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incorrigible. Il résulteroit d'un tel raisonnement, que s'il y a à Charenton quelques fous furieux, il faut les en tirer pour leur faire leur procès, et se dépêcher de préparer une maison d'éducation, dans laquelle les juges enverront les voleurs de grand chemin qui n'ont point de bosses sur le crâne à certain endroit de l'occiput, entre l'organe de la prudence et celui de la dispute, pour en faire, avec le temps, de braves et honnêtes gens qu'on renverroit ensuite avec grand plaisir dans la société.

C'est bien dommage que cet habile homme se soit encore trouvé forcé, pour résoudre cette question, d'admettre la volonté de l'homme, qu'il n'ose pas nier, et de ne pas s'en tenir au seul fatalisme, qui est la véritable base de sa doctrine; sans cela la solution eût été bien plus facile, et même plus raisonnable : il eût prouvé que les voleurs étoient invinciblement déterminés à voler, les gendarmes à les arrêter, les juges à les condamner, les bourreaux à les pendre; qu'au fond personne n'avoit tort, et qu'au bout du compte tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles. La chose présentée de cette manière seroit, à quelque restriction près, fort goûtée dans les gorges des Pyrénées et dans les cavernes du mont Pausilype.

M. Gall est venu trop tard en France: vingt ans plus tôt, il y eût fait fortune avec les Mesmer, les Cagliostro, et tous les novateurs politiques et financiers qui accouroient dans la grande ville des quatre coins du monde; mais, quant à présent, nous pensons qu'il n'a rien de mieux à faire que d'aller rejoindre M. Fenaigle, lequel est déjà retourné, ce nous semble, de l'autre côté du Rhin, où il nous paroît que, sous bien des rapports, on est justement au point où nous étions il y a vingt ans.

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N.

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XXXIX.

Instruction pour les homme sans Dieu, tirée du portefeuille d'un grand philosophe.

D. PEUT-01

EUT-ON se passer de Dieu ?

R. Rien de plus facile et de plus commode.

D. Comment faut-il faire pour se passer de Dieu ? R. Il faut que les philosophes se chargent d'organiser et d'arranger le monde.

D. Quels sont ceux qui, les premiers, ont tiré le monde du chaos?

R. Thalès de Milet, Héraclite le pleureur, le rieur Démocrite, Epicure, Protagore, et deux ou trois cents philosophes grecs.

D. Avec quoi ces messieurs ont-ils fait le monde? R. Les uns avec de l'eau, les autres avec du feu ; quelques-uns avec de la terre.

D. Les philosophes modernes ont-ils été contents du monde tel qu'il a été créé par les anciens?

R. Ils l'ont trouvé indigne d'un siècle de lumières, et ils l'ont refait d'après les principes nouveaux.

D. Avec quoi les philosophes modernes ont-ils fait le monde ?

R. Avec de l'azote, de l'oxigène, de l'acide carbonique et de la potasse, qui sont les vrais éléments d'un monde bien constitué.

D. Comment les philosophes ont-ils fait l'homme? R. L'homme, entre leurs mains, a d'abord été une plante, puis un ver, puis une huître, puis un mollusque, puis un serpent, puis un loup, puis un oiseau; comme

on peut le voir dans le Nouveau Dictionnaire d'Histoire Naturelle.

D. Les philosophes ont-ils créé l'homme à leur image?

R. Pour la plus grande gloire de la philosophie, ils ont créé l'homme à leur image.

D. Qu'est-ce que l'homme?

R. C'est une bête brute qui est sortie de la terre comme les champignons; qui a long-temps rampé dans la boue, qui a vécu dans l'eau, qui a volé dans l'air ; c'est une plante, c'est une huître, c'est un serpent, c'est un ours, c'est un vautour, qui est susceptible de devenir philosophe.

D. Quelle est la qualité qui met l'homme au-dessus des autres animaux ?

R. L'homme n'est distingué des autres animaux, que par l'angle facial, selon les nouveaux philosophes, et par la forme des mains, selon Helvétius.

D. Dans quelle partie du corps humain les philosophes ont-ils placé la faculté de penser?

R. Dans l'abdomen ou le bas-ventre, qui est le véritable siége de la raison et de la sensibilité.

D. Il ne faut donc plus parler du cerveau?

R. Le cerveau est un mot de vieille école. Au lieu de dire: On m'a troublé le cerveau un vrai philosophe doit dire : On m'a troublé l'abdomen, Au lieu de dire d'un homme qu'il a mille projets dans la téte, on doit dire qu'il a mille projets dans le bas-ventre. D. Que faut-il faire pour former la raison et l'esprit de l'homme ?

R. Il faut lire la Mégalantropogénésie, ou l'Art de faire des enfants d'esprit, par M. Robert, du département des Basses-Alpes.

D. Quels sont les moyens que la Mégalantro

pogénésie enseigne pour créer de grands hommes ? R. Elle en conseille plusieurs : le plus efficace, celui qui est à la portée de toutes les mères, c'est de mandu miel de Narbonne et de boire du vin blanc de Chably.

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D. Quels moyens avons-nous de former la mémoire ?

R. On peut acheter de la mémoire comme on achète une pièce drap. On n'a qu'à s'adresser à M. de Fenaigle, qui en vend à juste prix, et qui apprend à retenir les noms des empereurs romains et des rois de France, pour la somme de soixante-neuf francs, dix

sous,

soixante centimes?

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D. Comment peut-on retenir les noms des rois de France et des empereurs romains.

R. Si vous voulez vous ressouvenir de Néron et de Caligula, songez à un ráteau ou à tout autre instrument de jardinage. Si vous voulez vous ressouvenir de Clovis, songez au fauteuil de Dagobert.

D. Quelle est la destinée de l'homme?

R. C'est de devenir philosophe, s'il le peut.

D. Comment peut-il y parvenir?

R. En diminuant les degrés de son angle faciale, et en exerçant ses mains dans toutes les occasions.

D. Après avoir vécu en philosophe, que doit-il devenir à sa mort?

R. Il doit retourner à sa première origine, et être rendu aux matières chimiques dont il est formé : il doit se changer en azote, en acide carbonique, en potasse; il doit redevenir un arbrisseau, un molusque, et s'estimer heureux s'il parvient à l'état de quadrupède. Un romain disoit en mourant: Je sens que je empereur deviens Dieu. Un vrai philosophe doit dire: Je sens que, je deviens béte.

D. Croyez-vous à la résurrection des corps? R. Je crois à la résurrection des corps par le du galvanisme.

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D. Quelle preuve en avez-vous ?

moyen

R. J'en ai pour preuve un dialogue que j'ai lu dans la Bibliothèque Britannique, entre un philosophe allemand et la tête d'un pendu, ressuscité à l'aide de la pile de Volta.

D. La philosophie peut-elle remplacer la Providence?

R. Les philosophes sont la Providence elle-même : le froid a-t-il gelé vos vignes? Ils vous feront du vin sans raisin; vos champs sont-ils privés de leurs moissons? Ils vous feront d'excellent pain sans seigle et sans froment; si l'Amérique ne produit plus de sucre, les mêmes philosophes en trouveront dans l'écorce de l'érable et dans la betterave. La philosophie, en un mot, est une providence qui veille sans cesse sur tous vos besoins, qui est toujours sous vos yeux, et qui communique tous les jours avec le public par la voie des journaux.

D. Quelles sont les consolations qu'offre la philosophie à ceux qui souffrent ?

R. Elle leur recommande de se révolter contre l'oppression, de briser tous les liens qui les fatiguent, d'exhaler leur humeur contre les institutions sociales, de chercher leur bonheur par tous les moyens qu'indique la sage nature; et quand la nature ne peut rien pour eux, la philosophie leur conseille de faire la restitution de leur être aux éléments.

D. Comment l'homme peut-il faire la restitution de son être aux éléments?

R. En se tirant un coup de pistolet dans l'angle facial, ou en se plongeant une épée dans le siége de la

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