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SECTION DEUXIÈME.

THÉORIE DES FORMES DE LA PENSÉE ET DU
RAISONNEMENT.

CHAPITRE I.

DES IDÉES.

L'analyse des formes de la pensée et du raisonnement est l'objet de la logique pure, telle que l'a conçue Aristote. Elle se divise en trois parties principales correspondant aux trois formes de la pensée réfléchie, 1° concevoir, 2° juger, 3° raisonner. Le raisonnement, l'opération finale à laquelle les deux autres aboutissent et qui les comprend, se résout luimême dans le syllogisme, dont la forme parfaite est la démonstration. D'où il suit que la théorie du syllogisme est, à vrai dire, toute la logique. Tout y mène, y aboutit ou la complète (1). Une quatrième partie, la Méthode, à laquelle on assigne pour but de coordonner les idées (Port-Royal), a été ajoutée par les modernes : c'est la logique pratique, dont nous ferons une section à part.

Nous traiterons d'abord des idées.

L'étude des idées a déjà été faite en psychologie. Nous avons appris à connaître leur nature, leur origine et leur mode de développement dans l'intelligence humaine, ainsi que l'instrument qui sert à les former et à les communiquer, le langage. La logique reprend cette analyse, mais non pour

(1) La Logique ou l'Organum d'Aristote se compose de six traités rangés dans l'ordre suivant, et dont le syllogisme forme le centre: 1o Des Catégories (des idées générales); 2° De l'Interprétation (Analyse de la Proposition); 3 Premiers analytiques (Théorie du Syllogisme); 4° Seconds analytiques (Théorie de la Démonstration); 5° Topiques (Lieux communs du raisonnement); 6o Des arguments sophistiques (Sophismes).

la répéter; elle envisage les idées sous un autre aspect, non plus dans leur essence, leur contenu et leur origine, mais dans les formes diverses qu'elles prennent sous l'influence de la faculté de réfléchir ou de raisonner. Ces formes sont trèsnombreuses et l'objet d'une étude compliquée. Nous n'envisageons que les principales qui sont : la complexité, la simplicité, l'abstraction, la généralité, la vérité ou la fausseté, la clarté ou la distinction, nous bornant à indiquer les autres. La logique fait aussi connaître les moyens de donner à ces formes de la pensée la perfection désirable et de remédier à leurs défauts. En ce qui concerne les idées, les principaux sont la définition, lă division et la classification.

ART. I. DES DIFFÉRENTES ESPÈCES D'IDÉES.

§ I. Idées complexes, idées simples, idées concrètes, idées abstraites, idées composées. Divers modes de simplicité et de composition.

I. IDÉES TOTALES ET CONCRÈTES; IDÉES SIMPLES ET ABSTRAITES. Telle qu'elle apparaît d'abord dans l'esprit, la notion n'est pas simple, mais totale. Elle forme unë sorte de synthèse vague et confuse; nous apercevons les objets dans un ensemble indistinct où rien n'est démêlé nettement. En jetant les yeux sur la campagne, j'aperçois des plantes, des arbres, des animaux, tout un paysage qui se perd à l'horizon. Si mon regard se porte sur un objet particulier, je le vois d'abord dans l'ensemble de ses parties; mon attention vient-elle à se fixer, elle ne voit plus distinctement qu'une seule partie, elle est même obligée de ne considérer qu'une seule qualité qui elle-même se divise et s'offre sous divers aspects. Tel est le premier travail que l'esprit fait subir à la pensée, la première forme qu'elle revêt. De totale et de complexe elle devient partielle et incomplexe; de concrète, abstraite; de composée, simple. Nous avons vu combien le langage aide l'esprit dans cette opération et comment les idées s'incorporent ou se lient aux signes. L'idée

abstraite devient terme abstrait; l'idée générale, terme général. Ainsi se forment les éléments du jugement réfléchi ou de la proposition, qui elle-même sert à former le raisonnement.

On distingue, dans la connaissance simple ou abstraite, plusieurs modes d'abstraction ou degrés de simplicité, qu'il importe de ne pas confondre.

1o Le premier est la connaissance partielle ou par parties. Elle laisse substituer les parties intégrantes du tout. Ainsi, je distingue dans un arbre, le tronc, les racines, les feuilles, les fleurs et les fruits. Les idées que j'obtiens ainsi sont des idées incomplètes qui néanmoins ne sont pas simples chaque partie elle-même forme un tout concret, ce n'est pas encore l'idée abstraite proprement dite.

2o Le second mode est l'idée véritablement abstraite, celle non d'une partie réelle détachée du tout, mais d'une qualité envisagée comme si elle existait seule : telle est l'idée que j'ai de la forme ou de la figure des objets, indépendamment de la "aleur, de la saveur, etc. Cette notion est elle-même plus ou moins simple. Ainsi l'idée de l'étendue solide est moins simple que l'idée de surface; celle-ci l'est moins que l'idée de longueur, qui elle-même se divise en points. L'idée tout à fait simple est le dernier terme de la décomposition.

3o Le troisième mode est l'idée abstraite générale, dégagée de toute considération d'individualité et de particularité. Ainsi je puis considérer le triangle en général, indépendamment de toute propriété appartenant à un triangle particulier, tel que me l'offre la nature ou l'art, ou tel que le montre la figure que je trace moi-même sur un tableau. Je considère ainsi l'essence du triangle, sans faire attention à aucune autre qualité que celle qui est comprise dans l'idée même du triangle ou la notion que s'en forme l'esprit. C'est là le triangle véritablement abstrait, celui que l'entendement conçoit, et que la science étudie. (Voy. P.-Royal, Ire part., chap. V.) II. IDÉES COMPOSÉES ET COMPLEXES. L'idée est simple quand elle ne comprend qu'une seule qualité, qu'un unique point de vue; elle est le dernier terme de l'analyse. Mais après avoir décomposé, l'esprit recompose. A l'analyse

succède la synthèse. De plusieurs idées il refait une seule idée, qui alors est composée. Telle est l'idée du nombre qui se forme des unités réunies. Les parties sont rapprochées; les qualités elles-mêmes se groupent autour d'un mot qui les comprend et les résume. Ainsi se forment les idées composées, soit complexes, soit collectives, soit générales, avec leurs degrés de généralité et de composition. L'esprit forme des idées complexes en réunissant plusieurs qualités et plusieurs parties édifice, maison. En réunissant plusieurs objets, il forme des idées collectives: armée, parc, forêt. Il forme des idées générales en étendant une même qualité ou plusieurs qualités semblables à un certain nombre d'objets arbre, homme, animal. Il crée des êtres de raison, représentant des qualités abstraites: vertu, justice, humanité. Plusieurs idées abstraites se combinent en une seule idée : l'État, l'industrie, la science. Les mots prêtent ici leur service, et donnent de la consistance à ces notions. Celles-ci sont diversement complexes et composées. Les unes ne comprennent qu'un seul objet dans ses diverses parties: l'âme, le corps. D'autres embrassent la collection de plusieurs objets de même espèce. D'autres offrent une réunion de plusieurs qualités, objets ou rapports d'espèce différente: administration, gouvernement, législation, empire. Les plus complexes sont celles qui renferment tout un ensemble d'idées différentes représentées par un seul terme. Que d'idées diverses par exemple dans ce seul mot civilisation! Aussi ces termes n'ont de valeur et n'offrent de clarté à l'esprit qu'autant que nous avons décomposé toutes les idées particulières qu'ils expriment et que nous sommes capables de les retrouver. Autrement, ce sont des mots vides et vagues qui n'ont pour l'esprit rien de déterminé. Là est un des grands inconvénients attachés à l'emploi des signes. (V. suprà, p. 188.) — (Sur les idées simples, complexes, collectives, etc., voy. P.-Royal. Locke, Essais sur l'Ent. hum., liv. II. Leibnitz, Nouv. Essais, liv. II, ch. 2, 6, 12, 23, 24. Bossuet, Logique, liv. I.)

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Des idées générales. Extension et compréhension des idées générales.

Nous devons insister sur les idées générales. On a vu en quoi consiste l'idée abstraite. L'idée abstraite est d'abord individuelle. C'est la couleur de cette feuille de papier, la forme de cette table, de cette écritoire, et non la couleur, la forme en général. Par la comparaison, la qualité prise dans un objet particulier devient générale ou commune à plusieurs objets. Ainsi l'idée d'homme est d'abord celle d'un homme en particulier; l'idée de blancheur, celle d'un objet blanc que nous avons eu sous les yeux. Le cercle a été d'abord, pour nous, un cercle particulier. Les idées du cercle en général, de l'étendue, de la forme, de la couleur et toutes les idées générales sont le résultat de la comparaison et de l'abstraction. On distingue les idées générales collectives ou de genre et d'espèce, comme homme, arbre, animal, qui comprennent une collection d'êtres, et les idées générales simples, comme l'étendue, la forme, la couleur, qui ne désignent qu'une qualité prise en général.

Les idées, sous le rapport de leur généralité, présentent divers degrés. Ou la notion n'embrasse qu'un seul objet, ou elle comprend plusieurs objets, ou elle s'étend à tous les objets d'un même genre. Elle est individuelle, particulière, universelle. Les deux degrés principaux de généralité sont marqués par le genre et l'espèce. Le genre renferme plus d'individus et moins de qualités. L'espèce comprend plus de qualités et moins d'individus. Là-dessus est fondée une distinction trèsimportante en logique celle de l'extension et de la compréhension dans les idées générales. Une idée est plus ou moins étendue selon qu'elle embrasse un plus ou moins grand nombre d'objets; elle est plus ou moins compréhensive en proportion du nombre des qualités qu'elle renferme. Ainsi l'idée d'homme est plus étendue que celle d'Européen; celle-ci l'est plus que celle de Français, d'Anglais, d'Allemand. L'idée de triangle équilatéral est moins étendue que

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