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distingue. La sensibilité, c'est moi passif : la volonté, moi actif et libre; je participe de la raison, qui est l'essence commune de tous les esprits.

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« Il y a un soleil des esprits, qui les éclaire tous, beaucoup mieux que le soleil visible n'éclaire les corps; ce soleil des esprits nous donne tout ensemble et sa lumière et l'amour de sa lumière pour la chercher. Ce soleil de vérité ne laisse aucune ombre, et il luit en même temps dans les deux hémisphères; il brille autant sur nous la nuit que le jour ce n'est point au dehors qu'il répand ses rayons, il habite en chacun de nous. Un homme ne peut jamais dérober ses rayons à un autre homme on le voit également en quelque coin de l'univers qu'on soit caché. Un homme n'a jamais besoin de dire à un autre Retirez-vous, pour me laisser voir ce soleil; vous me dérobez ses rayons, vous enlevez la portion qui m'est due. Ce soleil ne se couche jamais, et ne souffre aucun nuage que ceux qui sont formés par nos passions. C'est un jour sans ombre; il éclaire les sauvages mêmes dans les antres les plus profonds et les plus obscurs: il n'y a que les yeux malades qui se ferment à sa lumière, et encore même n'ya-t-il point d'homme si malade et si aveugle, qu'il ne marche encore à la lueur de quelque lumière sombre qui lui reste de ce soleil intérieur des consciences. Cette lumière universelle découvre et représente à nos esprits tous les objets; et nous ne pouvons rien juger que par elle, comme nous ne pouvons discerner aucun corps qu'aux rayons du soleil. » (Fénelon, Existence de Dieu, Ir partie, ch. II, § 58.)

La Raison a plusieurs formes, qui ne doivent pas nous faire méconnaître son unité et son identité. La plus simple et la plus générale est le sens commun. C'est par elle que tous les hommes sont raisonnables et que, malgré la diversité des esprits et des opinions, ils reconnaissent certaines vérités ou principes invariables et universels. Les intelligences sont loin d'être égales; mais entre un pâtre ignorant et Leibnitz ou Newton, il y a moins de distance qu'entre l'animal le plus intelligent et le plus borné des

hommes. C'est le Verbe divin qui illumine tout homme venant au monde. La raison reçoit différents noms selon les divers objets auxquels elle s'applique. Il y a la Raison spéculative, qui s'exerce dans la domaine de la vérité pure ou de la science. La raison, dans son rapport avec la volonté, dans le cercle des vérités morales, s'appelle Raison pratique ou Conscience morale. En tant qu'elle discerne le beau ou apprécie la beauté dans les ouvrages de la nature et de l'art, elle se nomme le Goût, dont on a tort de faire une forme de la sensibilité. Un poëte a dit avec plus de vérité :

Le goût n'est rien qu'un bon sens délicat,
Et le génie est la raison sublime.

(CHÉNIER.)

Il importe de ne pas trop séparer, et surtout de ne pas opposer ces diverses formes de la raison. C'est la même raison qui conçoit le vrai, le beau et le bien, qui juge de la bonté morale des actions humaines, des vérités abstraites de la science et de la beauté des œuvres de l'art. On verra ailleurs (Certitude, Scepticisme) où conduit cette opposition de la raison à elle-même et la contradiction que l'on prétend établir entre ses jugements. L'opposition du sens commun et de la réflexion, de la foi et de la raison, du goût et du sens moral ou du sens spéculatif, n'est bonne qu'à ouvrir la voie au scepticisme et à ses dangereuses conséquences. (Voy. Scepticisme.)

CHAPITRE VI.

DU RAISONNEMENT

ET DES OPÉRATIONS DE LA FACULTÉ DISCURSIVE.

Après avoir étudié les facultés simples de l'intelligence, qui sont les sources immédiates de nos idées, nous devons procéder à l'analyse des opérations de l'esprit qui, nées de la réflexion, lui permettent de développer ses connaissances premières ou d'en acquérir de nouvelles. Considérées dans leur ensemble, elles constituent une faculté spéciale, le raisonnement, qu'il faut se garder de confondre avec la raison, et dont les actes sont soumis au contrôle de cette faculté supérieure. Toutes ont pour condition et pour instrument le langage, ce qui a fait donner à la faculté entière le nom de discursive. Elle n'atteint la vérité que d'une manière détournée et indirecte, s'aidant des notions immédiates fournies par les sens, la conscience et la raison. Elle représente l'activité de l'esprit travaillant sur ces données naturelles et primitives, et arrivant ainsi, comme par artifice, à de nouvelles connaissances. La première de ces opérations est l'attention, point de départ et condition de toutes les autres. L'attention, dont la loi est l'analyse, se continue par l'abstraction. Elle devient la comparaison lorsqu'elle s'applique à plusieurs objets. Celle-ci mène à la généralisation, qui forme les idées générales. Appuyé sur cette base des idées abstraites et générales, le jugement assemble ou sépare ces notions, par l'affirmation ou la négation. Enfin, le raisonnement lui-même, opération plus complexe, à laquelle toutes les autres aboutissent, compare les jugements entre eux pour saisir leur rapport au moyen d'intermédiaires. Il clôt cette série d'opérations et en utilise les résultats. Des idécs il tire d'autres idées; des jugements,

d'autres jugements, nous conduisant ainsi du connu à l'inconnu. Il féconde tout le travail antérieur de la pensée. Comme tout se résume dans cette opération finale, elle donne son nom à toutes les autres. Elle présente elle-même deux formes, l'induction et la déduction, celle-là allant du particulier au général, celle-ci revenant du général au particulier. Tel est le mouvement de la pensée. Les actes particuliers de la faculté discursive sont autant de pas ou de degrés qu'il importe de décrire avec soin, puisque de ces procédés régu– lièrement suivis naît toute la science humaine. Leurs formes et leurs lois appartiennent à la Logique; mais, ici, il faut constater la nature même des actes de l'esprit, qui constituent l'Entendement inférieur, comme s'appelle aussi cette faculté, et assigner à chacun sa place ou sa fonction dans le mécanisme de l'intelligence humaine.

ART. I.

DE L'ATTENTION.

« C'est proprement par l'attention que commence le raisonnement. >> (BOSSUET, Connaiss. de Dieu, ch. III, § 17.)

I. NATURE de L'ATTENTION. - L'attention n'est pas une faculté spéciale: c'est l'effort que fait l'esprit lorsqu'il se porte sur un objet particulier pour l'observer et l'étudier. Elle n'est que la volonté appliquée à la direction de l'intelligence (1). L'énergie développée dans cette action, la tension plus ou moins forte de nos facultés s'appelle attention (ad tendere).

Toutes nos facultés affectent dans leur exercice deux modes distincts et successifs. Elles entrent d'abord spontanément en action, sous l'influence de la seule nature. Puis, la volonté s'en empare, les concentre et les dirige; c'est ce qui est exprimé par ces mots voir et regarder, entendre et écouter, toucher et palper, penser et réfléchir. Avant de regarder, nous avons vu; pour palper un corps et l'examiner,

(1) « L'attention elle-même commence par la volonté de considérer et d'entendre.» (Bossuet, Connaiss. de Dieu, ch. III, § 17.)

il faut savoir qu'il est là, l'avoir vu ou touché; la réflexion est un retour sur une pensée antérieure.

Ces deux formes de l'activité de l'esprit présentent des caractères opposés. La première est spontanée et simultanée; elle embrasse l'objet dans son ensemble, mais sans en démêler nettement les contours et les parties, elle est vague et confuse. L'attention, au contraire, est libre: il dépend de nous de la donner et de la retirer, de la continuer et de la suspendre, de la maintenir sur le même objet ou de l'en détourner, de l'appliquer avec plus ou moins d'énergie et de persévérance. L'attention étant une concentration des forces de l'esprit, ne peut se fixer que sur un seul point. Sa loi est l'analyse, et la connaissance qui en résulte est partielle et successive. Mais aussi, elle a un avantage précieux : elle est claire et distincte. Ainsi l'effet principal de l'attention est la clarté et la distinction des idées.

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II. SON INFLUENCE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE NOS FACULTÉS. - L'attention a sans doute une grande influence sur le développement de nos facultés et sur la formation de nos connaissances. Cependant il ne faut pas la regarder comme le principe générateur de nos idées. L'acte intellectuel seul produit l'idée, et il est toujours spontané. Pour comprendre, il ne sufit pas d'être attentif; l'effort n'est pas toujours couronné de succès. Souvent la vérité 'nous apparaît sans que nous l'ayons cherchée, et lors même qu'elle est le fruit d'une recherche laborieuse, elle se révèle à nous subitement comme par une illumination soudaine. L'attention prépare l'idée, elle ne l'engendre pas. On voit ici le défaut du système qui fait de l'attention appliquée au sentiment le principe de nos connaissances. (Laromiguière, t. I, leçon IV.)

On a tort de placer dans l'attention la cause principale de l'inégalité des esprits. Sans doute, entre des intelligences égales, la paresse et le travail introduisent de grandes différences; mais le talent et le génie sont des dons de la nature et non des vertus. On aurait tort de prendre à la lettre le mot de Buffon: Le génie n'est qu'une longue patience, et d'y voir une définition du génie. Newton, interrogé sur la ma

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