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SÉANCE DU 4 JANVIER.

Le curé de Péronne est dénoncé comme ayant voulu exciter des troubles dans sa paroisse. L'abbé Maury prend sa défense, et s'attache à prouver que l'assemblée n'a aucune juridiction sur ses membres. Mirabeau :

L'affaire de Péronne ne me paraît devoir faire une question que pour ceux qui rêvent encore, appellent encore, invoquent encore les bailliages, et oublient que nous n'avons d'autres commettants que la nation.

On applaudit.

Ils oublient que la volonté bien connue de la nation est d'être représentée, et que nous, ses organes, nous avons droit de veiller à ce que sa représentation soit complète. Pour exercer cette surveillance, il est certain que nous sommes armés d'une juridiction collective. Ainsi de toutes parts les principes foudroient ces objections. Mais il est une motion d'ordre pour laquelle j'avais demandé la parole, et que je crois pressant de vous présenter. Des bruits appuyés par la dénonciation que vous a faite un des préopinants, des bruits que je ne rappellerai pas, dans la crainte de faire plus de bruit que de bien, m'ont suggéré une mesure instante que je vais vous proposer.

Dans cette conjoncture grave et pressante, où l'esprit inconstitutionnel de la majorité de nos prélats et d'un bon nombre de pasteurs inférieurs vient de nécessiter la vacance de tant de siéges et

d'offices ecclésiastiques, je crois devoir appeler un instant l'attention de l'assemblée sur quelques considérations et quelques mesures qui m'ont paru mériter d'être pesées dans sa justice et dans sa sagesse.

Premièrement, il n'est aucun citoyen sage qui ne regardât une longue interruption du ministère religieux comme l'assoupissement d'un ressort trèsnécessaire au zèle patriotique des peuples. Ce silence de la religion, il ne serait que trop facile aux ennemis de la constitution et de la liberté de l'indiquer comme le signal du moment à saisir pour tourner la force publique contre la révolution. Vous verriez bientôt le fanatisme s'agiter en tout sens pour présenter ce repos de notre institution évangélique comme la mort du christianisme, comme la préparation du renversement des sanctuaires, comme l'odieux monument d'une constitution impie, qui achèverait bientôt de détruire l'Église et son sacerdoce.

Secondement, sans examiner plus en détail cette situation des choses sous son aspect politique, vous serez touchés de la nécessité urgente et indispensable d'assurer à un peuple, dont vous êtes les libérateurs et les pères, la puissance de sa foi, de son culte et de ses espérances. Il a un droit sacré et journalier à toutes les consolations et à tous les secours de la religion. Il serait trop douloureux pour vous d'apprendre qu'au milieu de vos cités, la portion chrétienne de ceux qui les habitent cherche en vain autour d'elle son pontife, son guide, son pasteur; et que, dans les campagnes,

l'agriculteur agonisant est forcé de descendre au tombeau, privé de la douceur si chère à sa piété naïve, d'avoir vu la religion bénir son dernier soupir.

Troisièmement, nous ne pouvons nous dissimuler la grande difficulté qui s'oppose au prompt remplacement des évêques et des curés destitués de leurs offices par leur refus de prêter le serment relatif à la constitution civile du clergé. Cette difficulté consiste en ce que vous avez réglé, articles VII et IX du titre XI du décret du 24 août 1790, que, pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d'avoir rempli au moins pendant quinze ans les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse, etc., et que, pour être éligible à une cure, il faudra pareillement avoir, pendant un temps déterminé, exercé les fonctions du ministère dans l'arrondissement du district. Il est très-clair que l'observation littérale de cette partie, d'ailleurs purement réglémentaire de votre décret, est impraticable au moment où nous sommes, et invinciblement incompatible avec le besoin instant d'empêcher que le cours du ministère ecclésiastique ne subisse une suspension d'où résulteraient des conséquences funestes à l'ordre public, et principalement celle d'acharner l'obstination et les résistances, par l'espoir que la difficulté des remplacements engagera l'assemblée dans quelques mesures rétrogrades. Peut-être des départements entiers seraient-ils arrêtés durant des années, par l'impossibilité de faire tomber leur choix sur un

ami bien fidèle de la révolution, et de rencontrer un ecclésiastique doué d'un civisme incontestable. Il me semble que tout prêtre français doit en ce moment, au moins, être éligible pour toute la France. Cette universalité d'aptitude est même selon le sens et l'esprit d'une constitution qui a fondé l'unité indivisible de tous les citoyens sur les ruines de toutes les corporations, et de toutes les exclusions politiques et sociales. J'ai donc l'honneur de vous proposer de décréter ce qui suit :

<< 1° Que, relativement aux vacances des évêchés et cures qui pourront avoir lieu dans l'année 1791, tout Français prêtre qui aura exercé le ministère pendant cinq années, sera éligible soit aux évêchés, soit aux cures, dans quelque département que ce

soit.

«< 2° Que les évêques pourront, durant la même année, choisir leurs vicaires parmi tous les prêtres français qui auront exercé le ministère pendant cinq ans.

«3° Que les curés pourront, durant la même année, choisir pour vicaires tous prêtres français.

«< 4° Que le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »

Quelques amendements ayant été proposés, Mirabeau les comprend dans une nouvelle rédaction de son projet de décret; il est adopté en ces termes :

L'assemblée nationale décrète que:

« 1° Relativement aux vacances des évêchés, pendant l'année 1791, tout Français prêtre, actuellement curé, ou ayant été fonctionnaire public

pendant cinq ans, sera éligible dans tous les départements.

« 2o Relativement aux vacances des cures durant la même année, que tout Français prêtre depuis cinq ans sera éligible dans tous les départements. (Objet du troisième amendement.)

« 3o Que les évêques qui, durant la même année, seront dans le cas de choisir des vicaires, pourront les prendre parmi tous les prêtres français.

« 4° Que les curés qui, durant la même année, seront dans le cas de choisir des vicaires, pourront les prendre parmi tous les prêtres français.

«< 5° Que tout religieux ou ecclésiastique pensionné, déjà pourvu de vicariat ou de cure, ou qui y sera porté par choix ou par élection dans le cours de l'année 1791, conservera la moitié de la pension, indépendamment de son traitement. (C'était l'objet du second amendement.)

«6° Que son comité ecclésiastique lui présentera dans le plus court délai un projet d'instruction sur la constitution civile du clergé, pour être adressée aux directoires des départements, avec ordre de la publier incessamment dans toute l'étendue de leur territoire. (Premier amendement.)

«<7°Que le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. >>

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