Les sentiments, les affections et les passions de l'âme humaine sont inintelligibles sans les idées auxquelles ils correspondent, qui les caractérisent et servent à les classer, telles que les idées du bien, du beau, du juste, etc. La sensation elle-même n'existe pour nous qu'autant qu'elle tombe sous l'œil de l'intelligence, homo cogitat quum intelligit, cogitat quum sentit, cogitat quum cupit. Les fonctions de la sensibilité sont subordonnées à celles de la raison.

Malgré ces raisons, nous suivrons l'ordre habituel qui est celui du développement des facultés humaines, et nous commencerons par la sensibilité.

CHAPITRE III.

SENSIBILITÉ.

Omne animal, simul ut ortum est,se ipsum et omnes partes suas diligit.

(Cic. De nat. deor. 1, 13.)

L'homme partage la capacité de sentir avec les animaux. Mais chez lui, elle a beaucoup plus d'étendue et une plus grande portée. Si, dans l'ordre intellectuel, la sensation n'est pas le principe de nos connaissances, elle en est la condition. Assujettie à des organes, notre intelligence ne se développe qu'à l'aide des impressions sensibles, et celles-ci se trouvent liées à nos conceptions les plus élevées. La sensibilité ne joue pas un moins grand rôle dans la vie pratique. Quelle place ne tiennent pas dans notre existence le plaisir et la douleur physiques, les peines et les joies de l'âme, les désirs, les sentiments et les affections! La passion ne détermine pas la volonté, mais elle influe puissamment sur elle. Les intérêts, non moins que les idées, sont les mobiles de la conduite des hommes. Sans prétendre approfondir ni explorer complétement cette région de l'âme humaine, nous étudierons la sensibilité, 1° dans ses caractères généraux; 2° dans les principaux faits qui lui appartiennent; 3° dans sa loi ou dans son principe, qui est aussi sa fin. Par là, sera marquée sa place parmi les autres facultés.

ART. I.

CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA SENSIBILITÉ.

Odi et amo. Quare id faciam fortasse requiris.
Nescio, sed fieri sentio.
(CAT. Carm. LXXXV.)

Les caractères de la sensibilité se reconnaissent facilement dans le fait élémentaire et simple de la sensation. Comme tout fait simple, la sensation ne peut se définir, mais

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