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tendu que ce titre venoit d'acervus, parce que le b se changeoit souvent en v, et que c'étoit une imitation du Trésor, de Brunetto Latini; dissertation qui a fait bâiller tout l'Athénée; il a cité une foule de sonnets ou de canzonni, dans lesquels le poëte parle d'une ame qui pleure dans un cœur, d'un cœur qui se loge dans des yeux pour y voir la beauté, et qui, fuyant l'amour, se place ainsi devant sa flèche; des yeux assez imprudents pour un cœur à un combat où il ne peut trouver que la mort, etc. Il s'est fort égayé au sujet d'un pauvre Giacoco, ou Giacopo, on Giacopone, qui se fit fon pour devenir saint, et qui fut élevé à ce rang ainsi qu'à celui de poëte; double apothéose dont le professeur prétend n'avoir pas le droit de juger du moins, ajoute-t-il, il y a peu d'inconvénient à la première, mais il y en auroit à la seconde, si l'on vouloit prendre Giacoco pour modèle. Après s'être également moqué, et de la Vie des Saints, de Pierre Natali, et de la Légende dorée de Jacques Voragine, et des Constitutions des papes, appelées extravagantes, nom que personne n'a été tenté de leur ôter, il a prouvé l'ignorance où l'on étoit à cette époque, par celle d'un professeur qui mettoit Cicéron et Platon au nombre des poëtes latins, ne connoissoit ni Mévius, ni Plaute, et croyoit qu'Ennius et Stace étoient contemporains : très mauvaise preuve, à mon avis; car il ne faut jamais juger d'un siècle par un professeur, même d'Athénée. Et n'avons-nous pas vu, il y a quelques années, un homme qui fait l'important, et qui traite souvent les autres d'ignorants, écrire, dans un parallèle de César et de Robespierre, que César étoit devenu ambitieux en lisant les Vies de Plutarque, comme si on disoit que Louisle-Grand étoit devenn ambitieux en lisant le siècle de Lonis XIV, par Voltaire.

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Je voudrois bien rapporter tout ce que le cit. G. nous a dit de plaisant à l'occasion d'une femme qui professoit le droit à Bologne, et qui étoit si jolie qu'elle ne parloit que derrière un rideau, afin que la biauté d'icelle, dit Christine de Pisani, n'arrétát la pensée des oyants; et avec quelle coquetterie, en parlant de la voix douce de cet aimable professeur, le nôtre a adouci la sienne ! Mais je n'ai plus de place, et je dois parler des traits épigrammatiques que lui ont fourni l'histoire de Pierre d'Abano et de Ceco d'Ascoli. Pierre d'Abano fut accusé de magie. L'inquisiteur dominicain, que Paris avoit le bonheur de posséder, le cite à son tribunal; l'accusé se défend très-bien : il prouve même, par quarante-cinq arguments, que ce sont les dominicains qui sont les hérétiques. Il est absous; mais, ajoute le cit. G., cela n'empêche pas les accusateurs, convaincus d'hérésie, d'être toujours inquisiteurs pour la Foi. Cependant Savanarole, qui rapporte ce fait, dit que les dominicains furent bannis; et si le professeur rejette la dernière partie de ce récit, pourquoi admet-il la première?

Peut-être le cit. G. m'accusera-t-il d'être partisan de l'inquisition et des bûchers du Saint-Office; mais il se trompe, je n'ai jamais applandi à aucun genre d'inquisition, et il est bien des gens qui ne peuvent pas en dire autant. Ils ne devroient peut-être jamais en parler, car cela fait faire de singulières réflexions.

Ceco d'Ascoli fut plus malheureux que Pierre d'Abano; 'ses commentaires sur la sphère de Sacrobosco, et son poëme de l'Acerba, lui suscitèrent des ennemis; des querelles littéraires le firent accuser d'hérésie ; il fut brûlé vif. On voit encore, dit le cit. G., de grandes animosités entre les gens de lettres; mais on voit plus de bûchers dressés par la vengeance des plus forts, et j'ai dû remarquer cette différence entre les deux siècles;

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différence que certaines gens prétendent n'être pas l'avantage de celui-ci. Je n'ai jamais entendu comparer le quatorzième siècle et le dix-huitième. Si on vouloit les juger par le nombre de victimes immolées à l'esprit de parti, le jugement ne seroit pas en faveur du dix-huitième. Il s'élevoit alors de vives querelles sur des capuchons plus ou moins pointus; mais si l'on persécutoit dans des temps d'ignorance pour la forme d'un capuchon, n'a-ton pas persécuté, dans un siècle de lumière, pour la couleur d'un bonnet? A.

LV.

Sur la Critique (1).

S'IL s'agissoit de développer les avantages de la critique et les résultats heureux qu'elle peut produire, je n'aurois rien de mieux à faire que de citer l'excellent recueil dont j'annonce le quatrième volume; lorsqu'annuellement on voit extraire de trois ou quatre journaux une suite aussi intéressante de pensées et de principes de morale et de littérature, on peut sans doute applaudir les écrivains qui, pour éclairer l'esprit public, pour arrêter le torrent du mauvais goût, pour ramener aux idées vraies et solides, ne dédaignent pas le travail ingrat et sans gloire que demande la rédaction d'un écrit périodique. C'est leur payer une partie de la reconnoissance qui leur est due, c'est ajouter à l'utilité de leurs efforts; enfin, c'est rendre un service essentiel aux lettres, à la mole, que de sauver de l'oubli et de présenter, avec

(1) Cet article a été fait à l'occasion de l'annonce de ce Recueil dans la Gazette de France.

Tome V.

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une sorte d'ensemble, des morceaux choisis avec discernement dans le nombre de ceux qui paroissent journellement, et parmi lesquels il doit nécessairement s'en trouver de médiocres. Mais avant de faire l'éloge de la critique, peut-être faut-il répondre aux reproches violents qui lui sont adressés de tous côtés; peut-être fautil réduire à leur juste valeur ces clameurs qu'excite l'amour-propre blessé ; que la sottise répète et propage, et que l'esprit de parti envenime et rend furieuse, au point qu'une discussion littéraire est tantôt présentée comme un attentat, tantôt comme une conspiration politique, tantôt enfin comme une cause de décadence et d'opprobre national. Cette tactique n'est pas nouvelle. Boileau se plaisoit à la démasquer dans un temps où les Cotin, les Chapelain et les Scudéri voyoient avec rage leurs foibles productions vouées au ridicule et au mépris.

« Et Dien sait, aussitôt, que d'auteurs en courroux ;
>> Que de rimeurs blessés s'en vont fondre sur vous!
>> Vous les verrez bientôt, féconds en impostures,
» Amasser contre vous des volumes d'injures,
» Traiter en vos écrits chaque vers d'attentat,
» Et d'un mot innocent faire un crime d'état..... »

Apparemment cette triste ressource des mauvais écrivains du siècle de Louis XIV ne paroit pas à dédaigner pour ceux de nos jours, car ils font sur ces six vers toutes les amplifications possibles : celui-ci prétend prouver qu'on dégrade la France aux yeux des nations étrangères, en ne vantant pas comme des chefs-d'œuvre et des modèles tout ce qui sort de nos presses. Cet autre, qu'on manque au gouvernement, en critiquant les écrits de quelques membres d'une société dont il protége l'institution; l'un assure que le talent est étouffé dès son berceau et réduit au silence par cette oppression

littéraire; l'autre demande une constitution qui fixe les attributions de la critique, et s'il se chargeoit de la rédiger, on pourroit la réduire à ces deux mots : Louer ou se taire, ce qui assurément seroit fort commode pour les mauvais auteurs, fort utile pour le goût et fort glorieux pour notre littérature, en supposant que les étrangers voulussent bien s'en rapporter au jugement de ces complaisants journalistes, et que l'empressement public et l'avis de la postérité confirmassent ces arrêts flatteurs. Mais il pourroit bien en arriver autrement, et j'observerai qu'on peut trouver quelques écrits pério¬ diques rédigés dans ce sens bénévole, et qui annoncent régulièrement trois cent soixante-cinq chefs-d'oeuvre par année, sans que les livres qu'ils ont ainsi vantés en soient plus connus et plus débités. Après tout, ce tribunal de la critique, si craint, si redouté; ces articles de feuilleton qu'un jour on feint de mépriser, que le lendemain on peint si formidables, sont-ils inévitables? Les journalistes courent-ils chez tous les auteurs, éditeurs, imprimeurs, pour guetter chaque production nouvelle et l'écraser à sa naissance? On se tromperoit de beaucoup si l'on s'imaginoit qu'il en est ainsi. Il n'est ni asile si retiré où le critique puisse se trouver à l'abri des sollicitations d'une foule empressée ; il n'est voile si épais dont il puisse se couvrir, sans que bientôt on ne le soulève pour obtenir son attention; il n'est prétexte ni raison qui puisse le dispenser d'accepter le mauvais ouvrage dont l'auteur lui détache, coup sur coup, les exemplaires. On va jusqu'à solliciter sa sévérité; n'estce pas lui donner le droit de l'exercer? Je sais que la critique doit avoir des bornes; je ne m'amuserai point à la diviser en genres et en espèces, à distinguer la critique amère de la critique douce, etc.... je dirai seulement qu'elle ne doit jamais s'étendre aux personnes, et

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